La pratique de l’oraison produit de nombreux effets : déjà le fait d’arrêter volontairement toutes nos occupations pendant quelques minutes est important. C’est une occasion de prendre du recul par rapport à l’instant présent et de nous demander : Où est-ce que j’en suis ? Qu’est-ce que Dieu me demande en ce moment ?
Je veux ce que tu veux
Le principal fruit de l’oraison est qu’elle nous apprend peu à peu à quitter notre volonté propre et à vouloir ce que Dieu veut. La personne qui prie devient docile, disponible à tout. Elle est de plus en plus orientée vers Dieu
Le cours de nos pensées, tournées en général vers ce qui nous plaît, se dirige vers Dieu et vers les choses spirituelles. De cette façon, l’Esprit Saint est plus libre pour réaliser activement en nous son travail de rééducation et de sanctification. Maintenant, il le fait, non plus tout seul, mais avec notre participation.
Il agit dans le cœur profond. Mais comme nous sommes en grande partie aveugles, nous avons à peine conscience des richesses qu’il nous apporte.
Il nous sanctifie par sa présence. Il répand en nous ses grâces et nous réconcilie avec le Père.
En face de Dieu on ne peut plus cacher ses fautes. L’oraison, c’est l’heure de vérité. Elle nous permet de nous connaître et de changer. Alors l’Esprit Saint guérit nos blessures et efface nos péchés.
Il nous fortifie contre les attaques du démon, nous rend victorieux des tentations, en particulier de la chair. Il nous purifie lorsque le contact avec le monde corrompu (le mensonge, l’argent, les médias…) nous a salis.
Après des années d’oraison, on passe de la méditation des actions de Dieu, dans la Bible, à la contemplation de Dieu lui-même qui est à l’origine de ces actions.
Nous ne cherchons plus seulement les dons de Dieu, mais l’Auteur des dons, Sa beauté fascinante nous révèle qu’il est le bonheur, qu’il peut guérir nos tristesses et combler nos insatisfactions.
L’oraison donne le goût de l’Écriture Sainte et surtout de l’Eucharistie. Chez les prêtres, elle les aide à rompre avec l’habitude qui risque de faire d’eux des fonctionnaires de la Parole et des Sacrements.
L’oraison est un secret merveilleux. C’est comme si, avec un portable, j’étais devenu capable de communiquer avec le ciel, de dialoguer avec les trois Personnes divines, à tout moment. Elle me révèle que mon cœur est un paradis où Dieu se plaît.
Une vie plus sereine
La prière est source d’unité. Elle permet d’éviter la dispersion, le gaspillage des forces physiques et nerveuses. On accepte de ne plus tout diriger, de lâcher prise, de s’abandonner. On croit à la Providence. Quelqu’un s’occupe de nous : alors que nous étions inquiets, finalement tout s’est arrangé.
Sentiment de paix dans l’agitation ou l’inquiétude. Dieu est là. Sécurité, même au milieu du danger.
Au Congo démocratique, pendant la guerre, une femme fait 20 km avec une charge, dans une région où circulent des bandes armées. Une religieuse lui demande : « Vous étiez seule ? – J’étais avec Jésus ».
On vit dans le présent. On essaie de ne pas rêver au passé, ni de se projeter inutilement dans l’avenir. L’humeur n’est plus variable comme le temps. Soleil ou pluie, chaleur ou froid, qu’est-ce que cela ? L’important c’est Dieu. Lui ne change pas. Il est notre appui.
Chaque matin on se remet à la disposition de Dieu, entre ses mains. On quitte la maîtrise de ses projets personnels pour entrer dans le plan de Dieu, que l’on découvre peu à peu. On apprend à vivre au jour le jour. Bien sûr, on a un travail, un emploi du temps, mais sans s’y attacher. On est prêt à changer d’orientation si les circonstances le demandent.On s’adapte aux imprévus. Les contrariétés nous touchent moins.
Il y a comme une distance entre nous et ce qui se passe, et cela, même au milieu de grandes souffrances : l’homme qui prie en arrive à vivre dans la paix. Sa joie sereine, sa tranquillité et sa force viennent d’ailleurs. Les joies et les tristesses de la vie courante l’affectent moins. Ce qui le réjouit, c’est Dieu ; ce qui l’attriste, c’est le péché. Cette sérénité ne vient pas seulement de son tempérament ou de sa culture (Asie). Elle est un don de l’Esprit, basé sur la foi en la présence de Dieu en soi. Dans l’oraison « le Christ est notre repos et notre consolation » (St Bernard).
Plus de profondeur
On souffre d’entendre des conversations banales, superficielles ou grossières. Ce qui paraît important aux gens de la rue est bien pâle et nul à côté des choses de Dieu.
On éprouve une grande endurance face aux soucis, à la douleur, à la maladie, à la mort.
La prière fait tout juger d’une manière nouvelle, à la lumière de Dieu. Elle aide à résoudre bien des problèmes et permet de faire des choses qui paraissaient impossibles auparavant.
Une vie de charité
Le caractère s’améliore. Les défauts naturels s’effacent peu à peu, même s’il reste toujours des imperfections. On devient doux, facile à vivre.
Envers les autres, l’oraison change le comportement. Si Dieu est présent en moi, il l’est aussi dans mon frère, dans l’inconnu que je croise dans la rue. J’essaie d’aimer sincèrement ceux que je côtoie, comme Dieu les aime. D’où une grande bonté envers les personnes. On les regarde d’une manière nouvelle. Celui qui prie est plus attentif aux autres. Il y a chez lui une qualité d’écoute, devenue rare dans le bavardage actuel. A force d’écouter Dieu, on est porté à écouter les autres.
On ne classe plus les gens. Les parents essaient de ne pas juger leurs enfants. Vis-à-vis d’eux, ils se situent en gérants et non en propriétaires.
La prière permet d’aimer davantage ceux pour qui on éprouve de l’indifférence et même, ce qui est le sommet, d’aimer les ennemis.
Au plan de l’action, ces gens-là sont solides. On peut compter sur eux. Ils ne se déroberont pas dans les moments difficiles.
Les priants se reconnaissent entre eux et se retrouvent volontiers. Dans le milieu de travail, quand des personnes se réunissent pour prier, cela change beaucoup l’esprit du groupe.
Tout cela se fait par la seule Présence de la Sainte Trinité. Dieu agit directement sur l’âme du priant. Il opère tous ces changements d’une manière souterraine. Les effets sont rarement perçus, pourtant ils sont réels. « Tu as beaucoup changé », dit-on à celui qui prie. Pourtant, lui, s’en aperçoit à peine.
On ne perd jamais son temps à prier, même si on ne sent rien.
Quand je prie, même si je ne sens rien, je sais, dans la foi, que Dieu agit puissamment en moi et qu’il sauve le monde.
Abbé Yves JAUSIONS
Diocèse de Rennes, FRANCE
Dans : Oraison sans frontières, 2006.