1) L’intentionnalité
Le caractère intentionnel d’un acte, d’un traumatisme, en aggrave l’impact. Ce qui blesse, c’est la malveillance : « on me veut du mal !». Mais l’expérience a montré que souvent, au niveau individuel, les harceleurs cherchent toujours des excuses et invoquent l’erreur, la maladresse, la plaisanterie pour justifier leur comportement :
- « Je n’avais pas vue que cela était un problème pour lui/elle »
- « J’ai obéi aux ordres »
- « Je n’ai rien fait de grave, c’est lui/elle qui est trop sensible »
Ces dénégations peuvent être un habile stratagème (pas vu, pas pris), ou parfois un processus inconscient. On peut en effet avoir conscience que l’on blesse l’autre, mais ne pas supporter la mauvaise image que cela nous renvoie. Dans ce cas, la prise de conscience est immédiatement refoulée ou banalisée. C’est la tentative de faire oublier le mal commis, le refus d’admettre d’avoir agi avec une mauvaise intentionnalité : « Ce n’est pas grave, c’était pour rire ! » ou bien « C’est lui/elle qui était trop sensible ! »
Cependant, pour les victimes, il est fondamental que l’agresseur reconnaisse la violence de son acte, car, on est plus perturbé par un acte de violence dénié qui aboutit à faire douter de ses propres perceptions, que par un acte franchement et visiblement hostile auquel il est plus facile de répliquer.
2) La conscience qu’on a d’agresser l’autre !
Lorsqu’on parle d’intentionnalité, il faudrait ajouter « consciente » comme dans ce cas (j’avais envie de lui faire du mal) ou « inconsciente » (ex : je ne voulais pas lui faire du mal, mais c’était plus fort que moi, je n’ai pas peu m’empêcher de le blesser ou de le mettre en difficulté). Dans le dernier cas, on parle de compulsion malveillante.
L’intentionnalité vient des personnes qui dirigent les systèmes ou qui profitent des systèmes. En effet, la mondialisation, par exemple, n’est pas coupable en soi, même si chez les dirigeants, mégalomanes, elle donne libre champ à leur tentation hégémonique et si elle donne parfois des opportunités d’accroître leur puissance par n’importe quel moyen et de masquer leurs agissements destructeurs derrière des chiffres invérifiables. Il en est de même des restructurations, du PAS, qu’on ne peut pas incriminer de quoi que ce soit, car il s’agit toujours de personnes avides de pouvoir qui profitent de l’agitation ambiante pour masquer leurs agissements pervers, sans tenir compte de l’employé comme interlocuteur.
Nous devons apprendre à tenir compte de l’autre. Dans les procédés pervers, la violence commence par le déni de l’existence même de l’autre comme interlocuteur et dont le ressentiment nous importe peu.
3) Une maladresse relationnelle
Parfois on dit que le harcèlement peut être simplement la conséquence d’une maladresse relationnelle d’individus qui ne savent pas communiquer ou qui ont été mal éduqués. Dans ce cas, ils peuvent reconnaître leurs erreurs, changer de comportement et présenter des excuses. S’ils le font, on ne peut pas parler de harcèlement. Selon Aristote (Éthique à Nicomaque Pocket), s’il ne voit pas toujours le mal qu’il fait (présent), l’homme voit toujours clairement ce qu’il a fait (passé). Il peut donc reconnaître la faute qu’il a infligée à l’autre, la regretter, s’en excuser et éventuellement essayer de la réparer. C’est un fait essentiel pour la victime qui, bien souvent, ne demande rien d’autre que de la reconnaissance et des excuses.
Dans tout comportement, quelle qu’en soit l’intentionnalité, il y a une limite, un seuil au-delà duquel on entre dans la pathologie. Cette limite peut être objectivée, il y ce qui se fait et ce qui ne se fait pas en société, mais il y a aussi une part subjective dans l’atteinte ou l’impact, qui est ressenti par l’autre. Une personne peut être blessée même s’il n’y avait pas une volonté délibérée de lui faire du mal. Il y a une vulnérabilité relative à chacun, une réactivité particulière, et il est important de tenir compte de cette sensibilité ou de cette susceptibilité.
De la part des responsables, il n’y a pas toujours malveillance consciente dans le traitement qu’ils infligent à leurs employés, mais parfois simplement un manque de considération qui devient malveillant par les conséquences que cela entraîne et qui auraient du être évitées. Avec raison alors, l’employé se sent maltraité et s’exprime en ces termes : « on se fiche pas mal de ce que je ressens ! »
Aussi, même lorsqu’il n’y a pas intention de nuire, il est important que chacun sache tenir compte de l’autre et répondre de ses actes. Il nous faut apprendre à respecter l’autre et à tenir compte de sa culture, de ses différences et de ses fragilités éventuelles.
Abbé Robert ILBOUDO,
Archidiocèse de Ouagadougou