Selon certains individus, la chasteté serait nuisible à l'équilibre psychique de l’homme.
Il convient d’abord de préciser ce qui peut être objectivement nuisible à l’équilibre psychique de l’homme. Tout ce qui est contre l’homme et contre les lois d’une croissance harmonieuse de la personne est nuisible à l’équilibre psychique de l’homme. Tout ce qui satisfait les exigences plus profondes de l’être humain et le fait grandir comme une personne de manière intégrale ne peut pas être nuisible à l’équilibre psychique de l'individu.
Il faut toutefois reconnaitre que la nature de l’être humain en tant que sujet incarné, se présente comme lieu de pulsions, d'instincts, de tendances qui tendent à leur réalisation. Ainsi, la nature humaine est entre autres, un terrain de conflits internes. Cependant, il est évident que l'homme et la femme ne peuvent pas toujours satisfaire toutes les tendances, les pulsions instinctives qu'ils éprouvent sans le nécessaire discernement moral.
Un développement harmonieux de la personnalité exige nécessairement des choix et par conséquent des renoncements face à certaines tendances de l'être humain. C'est dans une telle perspective que se pose la question de la chasteté en relation avec l’équilibre psychique de la personne humaine. Dans ce sens le Conseil Pontifical pour la Famille écrit : « … Les enfants et jeunes doivent être encouragés à estimer et à pratiquer l’autocontrôle et la retenue, à vivre avec ordre, à faire des sacrifices personnels dans un esprit d'amour pour Dieu, de respect de soi et de générosité pour les autres, sans étouffer les sentiments et les tendances, mais en les canalisant dans une vie vertueuse » [1].
La pure continence en effet, supportée longtemps sans amour et sans la motivation d’un grand idéal, n'est pas l’expression d'une vertu, et peut être source de quelque forme névrotique. La chasteté par contre, est une vertu morale qui permet à l’amour humain de s’exprimer dans sa pleine vérité et intégrité, de manière juste et ordonnée dans le sens « du développement harmonieux et intégral de la personne vers sa maturation psychologique en vue de la pleine maturité spirituelle à laquelle sont appelés tous les croyants » [2]. Dès lors, la chasteté ne peut guère être considérée comme nuisible à l'équilibre psychique de la personne humaine.
FREUD a tenté d'expliquer le phénomène des névroses comme étant le résultat de la répression de la sexualité [3]. Or il n'y a pas de répression lorsque le contrôle de la sexualité est motivé par un amour supérieur. Par contre il peut y avoir répression lorsque le renoncement à la satisfaction d'une tendance est privé de motivation profonde, libre et consciente.
Dans la pratique de la chasteté, les renoncements doivent être consciemment assumes dans la joie et par amour en vue de la pleine réalisation de la personne. La chasteté ainsi bien comprise et vécue comme vertu morale constitue un puissant dynamisme libérateur de l’homme par rapport à son égoïsme et à son égocentrisme, et le rend capable d’ouverture profonde à une véritable rencontre, au dialogue et à la communion dans l’amour [4].
La chasteté est bien une vertu morale qui révèle la maturité psychoaffective de la personne et est nécessaire pour garantir l’équilibre de la personnalité. Elle permet au sujet de hiérarchiser ses facultés en toute liberté, de les harmoniser et de les orienter dans le sens de la croissance intégrale de sa personne. L’expérience enfin montre que chez tant d’individus (mariés, célibataires et personnes consacrées) qui pratiquent la chasteté avec amour, joie et sérénité, il n'a jamais été observé pour autant, une quelconque perturbation de type névrotique. La chasteté apparait plutôt comme une vertu nécessaire à l’édification de personnalités sereines et parfaitement équilibrées, capables d'aimer en vérité.
Dans la perspective de la promotion des valeurs morales face au SIDA, la famille assume une tâche particulièrement significative et irremplaçable.
Notes :
[1] Conseil Pontifical Pour la Famille, Vérité de la sexualité humaine, Typographie Vaticane, Rome, 1995, n° 58.
[2] Sacrée Congrégation pour l’Education Catholique, Orientations éducatives sur l’amour humain, Editions TEQUI, Paris, 1983, n° 34.
[3] Cf. FREUD S., Trois essais sur la théorie de la sexualité (1905), Gallimard Paris, 1962; « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes » (1908), in La vie sexuelle, P.U.F., Paris, 1969; « Le roman familial des névrosés » (1909), in Névrose, psychose et perversion, P.U.F., Paris, 1973; Malaise dans la civilisation (1929), P.U.F., Paris, 1971.
[4] La chasteté relève de la vertu cardinale de tempérance ou maîtrise de son affectivité. Au sujet de la tempérance (en relation avec la chasteté) on lira avec profit le remarquable ouvrage de Pascal IDE, Construire sa personnalité, Le Sarment FAYARD, Paris, 1991, pp. 234 - 311.
Père François SEDGO
Religieux Camillien
Dans : Prévention SIDA et éducation chrétienne de la sexualité humaine, 1998.
Pages 174-176.