Cathédrale de Ouagadougou, dimanche 12 octobre 2025

Chers membres statutaires de la Commission épiscopale des Courants spirituels

Chers frères et sœurs dans le Christ, la Paix soit avec vous !

Un syrien dans la Première lecture et un Samaritain dans l’Evangile de ce jour, tous deux guéris d’une maladie d’exclusion, la lèpre, nous donnent d’admirer la qualité de leur foi. Ils sont tous reconnaissants à Dieu qui est intervenu, en Miséricordieux, dans leur vie et les a réhabilités dans leur dignité d’enfants de Dieu.

Je voudrais souligner d’emblée deux faits de ces récits en lien avec notre présence particulière à cette célébration d’ouverture de l’Année des courants spirituels. Je terminerai ma méditation des textes bibliques de ce 28ème dimanche ordinaire avec vous, en orientant résolument notre vie vers le témoignage impératif du Christ ressuscité, à l’instar de l’Apôtre Paul dont la lettre que nous avons lue a été écrite en prison.

1. Un Syrien et un Samaritain.

C’est le premier fait que je souligne. Et que retenir de ces deux figures ? Retenons-en, frères et sœurs, que l’appel de Dieu retentit dans les cœurs bien au-delà des frontières d’Israël. Tous deux, le Syrien comme le Samaritain, ont été appelés par Dieu sans considération de leur provenance, de leur identité ou de leur rang social. C’est cela le propre de Dieu : il s’adresse à tous les Hommes ; sa Parole évacue tous les particularismes, alors que nous sommes toujours tentés de vouloir la monopoliser en défendant tel ou tel groupe (notre groupe), ou pour l’avoir entendue avant telle ou telle personne. Nous allons jusqu’à penser avoir des droits sur les autres, et en cela nous faisons voler en éclats l’Unité, la communion si chère à l’Église Famille de Dieu.

Frères et sœurs, et vous particulièrement, membres des différents courants spirituels, n’êtes-vous pas tous des Élus du Dieu Trine, Père, Fils et Saint Esprit, et par conséquent tous missionnaires, tous témoins du Dieu vivant ? Ici et maintenant, ne cachons pas la lèpre des courants spirituels ! Crions à Dieu le besoin de sanctification et de salut de nos MAGS (Mouvements, Associations et Groupes de Spiritualité) : « Oui, Jésus Maître, prends pitié de nous ! Prends pitié de la lèpre de nos divisions, de nos chasses gardées, de nos exclusions, de notre orgueil et de nos jalousies ! »

De fait, c’est au sein de l’Église et en respectant son organisation que se constituent les divers courants spirituels. Ceux-ci sont unis à l’Église qui elle-même est unie au Christ. L’unité autour du Christ est donc indispensable comme témoignage de crédibilité pour les courants spirituels. Et si cette unité demeure un chantier toujours ouvert et un défi à relever pour nous, elle est avant tout une prière de notre Maître, c'est-à-dire son profond souhait exprimé à maintes reprises : « Je ne te prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi Père, tu es en Moi, et Moi en Toi. Qu’ils soient Un comme nous. » (Jn 17, 20.21)

Ce n’est donc pas autour d’un slogan d’entrepreneuriat, ni d’une idéologie encore moins autour d’une sagesse illuminative que doit se constituer l’unité des membres des courants spirituels, mais bien autour de la Personne de Jésus, qui a pris chair de la Vierge Marie. Cette unité autour du Christ fait donc fi de nos différences individuelles et de nos tendances sectaires, pour créer une famille où nous sommes tous fermement établis frères et sœurs de Jésus, et entre nous.

En cette année des courants spirituels, je vous invite à conjuguer donc au passé vos écarts dans cette famille ecclésiale manifestés parfois par le non-respect de sa structuration organique et hiérarchique. Mettez fin à l’âpreté aux gains, à l’esprit de compétition et aux rivalités malsaines entre vous, aimez-vous les uns les autres et rassemblez le peuple de Dieu sous son seul chef, le Christ. Il connait vos provenances et appartenances diverses, vos charismes divers, mais Il vous veut un seul Cœur, un seul Esprit, une seule Ame. Oui, l’unité dans la diversité !

2. Allez-vous montrer aux prêtres

C’est le deuxième fait que je retiens de l’Evangile de ce jour comme annoncé. De cette recommandation aux dix lépreux de l’Evangile d’aujourd’hui, je voudrais souligner non seulement la conformité avec la Tradition juive, mais aussi et surtout avec la Tradition vivante de l’Église, et par conséquent, sa justesse dans l’Église Famille de Dieu au Burkina Faso et au Niger. Cette recommandation à la fois biblique et théologique doit servir de critère d’ecclésialité aux courants spirituels dans leur diversité de charismes et de provenance ; c’est une règle permettant de mesurer ou de vérifier l’appartenance de ces courants spirituels à l’Eglise Famille de Dieu.

« Allez vous montrer aux prêtres ». Jésus ne s’approche pas, il ne touche personne. A l’instar d’Elisée qui a dit à Naaman d’aller se baigner dans l’eau du Jourdain, Jésus aussi dit simplement aux lépreux : « Allez vous montrer aux prêtres ». Rien de spectaculaire, pas de geste magique, seulement une parole, un ordre à exécuter. Alors, qu’est-ce qui attire dans nos groupes de prière ? L’écoute de la Parole de Dieu ou sa méditation ? La recherche des miracles ou du sensationnel ? Le désir de se dérober à certains évènements de la vie ? La protection contre les dangers ? La fuite de la souffrance et des épreuves ? La recherche du bonheur terrestre ? Qu’est-ce qui nous attire dans les groupes de prière ? Sommes-nous comme les Juifs au temps de Jésus, à la recherche des signes ? Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions voir et te croire ? (Jn 6, 30). On ne vient pas à Jésus pour des miracles, mais on vient à lui pour confesser comme l’apôtre Pierre : Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. (Jn 6, 70) Les dix lépreux se mettent en marche, trainant encore leur maladie. Ils n’ont aucune preuve, certitude ou signe tangible que quelque chose se produirait, mais ils respectent le mot d’ordre donné par Jésus. Et en chemin, ils sont purifiés. La foi est obéissance à la Parole de Jésus.

Frères et sœurs, les courants spirituels demeurent des chemins à parcourir, s’ils veulent être ces lieux d’expérience de la vraie rencontre des uns et des autres avec Jésus, le Christ, la Source de la vraie guérison. Les MAGS (Mouvements, Associations et Groupes Spirituels) ne sont nullement en eux-mêmes des destinations, mais plutôt des points de top-départs des voyageurs de l’espérance, de la foi et de la charité à la rencontre de Celui qui les attend au bout du chemin. Ces groupes, loin d’être des fins en soi, existent pour servir la mission de l’Église. C’est ce que souligne à juste titre le décret du Concile Vatican II, Apostolicam actuositatem, sur l’apostolat des laïcs, au n° 19 en ces termes : « Les organisations ne sont pas des fins en soi, mais elles doivent servir la mission de l’Église envers le monde. Leur valeur apostolique dépend de leur conformité aux buts de l’Église, ainsi que de la qualité chrétienne de leur témoignage et de l’esprit évangélique de chacun de leurs membres et de l’association tout entière. » Vous comprenez alors l’importance de la communion et de la concertation avec les pasteurs, de leur écoute pour sentir les besoins de l’Église. Prenons donc conscience que les groupes spirituels nous aident tout simplement à faire un parcours ; le parcours de la foi, de l’espérance, de la charité, le parcours de la sainteté.

La vraie foi que nous admirons très souvent chez les uns et les autres vient toujours au bout d’un cheminement, plus ou moins long et c’est vraiment marcher avant de voir, surtout obéir avant de tout comprendre. Voilà ce qui est demandé à vous aussi, responsables de ces groupes. Se montrer aux prêtres est une exigence ecclésiale pour toute bonne marche de la pastorale dans un diocèse certes, mais cette obéissance à l’Autorité donne force et crédit à ce qui est proposé en Église en matière d’enseignement, de gouvernement et de sanctification.

A l’instar du lépreux revenu rendre gloire à Dieu à haute voix, vos pasteurs attendent de vous, membres des Mouvements, des Associations et des Groupes de Spiritualité, et surtout de vous, responsables de ces groupes, une vraie relation au Christ, une réelle communion à l’Église, une sincère gratitude à Dieu dans le témoignage d’une vie qui lui rend gloire. Alors, ne préférons pas seulement les dons du Seigneur ; ce serait nous tromper et nous aligner dans les rangs des consommateurs de miracles. Préférons plutôt le Seigneur Lui-même. C’est Lui qui a souffert la Passion, qui est mort et ressuscité pour nous.

3. Prendre sa croix et suivre Jésus

Pour terminer, rejoignons en guise d’autres pistes de méditation l’Apôtre Paul, qui écrit à son disciple Timothée depuis sa prison.

La prison. Elle dit et caractérise toute souffrance que peut engendrer certes une injustice commise ou subie. Ici, la prison est positivée, car celui qui s’y trouve est plein d’Espérance pour la cause qui l’y a amené : « C’est pour lui que je souffre, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la Parole de Dieu. C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent eux aussi le salut par Jésus Christ, avec la gloire éternelle ».

Frères et sœurs, tout au long de son ministère, Paul s’est heurté à l’opposition ; à celle des païens, sans doute, mais plus encore à celle des juifs et même à celle de judéo-chrétiens, marqués par le légalisme et le ritualisme, enfermés dans une vision particulariste de la religion.

Comment ne pas penser ici, à notre annonce de la Bonne Nouvelle, moulée dans notre pastorale parfois très attaquée et contre-attaquée par des prêcheurs non pas de la Croix du Christ, mais de l’Évangile de la prospérité, du bonheur, des propositions effrénées de miracles, amenant sans cesse les fidèles à courir d’une paroisse à l’autre, d’un diocèse l’autre. En prêchant l’Évangile de la prospérité, en évacuant la croix de nos vies, sommes-nous fidèles à Jésus qui, pourtant, exhorte qui veut le suivre à porter sa croix à sa suite ? La Croix est donc inévitable dans l’annonce de Jésus-Christ.

La préoccupation de vos Pères les Évêques, c’est l’envahissement de ces types d’apostolat dont bon nombre d’entre vous sont champions et pourvoyeurs de méthodes. Arrêtons cela, car cette pédagogie ne cadre pas avec les options fondamentales de notre Église Famille de Dieu. Ne transplantez pas sans discernement pastoral les pratiques et les habitudes d’autres cieux qui ne cadrent pas avec nos convictions, nos pratiques et les réalités de chez nous. Le concile Vatican II dans Apostolicam actuositatem, son décret sur l’apostolat des laïcs, affirme avec insistance qu’il n’est pas toujours opportun de transplanter sans discernement dans un pays déterminé les formes d’apostolat organisé qui existent ailleurs. Il nous faut donc beaucoup de prudence et de discernement pastoral. D’où la nécessité de l’accompagnement des groupes. Nous ne cesserons de le répéter, il faut que les groupes de prières se fassent suivre, accompagner par les prêtres de nos paroisses. Nos communautés chrétiennes ont droit à de bons pâturages, soyons vigilants pour ne pas leur causer de dommage spirituel.

4. Vivre dans la sainteté

Frères et sœurs, au sortir de cette assemblée générale et dans cette célébration eucharistique de lancement de l’Année des courants spirituels tâchons de vivre à fond le thème d’année des Courants spirituels : Unis au Christ et dociles à l’Esprit Saint, avec Marie, vivons dans la sainteté.

Que cette Année des courants spirituels nous ramène toujours dans cet esprit et surtout aux pieds de Jésus pour l’adorer et reconnaître ses bienfaits dans nos vies, dans celle des autres et du monde. Redoublons d’ardeur dans la prière pour la paix, la cohésion sociale et la fin du terrorisme dans nos pays du Sahel. Notre espérance est grande et notre confiance en Dieu, vainqueur des forces du Mal, demeure inébranlable. Que cette année triplement jubilaire dans notre pays et consacrée aux courants spirituels, soit une occasion d’enraciner les différents groupes de prière, les communautés et les associations dans le Christ, dans la doctrine de l’Église catholique pour jouer pleinement leur rôle missionnaire. Car l’Eglise existe pour évangéliser. Nos mouvements et courants spirituels existent pour évangéliser, à commencer par le témoignage de vie, une vie qui attire au Christ et qui donne à l’Église d’être attrayante. Je vous souhaite, avec les prières de Saint Joseph et de la Bienheureuse Vierge Marie, une sainte et fructueuse année pastorale. Bonne et sainte Année des courants spirituels. Que l’Eucharistie soit pour nous une source abondante de grâces et que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse. Amen.

+Prosper KONTIEBO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou
Président de la CECS

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