Beaucoup de personnes se demandent s’il est vrai que, d'après la Bible, il est interdit de manger ou boire certains aliments. Cette inquiétude surgit en elles à partir des conversations maintenues avec des gens qui, Bible en main, leur ont montré qu'il est interdit de manger du porc, du lapin, certains poissons et certains oiseaux... Certains disent même qu'il est interdit de boire du vin, des liqueurs, du café, du thé, du coca, etc.
Répondons donc à cette question.
Mais disons d'abord que, ce thème concernant les aliments étant l’un des plus clairs et simples à comprendre, il est pour nous une occasion de rappeler une autre vérité de base dans la lecture de la Bible.
Celle-ci n’a pas été écrite en un seul jour, mais a été rédigée durant une période de 2000 ans. Et lorsque nous lisons attentivement ce livre sacré, nous constatons une grande évolution doctrinale et morale tout le long de ses pages. Cela veut dire que, dans la Bible, tout n'a pas la même valeur, tout n’est pas en vigueur au même degré. Il y a donc une grande différence, malgré leur complémentarité, entre l'Ancien et le Nouveau Testament. On ne peut pas lire l'Ancien Testament de façon partielle et isolée, comme si tout en lui était une doctrine éternelle. Il nous faut toujours lire l’Ancien Testament à la lumière du Nouveau Testament. Et cela pourquoi ? Parce que Jésus-Christ, Dieu fait homme, est le centre du Nouveau Testament et la fin de toute la Bible. En plus de cela, Jésus-Christ, avec son autorité humano-divine, a corrigé et mené à leur perfection beaucoup de choses que nous pouvons lire dans l'Ancien Testament et, d'autre part, il a aboli des coutumes qui, pour les Juifs de l'Ancien Testament, étaient des pratiques très importantes. Et parmi celles-ci, on trouve la question des aliments.
1. La prohibition dans l'Ancien Testament
En lisant attentivement la Bible, nous remarquerons qu’à l’intérieur de l'Ancien Testament, il y a des traditions et des coutumes diverses concernant les aliments.
Les textes les plus anciens disent que tous les aliments sont bons. Que toutes les plantes et animaux ont été créés bons et sont au service de l'homme (Ga 1, 20-25 et 28-30). Il est dit expressément : “ Tout ce qui foisonne sur la terre est à votre disposition ; tout ce qui bouge et vit sera votre nourriture, je vous le donne tout comme les légumes ” (Gn 9, 2-3).
Mais nous lisons juste après, en Genèse 9, 4, que l'auteur sacré interdit de manger “ la viande avec son sang ". D'après plusieurs biblistes, ce verset serait un ajout ultérieur, résultat d'une relecture introduite par la tradition mosaïque. De toute façon, personne ne peut nier qu'on trouve dans l'Ancien Testament l’interdiction de manger certains aliments. Cette interdiction alimentaire est une des caractéristiques de la religion juive.
Les textes prohibitifs les plus fameux, que certains frères chrétiens ont l'habitude de nous montrer pour nous mettre dans le doute sont les suivants : Lévitique 11, 1-23 et son parallèle Deutéronome 14, 3-21. Il serait long de les transcrire ici. Tu peux les lire. Dans ces textes, on défend de manger du chameau, du lapin, du lièvre, du porc et une longue série d’animaux aquatiques, d'oiseaux et d'autres volatiles.
D'après les meilleurs biblistes, quelques-unes de ces interdictions sont très anciennes et elles ont été empruntées à d'autres peuples avant même la formation d'Israël en tant que peuple de Dieu. D'autres prohibitions ont surgi dans le peuple d'Israël dans le but de se distinguer et de s’écarter des peuples païens environnants et de leurs cultes idolâtres.
L'interdiction de manger de la “ viande avec du sang " est aussi très ancienne : on croyait que le sang était l’âme ou le lieu où l'âme résidait (Lv 19, 26 ; 17, 11 ; Dt 12, 23). Pour la même raison, on jugeait aussi impur tout animal qui n'avait pas été saigné et tout aliment qui entrerait en contact avec lui (Lv 1, 34 et 39).
La graisse des animaux (Lv 1, 22) était aussi interdite.
Sont aussi impurs et défendus tous les animaux d'une maison lorsqu'il y a un cadavre dans cette maison. “ Voici la loi quand un homme meurt dans une maison : quiconque entre dans la maison sera impur durant sept jours comme tout ce qui est dans la maison. Tout vase non couvert, sur lequel il n'y a pas un couvercle attaché, sera impur ” (Nb 19,14-15).
Nul doute que beaucoup de saintes personnes de l'Ancien Testament ont observé tout cela strictement. Certains préféraient même mourir plutôt que de manger ces aliments défendus. C'est ce que nous lisons dans le très beau récit de 2 Maccabées 6, 18-27. Car, d’après leurs croyances, le fait de transgresser ces interdits alimentaires pouvait être interprété comme une “ apostasie " ou comme une “ trahison de la religion juive ". Interdits alimentaires : ce qu'on appelle ici “ totem " et qui est tabou.
Mais ces interdits, c'est dans l'Ancien Testament qu'on les trouve et non pas dans le Nouveau Testament où ils ont été radicalement annulés par notre Seigneur Jésus-Christ.
2. Qu'est-ce que le Nouveau Testament nous enseigne à propos des aliments ?
Les interdictions de manger des aliments comme le chameau, le porc, le lapin, etc., étaient toujours en vigueur dans le judaïsme au sein duquel Jésus est né, a vécu et est mort. Mais comment Jésus a-t-il réagi face à ces interdits ?
L'attitude rénovatrice et libératrice de Jésus
Un jour, Jésus appelle ses disciples et leur dit : “ Écoutez et tâchez de comprendre. Tout ce qui est extérieur à l'homme ne peut pas le rendre impur ; ce qui le rend impur, c'est ce qui est sorti de lui... ”.
Les disciples étaient tellement surpris d'une telle nouveauté que Jésus ajouta : “ Vous aussi, vous êtes bouches à ce point ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui du dehors entre dans l'homme ne peut le rendre impur ? Parce que cela ne va pas au cœur, mais au ventre, et finit sur le fumier. ” Donc, pour Jésus, tous les aliments étaient purs (Mc 7, 14-19). Et Jésus d'ajouter : “ Ce qui sort de l'homme, c'est cela qui rend impur. Car du cœur de l'homme sortent les réflexions malveillantes, les prostitutions, les vols, les assassinats, les adultères, la soif d'argent, les méchancetés, les perfidies, la débauche, l'envie, les blasphèmes, l'orgueil et la démesure. Toutes ces choses mauvaises viennent du dedans et rendent l'homme impur. "
La pratique des premiers chrétiens
Les Juifs continuaient à s'accrocher à leurs lois et coutumes concernant tous ces points, et faisaient de durs reproches aux premiers chrétiens convertis du judaïsme. De telle sorte que, dans les premières communautés chrétiennes d'origine juive, ce fut très difficile de changer de critères à propos des aliments. Même chez les apôtres, il y eut des réticences (Ac 10, 9-16 et 11, 1-18).
Même après avoir déclaré, au concile de Jérusalem, qu'ils n'étaient pas soumis à la loi de Moïse, ni à la circoncision (Ac 15, 1- 12), ils se sentirent obligés de faire quelques concessions par rapport à la coutume juive concernant les aliments, mais cela seulement pour certaines communautés isolées dont faisaient partie les judéo-chrétiens. En effet, comme le fait remarquer la Bible elle-même, beaucoup de judéo-chrétiens continuaient à être fortement attachés à la Loi de Moïse (Ac 15, 13-19 et 21, 20). Les changements ne sont jamais faciles ni rapides.
L’enseignement de l'apôtre Paul
C'est spécialement saint Paul qui, dans la ligne libératrice de Jésus, insiste auprès des chrétiens :
“Que personne ne vous critique pour ce que vous mangez ou buvez, ou parce que vous n’observez pas une fête, ou une nouvelle lune ou le Sabbat.
“Tout cela n'était que des ombres et la réalité, c'est la personne du Christ... Si, avec le Christ, vous êtes morts à tous les règlements du monde, comment peut-on vous faire la leçon comme si vous y viviez encore : ne prends pas ça... ne goûte pas ceci... ne touche pas cela... ! Tout cela paraît sage, très religieux et très humble... mais c'est inefficace. . . ” (Col 2, 16-17 ; 20-23).
Dans sa première lettre à Timothée, Paul blâme ceux qui défendaient, entre autres choses, de manger des aliments créés par Dieu pour qu'on en use et qu'on lui en rende grâces ! “ Tout ce que Dieu a créé est bon, et aucun aliment que l'on mange avec action de grâce n'est à rejeter puisque la parole de Dieu et la prière l'ont sanctifié. Expose tout cela aux frères, tu seras un bon serviteur du Christ Jésus ” (1 Tm 4, 3-6) (1 Co 6, 13 et 8, 7-13).
Et concernant le vin ?
A) Dans l’Ancien Testament nous trouvons beaucoup de textes qui se rapportent à la vigne et au vin. On interdit le vin à la famille sacerdotale d’Aaron (Lv 10, 9-11).
Quelques groupes religieux particuliers ne prenaient pas non plus de vin, comme on peut le lire dans Jérémie 35, 5-7. Mais en général, la vigne est le symbole d'Israël, et l'on fait l'éloge du vin lorsqu'il est pris de façon modérée (Is 5,1-7 ; Pv 9, 2-5 ; Si 31, 25-30 ; Ct 4, 1 ; Ps 104, 15). Le vin était aussi utilisé lors des sacrifices (Ex 29, 38-40 ; Nb 15, 10).
B) Dans le Nouveau Testament, Jésus change l’eau en vin lors des noces de Cana (Jn 2, 1-11). D’autre part, Jésus lui-même a pris du vin (Mt 11, 19 ; Lc 7, 34) et le présente comme symbole de la Nouvelle Alliance (Mt 9, 17 ; Jn 15, l-6). Enfin, Jésus célèbre son dernier repas avec du vin qui devient son propre sang (Lc 22, 14-20 ; 1 CO 11, 17-27 et textes parallèles).
C) Quant à l’apôtre Paul, il recommande à Timothée : “ Ne bois pas que de l’eau. Prends aussi un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquentes faiblesses " (1 Tm 5, 23). Mais autre chose est de s'enivrer, car cela est un péché contre la dignité de la personne (1 Tm 3, 3-8 ; Ti 2, 3) et cela peut même être mis en rapport avec le commandement divin : “ Tu ne tueras point".
3. Considérations finales
Il est clair, mes chers lecteurs, que ceux qui font des problèmes pour des questions de nourriture ou de boisson, même s’ils le font la Bible à la main, n'ont pas bien lu “ toute " la Bible. On dirait qu'ils ne sont pas encore arrivés au Nouveau Testament.
Rappelons-le, Jésus a enlevé à tous ces rituels leur caractère sacré : dans la création rien n'est impur. Les lois de pureté de l'Ancien Testament ont été écrites il y a longtemps et, comme le dira saint Paul dans l'épître aux Galates (4, l-7), le peuple de Dieu était alors comme un enfant à qui l'on devait donner des règles précises pour le former. Et l'apôtre nous dit : quand est venue la “ plénitude des temps ", lorsque le peuple de Dieu est devenu adulte, ces règles ont perdu leur raison d'être.
Si des chrétiens veulent adopter un mode de vie végétarien ou refuser l’alcool comme un témoignage qui aide leur milieu, ils peuvent le faire. Mais il ne faut pas qu'ils disent pour autant que cela fait partie de la foi, ni qu'ils jugent ceux qui gardent leur liberté par rapport à tout cela. Sinon ils porteraient atteinte à la transcendance du salut chrétien qui dépasse toute question de “ manger ou boire (Rm 14, 17). N'oublions pas ces deux règles d'or :
* Dans la révélation de Dieu il y a une évolution. L’Ancien Testament est comme l'ombre du Nouveau Testament. Il y a des choses qui ont été complètement dépassées (voir le caractère sacré du Sabbat ou l’interdiction de certains aliments).
* Pour une interprétation correcte de la Bible, ne sortons jamais une phrase de son contexte. Relisez ces thèmes. Consultez les citations bibliques. Ayez l’assurance que le Seigneur mettra sur vos lèvres la réponse opportune lorsqu'on viendra frapper à votre porte pour vous confondre avec ce genre de questions dépassées.
Pour réfléchir
1. Comment faut-il lire la Bible ?
2. Pouvons-nous nous accrocher à des textes isolés de I’Ancien Testament pour les appliquer à l’homme d’aujourd’hui ?
3. Entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament, y a-t-il une grande évolution doctrinale et morale ?
4. Que lit-on dans Genèse 1, 20-25 ?
5. Toutes les choses de la création sont-elles bonnes ?
6. Sur quoi était basée l’interdiction de certains aliments dans l’Ancien Testament ?
7. Quelle fut l’attitude libératrice de Jésus ?
8. Quelles concessions les juifs ont-ils faires aux gentils (non juifs) convertis au début de l’histoire de l'Église ?
9. Quelle doit être notre attitude aujourd’hui ?
Père Carlos Orduna Diez
Clerc de Saint Viateur
1999