Chers prêtres, chers religieux et religieuses, chers fidèles laïcs, nous sommes réunis en cette nuit pour célébrer le mystère de la naissance dans notre monde du Fils de Dieu pour nous sauver. A travers le signe de la présence du petit Enfant de Bethléem,dans la crèche,entouré de Marie et de Joseph, nous sommes en présence de Dieu qui a fixé sa tente parmi nous. Joyeux Noël…Pour entrer dans une compréhension plus profonde de ce mystère de Noël, je vous invite à méditer la liturgie en portant notre attention sur trois points : d’abordle temps de l’Avent, temps d’attente et de conversion est un temps de prise de conscience de notre besoin de salut. Ensuite la Parole de Dieu nous révèle Dieu qui nous parle à travers les évènements et les prophètes, ses messagersnous conduisent à la rencontre de sa parole ultime et définitive dans son Fils Jésus de Nazareth. Enfin, nous sommes invités à tirer les conséquences du mystère de Noël pour notre vie personnelle et communautaire.
1. Le temps de l’Avent, un temps d’attente et de prise de conscience de notre besoin de salut
Le temps de l’Avent qui nous a permis de vivre dans l’attente et la conversion a été aussi un temps pour mieux faire la vérité sur la misère et la pauvreté de nos vies.Un chant de la liturgie du temps de l’Avent nous permet de prendre conscience de la situation dans laquelle l’humanité se trouvait et de son besoin de salut et d’un Sauveur. En parlant du Sauveur, la liturgie nous fait proclamer : « Toi qui viens pour tout sauver, l’univers périt sans toi, fais pleuvoir sur lui ta joie. Toi qui viens pour tout sauver ». Ces paroles du chant liturgique disent une expérience commune que chacun de nous peut reconnaître : l’homme ne se suffit pas à lui-même. Il reste un mystère et il ne peut répondre tout seul à son besoin vital de se comprendre et de comprendre le monde. Ainsi, l’homme d’hier et d’aujourd’hui fait l’expérienceque sa vie et ses projets n’ont de sens que parce qu’ils sont portés par quelqu’un de plus grand, de plus puissant.Une vie humaine sans une ouverture à Dieu est une vie privée de sens. L’homme de tous les temps s’aperçoit au creux de son existence le caractère tragique de la vie. Il éprouve les blessures de la vie à travers ses échecs personnels et ses relationsparfois difficilesavec les autres. La famille humaine qui devait être le lieu de paix est souvent le lieu de tensions et de conflits. Pourrésoudre ce caractère tragique de la vie, l’homme cherche confusément la solution parfois dans des idoles et parfois dans le mystère de Dieu. En effet, le désir de Dieu est inscrit profondément dans le cœur des hommes. Cette analyse que nous venons de faire vaut pour les hommes de tous les temps. Mais aujourd’hui spécialement, quand nous regardons notre monde, nous pouvons voir que tant de personnes portent le poids de leur vie et ne savent plus où trouver un soulagement. Nous ne pouvons pas oublier la situation sécuritaire instable de notre pays qui a conduit tant de nos frères et sœurs à devenir des déplacés internes. Nous éprouvons le caractère instable et éphémère de notre vie. Chers frères et sœurs, ce sont toutes ces situations que nous vivons qui commandent et nous font crier vers Dieu espérant de lui le salut, le véritable Sauveur. La faiblesse et la pauvreté de la créature humaine font crier le besoin du salut, l’attente du Sauveur. Seul Dieu peut nous délivrer de notre situation.
2. La Parole de Dieu nous révèle la manière d’agir de Dieu dans l’histoire du salut
L’homme fait l’expérience de sa faiblesse et de sa pauvreté mais Dieu, qui aime sa créature, ne l’abandonne jamais. L’histoire de chacune de nos viesse rattache mystérieusement à l’histoire du peuple d’Israël parce qu’en Abraham, Dieu a choisi tous les peuples et toutes les nations de la terre. Ce que Dieu a fait et a réalisé pour son peuple, c’est en vue de sauver et de rassembler tous les enfants de Dieu dispersés. En choisissant Israël, Dieu aparlé de manières multiples et variées à travers les évènements et les prophètes, ses messagers. L’espérance de toutes les nations se condenseet trouveen l’espérance d’Israël son point culminant. Ce que chacun de nous fait comme expérience de l’épreuve, de la pauvreté et du besoin de salut, le peuple de Dieu, dans l’Ancienne Alliance,a vécu le même drame. Cette expérience d’Israël devient comme une pédagogie, une école pour aider les hommes, les peuplesà accueillir ce que Dieu avait préparé pour toute l’humanité. Cette pédagogie passe par une purification des attentes et des espérances.
Ainsi, le prophète Isaïe peut annoncer dans la première lecture, après une longue lignée de prophètes, que le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Isaïe parle du joug qui pesait sur le peuple, du bâton qui meurtrissaient leurs épaules, du fouet du chef de corvée qui ont été brisées. A l’origine de la joie, il y a le Seigneur qui brise tous les instruments employés contre les déportés.Israël vivait la nuit du désespoir car il connaissait l’échec, la déportation et l’esclavage. Dieu semblait avoir été incapable de sauver son peuple c’est pourquoi il est abandonné au milieu des ténèbres sans espérance. Ce peuple qui marchait dans les ténèbres renvoie à chacune de nos expériences de défaites, d’échecs.En plus d’annoncer la fin de toutes les misères, le prophète Isaïe annonce qu’un enfant va naître, un fils sera donné. Sur cet enfant, l’insigne du pouvoir est sur son épaule. Et le nom de cet enfant est bien particulier et révélateur de son mystère :Merveilleux-Conseiller, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. Ces paroles du prophèteIsaïecondensent sur la personne du roi tous les titres messianiques de l’Ancien Testament. La tradition chrétienne a interprété dans ce roi enfant, la figure de Jésus, l’Emmanuel, le Dieu avec nous. C’est ce que l’Evangéliste Saint Luc nous raconte dans le passage de l’Evangile que nous venons d’entendre. Saint Luc nous dit que la providence divine a su utiliser les décisions de l’Empereur Auguste qui demandait de recenser toute la terre pour permettre àJoseph et Marie d’alleràBethléem, la ville de David, le lieu où devait naître Jésus. Ainsi, Jésus s’insère dans notre humanité, en assumant toute l’histoire de la maison de David et toutes les promesses divines liées à la venue du Messie. L’Ange du Seigneur annonce aux bergers une Bonne Nouvelle : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur ». Notre foi reconnaît que cet Enfant de Bethléem est vraiment le Fils de Dieu lui-même, devenu homme pour sauver les hommes. L’histoire de l’humanité allait à la dérive et après avoir envoyé plusieurs de ses prophètes, Dieu décide d’envoyer son propre Fils pour qu’il soit notre Sauveur. En se faisant homme, Dieu nous communique sa divinité et ainsi, nous pouvons surmonter le drame de la mort qui anéantissait notre vie avec Dieu et notre vie avec les autres.
3. Les conséquences du mystère de Noël pour notre vie personnelle et communautaire
La naissance de Jésus de Nazareth dans notre monde réalise la communion de Dieu avec les hommes et la communion des hommes entre eux. Dans l’Enfant de Bethléem, Dieu s’est tellement uni à l’humanité si bien qu’il nous communique sa vie divine, il nous fait partager la même fraternité. Il brise ainsi les barrières que les hommes dressaient entre eux. L’Emmanuel, le Dieu avec nous se présente comme celui qui accomplit la longue attente et l’espérance des nations et du peuple d’Israël. Avec l’Enfant de Bethléem, Dieu vient vivre au milieu des hommes. Il scelle une alliance pour toujours avec chacun d’entre nous si bien qu’il partage les détresses et les angoisses de nos vies. La fête de Noël nous invite à soigner notre vie avec Dieu, à vivre dans son intimité, à partager sa vie, car notre vocation est de vivre avec Dieu afin de vaincre notre misère et notre pauvreté. En apprenant à vivre plus intensément notre relation avec Dieu, nous nous ouvrons aux autres. Nous devenons missionnaires. Noël nous fait comprendre qu’en devenant homme, Dieu s’est identifié à tout homme et nous invite à le reconnaître en chaque personne que nous rencontrons. Jésus s’est identifié aux exclus et aux derniers de la société. Il apporte la grande nouveauté de la reconnaissance de la dignité de toute personne. Toute vie est sacrée au regard de Dieu.
Dans sa lettre à Tite, Saint Paul nous enseigne qu’avec le mystère de Noël, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est cette grâce qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en homme raisonnables, justes et religieux. Célébrer Noël, c’est opter de vivre à la suite de l’Enfant de Bethléem, Jésus de Nazareth, l’homme véritable. Vivre en homme véritable est une forte invitation à la conversion de vie.Chacun de nous peut se demander ce que l’Enfant Jésus trouvera dans son cœur en cette fête de Noël. Jésus n’a pas été accueilli à Bethléem si bien que ses parents ont dû trouver une crèche pour qu’il vienne au monde. Jésuspourrait-il trouver une place dans notre cœur ? Dans nos familles ? Dans nos CCB ? Dans notre pays ? Nous sommes invités alors à faire de la place dans nos cœurs, nos familles et nos CCB, dans notre pays pour accueillir Jésus.
L’Enfant Jésus nous apporte la vraie joie, celle qui vient d’en-haut, de Dieu. La visite de Jésus chasse les joies éphémères et artificielles de nos vies et nous donne la paix qui vient de Dieu lui-même. C’est cette joie qui nous fait comprendre que même dans les situations difficiles nous ne devons pas perdre l’espérance chrétienne. Nous devons être les témoins de la joie et de la paix du Messie dans notre vie quotidienne.
Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir la grande nouvelle de Noël comme les anges et les bergers pour l’annoncer à tant d’hommes et de femmes qui vivent encore sans espérance, sans paix et dans les ténèbres de la mort. Que Dieu nous écoute et nous exauce.
+Prosper KONTIEBO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou