Excellence, chers prêtres, chers religieux et religieuses, chers frères et sœurs, notre Église famille diocésaine de Ouagadougou se rassemble en ce 29ème dimanche du temps ordinaire en communion avec tous les diocèses du monde pour célébrer l’ouverture du Synode sur la synodalité. Après l’ouverture officielle du Synode au niveau de l’Église Universelle à Rome, le dimanche 10 octobre 2021 autour du Pape François, chaque Église particulière est appelée à vivre un moment de grâce qui permettra à toute la famille diocésaine d’écouter le Christ et son Esprit, de s’écouter mutuellement, de se concerter en vue de « marcher ensemble », d’avancer au large. L’institution du Synode des évêques est un héritage du Concile Vatican II qui a voulu créer un instrument de communion qui permette aux évêques en collaboration avec le Pape de traiter avec science et prudence de certaines questions de grande importance en vue du bien de toute l’Église. Mais depuis ses débuts, le Synode des évêques a toujours été une réunion des évêques pour traiter des questions de la vie et de la mission de l’Église. Maintenant pour la tenue de ce Synode sur la synodalité, le Pape a voulu élargir la consultation pour que l’ensemble du peuple de Dieu entre dans le processus synodal de sorte que tous les fidèles et toutes les Églises locales deviennent protagonistes de la vie ecclésiale. Ainsi, pour ce Synode des évêques sur la synodalité, le Pape a décidé que les diocèses fassent un travail de fond qui permette de faire émerger les questions qui peuvent constituer des entraves pour la vie et la marche des communautés ecclésiales.

Dans l’idée du Pape, ce sont toutes les composantes des familles diocésaines qui sont appelées à être protagonistes du cheminement synodal durant la phase diocésaine (octobre 2021 – avril 2022). Autrement dit, tout ce qui concerne la famille des chrétiens, tout ce qui concerne l’Église est une affaire des fils et des filles de l’Église. Personne ne doit se considérer comme figurant car l’objectif du Synode est d’écouter, en tant que peuple de Dieu tout entier, ce que l’Esprit Saint dit à toute l’Église. Le cheminement synodal vise à favoriser une expérience vécue de discernement, de participation et de coresponsabilité, où la diversité des dons est mise au service de la mission de l’Église dans le monde. Le thème de ce Synode est : “Pour une Église synodale : communion, participation et mission”. Ce thème nous invite à avoir à l’esprit trois dimensions essentielles qui font de l’Église une communauté qui chemine ensemble, une communauté synodale. En nous orientant à réfléchir sur la communion, la participation et la mission, le Synode veut nous faire prendre conscience des conversions à faire dans notre manière de vivre en Église, de faire communauté et de réaliser la participation de tous à la mission de l’annonce de l’Évangile.

Dans ce sens, la Parole de Dieu que l’Église nous propose en ce dimanche est une opportunité pour mieux comprendre dans toute sa profondeur les enjeux de ce Synode sur la synodalité. D’une part, l’Évangile nous donne de contempler le désir naturel des Apôtres Jacques et Jean qui cherchent les premières places, les honneurs, la gloire et d’autre part les deux premières lectures qui synthétisent le parcours de Jésus en nous faisant voir qu’il faut qu’il passe par la souffrance, la mort pour entrer dans sa gloire. Le prophète Isaïe présente le Serviteur du Seigneur qui est broyé par la souffrance et à cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Quant à la lettre aux Hébreux, elle nous apprend que le Grand Prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché. Il y a donc un décalage entre ce que les disciples demandent à leur Maître et ce que le Maître lui-même fait comme option et se propose de vivre. La demande des premières places, des honneurs et de la gloire des fils de Zébédée est à l’opposé des sentiments contenues dans la prophétie d’Isaïe et dans le passage de la lettre aux Hébreux. Nous pouvons aussi constater que la réaction des autres disciples est loin d’être ce qu’on pouvait attendre des disciples de Jésus. Les autres disciples, en s’indignant de la demande de Jacques et Jean, nous font voir des sentiments de rivalités, d’envie et un esprit de calcul. Les disciples de Jésus jugent les mystères de Dieu avec l’étroitesse du regard humain.

Cette page d’Évangile nous donne de saisir les luttes d’influence et la volonté de puissance et de domination au sein du groupe de ceux qui suivent Jésus, au sein de l’Église naissante. Pourtant, les sentiments de Jésus se trouvent formidablement résumés dans ces paroles de l’Évangile : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Jésus se proclame lui-même serviteur car il est venu pour servir et il accomplit sa mission jusqu’au don de sa vie pour tous les hommes. Il nous montre le chemin en donnant sa vie comme modèle de service. L’Église, qui prolonge la mission de Jésus, ne peut être fidèle à son fondateur qu’en se mettant au service des autres, de l’humanité. Jésus signifie que toute la vie de l’Église est le prolongement de sa propre vie. Par conséquent, on ne peut concevoir la vie en Église que comme service à la suite du Maître.

En célébrant le cinquantenaire de l’institution du Synode des évêques (17 octobre 2015), le Pape François faisait une méditation qui tire les conséquences de cette page d’Évangile : « Ne l’oublions jamais ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui et toujours, l’unique autorité est l’autorité du service, l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : "Vous le savez : les chefs des nations (les) commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut parmi vous être le premier sera votre esclave" (Mt 20, 25-27). Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : dans cette expression nous rejoignons le cœur même du mystère de l’Église – "Parmi vous il ne devra pas en être ainsi" – et nous recevons la lumière nécessaire pour comprendre le service hiérarchique » . Parce que tous les chrétiens ont une égale dignité dans l’Église du fait de leur baptême, chacun doit se sentir impliqué dans le changement ecclésial. Personne ne doit être à la marge et se sentir inutile. Ce temps du Synode au niveau de notre Diocèse doit être un moment de rencontre, d’écoute, de réflexion en vue du discernement pour mieux collaborer à l’œuvre de Dieu dans notre histoire. C’est un temps de rencontre, d’écoute, de réflexion en vue du discernement qui doit se réaliser dans un climat de prière, d’adoration et d’ouverture à l’action de l’Esprit Saint. Ce cheminement commun nous conduira à renouveler nos mentalités et nos structures ecclésiales afin de vivre l’appel de Dieu au milieu des interpellations de notre époque. Notre effort d’écoute de tout le peuple de Dieu aidera notre Église à prendre des décisions pastorales qui correspondent le plus possible à la volonté de Dieu. Mais pour parvenir à cela, il faut une conversion de mentalité. En vue d’une telle conversion, dix pôles thématiques ont été déterminés pour aider les diocèses dans leur marche synodale et orienter notre travail de réflexion et de discernement au sein de notre famille diocésaine.

1/ Premièrement, il y a un ensemble de questions qui nous interrogent sur nos compagnons de voyage. Dans notre Église locale, quels sont ceux qui marchent ensemble ? Quels sont les compagnons de voyage avec qui nous cheminons, même en dehors du cercle ecclésial ?

2/ Deuxièmement, un ensemble de questions sur la qualité de notre écoute au sein de l’Église : Comment les laïcs sont écoutés, en particulier les jeunes et les femmes ? Comment intégrons-nous la contribution des personnes consacrées, hommes et femmes ? Quelle place occupe la voix des minorités, des marginaux et des exclus ? Comment écoutons-nous le contexte social et culturel dans lequel nous vivons ?

3/ Troisièmement, un ensemble de questions sur la communication libre et authentique au sein de nos communautés : Comment arrivons-nous à prendre la parole avec liberté, vérité et charité ? Qui parle au nom de la communauté chrétienne et comment ces personnes sont choisies ?

4/ Quatrièmement, un ensemble de questions sur notre façon de prier et de célébrer l’eucharistie de sorte à ce que tout cela inspire et oriente notre "marcher ensemble" : Comment encourageons-nous la participation active de tous les fidèles à la liturgie et à l’exercice de sanctification ?

5/ Cinquièmement, un ensemble de questions autour de la coresponsabilité dans la mission : De quelle manière chaque baptisé est-il acteur de la mission ? Comment la communauté soutient-elle ses membres dans leur engagement social et politique, dans la recherche scientifique, dans l’enseignement, la promotion des droits humains et la sauvegarde de la maison commune ?

6/ Sixièmement, un ensemble de questions sur le dialogue dans l’Église et dans la société : Quels sont les lieux et les modalités de dialogue au sein de notre Église particulière ? Comment sont gérées les divergences de vue, les conflits et les difficultés ? Comment l’Église dialogue-t-elle et apprend-t-elle d’autres instances de la société comme le monde de la politique, de l’économie, de la culture, de la société civile et des pauvres ?

7/ Septièmement, un ensemble de questions sur le dialogue avec les autres confessions chrétiennes : Quelles relations entretenons-nous avec les frères et sœurs des autres confessions chrétiennes ? Quels fruits avons-nous recueillis de ce "marcher ensemble" ? Quelles difficultés aussi ?

8/ Huitièmement, un ensemble de questions sur l’exercice de l’autorité et la participation : Comment est exercée l’autorité au sein de notre Église particulière ? Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité ? Comment sont encouragés les ministères laïcs et la prise de responsabilité de la part des fidèles ?

9/ Neuvièmement, un ensemble de questions autour du processus de discernement et de prise de décision : Avec quelles procédures et avec quelles méthodes discernons-nous ensemble et prenons-nous des décisions ? Comment peuvent-elles être améliorées ?

10/ Dixièmement, un ensemble de questions autour de la spiritualité de la synodalité : Comment formons-nous les personnes, spécialement celles qui occupent des rôles de responsabilité à l’intérieur de la communauté chrétienne, pour les rendre davantage capables de "marcher ensemble", de s’écouter mutuellement et de dialoguer ? Quelle formation au discernement et à l’exercice de l’autorité offrons-nous ? Quels instruments nous aident-ils à lire les dynamiques de la culture dans laquelle nous sommes immergés et leur impact sur notre style d’Église ?

Chers fils et filles de notre Église famille de Dieu à Ouagadougou, à travers toutes ces questions reparties en dix pôles, c’est un examen de conscience de notre vie ecclésiale. Pour le Synode, tout le peuple de Dieu dans sa diversité est invité à participer. Cette consultation vise à inciter chacun de nous selon l’expression du Pape François à rêver de l’Église que nous sommes appelés à être, à stimuler la confiance, à panser les blessures, à tisser des relations nouvelles et plus profondes, à apprendre les uns des autres et à redonner de la force à nos mains pour notre mission commune. Pour réaliser cette consultation dans notre Église famille diocésaine, nous aurons un temps relativement court parce que nous devons faire une synthèse au niveau diocésain et envoyer cette synthèse au niveau de la Conférence Episcopale qui fera une synthèse de la contribution de toute l’Église famille de Dieu au Burkina qui sera envoyée d’abord au niveau continental (SCEAM) puis au Secrétariat du Synode à Rome. A travers chacun de vous, délégués des paroisses, des CCB, des mouvements, associations, groupes et services, des communautés nouvelles, des consacrées, des catéchistes, des prêtres, ce sont toutes les composantes de notre famille diocésaine qui s’engagent à relever le défi du "marcher ensemble", de l’écoute mutuelle, du dialogue et du discernement, de sorte à éviter de reproduire dans notre Église ce que la page d’Évangile de ce dimanche nous fait entrevoir des ambitions démesurées et des rivalités des Apôtres. Mais qu’à la suite du Christ, le Grand Prêtre par excellence, le Serviteur souffrant, venu pour servir et donner sa vie pour la multitude, nous puissions construire notre Église Famille de Dieu dans la fidélité à ce projet de Dieu. Que Dieu nous écoute et qu’il nous exauce. Amen !

+ Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou