150ème anniversaire de la naissance au ciel du Frère Gabriel TABORIN

Textes : Ep 1, 3-12 ; Ps 97 ; Lc 10, 17-24

Révérend Frère Sylvain Zoungrana, Supérieur Provincial,
Chers frères de la Sainte Famille,
Chers frères et sœurs en Christ,

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus-Christ » Ep 1,3.

Par ces paroles de l’Apôtre Paul, nous nous unissons à la joie et à l’action de grâce des Frères de la Sainte Famille qui, en ce jour, commémorent par anticipation, le 150ème anniversaire de la naissance au Ciel du Vénérable Frère Gabriel TABORIN, leur Père Fondateur.

I- Action de grâce pour la vie du Vénérable Frère Gabriel Taborin

Dans l’évangile de la présente célébration eucharistique (Lc 10,17-24), le Christ Jésus ayant associé ses disciples à son œuvre de salut, exulte de joie et rend grâce à Dieu son Père qui révèle aux humbles et aux petits, les mystères du Royaume du Royaume : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Nous sommes donc invités à entrer dans la joie spirituelle du Christ et à rendre grâce à Dieu, pour son serviteur le Frère Gabriel Taborin dont la vie tout humble et cachée et les œuvres sont les signes d’une âme embrassée par Dieu. En effet, le récit de sa vie nous révèle sa Foi vive, sa piété sincère, sa fermeté inébranlable dans les épreuves, son amour de Dieu, sa grande dévotion à l’Eucharistie et à la Sainte Famille, sa profonde humilité, son zèle ardent et persévérant.

Dans le panorama des vingt Congrégations de Frères fondées en son temps, en France, la sienne est la seule à avoir eu un fondateur qui soit mort Frère. Toutes les autres sont fondées par des prêtres, ou par des laïcs qui sont ensuite ordonnés prêtres, justement pour surmonter les difficultés auxquelles le Frère Gabriel a été affronté. Il a payé de sa personne tout le prix lié à son choix de religieux laïc. Pourtant il meurt “très satisfait”, remettant, sa Congrégation à Dieu: “O Dieu, faites que ce soit votre œuvre et non la mienne”. “Très content” d’être simplement Frère. Le Frère Gabriel proposa ainsi un chemin pour l’annonce de l’Évangile qui ne passe pas par l’apparence ni par la force sociologique des moyens et des rôles, mais par la simplicité d’une présence avec les gens et pour les gens, dans la ligne du service. Toute vocation est un don de Dieu pour le service à la suite du Christ « venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». (cf. Mt 20, 28). Son existence, tout à fait ordinaire, n’a été qu’une tentative de vivre l’Évangile. Plus que jamais est requise la sobriété dans les paroles. Et si l’on veut découvrir la ”Parole” évangélique qu’il a cherché à dire par toute son existence : c’est sans conteste l’appel à une fraternité universelle.

Cent cinquante (150) ans après sa mort quel héritage laisse-t-il à ses frères et à toute l’Église ? Quel message fort nous lance-t-il pour un renouveau intérieur et pour une avancée significative dans la mission et dans la sainteté ? Le Vénérable Frère Taborin ne laisse pas de discours retentissants, pas un enseignement hautement théologique et savant mais plutôt l’absolue simplicité d’une vie toute donnée au Seigneur. Ne dit-on pas souvent que les paroles sont des nains et les exemples des géants, pour signifier à quel point une vie sainte et attirante, peut plus porter que de vaines paroles ? Cela est en pleine consonance avec ce qu’enseignait Jean-Paul II dans Remptoris Missio : « on est missionnaire par ce qu’on est avant de l’être par ce qu’on dit ou fait. » A la fin de sa vie, le Frère Gabriel se présente comme un homme qui meurt dans la confiance, derrière l’apparente fragilité de ce qu’il a réalisé et des innombrables difficultés qu’il laisse à ses héritiers.

II- Interpellations et héritage spirituel du Frère Taborin à perpétuer dans notre monde

1- Une redécouverte et un témoignage de la spiritualité de Nazareth

Chers frères de la Sainte Famille de Nazareth, votre Père fondateur laisse à vous et à toute l’Église, comme héritage spirituel à faire fructifier, la spiritualité de Nazareth. A Nazareth, on s’aimait, on priait, on travaillait et tout cela à travers une vie humble, simple et cachée dans laquelle a grandit en taille et en sagesse, Jésus Christ le Sauveur du monde.

Avec vous, nous rendons grâce à Dieu le Père pour le Mystère de l’Incarnation par lequel Jésus-Christ, fait homme a vécu humblement dans le foyer de la Sainte Famille, pour devenir notre sauveur et notre frère. Nous rendons surtout grâce à Dieu de vous avoir associé, comme ses premiers disciples, à sa mission de salut et ce, afin d’être à sa suite des témoins de son amour dans le monde, spécialement auprès des enfants et des jeunes dont vous avez la charge dans votre charisme d’éducation et de formation. Au cœur de votre action apostolique et missionnaire, soyez le reflet de cette spiritualité de Nazareth, des « icônes vivantes ». Dans une société où l’on assiste à un primat du paraître et de l’avoir sur l’être, apprenez aux jeunes et aux enfants, par votre vie humble et cachée, cette spiritualité de Nazareth sans laquelle, l’homme ne peut mûrir et ne peut fortifier et forger en lui les vertus cardinales et théologales. En effet, c’est dans la silence, la prière et le travail humble ordinaire et consciencieux que le chrétien peut fortifier en lui, l’homme intérieur, se forger une personnalité forte et témoigner des valeurs de l’évangile au cœur du monde. C’est la voie royale pour se retrouver dans le silence face à soi-même et à Dieu. Inculquez cela à la jeunesse d’aujourd’hui en faisant de vos écoles, de vos centres de formation des foyers de Nazareth où se contemple et se vit le modèle de vie sublime de la Sainte Famille de Nazareth. Pour ce faire, mettez-vous vous-mêmes chers frères et vous tous chers amis, à l’école de Jésus, Marie et Joseph par une vie toute donnée à l’écoute de la Parole de Dieu, au travail apostolique, à la prière et la vie fraternelle. Comme à Nazareth, à l’instar de Marie et Joseph, laissez-vous évangéliser par Jésus lui-même, gardant et méditant la vie du Christ dans vos cœurs afin d’en être témoins auprès des jeunes. C’est cela redécouvrir la spiritualité de Nazareth pour la proposer à notre monde qui perd de plus en plus la valeur du silence et le sens du recueillement, de la prière.

2- Hommage aux Frères de la sainte Famille et exhortation à la fidélité au charisme

Le charisme que le vénérable Frère Gabriel a légué à sa famille religieuse se résume essentiellement à : l’éducation de la jeunesse, l’aide au clergé (catéchistes, chantres et sacristains) et la réalisation d’œuvres sociales pour le développement intégral de l’homme. Cela s’est consolidé au fil des ans et à travers l’espace et a produit des fruits visibles dans notre Église locale du Burkina Faso où les Frères de la Sainte Famille sont connus et reconnus à travers la diversité de leurs activités apostoliques.

Depuis 1958 (52), ils sont témoins du Christ dans l’éducation et la formation de la jeunesse à travers notre pays. Ils ont ouvert et dirigent de nombreux collèges et Lycées au Burkina Faso et au Bénin. Pour n’évoquer que quelques uns, je citerai, les collèges Saint Joseph Moukassa, Wend Manegda, l’établissement Gabriel Taborin, le lycée agricole de Nanoro, le complexe scolaire Sainte Famille de Pissy, le centre de formation professionnel de Fada etc. Les nombreux élèves issus de ces établissements présents à cette célébration rappellent les milliers d’anciens élèves des Frères de la Sainte Famille qui se retrouvent dans divers secteurs administratifs et socio-politiques de notre pays, et qui font preuve de piété et de loyauté dans l’exercice de leurs responsabilités, appelés qu’ils sont à être « sel, lumière, levain » dans la pâte.

Parallèlement à cette œuvre d’éducation, les Frères ont en charge trois centres de réinsertion où ils accueillent des enfants en situation difficile. Les jeunes y sont accompagnés dans une saine croissance et sont initiés à des métiers en vue de favoriser leur réinsertion sociale.

Comment ne pas évoquer une de leurs activités traditionnelles : l’enseignement dans les écoles des catéchistes. Chers Frères, vous accomplissez dans ces centres (CFC), le rôle combien noble de formateurs des ouvriers de l’évangile déployant ainsi un des traits de votre charisme. On vous retrouve encore aujourd’hui dans ces écoles de catéchistes telles que Imasgho et Gelgê. On pourrait encore citer vos multiples activités au service du développement telles que la réalisation de projet au profit des populations démunies, la production des pompes à eau, la pompe Volanta qui améliore les conditions de vie des populations rurales.

Pour toutes ces œuvres qui donnent vitalité et visibilité à votre congrégation et à l’œuvre d’évangélisation et à l’action sociale de notre Église famille de Dieu, je vous exprime une profonde et sincère gratitude au nom des pasteurs des fils et filles de notre Église locale. Daigne le Seigneur, vous armer de courage de force pour être, par votre action apostolique et sociale, les mains et les pieds du Christ qui portent au cœur de la société, l’amour et la charité de l’Église. En vue de jouer pleinement ce rôle au cœur de notre Église Famille de Dieu, demeurer fidèle à l’esprit de votre charisme, de votre fondateur. C’est dans la fidélité à l’évangile et à votre charisme que vous donnerez consistance à vos nombreux services et œuvres dans l’Église. Ces services et actions ne sont que des moyens pour atteindre votre vocation et pour réaliser pleinement votre consécration à Dieu dans la vie religieuse. Votre récent 37ème Chapitre général vous situe dans cette perspective, lorsqu’il vous exhorte selon ses orientations à « construire dans l’Église une communauté qui en regardant la Sainte Famille vit l’esprit de famille dans les activités de l’éducation chrétienne, de la catéchèse et l’animation liturgique ». Orientez aussi votre apostolat et votre action pastorale dans ce sens pour, tout en gardant votre autonomie propre et votre identité, intensifier davantage comme de nombreuses autres congrégations la collaboration avec le clergé local dans les diocèses et dans les paroisses. L’Église- tout comme les Instituts religieux- ne sauraient progresser qu’en renforçant les liens de communion/unité entre ses membres. (E.I.A, n. 17).

Bien chers Frères, la célébration des vertus de votre Fondateur ne devrait pas être un retour complaisant au passé mais une mémoire pour affronter avec lucidité l’avenir. Il est heureux de constater que votre Province affronte déjà le défi du partage de votre charisme avec les laïcs. Votre Famille Sa-Fa qui regroupe les religieux frères et les laïcs partageant le charisme légué par le Fr Gabriel, témoigne de la vitalité de votre charisme et de son ouverture vers l’avenir. Il serait bon que vous avanciez encore plus en eau profonde en prenant plus à cœur la pastorale de la famille. « La famille, c’est l’avenir de l’Église et de l’humanité. » C’est certainement une interpellation que le Seigneur vous lance en faisant succéder à la célébration de ce jubilé, l’année de la vie consacrée et celle de la Famille. Comme Frères de la Sainte Famille, vous êtes invités à actualiser et à offrir aux familles chrétiennes l’exemple de travail, d’amour et de prière qui caractérisait la Sainte Famille de Nazareth. Daigne le Seigneur bénir et accorder toujours à votre famille religieuse de nombreuses et saintes vocations afin qu’elles poursuivent selon son charisme propre, l’œuvre d’évangélisatrice léguée par le Christ à son Église. A tous, bonne fête ! Ad multos annos felicissimos !

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque métropolitain de Ouagadougou