Yagma le 2 mars 2014
« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ; le Tout-puissant a fait pour moi des merveilles, Saint est son nom ». (Luc 1,47-49).
Frères et sœurs bien aimés de Dieu,
Je fais mienne l’action de grâce de la Vierge Marie, en ce jour béni, et vous convie à rendre grâce au Seigneur avec moi pour sa bienveillance à l’endroit du peuple burkinabè et en particulier de notre Église Famille de Dieu. Cette action de grâce à Dieu à laquelle vous communiez volontiers avec foi et espérance par votre présence, se situe à un double niveau : d’abord pour la création des 19 nouveaux cardinaux dont je fais partie par la grâce de Dieu et par la sollicitude paternelle du Saint Père le Pape François ; ensuite pour ce pèlerinage à Yagma, expression de notre foi, de l’amour et de l’attachement que nous avons envers Dieu à travers sa Mère et notre Mère !
I. Le Cardinalat au service de l’Église
Frères et sœurs,
Un bon nombre d’entre vous pourrait encore se poser des questions sur la signification et la mission d’un cardinal ! Le Code de Droit Canonique attribue aux cardinaux une double fonction :
- Réunis en conclave, ils ont la mission d’élire le Pape en cas de vacance du siège apostolique.
- Il revient également aux cardinaux d’assister le souverain pontife dans sa tâche de pasteur universel soit collégialement lorsqu’ils sont convoqués en consistoire (Cf. Canon 353), soit individuellement, à savoir par les différentes charges qu’ils peuvent remplir dans les dicastères ou conseils pontificaux. Et le Saint Père François nous en a donné l’esprit en indiquant que le Cardinalat est « simplement un service d’amour qui exige d’élargir le regard et d’avoir le cœur large pour regarder plus loin et aimer plus universellement avec une plus grande intensité ». Il s’agit d’un service d’amour qui exige des cardinaux qu’ils épousent les vertus et les sentiments du Christ jusqu’au don total de leur vie par le martyre à cause de Jésus et de l’Évangile, si cela s’avérait nécessaire.
Comme je vous l’ai dit en maintes occasions, le Cardinal Paul ZOUNGRANA, de vénérée mémoire, a certainement frayé un sillon non négligeable pour la nomination d’un second Cardinal au Burkina Faso. Priez pour votre Pasteur afin qu’il soit un « ouvrier » totalement dévoué au service du Peuple burkinabè et de notre Église particulière. Ainsi pourrai-je toujours aller de l’avant, en eau profonde, « Duc in altum » dans le service et dans l’amour, à la suite de la Bienheureuse Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur, Étoile de l’Évangélisation.
II. « Avec Marie, avançons au large ! »
Frères et sœurs,
« En famille, avec Marie, à la suite du Christ, lumière du monde, célébrons et transmettons notre foi ! ». Ce thème qui conduit notre pèlerinage que vos pasteurs ont voulu national, est en pleine consonance avec la dernière Exhortation apostolique du Saint Père François « Evangelii Gaudium » ! Dans son itinéraire de foi, la Vierge Marie s’est laissé conduire par l’Esprit vers un destin de service et de fécondité. Marie est la femme de foi qui vit et marche dans la foi et son pèlerinage de foi exceptionnel représente une référence constante pour l’Eglise » (Cf. Jean-Paul II, Redemptoris Mater, 1987, N°6). Aussi est-elle pour nous un modèle ecclésial, capable de nous inspirer et de nous aider à annoncer à tous le message du salut.
"Duc in altum" dans notre engagement missionnaire !
« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15). Tel est le mandat missionnaire que le Christ ressuscité donne à ses disciples, à toute l’Église, donc à tous les baptisés. Il est vital qu’aujourd’hui, l’Église sorte jusqu’aux confins du monde et rejoigne toutes périphéries pour annoncer l’Évangile à tous en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur ! La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. (Cf. Evangelii Gaudium, n°23).
Alors de façon concrète, chacun pourrait se poser cette question : « Qu’est-ce que je fais pour partager ma foi, témoigner de l’Évangile auprès de ceux qui ne connaissent pas encore Jésus ?
Nous sommes une terre de première évangélisation ! Et l’Église ne saurait s’acquitter de sa tâche missionnaire si les chrétiens ne s’engagent pas dans les différents services tant au niveau des communautés chrétiennes de Base (CCB), dans les lieux de travail, qu’au niveau paroissial et diocésain : responsables de communautés, de mouvements et association, de catéchèse, de chorales et autres services liturgiques…
En outre, la problématique du soutien des vocations sacerdotales, religieuses, de catéchistes, dépend en grande partie des familles et des communautés chrétiennes. Tout en priant le Maître de la moisson, il faudrait s’employer personnellement et communautairement à relever le défi de la Mission. Pour cela, je réitère un appel déjà lancé et que vous connaissez bien : Que chaque baptisé s’emploie à trouver « un catéchumène pour Jésus »! De cette manière, le duc in altum ne sera pas une expression en l’air mais la réalité d’une foi engagée.
Une autre dimension – non moins importante – est le don de ses biens pour la mission.
L’évangélisation requiert des moyens matériels et financiers. D’où la nécessité de travailler ensemble pour l’auto-prise en charge matérielle et financière. Tout baptisé doit s’acquitter donc annuellement de son denier de culte et participer généreusement aux collectes diverses, à la dîme pour ceux qui le peuvent. On ne donne pas parce qu’on a, mais parce qu’on aime.
Par ailleurs, l’évangélisation implique également un chemin de dialogue avec la société, les cultures, les croyants des religions non-chrétiennes. Du reste, comme dit le Pape François : « Le dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses » (Evangelii gaudium, n°250).
"Duc in altum’" dans la sainteté
La sainteté, nous enseigne le Pape François, « n’est pas un luxe, elle est nécessaire pour le salut du monde. » Aussi l’Église doit-elle vivre et annoncer la Bonne Nouvelle et dispenser les sacrements. C’est un engagement qui ne concerne pas seulement certains chrétiens ou une élite de baptisés mais tous les baptisés.
« Tout fidèle du Christ, nous confiait le bienheureux Pape Jean-Paul II, est appelé à la sainteté et à la mission » (Redemptoris Missio, n°90).
"Nous devons savoir fleurir là où le Seigneur nous a plantés’", c’est-à-dire vivre notre foi avec conviction, avec enthousiasme, avec fidélité, dans l’amour et le service généreux.
La conviction de l’apôtre Paul dans la 2è lecture est admirable et nous interpelle. Serviteur de Dieu, Saint Paul n’a qu’une préoccupation, la fidélité à cette mission : « Qu’on nous considère comme des serviteurs du Christ… Peu importe que je sois jugé par un tribunal humain. Ce qui compte, c’est que je sois trouvé fidèle ! » (1 Co 4,1-3).
III. Rechercher d’abord le Royaume de Dieu
L’Évangile de ce VIIIème dimanche du T. O. nous rappelle à tous les exigences de la vie en Dieu. Vivre en Dieu, c’est rechercher le Royaume de Dieu. Malheureusement nos vies sont souvent pleines de ténèbres, d’idoles, d’injustices, d’égoïsme, de questionnements et de peurs par rapport à l’avenir, au lendemain : Que serons-nous demain ? Qu’allons-nous manger et boire ? Jésus nous donne une réponse salutaire : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît !... Ne vous inquiétez donc pas du lendemain…» (Mt 6,33-34). Oui chers amis, l’argent n’est pas un bon maître et les inquiétudes et la peur non plus ne sont pas toujours de bons maîtres ni de bons conseillers. Notre bonheur vrai se trouve dans le Seigneur. Il ne nous oublie jamais ! Dieu pourrait-il prendre plaisir à oublier les hommes qu’il a lui-même créés ? Nous avons tous du prix à ses yeux ! Ce qu’il attend de nous, c’est la confiance, une confiance toujours renouvelée surtout dans les nuits de la foi, au cœur des épreuves où notre foi est appelée à mûrir ! S’abandonner à la Providence, espérer quand bien même tout semble nous forcer à désespérer et à baisser les bras ! Aimer et servir fidèlement quand bien même tout semble nous pousser à haïr et à ne pas servir ! C’est là que résident notre vocation et nos responsabilités personnelles et communes.
Efforçons-nous donc de tuer en nous tout esprit de cupidité, de corruption, d’injustice, de paresse, de peur et de refus d’engagement, toutes choses qui rongent l’amour, polluent et empoisonnent le climat de la vie d’une famille, d’une communauté, d’une société, de l’Eglise …
Frères et sœurs, l’événement pour lequel pour rendons grâce à Dieu, puis-je le dire, concerne non seulement l’Eglise Famille de Dieu mais aussi tout le peuple burkinabè. En effet le soutien, que j’ai reçu depuis l’annonce du 12 janvier 2014, la participation des pèlerins et de la délégation officielle aux différentes célébrations de Rome, les nombreux messages de félicitations et enfin l’enthousiasme manifesté lors de mon retour au pays, depuis l’aéroport jusqu’à la cathédrale, me convainc que nous avons accueilli la grâce de Dieu en esprit de famille. La sollicitude du Saint Père qui me confie cette mission, se déploie au bénéfice de toute la nation burkinabè. Il y a des événements qui, dans l’histoire d’un peuple, sont des éléments providentiels catalyseurs d’unité, de fraternité, de cohésion sociale, et de paix sociale durable. Je souhaite que celui-ci en soit un. Puisse-t-il nous unir davantage autour de valeurs et d’idéaux communs qui nous engagent quotidiennement à œuvrer à l’unité, à la cohésion nationale et au Bien commun ; et cette œuvre commune passe nécessairement par l’acception de nos différences et divergences ethniques, politiques, religieuses…
Que le Seigneur nous en donne la grâce et le courage au cours de cette célébration eucharistique, et que la prière de la Vierge Marie, Notre Dame de Yagma nous accompagne et nous soutienne maintenant et pour les siècles des siècles ! Amen.
+ Philippe Cardinal OUEDRAOGO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou