Excellence Monseigneur Michaël Crotty, Nonce apostolique,
Excellences Messeigneurs les Évêques,
Autorités administratives, politiques, militaires et paramilitaires, coutumières et religieuses,
Chers prêtres, religieux, religieuses, catéchistes, chers fidèles laïques,
La grâce et la paix de notre Bien-Aimé Seigneur Jésus-Christ, soient toujours avec vous.
Au nom de notre Église-Famille de Dieu, je souhaite la bienvenue à tous et à toutes au pèlerinage diocésain du Sanctuaire Notre Dame de Yagma.
Le thème de ce pèlerinage est le suivant : « Ensemble dans la communion spirituelle et la solidarité pour la paix au Burkina Faso ».
A la suite de la Vierge Marie, mettons-nous à l’écoute et à l’accueil de la Parole de Dieu.
I. La Parole de Dieu
La Parole de Dieu de ce cinquième dimanche du temps ordinaire nous donne à méditer deux vocations spécifiques qui renvoient à la vocation de tout baptisé.
Dans la première lecture (Is 6,1-8), le prophète Isaïe est choisi et appelé par Dieu pour son service. Isaïe chante alors le Dieu de Jérusalem qui se manifeste visuellement. Il est le Saint : « Saint ! Saint ! Saint le Seigneur de l’univers ». Il est saint parce que Tout Autre et il dirige l’univers. Sa royauté est immense, mais il demeure un roi proche. Il purifie Isaïe et lui permet de se tenir devant lui. C’est ce Dieu Saint et proche qu’Isaïe a choisi et a accepté de servir avec bonheur toute sa vie.
Dans l’Évangile de ce jour (Lc 5, 1-11), Jésus se manifeste à Simon Pierre par une pêche miraculeuse, incroyable ! Après avoir peiné toute une nuit sans rien prendre, Jésus demande à Pierre : « Avance au large (Duc in altum) et jetez vos filets pour la pêche ». Obéissant à sa parole, ils jetèrent les filets et capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils remplirent les deux barques à tel point qu’elles enfonçaient. La barque en question représente l’Église.
Isaïe comme Simon-Pierre, mesurent leur petitesse, leur incapacité humaine, leur péché au regard de la Parole divine, la tâche apostolique. La braise brûle les lèvres d’Isaïe et le purifie pour le service de la Parole. Et Simon-Pierre tombe aux pieds de Jésus pour demander pardon : « éloigne-toi de moi Seigneur car je suis un homme pécheur ».
Purifiés, Isaïe tout comme Pierre peuvent alors répondre à l’appel de Dieu : « Me voici, envoie-moi ! ».La pêche miraculeuse est signe d’une autre pêche : celle d’emmener les hommes au Christ et de construire le Royaume de Dieu.Pour se faire, la confiance de Jésus transforme la crainte de Pierre et des premiers apôtres (Jacques et Jean) en confiance. Alors, « Laissant tout au rivage, ils suivirent Jésus » (Lc 5, 11) au service de la prédication de la Bonne Nouvelle, la construction du Royaume de Dieu. Suivre Jésus et l’annoncer, c’est aussi notre mission aujourd’hui.
II.La mission de l’Église et de ses fils et filles
« Allez dans le monde entier, proclamer l’Évangile à toute la création » (Mc 16, 15). Tel est le mandat qu’avant de monter vers le Père, le Christ Ressuscité donna à ses apôtres.
La tâche d’évangéliser tous les hommes constitue dès lors la mission essentielle de l’Église. « Elle existe pour évangéliser » (EvangeliiNuntiandi, n°14). L’Église-Famille de Dieu en Afrique doit aussi annoncer la Bonne Nouvelle, non seulement par la proclamation de la Parole qu’elle a reçue du Seigneur, mais aussi par le témoignage de vie. « Vous,Africains, vous êtes désormais vos propres missionnaires » disait à Kampala le Pape Paul VI (31 juillet 1969).
- Par le baptême, tout chrétien est inséré dans le Christ et renduparticipant de sa vie et de sa mission selon son identité particulière . Dans ce sens, l’appel à la sainteté reste le même pour tous.Tout fidèle est appelé à la sainteté et à la mission. L’évangélisation se fait avant tout à travers le témoignage de la charité, le témoignage de la sainteté. Il faut donc susciter un nouvel élan de sainteté chez tous les baptisés, prêtres, religieux, religieuses,fidèles laïcs (cf.Ecclesia in Africa n° 136.).
La foi et la sainteté ne sont pas une question de paroles creuses, d’affirmation gratuites « ce ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur ! Seigneur !’qui entrent dans le Royaume de Dieu, mais ceux qui font la volonté de mon Père.) La foi est adhésion pleine et entière à Jésus Sauveur, à l’Évangile.
La foi sans les œuvres est une foi morte, nous enseigne l’apôtre Jacques (Jc 2, 26).Avoir la foi suppose donc le don de sa personne, le don de soi-même pour la vie de l’Église, du diocèse, de la paroisse, de la CCB ; le don de ses biens (denier de culte dîme, cotisations diverses), pour la vie de la communauté. Et l’acceptation et l’offrande de ses souffrances à Dieu pour le salut du monde.
III.Rôle irremplaçable des laïcs
Par ses membres laïcs, l’Eglise se rend présente et active dans l’Eglise et la société ;ils sont « les ambassadeurs du Christ » (2 Co 5, 20) dans l’espace public, au cœur du monde (cf. ChristifidelesLaici, n°15).
Les laïcs, hommes et femmes sont appelés avant tout à la sainteté et à vivre cette sainteté dans le monde. Alors, chers fidèles, cultivez avec soin votre vie intérieure, votre relation à Dieu afin que l’Esprit Saint vous éclaire en toute circonstance. Attachez-vous profondément au Christ pour le connaître, l’aimer et lui ressembler. Cela constitue un motif de joie pour les pasteurs de l’Église-Famille de Dieu en Afrique, en ces termes :
« Nous nous réjouissons du témoignage de foi des fidèles dont l’exemplarité de la vie quotidienne, de la solidarité avec les démunis, du devoir d’état bien accompli, des initiatives de développement local, de l’action politique et le refus de compromission avec des pratiques d’injustice, de corruption et d’enrichissement illicite, honorent leur nom de chrétien et l’Église entière. Nous les incitons, ainsi que tous les membres de notre Église-Famille de Dieu, à résister par fidélité à l’Évangile, jusqu’au don total de leur vie, aux tentations et aux pratiques qui promeuvent la foi sans les œuvres, l’injustice, l’action politique à des fins égoïstes et de pillage de la richesse du pays, le culte des personnalités politiques, la malhonnêteté, la démission sociale et l’enrichissement rapide par des moyens illicites, magiques et mystico-religieux ». (Exhortation Pastorale du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et Madagascar, n°156).
Pour les fidèles laïcs, la politique est une expression qualifiée et exigeante de l’engagement chrétien au service des autres. La recherche du Bien Commun dans un esprit de service, le développement de la justice avec une attention particulière aux situations de pauvreté et de souffrance (les déplacés internes, les migrants, les laissés pour compte…), le respect de l’autonomie des réalité terrestres, le principe de subsidiarité, la promotion du dialogue et de la paix dans la perspective de la solidarité : telles sont les orientations qui doivent inspirer l’action politique des chrétiens laïcs. (Cf. n° 565, p. 319).
Le fidèle laïc doit Promouvoir par son attitude et ses choix, un ordre social plus juste et conforme à la dignité de la personne humaine (p. 319, n° 566). Il doit alors se soustraire aux « structures de péché » et œuvrer pour une reconsidération authentique des valeurs morales chrétiennes. Cela revient à promouvoir une société plus digne de l’homme, en vue d’un monde plus sain, plus solidaire, plus fraternel.
Pour transformer ainsi le monde, le fidèle laïc est appelé à vivre le commandement de l’amour (Mt 22, 40 ; Jn 15, 12).Les chrétiens doivent en être témoins et promoteurs. L’amour est la seule force (1col 12, 31)qui peut conduire à la perfection personnelle et sociale et orienter l’Histoire vers le bien (cf. n° 580). Notre mission se rapprochera de son objectif si nous arrivons à fonder « une civilisation de l’amour », pour reprendre l’expression du pape Paul VI. Au demeurant, l’amour du prochain devient universel, si déjà il prend racine dans la famille.
C’est aux laïcs qu’il revient d’une manière particulière d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles (LG 31).Il revient au fidèle laïc d’annoncer l’Évangile par un témoignage de vie exemplaire, enraciné dans le Christ et vécu dans les réalités temporelles : famille, engagement dans le cadre du travail, de la culture, de la science et de la recherche, exercice des responsabilités sociales, économiques et politiques. La famille chrétienne est appelée donc « à être un signe d’unité pour le monde et à exercer dans ce sens son rôle prophétique en témoignant du Royaume et de la paix du Christ vers lesquels le monde entier est en marche » (p. 127).
IV. La paix
La paix est un don de Dieu et elle est le fruit des efforts des hommes.En tant que don de Dieu, c’est le Seigneur qui fait le premier pas pour nous donner sa paix. Le Christ le disait à ses apôtres « je vous donne la paix, je vous donne ma paix ». Une paix que nous construisons sans lui et son commandement d’amour ne tiendra pas longtemps car « si le Seigneur ne construit pas avec nous, nous travaillons en vain » cf. Ps 126. C’est pourquoi la mission d’annoncer le Royaume de Dieu est en même temps mission d’œuvrer pour la paix dans le monde. La promotion de la paix fait partie intégrante de la mission par laquelle l’Église continue l’œuvre rédemptrice du Christ sur la terre. Il faut garder à l’esprit que la paix commence par être vécue comme une valeur profonde dans l’intimité de toute personne ; ainsi elle peut se répandre dans les familles, jusqu’à impliquer la communauté politique tout entière.
L’Église universelle n’a cessé d’accompagner le cheminement vers une communauté internationale authentique qui a le devoir de promouvoir et de rechercher la paix dans les différents pays du monde. La communauté internationale devra donc « promouvoir le respect de la dignité humaine, la liberté des peuples et l’exigence du développement, préparant ainsi le terrain culturel et institutionnel sur lequel peut être édifiée la paix » (cf. Compendium 440). L’encyclique Pacem in Terris du saint Pape Jean XXIII pose une équivalence entre paix et qualité des rapports entre les hommes. La paix est donc bien plus exigeante que l’absence de guerre. Elle structure les rapports des personnes entre elles, des citoyens avec l’État, des États entre eux.
Dans ce sens, en tant que fruit des efforts des hommes, la paix véritable n’est possible que par le pardon et la réconciliation. Il n’est pas facile de pardonner. En effet, la guerre et les conflits nous marquent profondément à tel point que le poids du passé nous empêche de regarder le frère avec amour. La paix se trouve au bout d’un parcours long et difficile, mais pas impossible. Le pardon réciproque ne doit pas annuler les exigences de la justice, ni barrer le chemin qui conduit à la vérité : « justice et vérité représentent les conditions concrètes de la réconciliation » (cf. compendium 518). Pour nous chrétiens, la lutte pour la paix passe nécessairement par la prière et par des actions concrètes en faveur de la réconciliation, de la justice et de la vérité.Les différences religieusesne peuvent pas et ne doivent pas constituer une cause de conflit : la recherche commune de la paix de la part de tous les croyants est plutôt un facteur fort d’unité entre tous les peuples. Il faut donc prier et œuvrer sincèrement pour la paix au sein de l’Église, dans nos familles, nos milieux de travail, dans le monde entier.
Conclusion
Que par l’intercession de la Bienheureuse Verge Marie Mère de Jésus, Notre Dame de Yagma et de Saint Joseph protecteur de l’Église universelle, le Seigneur comble chaque pèlerin chaque famille, CCB, paroisses et comble le Burkina Faso de grâces abondantes ! Qu’il fasse de nous des hommes et des femmes qui s’engagent résolument à travers leur vie de tous les jours pour un monde meilleur, un monde nouveau plus digne de Dieu et plus digne des hommes. Amen !
+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque métropolitain de Ouagadougou