28ème Dimanche du Temps Ordinaire

Bien-aimés de Dieu, vous tous fidèles chrétiens et dévots de Notre Dame de Fatima, venus des diocèses de Koudougou, Ouahigouya, Dori, Koupela, et des différentes paroisses de l’Archidiocèse de Ouagadougou, que la paix et la joie de Dieu continuent de rendre de plus en plus dynamique votre foi et votre amour pour Marie, la Reine du ciel. Je me réjouis d’être avec vous aujourd’hui, à l’occasion de pèlerinage au Sanctuaire de Buugtênga. Béni soit Dieu, maintenant et toujours.

I. Notre Dame de Fatima

Ce Sanctuaire de Buugtênga, qui trace de jour en jour ses sillons est le fruit d’une volonté communautaire d’être toujours à l’ombre de la Vierge Marie, Notre Dame de Fatima. Notre-Dame de Fatima est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu’elle est apparue aux trois enfants à Fatima (François et Jacinthe, et leur cousine Lucie). Les apparitions mariales sur le site de Fatima sont au nombre de six et débutent le 13 mai 1917. De mois en mois l’apparition se reproduit et les enfants sont accompagnés par une foule nombreuse jusqu’à l’apparition du 13 Octobre 1917 où plusieurs dizaines de milliers de croyants se pressent pour voir le « miracle » qui aurait été promis par la Vierge. Pour l’Église catholique, le message de Fatima comporte une série de dimensions spirituelles: L’adoration, Le Cœur immaculé de Marie, La conversion, L’eucharistie, La miséricorde, Le pèlerinage, La réparation des péchés, La prière du rosaire.

Soutenus par ces dévotions spirituelles, nous voulons en ce lieu de pèlerinage, confier notre Pays et nos familles à Notre Dame de Fatima. Dans son message du 13 Octobre 1917, elle disait : « Que l’on continue de réciter le chapelet tous les jours, la guerre va finir et les militaires retourneront bientôt chez eux ». Nous étions en 1917, au cœur de la première guerre mondiale.

Aujourd’hui, plus que jamais, 102 ans après ce message de Fatima, nous crions encore plus fort, pour présenter à Marie, ici à Buugtenga, notre détresse, face aux actes terroristes qui frappent le Burkina Faso et notre sous-région.

II. La Situation sécuritaire au Burkina Faso et Interpellations

Le Burkina Faso était un havre de sécurité pendant longtemps. Depuis 2015, le Burkina est confronté au défi du terrorisme. Plusieurs régions du pays sont régulièrement visées, notamment le Sahel, l’Est, et le Centre-nord. Notre légendaire vivre-ensemble ethnique et religieux est durement éprouvé. L’État est attaqué-les FDS sont les principales cibles : militaires, gendarmes, policiers ont payé un lourd tribut. L’Organisation des Nations Unies estiment à 2024 écoles fermées et beaucoup d’autres sont devenues des habitations pour les déplacés, ce qui empêche la réouverture des classes pour plus de 330 000 élèves. Plus de 280 000 déplacés, qui ont été expulsés de leurs villages, abandonnant derrière eux, des champs à moissonner, et toute leur vie. Les populations civiles sont tuées, menacées, traumatisées, déplacées. Les activités socio-économiques semblent paralysées et minées de crises dans de nombreux départements ministériels et secteurs d’activités.

Face à une telle situation, nous devons parler de solidarité par une véritable politique de prise en charge des déplacés, une bonne politique au service de la Paix. Toutes les populations qui ont fui leurs champs et leur famille, sont incontestablement devenues dépendantes pour un temps. Il est de notre devoir de réagir généreusement, sans attendre d’en faire, un sujet politique, sur lequel s’appuyer pour battre la campagne électorale 2020. J’invite tous les chrétiens à considérer cette question humanitaire, par des actes généreux. Au niveau de notre Archidiocèse de Ouagadougou, nous projetons une rencontre avec tous les déplacés, une rencontrer œcuménique entre croyants le 10 Novembre à Yagma.

Ensemble, il nous faut un sursaut national, c’est-à-dire, une mobilisation générale de tous les fils et filles du Faso pour faire face à l’ennemi commun : pouvoir administratif et politique, partis politiques, société civile, autorités militaires et paramilitaires, coutumières et religieuses, femmes, hommes, jeunes, tous doivent dépasser les intérêts strictement individuels et corporatistes pour regarder dans la même direction, se mobiliser ensemble pour donner une réponse historique conséquente de la défense de la Patrie en danger. L’État et ses démembrements dont les FDS doivent jouer un rôle de premier plan de façon adéquate.

Il faut absolument promouvoir une culture de la paix, une culture du dialogue interreligieux et interethnique (du respect mutuel des différences légitimes et complémentaires). Il nous faut redoubler d’effort dans ce sens et vaincre les tendances intégristes, radicalistes et xénophobes… Il nous faut tous devenir des « artisans de Paix ».

Enfin, nous en appelons à la coopération et à la solidarité sous-régionale et internationale tant du point de vue politique, diplomatique, judiciaire, militaire. Le bien de nos populations passe avant les intérêts égoïstes.

Nous présentons à Notre Dame de Fatima, notre supplication, pour un Burkina Faso paisible, sans guerre, sans terrorisme, un Burkina sans déplacés. En priant dans ce Sanctuaire qui lui est consacré, nous lui demandons le miracle de la paix et de la sécurité pour tout le peuple.

III. La Parole de Dieu nous invite à nous engager au service de la société : Combattons l’exclusion et les ségrégations

Ce 28ème Dimanche du Temps Ordinaire nous engage à la suite du Christ qui accueille les lépreux et qui leur apporte la guérison. C’est le signe que l’Église ne doit pas être indifférente aux souffrances de ce monde. Les disciples du Christ ont le devoir et la lourde responsabilité d’œuvrer à l’avènement d’un monde nouveau, un monde solidaire, dans lequel nous acceptons de quitter notre confort, pour nous mettre sur la route d’un lépreux, pour être plus proche et plus humain. « La communauté des chrétiens doit se reconnaitre solidaire du genre humain et de son histoire » (G.S, n. 1), sans se dérober dans un silence coupable. Pour nous inciter à la conversion et au changement de mentalités, le Pape François nous exhorte de façon concrète : « Parfois, nous sommes tentés d’être des chrétiens qui se maintiennent à une prudente distance des plaies du Seigneur. Pourtant Jésus veut que nous touchions la misère humaine, la chair souffrante des autres. Il attend que nous renoncions à chercher ces abris personnels ou communautaires qui nous permettent de nous garder distants du cœur des drames humains » (EG, n. 270).

La lèpre, maladie contagieuse qui ronge le corps est le symbole des misères humaines que connait notre monde. Les lépreux, mis en quarantaine vivaient certainement une souffrance physique et morale, synonyme de mort (cf. Lv 13, 44-45). En accueillant les dix lépreux, Jésus a opéré en son temps, une véritable révolution. Il leur a redonné leur dignité humaine et les a réintégrés au sein de la société. De nos jours, l’engagement social des chrétiens doit s’inscrire dans cette révolution du Christ et consiste à combattre tout ce qui porte atteinte à la dignité de l’homme. Il exige aussi de notre part une détermination ferme à briser les barrières entre les hommes et à instaurer un climat de tolérance et de proximité qui favorise la cohésion sociale dans nos différents milieux de vie. Notre contexte national, fait de nous des chrétiens révolutionnaires, disposés à accueillir et à soutenir les personnes en souffrance. Comme le prophète Élisée qui accueille et accompagne Naaman le Syrien, comme le Christ qui accueille et soulage les dix lépreux, notre engagement devient l’accueil et la solidarité. Ce sont là des gestes simples qui deviennent les remèdes des grands maux de notre société. C’est la part de souffrance, qui nous unit à la souffrance du Christ (2 Tm 2, 11).

Chers frères et sœurs, Notre Dame de Fatima demeure pour nous un modèle d’accueil et de compassion. Qu’elle nous soutienne et nous fortifie dans notre foi et notre engagement dans l’édification d’un monde solidaire. Demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie, la grâce de former une famille chrétienne dynamique et sainte, à l’ombre de Marie Notre Dame de Fatima.

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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