LE DANGER D'UN CHRISTIANISME SANS CROIX

13ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

 

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ;
celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.
Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.
Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. » (Matthieu 10, 37-42)

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris

 

L'un des plus grands dangers du christianisme aujourd'hui est le passage progressif de la "religion de la croix" à une "religion du bien-être". Il y a quelques années, j'ai pris note de certaines paroles de Reinhold Niebuhr, qui m'ont fait beaucoup réfléchir. Le théologien américain a évoqué le danger d'une "religion sans aiguillon" qui finirait par prêcher "un Dieu sans colère qui conduit des hommes sans péché dans un royaume sans jugement à travers un Christ sans croix". Le danger est réel et nous devons l'éviter.

Insister sur l'amour inconditionnel d'un Dieu ami ne doit jamais signifier fabriquer un Dieu de notre propre convenance, le Dieu permissif qui légitime une "religion bourgeoise" (Johann Baptist Metz). Être chrétien, ce n'est pas chercher le Dieu qui me convient et qui dit "oui" à tout, mais rencontrer le Dieu qui, précisément parce qu'il est un Ami, réveille ma responsabilité et, pour cette raison même, me fait plus d'une fois souffrir, crier et me taire.

Découvrir l'Évangile comme une source de vie et un stimulant pour une croissance saine ne signifie pas vivre "immunisé" face à la souffrance. L'évangile n'est pas un tranquillisant pour une vie organisée au service de nos fantasmes de plaisir et de bien-être. Le Christ apporte joie et souffrance, il reconforte et inquiète, il soutient et contredit. Ce n'est qu'ainsi qu'il est le chemin, la vérité et la vie.

Croire en un Dieu Sauveur qui, dès maintenant et sans attendre l'au-delà, cherche à nous libérer de ce qui nous fait mal, ne doit pas nous amener à comprendre la foi chrétienne comme une religion à usage privé au service exclusif de nos problèmes et de nos souffrances. Le Dieu de Jésus-Christ nous fait toujours regarder celui qui souffre. L'Évangile ne focalise pas la personne sur sa propre souffrance, mais sur celle des autres. C'est la seule façon de vivre la foi comme une expérience de salut.

Dans la foi, comme dans l'amour, tout est souvent mélangé : le renoncement confiant et le désir de possession, la générosité et l'égoïsme. C'est pourquoi nous ne devons pas effacer de l'Évangile ces paroles de Jésus qui, aussi dures qu'elles puissent paraître, nous confrontent à la vérité de notre foi : "Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. Celui qui trouvera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera".

Auteur : José Antonio Pagola
Traducteur : Carlos Orduna, csv