Concile Vatican II
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- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCRET SUR L'APOSTOLAT DES LAÏCS
APOSTOLICAM ACTUOSITATEM
PRÉAMBULE
1.
Le saint Concile, dans sa volonté de rendre plus intense l’activité apostolique du Peuple de Dieu [1], se tourne avec une grande attention vers les chrétiens laïcs, dont il a déjà rappelé en d’autres documents le rôle propre et absolument nécessaire dans la mission de l’Église [2]. L’apostolat des laïcs, en effet, ne peut jamais manquer à l’Église, car il est une conséquence de leur vocation chrétienne. L’Écriture elle-même montre parfaitement (cf. Ac 11, 19-21 ; 18, 26 ; Rm 16, 1-16 ; Ph 4, 3) combien cette activité se manifesta spontanément aux premiers jours de l’Église et combien elle fut féconde.
Notre temps n’exige pas un moindre zèle de la part des laïcs ; les circonstances actuelles réclament d’eux au contraire un apostolat toujours plus intense et plus étendu. En effet l’augmentation constante de la population, le progrès des sciences et des techniques, la solidarité plus étroite entre les hommes ont non seulement élargi à l’infini le champ de l’apostolat des laïcs, en grande partie ouvert à eux seuls, mais ils ont fait surgir de nouveaux problèmes, qui réclament de leur part une vigilance et une recherche toutes particulières. Cet apostolat devient d’autant plus urgent que s’est affirmée, comme c’est normal, l’autonomie de nombreux secteurs de la vie humaine, entraînant parfois un certain délaissement de l’ordre moral et religieux, au grand péril de la vie chrétienne. Il faut ajouter qu’en de nombreuses régions les prêtres sont très peu nombreux ou parfois privés de la liberté indispensable à leur ministère, de sorte que, sans le travail des laïcs, l’Église et son action ne pourraient que difficilement être présentes.
Le signe de cette urgente nécessité aux multiples aspects est l’action manifeste du Saint-Esprit qui rend aujourd’hui les laïcs de plus en plus conscients de leur propre responsabilité et les invite partout à servir le Christ et l’Église [3]. Dans ce décret le Concile se propose d’éclairer la nature de l’apostolat des laïcs, son caractère et sa variété, d’en énoncer les principes fondamentaux et de donner des directives pastorales pour qu’il s’exerce plus efficacement. La révision du droit canon concernant l’apostolat des laïcs devra prendre pour règle tout ce qui est contenu dans ce décret.
CHAPITRE PREMIER :
Vocation des laïcs à l’apostolat
2. Participation des laïcs à la mission de l’Église
L’Église est faite pour étendre le règne du Christ à toute la terre, pour la gloire de Dieu le Père ; elle fait ainsi participer tous les hommes à la rédemption et au salut [4]; par eux elle ordonne en vérité le monde entier au Christ. On appelle apostolat toute activité du Corps mystique qui tend vers ce but : l’Église l’exerce par tous ses membres, toutefois de diverses manières. En effet, la vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat. Dans l’organisme d’un corps vivant aucun membre ne se comporte de manière purement passive, mais participe à la vie et à l’activité générale du corps. Ainsi dans le Corps du Christ qui est l’Église, « tout le corps opère sa croissance selon le rôle de chaque partie » (Ep 4, 16). Bien plus, les membres de ce corps sont tellement unis et solidaires (cf. Ep 4, 16) qu’un membre qui ne travaille pas selon ses possibilités à la croissance du corps doit être réputé inutile à l’Église et à lui-même.
Il y a dans l’Église diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier [5]. Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes ; ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien.
3. Fondements de l’apostolat des laïcs
Les laïcs tiennent de leur union même avec le Christ Chef le devoir et le droit d’être apôtres. Insérés qu’ils sont par le baptême dans le Corps mystique du Christ, fortifiés grâce à la confirmation par la puissance du Saint-Esprit, c’est le Seigneur lui-même qui les députe à l’apostolat. S’ils sont consacrés sacerdoce royal et nation sainte (cf. 1 P 2, 4-10), c’est pour faire de toutes leurs actions des offrandes spirituelles, et pour rendre témoignage au Christ sur toute la terre. Les sacrements et surtout la sainte Eucharistie leur communiquent et nourrissent en eux cette charité qui est comme l’âme de tout apostolat [6].
L’apostolat se vit dans la foi, l’espérance et la charité que le Saint-Esprit répand dans les cœurs de tous les membres de l’Église. Bien plus, le précepte de la charité, qui est le plus grand commandement du Seigneur, presse tous les chrétiens de travailler à la gloire de Dieu par la venue de son règne et à la communication de la vie éternelle à tous les hommes : « Qu’ils connaissent le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ » (cf. Jn 17, 3).
À tous les chrétiens donc incombe la très belle tâche de travailler sans cesse pour faire connaître et accepter le message divin du salut par tous les hommes sur toute la terre. Pour l’exercice de cet apostolat, le Saint-Esprit qui sanctifie le Peuple de Dieu par les sacrements et le ministère accorde en outre aux fidèles des dons particuliers (cf. 1 Co 12, 7), les « répartissant à chacun comme il l’entend » (cf. 1 Co 12, 11) pour que tous et « chacun selon la grâce reçue se mettant au service des autres » soient eux-mêmes « comme de bons intendants de la grâce multiforme de Dieu » (1 P 4, 10), en vue de l’édification du Corps tout entier dans la charité (cf. Ep 4, 16). De la réception de ces charismes, même les plus simples, résulte pour chacun des croyants le droit et le devoir d’exercer ces dons dans l’Église et dans le monde, pour le bien des hommes et l’édification de l’Église, dans la liberté du Saint-Esprit qui « souffle où il veut » (Jn 3, 8), de même qu’en communion avec ses frères dans le Christ et très particulièrement avec ses pasteurs. C’est à eux qu’il appartient de porter un jugement sur l’authenticité et le bon usage de ces dons, non pas pour éteindre l’Esprit, mais pour éprouver tout et retenir ce qui est bon (cf. 1 Th 5, 12.19.21) [7].
4. De la spiritualité des laïcs dans l’ordre de l’apostolat
Le Christ envoyé par le Père étant la source et l’origine de tout l’apostolat de l’Église, il est évident que la fécondité de l’apostolat des laïcs dépend de leur union vitale avec le Christ, selon cette parole du Seigneur : « Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits. Car sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Cette vie d’intime union avec le Christ dans l’Église est alimentée par des nourritures spirituelles communes à tous les fidèles, en particulier par la participation active à la sainte liturgie [8]. Les laïcs doivent les employer de telle sorte que, remplissant parfaitement les obligations du monde dans les conditions ordinaires de l’existence, ils ne séparent pas l’union du Christ et leur vie, mais grandissent dans cette union en accomplissant leurs travaux selon la volonté de Dieu. De cette manière les laïcs progresseront en sainteté avec ardeur et joie, s’efforçant de surmonter les difficultés inévitables avec prudence et patience [9]. Ni le soin de leur famille ni les affaires temporelles ne doivent être étrangers à leur spiritualité, selon ce mot de l’Apôtre : « Tout ce que vous faites, en paroles ou en œuvres, faites-le au nom du Seigneur Jésus Christ, rendant grâces par lui à Dieu le Père » (Col 3, 17).
Une telle vie exige un continuel exercice de la foi, de l’espérance et de la charité.
Seules la lumière de la foi et la méditation de la Parole de Dieu peuvent permettre toujours et partout de reconnaître Dieu « en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28) ; c’est ainsi seulement qu’on pourra chercher en tout sa volonté, discerner le Christ dans tous les hommes, proches ou étrangers, juger sainement du vrai sens et de la valeur des réalités temporelles, en elles-mêmes et par rapport à la fin de l’homme.
Ceux qui ont cette foi vivent dans l’espérance de la révélation des fils de Dieu se souvenant de la croix et de la résurrection du Seigneur.
Dans le pèlerinage qu’est cette vie, cachés en Dieu avec le Christ, délivrés de la servitude des richesses, à la recherche des biens qui demeurent éternellement, ils mettent généreusement en œuvre toutes leurs forces pour étendre le règne de Dieu, animer et parfaire les réalités temporelles selon l’esprit chrétien. Dans les difficultés de l’existence, ils puisent le courage dans l’espérance, estimant que « les souffrances de cette vie ne sont proportionnées à la gloire future qui doit se révéler en nous » (Rm 8, 18).
Poussés par la charité qui vient de Dieu, ils pratiquent le bien à l’égard de tous, surtout de leurs frères dans la foi (cf. Ga 6, 10), rejetant « toute malice, toute fraude, hypocrisie, envie, toute médisance » (1 P 2, 1), entraînant ainsi les hommes vers le Christ. Or, la charité divine, qui « est répandue dans les cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5), rend les laïcs capables d’exprimer concrètement dans leur vie l’esprit des Béatitudes. Suivant Jésus pauvre, ils ne connaissent ni dépression dans la privation, ni orgueil dans l’abondance ; imitant le Christ humble, ils ne deviennent pas avides d’une vaine gloire (cf. Ga 5, 26), mais ils s’efforcent de plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes, toujours prêts à tout abandonner pour le Christ (cf. Lc 14, 26) et à souffrir persécution pour la justice (cf. Mt 5, 10) se souvenant de la parole du Seigneur : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24). Entretenant entre eux une amitié chrétienne, ils se prêtent un mutuel appui en toutes nécessités.
Cette spiritualité des laïcs doit revêtir des caractéristiques particulières suivant les conditions de vie de chacun : vie conjugale et familiale, célibat et veuvage, état de maladie, activité professionnelle et sociale. Chacun doit donc développer sans cesse les qualités et les dons reçus et en particulier ceux qui sont adaptés à ses conditions de vie et se servir des dons personnels de l’Esprit Saint.
Enfin les laïcs qui selon leur vocation particulière se sont agrégés à des associations ou instituts approuvés par l’Église doivent s’efforcer de toujours mieux réaliser les caractères de la spiritualité qui leur est propre.
Qu’ils estiment beaucoup la compétence professionnelle, le sens familial et civique, et les vertus qui regardent la vie sociale telles que la probité, l’esprit de justice, la sincérité, la délicatesse, la force d’âme : sans elles il n’y a pas de vraie vie chrétienne.
La Bienheureuse Vierge Marie, Reine des Apôtres, est l’exemple parfait de cette vie spirituelle et apostolique. Tandis qu’elle menait sur terre une vie semblable à celle de tous, remplie par les soins et les labeurs familiaux, Marie demeurait toujours intimement unie à son Fils et coopérait à l’œuvre du Sauveur à un titre absolument unique. Aujourd’hui où elle est au ciel, « son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les peines et les épreuves jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse [10] ». Tous doivent avoir envers elle une vraie dévotion et confier leur vie et leur apostolat à sa sollicitude maternelle.
CHAPITRE II :
Les buts à atteindre
5. Introduction
L’œuvre de rédemption du Christ, qui concerne essentiellement le salut des hommes, embrasse aussi le renouvellement de tout l’ordre temporel. La mission de l’Église, par conséquent, n’est pas seulement d’apporter aux hommes le message du Christ et sa grâce, mais aussi de pénétrer et de parfaire par l’esprit évangélique l’ordre temporel. Les fidèles laïcs accomplissant cette mission de l’Église, exercent donc leur apostolat aussi bien dans l’Église que dans le monde, dans l’ordre spirituel que dans l’ordre temporel. Bien que ces ordres soient distincts, ils sont liés dans l’unique dessein divin ; aussi Dieu lui-même veut-il, dans le Christ, réassumer le monde tout entier, pour en faire une nouvelle créature en commençant dès cette terre et en lui donnant sa plénitude au dernier jour. Le laïc, qui est tout ensemble membre du Peuple de Dieu et de la cité des hommes n’a qu’une conscience chrétienne. Celle-ci doit le guider sans cesse dans les deux domaines.
6. L’apostolat destiné à évangéliser et sanctifier les hommes
La mission de l’Église concerne le salut des hommes, qui s’obtient par la foi au Christ et par sa grâce. Par son apostolat l’Église et tous ses membres doivent donc d’abord annoncer au monde le message du Christ par leurs paroles et leurs actes et lui communiquer sa grâce. Cela s’accomplit principalement par le ministère de la parole et des sacrements. Confié spécialement au clergé, il comporte pour des laïcs un rôle propre de grande importance, qui fait d’eux les « coopérateurs de la vérité » (3 Jn 8). Dans ce domaine surtout l’apostolat des laïcs et le ministère pastoral se complètent mutuellement.
Les laïcs ont d’innombrables occasions d’exercer l’apostolat d’évangélisation et de sanctification. Le témoignage même de la vie chrétienne et les œuvres accomplies dans un esprit surnaturel sont puissants pour attirer les hommes à la foi et à Dieu ; le Seigneur dit en effet : « Que votre lumière brille devant les hommes pour qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). Cet apostolat cependant ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie ; le véritable apôtre cherche les occasions d’annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants pour les aider à cheminer vers la foi, soit aux fidèles pour les instruire, les fortifier, les inciter à une vie plus fervente, « car la charité du Christ nous presse » (2 Co 5, 14). C’est dans les cœurs de tous que doivent résonner ces paroles de l’Apôtre : « Malheur à moi si je n’évangélise pas » (1 Co 9, 16) [11].
À une époque où se posent des questions nouvelles et où se répandent de très graves erreurs tendant à ruiner radicalement la religion, l’ordre moral et la société humaine elle-même, le Concile exhorte instamment les laïcs, chacun suivant ses talents et sa formation doctrinale, à prendre une part plus active selon l’esprit de l’Église, dans l’approfondissement et la défense des principes chrétiens comme dans leur application adaptée aux problèmes de notre temps.
7. Le renouvellement chrétien de l’ordre temporel
Tel est le dessein de Dieu sur le monde : que les hommes, d’un commun accord, construisent l’ordre des réalités temporelles et le rendent sans cesse plus parfait. Tout ce qui compose l’ordre temporel : les biens de la vie et de la famille, la culture, les réalités économiques, les métiers et les professions, les institutions de la communauté politique, les relations internationales et les autres réalités du même genre, leur évolution et leur progrès, n’ont pas seulement valeur de moyen par rapport à la fin dernière de l’homme. Ils possèdent une valeur propre, mise en eux par Dieu lui-même, soit qu’on regarde chacun d’entre eux, soit qu’on les considère comme parties de l’ensemble de l’univers temporel : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait et c’était très bon » (Gn 1, 31). Cette bonté naturelle qui est leur reçoit une dignité particulière en raison de leur relation avec la personne humaine au service de laquelle ils ont été créés. Enfin il a plu à Dieu de rassembler toutes les réalités, aussi bien naturelles que surnaturelles, en un seul tout dans le Christ « pour que celui-ci ait la primauté en tout » (Col 1, 18). Cette destination, loin de priver l’ordre naturel de son autonomie, de ses fins, de ses lois propres, de ses moyens, de son importance pour le bien des hommes, rend au contraire plus parfaites sa force et sa valeur propre ; elle le hausse en même temps au niveau de la vocation intégrale de l’homme ici-bas.
Au cours de l’histoire, l’usage des choses temporelles a été souillé par de graves aberrations. Atteints par la faute originelle, les hommes sont tombés souvent en de nombreuses erreurs sur le vrai Dieu, la nature humaine et les principes de la loi morale : alors les mœurs et les institutions humaines s’en sont trouvées corrompues, la personne humaine elle-même bien souvent méprisée. De nos jours encore, certains, se fiant plus que de raison aux progrès de la science et de la technique, sont enclins à une sorte d’idolâtrie des choses temporelles : ils en deviennent les esclaves plutôt que les maîtres.
C’est le travail de toute l’Église de rendre les hommes capables de bien construire l’ordre temporel et de l’orienter vers Dieu par le Christ. Il revient aux pasteurs d’énoncer clairement les principes concernant la fin de la création et l’usage du monde et d’apporter une aide morale et spirituelle pour que les réalités temporelles soient renouvelées dans le Christ.
Les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l’ordre temporel. Éclairés par la lumière de l’Évangile, conduits par l’esprit de l’Église, entraînés par la charité chrétienne, ils doivent en ce domaine agir par eux-mêmes d’une manière bien déterminée. Membres de la cité, ils ont à coopérer avec les autres citoyens suivant leur compétence particulière en assumant leur propre responsabilité et à chercher partout et en tout la justice du Royaume de Dieu. L’ordre temporel est à renouveler de telle manière que, dans le respect de ses lois propres et en conformité avec elles, il devienne plus conforme aux principes supérieurs de la vie chrétienne et soit adapté aux conditions diverses des lieux, des temps et des peuples. Parmi les tâches de cet apostolat l’action sociale chrétienne a un rôle éminent à jouer. Le Concile désire le voir s’étendre aujourd’hui à tout le secteur temporel sans oublier le plan culturel [12].
8. L’action caritative, sceau de l’apostolat chrétien
Tout apostolat trouve dans la charité son origine et sa force, mais certaines œuvres sont par nature aptes à devenir une expression particulièrement parlante de cette charité : le Christ a voulu qu’elles soient le signe de sa mission messianique (cf. Mt 11, 4-5).
Le plus grand commandement de la loi est d’aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même (cf. Mt 22, 37-40). De cette loi de l’amour du prochain, le Christ a fait son commandement personnel. Il l’a enrichi d’un sens nouveau quand il voulut, s’identifiant à ses frères, être l’objet de cette charité disant : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). En assumant la nature humaine c’est toute l’humanité qu’il s’est unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille ; il a fait de la charité le signe de ses disciples, par ces paroles : « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
En ses débuts, la sainte Église en joignant « l’agapè » à la Cène eucharistique la manifestait tout entière réunie autour du Christ par le lien de la charité, ainsi en tout temps elle se fait reconnaître à ce signe d’amour ; tout en se réjouissant des initiatives d’autrui, elle tient aux œuvres charitables comme à une partie de sa mission propre et comme à un droit inaliénable. C’est pourquoi la miséricorde envers les pauvres et les faibles, les œuvres dites de charité et de secours mutuel pour le soulagement de toutes les souffrances humaines sont particulièrement en honneur dans l’Église [13].
Aujourd’hui ces activités et ces œuvres de charité sont beaucoup plus pressantes et doivent davantage prendre les dimensions de l’univers, car les moyens de communication sont plus aisés et plus rapides, la distance entre les hommes est pour ainsi dire vaincue, les habitants du monde entier deviennent comme les membres d’une seule famille. L’action de la charité peut et doit atteindre aujourd’hui tous les hommes et toutes les détresses. Partout où se trouvent ceux qui souffrent du manque de nourriture et de boisson, de vêtements, de logement, de remèdes, de travail, d’instruction, des moyens de mener une vie vraiment humaine, ceux qui sont tourmentés par les épreuves ou la maladie, ceux qui subissent l’exil ou la prison, la charité chrétienne doit les chercher et les découvrir, les réconforter avec un soin empressé, et les soulager par une aide adaptée. Cette obligation s’impose en tout premier lieu aux hommes et aux peuples qui sont les mieux pourvus [14].
Pour que cet exercice de la charité soit toujours au-dessus de toute critique et apparaisse comme tel, il faut voir dans le prochain l’image de Dieu selon laquelle il a été créé et le Christ notre Seigneur à qui est offert en réalité tout ce qui est donné au pauvre. La liberté et la dignité de la personne secourue doivent être respectées avec la plus grande délicatesse. La pureté d’intention ne doit être entachée d’aucune recherche d’intérêt propre ni d’aucun désir de domination [15]. Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice de peur que l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice. Que disparaissent la cause des maux et pas seulement leurs effets et que l’aide apportée s’organise de telle sorte que les bénéficiaires se libèrent peu à peu de leur dépendance à l’égard d’autrui et deviennent capables de se suffire.
Les laïcs doivent donc estimer profondément et aider, selon leur pouvoir, les œuvres de charité et les initiatives concernant l’assistance sociale, qu’elles soient privées ou publiques, sans oublier les initiatives internationales ; par elles on apporte un secours efficace aux personnes et aux peuples qui souffrent. Qu’en cela ils collaborent avec tous les hommes de bonne volonté [16].
CHAPITRE III :
Les divers champs d’apostolat
9. Introduction
Les laïcs exercent leur apostolat multiforme tant dans l’Église que dans le monde. Dans l’un et l’autre cas leur sont ouverts divers champs d’action apostolique. Nous nous proposons de rappeler ici les principaux d’entre eux : les communautés ecclésiales, la famille, les jeunes, les milieux sociaux, les secteurs nationaux et internationaux. Comme de nos jours les femmes ont une part de plus en plus active dans toute la vie de la société, il est très important que grandisse aussi leur participation dans les divers secteurs de l’apostolat de l’Église.
10. Les communautés ecclésiales
Participant à la fonction du Christ Prêtre, Prophète et Roi, les laïcs ont leur part active dans la vie et l’action de l’Église. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que sans elle l’apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet. À l’image des hommes et des femmes qui aidaient Paul dans l’annonce de l’Évangile (cf. Ac 18, 18-26 ; Rm 16, 3), les laïcs qui ont vraiment l’esprit apostolique viennent, en effet, en aide à leurs frères, et réconfortent aussi bien les pasteurs que les autres membres du peuple fidèle (cf. 1 Co 16, 17-18). Nourris par leur participation active à la vie liturgique de leur communauté, ils s’emploient avec zèle à ses œuvres apostoliques ; ils acheminent vers l’Église des hommes qui en étaient peut-être fort éloignés ; ils collaborent avec ardeur à la diffusion de la Parole de Dieu, particulièrement par les catéchismes ; en apportant leur compétence ils rendent plus efficace le ministère auprès des âmes de même que l’administration des biens de l’Église.
La paroisse offre un exemple remarquable d’apostolat communautaire, car elle rassemble dans l’unité tout ce qui se trouve en elle de diversités humaines et elle les insère dans l’universalité de l’Église [17]. Que les laïcs prennent l’habitude de travailler dans la paroisse en étroite union avec leurs prêtres [18], d’apporter à la communauté de l’Église leurs propres problèmes, ceux du monde et les questions touchant le salut des hommes pour les examiner et les résoudre en tenant compte de l’avis de tous. Selon leurs possibilités, ils apporteront leur concours à toute entreprise apostolique et missionnaire de leur famille ecclésiale.
Les laïcs développeront sans cesse le sens du diocèse, dont la paroisse est comme une cellule ; ils seront toujours prompts à l’invitation de leur pasteur à participer aux initiatives du diocèse. De plus, pour répondre aux nécessités des villes et des régions rurales [19], ils ne borneront pas leur coopération aux limites de la paroisse ou du diocèse, mais ils s’efforceront de l’élargir au plan interparoissial, interdiocésain, national et international : d’autant plus que l’accroissement constant des migrations de population, la multiplication des liens mutuels, la facilité des communications ne permettent plus à une partie de la société de demeurer repliée sur elle-même. Les laïcs se préoccupent donc des exigences du Peuple de Dieu répandu sur toute la terre. Ils feront leurs en particulier les œuvres missionnaires en leur apportant une aide matérielle, voire même en concours personnel : c’est pour les chrétiens un devoir et un honneur que de restituer à Dieu une partie des biens qu’ils reçoivent de lui.
11. La famille
Le Créateur a fait de la communauté conjugale l’origine et le fondement de la société humaine. Par sa grâce, il en a fait aussi un mystère d’une grande portée dans le Christ et dans l’Église (cf. Ep 5, 32). Aussi l’apostolat des époux et des familles a-t-il une singulière importance pour l’Église comme pour la société civile.
Les époux chrétiens sont l’un pour l’autre, pour leurs enfants et les autres membres de leur famille, les coopérateurs de la grâce et les témoins de la foi. Ils sont les premiers à transmettre la foi à leurs enfants et à en être auprès d’eux les éducateurs. Ils les forment par la parole et l’exemple à une vie chrétienne et apostolique ; ils les aident avec sagesse dans le choix de leur vocation et favorisent de leur mieux une vocation sacrée s’ils la découvrent en eux.
Ce fut toujours le devoir des époux, mais c’est aujourd’hui l’aspect le plus important de leur apostolat, de manifester et de prouver par toute leur vie l’indissolubilité et la sainteté du lien matrimonial ; d’affirmer avec vigueur le droit et le devoir assignés aux parents et aux tuteurs d’élever chrétiennement leurs enfants ; de défendre la dignité et l’autonomie de la famille. Ils doivent donc collaborer, eux et tous les fidèles, avec les hommes de bonne volonté, pour que ces droits soient parfaitement sauvegardés dans la législation civile ; pour qu’il soit tenu compte, dans le gouvernement du pays, des exigences des familles concernant l’habitation, l’éducation des enfants, les conditions de travail, la sécurité sociale et les impôts et que dans les migrations la vie commune de la famille soit parfaitement respectée [20].
Cette mission d’être la cellule première et vitale de la société, la famille elle-même l’a reçue de Dieu. Elle la remplira si par la piété de ses membres et la prière faite à Dieu en commun elle se présente comme un sanctuaire de l’Église à la maison ; si toute la famille s’insère dans le culte liturgique de l’Église ; si enfin elle pratique une hospitalité active et devient promotrice de la justice et de bons services à l’égard de tous les frères qui sont dans le besoin. Parmi les diverses œuvres d’apostolat familial, citons en particulier : adopter des enfants abandonnés, accueillir aimablement les étrangers, aider à la bonne marche des écoles, conseiller et aider les adolescents, aider les fiancés à se mieux préparer au mariage, donner son concours au catéchisme, soutenir époux et familles dans leurs difficultés matérielles ou morales, procurer aux vieillards non seulement l’indispensable mais les justes fruits du progrès économique. Toujours et partout mais spécialement dans les régions où commencent à se répandre les premières semences de l’Évangile, dans celles où l’Église en est à ses débuts, dans celles aussi où elle se heurte à de graves obstacles, les familles rendent au Christ un très précieux témoignage face au monde en s’attachant par toute leur vie à l’Église et en présentant l’exemple d’un foyer chrétien [21].
Afin d’atteindre plus facilement les buts de leur apostolat il peut être opportun pour les familles de se constituer en associations [22].
12. Les jeunes
Les jeunes représentent dans la société moderne une force de grande importance [23] . Les circonstances de leur vie, leurs habitudes d’esprit, les rapports avec leurs propres familles se sont complètement transformés. Ils accèdent souvent très rapidement à une nouvelle condition sociale et économique. Alors que grandit de jour en jour leur importance sociale et même politique, ils apparaissent assez peu préparés à porter convenablement le poids de ces charges nouvelles.
Cet accroissement de leur importance sociale exige d’eux une plus grande activité apostolique, et leur caractère naturel les y dispose. Lorsque mûrit la conscience de leur propre personnalité, poussés par leur ardeur naturelle et leur activité débordante, ils prennent leurs propres responsabilités et désirent être parties prenantes dans la vie sociale et culturelle ; si cet élan est pénétré de l’esprit du Christ, animé par le sens de l’obéissance et l’amour envers l’Église, on peut en espérer des fruits très riches. Les jeunes doivent devenir les premiers apôtres des jeunes, en contact direct avec eux, exerçant l’apostolat par eux-mêmes et entre eux, compte tenu du milieu social où ils vivent [24].
Les adultes auront soin d’engager avec les jeunes des dialogues amicaux qui permettent aux uns et aux autres, en dépassant la différence d’âge, de se connaître mutuellement et de se communiquer leurs propres richesses. C’est par l’exemple d’abord, et, à l’occasion, par un avis judicieux et une aide efficace que les adultes pourront stimuler les jeunes à l’apostolat. De leur côté les jeunes sauront garder le respect et la confiance à l’égard des adultes, et dans leur désir naturel de renouvellement ils sauront apprécier comme elles le méritent les traditions estimables. Les enfants ont également une activité apostolique qui leur est propre. À la mesure de leurs possibilités ils sont les témoins vivants du Christ au milieu de leurs camarades.
13. Le milieu social
L’apostolat dans le milieu social s’efforce de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où chacun vit. Il est tellement le travail propre et la charge des laïcs que personne ne peut l’assumer comme il faut à leur place. Sur ce terrain, les laïcs peuvent mener l’apostolat du semblable envers le semblable. Là ils complètent le témoignage de la vie par celui de la parole [25]. C’est là qu’ils sont le plus aptes à aider leurs frères, dans leur milieu de travail, de profession, d’étude, d’habitation, de loisir, de collectivité locale.
Les laïcs accomplissent cette mission de l’Église dans le monde avant tout par cet accord de leur vie avec la foi qui fait d’eux la lumière du monde, et par cette honnêteté en toute activité capable d’éveiller en chaque homme l’amour du vrai et du bien, et de les inciter à aller un jour au Christ et à l’Église. Ils disposent insensiblement tous les cœurs à l’action de la grâce du salut par cette vie de charité fraternelle qui leur fait partager les conditions de vie et de travail, les souffrances et les aspirations de leurs frères. Enfin par cette pleine conscience de leur responsabilité propre dans la vie de la société, ils s’efforcent d’accomplir leurs devoirs familiaux, sociaux et professionnels avec une telle générosité chrétienne que leur manière d’agir pénètre peu à peu leur milieu de vie et de travail.
Cet apostolat s’adresse à tous les hommes, aussi nombreux qu’ils soient, et n’a le droit d’exclure aucun bien spirituel ou temporel qu’il est possible de leur procurer. Mais les apôtres authentiques ne se contentent pas de cette seule action, ils ont le souci d’annoncer aussi le Christ par la parole à ceux qui les entourent. Beaucoup d’hommes en effet ne peuvent recevoir l’Évangile et reconnaître le Christ que par les laïcs qu’ils côtoient.
14. Les secteurs national et international
Immense est le champ d’apostolat, sur le plan national et international, où les laïcs surtout sont les intendants de la sagesse chrétienne. Dans le dévouement envers la nation, dans le fidèle accomplissement de leurs devoirs civiques les catholiques se sentiront tenus de promouvoir le vrai bien commun ; c’est ainsi qu’ils pourront amener le pouvoir civil à tenir compte de leur opinion afin qu’il s’exerce dans la justice et que les lois soient conformes aux exigences morales et au bien commun. Que les catholiques compétents en matière politique, affermis comme il convient dans la foi et la doctrine chrétienne, ne refusent pas la gestion des affaires publiques, car ils peuvent par une bonne administration travailler au bien commun et en même temps préparer la route à l’Évangile.
Les catholiques s’attacheront à collaborer avec tous les hommes de bonne volonté pour promouvoir tout ce qui est vrai, juste, saint, digne d’être aimé (cf. Ph 4, 8). Ils entreront en dialogue avec eux, allant à eux avec intelligence et délicatesse, et rechercheront comment améliorer les institutions sociales et publiques selon l’esprit de l’Évangile.
Parmi les signes de notre temps, il faut noter particulièrement ce sens toujours croissant et inéluctable de la solidarité de tous les peuples, que l’apostolat des laïcs doit développer et transformer en un désir sincère et effectif de fraternité. Enfin les laïcs doivent prendre conscience de l’existence du secteur international, des questions et des solutions doctrinales ou pratiques qui s’y font jour, en particulier en ce qui concerne les peuples qui font effort vers le progrès [26].
Tous ceux qui travaillent dans des nations étrangères, ou leur apportent leur aide, se rappelleront que les relations entre peuples doivent être un véritable échange fraternel dans lequel les deux parties donnent et reçoivent à la fois. Ceux qui voyagent à l’étranger, pour raison d’affaires ou de loisir, doivent se rappeler qu’ils sont également partout les messagers itinérants du Christ et qu’ils ont à se conduire comme tels.
CHAPITRE IV :
Les divers modes d’apostolat
15. Introduction
Les laïcs peuvent exercer leur action apostolique soit individuellement, soit groupés en diverses communautés ou associations.
16. Importance et multiplicité des formes de l’apostolat individuel
L’apostolat que chacun doit exercer personnellement et qui découle toujours d’une vie vraiment chrétienne (cf. Jn 4, 14) est le principe et la condition de tout apostolat des laïcs, même collectif, et rien ne peut le remplacer.
Cet apostolat individuel est toujours et partout fécond ; il est en certaines circonstances le seul adapté et le seul possible. Tous les laïcs y sont appelés et en ont le devoir, quelle que soit leur condition, même s’ils n’ont pas l’occasion ou la possibilité de collaborer dans des mouvements.
En ce domaine il existe pour les laïcs de multiples manières de participer à l’édification de l’Église, à la sanctification du monde et à son animation dans le Christ. La forme particulière de l’apostolat individuel des laïcs est le témoignage de toute une vie de laïcs, inspirée par la foi, l’espérance et la charité : elle est d’ailleurs un signe très adapté à notre temps et manifeste le Christ vivant en ses fidèles. Par l’apostolat de la parole, absolument nécessaire en certaines circonstances, les laïcs annoncent le Christ. Par là ils expliquent et répandent sa doctrine chacun selon sa condition, sa compétence et la professent avec fidélité.
En outre, parce qu’ils collaborent comme citoyens de ce monde à tout ce qui touche la construction et la gestion de l’ordre temporel, les laïcs doivent chercher à approfondir dans la vie familiale, professionnelle, culturelle et sociale, à la lumière de la foi leurs raisons d’agir et à l’occasion les révéler aux autres, conscients ainsi d’être les coopérateurs du Dieu créateur, rédempteur et sanctificateur, et de lui rendre gloire. Enfin les laïcs animeront leur vie par la charité et l’exprimeront concrètement à la mesure de leurs moyens.
Tous se souviendront que par le culte public et la prière personnelle, par la pénitence et la libre acceptation des travaux et des peines de la vie qui les conforme au Christ souffrant (cf. 2 Co 4, 10 ; Col 1, 24), ils peuvent atteindre tous les hommes et travailler au salut du monde entier.
17. L’apostolat individuel en certaines circonstances
Cet apostolat individuel est particulièrement nécessaire et urgent dans les régions où la liberté de l’Église est gravement compromise. Dans ces circonstances très difficiles, les laïcs remplaçant les prêtres dans la mesure où ils le peuvent, exposant leur propre liberté et parfois leur vie, enseignent la doctrine chrétienne à ceux qui les entourent, les forment à la vie religieuse et à l’esprit catholique, les incitent à la réception fréquente des sacrements et à la piété surtout envers l’Eucharistie [27]. Le Concile du fond du cœur rend grâces à Dieu qui, encore aujourd’hui, ne cesse de susciter des laïcs au courage héroïque au milieu des persécutions ; il les entoure de sa paternelle affection et leur exprime sa reconnaissance.
L’apostolat individuel trouve une grande place là où les catholiques sont peu nombreux et dispersés. Dans ces circonstances, les laïcs qui n’exercent qu’un apostolat personnel, soit pour les raisons mentionnées plus haut, soit pour des motifs particuliers venant parfois de leur activité professionnelle, peuvent se rassembler utilement par petits groupes, sans aucune forme rigide d’institution ou d’organisation pourvu que le signe de la communauté de l’Église apparaisse toujours aux autres comme un témoignage authentique d’amour.
Ainsi, s’aidant mutuellement au plan spirituel par leur amitié et l’échange de leurs expériences, ils se préparent à surmonter les inconvénients d’une vie et d’une action trop isolées, et à produire des fruits apostoliques plus abondants.
18. Importance de l’apostolat organisé
Les chrétiens sont donc appelés à exercer personnellement l’apostolat dans leurs diverses conditions de vie ; il ne faut cependant pas oublier que l’homme est social par nature et qu’il a plu à Dieu de rassembler ceux qui croient au Christ pour en faire le Peuple de Dieu (cf. 1 P 2, 5-10) et les unir en un seul corps (cf. 1 Co 12, 12). L’apostolat organisé correspond donc bien à la condition humaine et chrétienne des fidèles ; il présente en même temps le signe de la communion et de l’unité de l’Église dans le Christ qui a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
C’est pourquoi les chrétiens exerceront leur apostolat en s’accordant sur un même but [28]. Qu’ils soient apôtres, tant dans leurs communautés familiales que dans les paroisses et les diocèses qui expriment en tant que tels le caractère communautaire de l’apostolat ; qu’ils le soient aussi dans les groupements libres dans lesquels ils auront choisi de se réunir.
L’apostolat organisé est aussi très important parce que souvent, soit dans les communautés ecclésiales, soit dans les divers milieux de vie, l’apostolat requiert une action d’ensemble. Les organisations créées pour un apostolat collectif soutiennent leurs membres, les forment à l’apostolat, ordonnent et dirigent leur action apostolique de telle sorte qu’on puisse en espérer des résultats beaucoup plus importants que si chacun agissait isolément.
Dans la conjoncture actuelle il est souverainement nécessaire que là où s’exerce l’activité des laïcs se développe l’apostolat sous sa forme collective et organisée ; seule en effet cette étroite conjonction des efforts peut permettre d’atteindre complètement tous les buts de l’apostolat d’aujourd’hui et d’en protéger efficacement les fruits [29]. Dans cette perspective il est particulièrement important que l’apostolat atteigne les mentalités collectives et les conditions sociales de ceux dont il se préoccupe, sinon ceux-ci seront souvent incapables de résister à la pression de l’opinion publique ou des institutions.
19. Les multiples formes de l’apostolat organisé
Il existe une grande variété dans les associations d’apostolat [30]. Les unes se proposent d’atteindre le but apostolique général de l’Église ; d’autres des buts d’évangélisation et de sanctification envisagés sous un angle particulier ; d’autres visent à l’animation chrétienne de l’ordre temporel ; d’autres rendent témoignage au Christ plus spécialement par les œuvres de miséricorde et de charité.
Parmi ces groupements, il faut en premier lieu considérer ceux qui favorisent et mettent en valeur une union plus intime entre la vie concrète de leurs membres et leur foi. Les organisations ne sont pas des fins en soi, mais elles doivent servir la mission de l’Église envers le monde. Leur valeur apostolique dépend de leur conformité aux buts de l’Église, ainsi que de la qualité chrétienne de leur témoignage et de l’esprit évangélique de chacun de leurs membres et de l’association tout entière.
La mission universelle de l’Église, étant donné la mise en place progressive des structures et l’évolution de la société actuelle, requiert de plus en plus le développement des associations apostoliques des catholiques au plan international. Les organisations internationales catholiques atteindront mieux leur but, si les groupes qu’elles rassemblent et leurs membres leur sont plus étroitement unis.
Le lien nécessaire avec l’autorité ecclésiastique étant assuré [31], les laïcs ont le droit de fonder des associations [32], de les diriger et d’adhérer à celles qui existent. Il faut cependant éviter la dispersion des forces ; celle-ci se produirait si l’on fondait de nouvelles associations et œuvres sans raison suffisante, si l’on en conservait d’autres devenues inutiles, ou encore si l’on gardait des méthodes périmées ; enfin il ne sera pas toujours opportun de transplanter sans discernement dans un pays déterminé les formes d’apostolat organisé qui existent dans un autre [33].
20. L’Action catholique
Depuis quelques dizaines d’années, dans un grand nombre de pays, des laïcs adonnés de plus en plus à l’apostolat, se sont réunis en des formes diverses d’action et d’associations qui, en union particulièrement étroite avec la hiérarchie, ont poursuivi et poursuivent des buts proprement apostoliques. Parmi ces institutions, comme parmi d’autres semblables et plus anciennes, il faut mentionner en premier lieu celles qui, tout en suivant diverses méthodes, ont été très fécondes pour le règne du Christ : recommandées et favorisées à juste titre par les papes et de nombreux évêques, elles ont reçu d’eux le nom d’Action catholique ; elles ont été le plus souvent décrites comme une collaboration des laïcs à l’apostolat hiérarchique [34].
Ces formes d’apostolat, qu’elles portent ou non le nom d’Action catholique, exercent aujourd’hui un apostolat précieux. Elles sont constituées par la réunion des éléments suivants qui les caractérisent :
a) Le but immédiat des organisations de ce genre est le but apostolique de l’Église dans l’ordre de l’évangélisation, de la sanctification des hommes et de la formation chrétienne de leur conscience, afin qu’ils soient en mesure de pénétrer de l’esprit de l’Évangile les diverses communautés et les divers milieux.
b) Les laïcs collaborant, selon un mode qui leur est propre, avec la hiérarchie, apportent leur expérience et assument leur responsabilité dans la direction de ces organisations, dans la recherche des conditions de mise en œuvre de la pastorale de l’Église, dans l’élaboration et la poursuite de leur programme d’action.
c) Ces laïcs agissent unis à la manière d’un corps organisé, ce qui exprime de façon plus parlante la communauté ecclésiale et rend l’apostolat plus fécond.
d) Ces laïcs, qu’ils soient venus à l’apostolat de leur propre mouvement ou en réponse à une invitation pour l’action et la coopération directe avec l’apostolat hiérarchique, agissent sous la haute direction de la hiérarchie elle-même, qui peut même authentifier cette collaboration par un mandat explicite.
Les organisations qui, au jugement de la hiérarchie, vérifient l’ensemble de ces caractères, doivent être réputées comme étant d’Action catholique, même si elles ont des structures et des noms variés selon les exigences des lieux et des peuples.
Le saint Concile recommande instamment ces institutions qui répondent certainement en beaucoup de pays aux nécessités de l’apostolat de l’Église, et il invite les prêtres et les laïcs qui y travaillent à réaliser de plus en plus les caractéristiques mentionnées plus haut et à coopérer toujours fraternellement dans l’Église avec toutes les autres formes de l’apostolat.
21. Estime des organisations
Toutes les organisations d’apostolat sont à estimer comme il convient, mais celles que la hiérarchie, selon les besoins des temps et des lieux, aura louées, recommandées, décidé de fonder comme plus urgentes, doivent être mises en première place par les prêtres, les religieux et les laïcs, et développées par chacun suivant sa mission. Parmi ces groupements, il faut mentionner très spécialement aujourd’hui les associations ou groupes internationaux de catholiques.
22. Les laïcs qui sont à un titre spécial au service de l’Église
Sont dignes d’un respect et d’une estime particulière dans l’Église les laïcs célibataires ou mariés qui de manière définitive ou pour un temps mettent leur personne, leur compétence professionnelle au service des institutions et de leurs activités. C’est une grande joie de voir s’augmenter de jour en jour le nombre des laïcs qui se consacrent aux associations et œuvres d’apostolat, soit à l’intérieur de leur pays, soit dans le secteur international, soit surtout dans des communautés catholiques des missions et des églises naissantes. Les pasteurs accueilleront ces laïcs avec joie et reconnaissance ; ils veilleront à ce que leur condition satisfasse aussi parfaitement que possible aux exigences de la justice, de l’équité et de la charité, surtout en ce qui concerne les ressources nécessaires à leur vie et à celles de leur famille ; ils feront en sorte que ces laïcs disposent des moyens nécessaires de formation, de soutien et de stimulant spirituels.
CHAPITRE V :
Les dispositions à observer
23. Introduction
L’apostolat des laïcs, individuel ou collectif, doit s’insérer à sa vraie place dans l’apostolat de toute l’Église. Qui plus est, son lien avec ceux que l’Esprit Saint a constitués pour paître l’Église de Dieu (cf. Ac 20, 28), est un élément essentiel de l ’apostolat chrétien. Non moins nécessaire est la collaboration entre les diverses initiatives apostoliques qu’il est du ressort de la hiérarchie d’organiser harmonieusement.
Une estime mutuelle et une bonne coordination de toutes les formes apostoliques de l’Église, respectant le caractère particulier de chacune sont en effet absolument nécessaires pour promouvoir l’esprit d’unité afin que la charité fraternelle éclate dans tout l’apostolat de l’Église, que les buts communs soient atteints et que les rivalités dommageables soient évitées [35].
Cela apparaît surtout nécessaire quand une action particulière exige, dans l’Église, l’harmonie et la coopération apostolique des deux clergés, des religieux et des laïcs.
24. Relations avec la hiérarchie
Il appartient à la hiérarchie de favoriser l’apostolat des laïcs, de lui donner principes et assistance spirituelle, d’ordonner son exercice au bien commun de l’Église, et de veiller à ce que la doctrine et les dispositions fondamentales soient respectées.
Les liens de l’apostolat des laïcs avec la hiérarchie peuvent revêtir des modalités différentes selon la diversité des formes et des buts de cet apostolat.
On trouve dans l’Église un certain nombre d’initiatives apostoliques qui doivent leur origine au libre choix des laïcs et dont la gestion relève de leur propre jugement prudentiel. De telles initiatives permettent à l’Église, en certaines circonstances, de mieux remplir sa mission ; aussi n’est-il pas rare que la hiérarchie les loue et les recommande [36], mais aucune initiative ne peut prétendre au nom de catholique, sans le consentement de l’autorité ecclésiastique légitime.
Certaines formes de l’apostolat des laïcs sont reconnues explicitement par la hiérarchie sous une forme ou sous une autre.
En outre, eu égard aux exigences du bien commun de l’Église, l’autorité ecclésiastique peut choisir et promouvoir d’une façon spéciale certaines associations et institutions apostoliques, visant directement un but spirituel, et assumer à leur égard une responsabilité particulière. Ainsi la hiérarchie, organisant l’apostolat de diverses manières selon les circonstances, unit plus étroitement à sa propre charge apostolique telle forme d’apostolat sans toutefois altérer la nature propre et la distinction des deux tâches, et par conséquent sans enlever aux laïcs la nécessaire faculté d’agir de leur propre initiative. Cet acte de la hiérarchie a reçu le nom de « mandat » dans divers documents ecclésiastiques.
Enfin il arrive que la hiérarchie confie aux laïcs certaines charges touchant de plus près aux devoirs des pasteurs : dans l’enseignement de la doctrine chrétienne, par exemple, dans certains actes liturgiques et dans le soin des âmes. Par cette mission, les laïcs sont pleinement soumis à la direction du supérieur ecclésiastique pour l’exercice de ces charges.
En ce qui concerne les œuvres et institutions d’ordre temporel, le rôle de la hiérarchie ecclésiastique est d’enseigner et d’interpréter authentiquement les principes moraux à suivre en ce domaine. Il lui est également possible de juger, après mûre réflexion et consultation de personnes compétentes, de la conformité de telle œuvre ou institution avec ces principes moraux et de se prononcer à leur sujet sur ce qui est exigé pour la sauvegarde et la promotion des biens de l’ordre surnaturel.
25. Aide à apporter par le clergé à l’apostolat des laïcs
Les évêques, les curés, et les autres prêtres du clergé séculier et du clergé régulier se souviendront que le droit et le devoir d’exercer l’apostolat sont communs à tous les fidèles, clercs ou laïcs, et que dans l’édification de l’Église les laïcs ont aussi un rôle propre à jouer [37]. C’est pourquoi ils travailleront fraternellement avec les laïcs dans l’Église et pour l’Église et prendront spécialement à cœur le soutien des laïcs dans leurs œuvres d’apostolat [38].
Les évêques choisiront avec soin des prêtres capables et bien avertis pour s’occuper des formes particulières de l’apostolat des laïcs [39]. Ceux qui exercent ce ministère en vertu d’une mission reçue de la hiérarchie, la représentent dans son action pastorale : toujours attachés fidèlement à l’esprit et à la doctrine de l’Église, ils favoriseront entre les laïcs et la hiérarchie les relations convenables ; ils se dépenseront pour nourrir la vie spirituelle et le sens apostolique au sein des associations catholiques qui leur sont confiées ; ils seront présents à leur action apostolique par leurs avis judicieux et favoriseront leurs projets ; en dialogue constant avec les laïcs, ils rechercheront attentivement les formes les plus capables de rendre l’action apostolique plus fructueuse ; ils développeront l’esprit d’unité au sein même de l’association aussi bien qu’entre elle et les autres. Enfin les religieux, frères ou sœurs, estimeront l’action apostolique des laïcs, et, fidèles à l’esprit et aux règles de leur institut, ils se dépenseront volontiers à la développer [40]; ils s’appliqueront à soutenir, à aider et à compléter l’action du prêtre.
26. Moyens utiles à la coopération mutuelle
Au plan des diocèses il faudrait autant que possible qu’il y ait des conseils qui soutiennent le travail apostolique de l’Église tant sur le plan de l’évangélisation et de la sanctification que sur le plan caritatif, social et autre : les clercs et les religieux y collaboreront de manière appropriée avec les laïcs. Ces conseils pourront aider à la coordination mutuelle des diverses associations ou initiatives des laïcs en respectant la nature propre et l’autonomie de chacune [41] .
Des conseils semblables, autant que faire se peut, devraient être constitués au plan paroissial, interparoissial, interdiocésain, voire même au plan national et international [42].
Il faut de plus constituer auprès du Saint-Siège un secrétariat spécial pour le service et la promotion de l’apostolat des laïcs. Ce secrétariat serait comme un centre doté de moyens adaptés pour fournir des informations au sujet des diverses initiatives apostoliques des laïcs. Il s’attacherait aux recherches sur les problèmes qui surgissent aujourd’hui dans ce domaine et assisterait de ses conseils la hiérarchie et les laïcs sur le plan des activités apostoliques. Les divers mouvements et organisations apostoliques des laïcs du monde entier devraient être parties prenantes de ce secrétariat où se retrouveraient aussi des clercs pour collaborer avec les laïcs.
27. Coopération avec les autres chrétiens et les non-chrétiens
Le patrimoine évangélique commun, et le devoir commun qui en résulte de porter un témoignage chrétien, recommandent et souvent exigent la coopération de catholiques avec les autres chrétiens ; cette collaboration peut être le fait des individus et des communautés ecclésiales et concerner la participation soit à des activités, soit à des associations, sur le plan national ou international [43].
Les valeurs humaines communes réclament aussi de la part des chrétiens qui poursuivent des fins apostoliques une coopération de ce genre avec ceux qui ne professent pas le christianisme mais reconnaissent ces valeurs.
Par cette coopération dynamique et prudente [44], particulièrement importante dans les activités temporelles, les laïcs apportent un témoignage au Christ Sauveur du monde et à l’unité de la famille humaine.
CHAPITRE VI :
Formation à l’apostolat
28. Nécessité d’une formation à l’apostolat
L’apostolat ne peut atteindre une pleine efficacité que grâce à une formation à la fois différenciée et complète. C’est ce qu’exigent non seulement le constant progrès spirituel et doctrinal du laïc lui-même mais aussi diverses circonstances tenant aux réalités, aux personnes et aux obligations auxquelles son activité doit pouvoir s’adapter. Cette formation à l’apostolat s’appuiera comme sur des fondements sur les propositions et déclarations faites ailleurs par le Concile [45]. Un certain nombre de formes d’apostolat requièrent en plus de la formation commune à tous les chrétiens une formation spécifique et particulière en raison de la diversité des personnes et des circonstances.
29. Principes de la formation des laïcs à l’apostolat
Les laïcs ayant leur manière à eux de participer à la mission de l’Église, leur formation apostolique sera adaptée au caractère séculier propre au laïcat et à la vie spirituelle qui leur convient.
Cette formation à l’apostolat suppose une formation humaine conforme à la personnalité et aux conditions de la vie de chacun. Le laïc, en effet, grâce à une bonne connaissance du monde actuel, doit être un membre bien inséré dans son groupe social et dans la culture qui est la sienne.
Mais, en premier lieu, le laïc apprendra à accomplir la mission du Christ et de l’Église en vivant par la foi le mystère divin de la création et de la rédemption sous la motion de l’Esprit Saint qui anime le Peuple de Dieu et qui sollicite tous les hommes à aimer Dieu comme un père et à aimer le monde et les hommes. Cette formation doit être considérée comme le fondement et la condition même de tout apostolat fécond.
Outre la formation spirituelle, une solide connaissance doctrinale est requise en matière théologique, morale et philosophique ; cette connaissance devra être adaptée à l’âge, aux conditions de vie ainsi qu’aux aptitudes de chacun. De plus, il ne faut aucunement oublier l’importance d’une culture générale appropriée jointe à une formation pratique et technique.
En vue de faciliter au mieux les « relations humaines », il convient aussi de favoriser le développement des valeurs authentiquement humaines, en particulier celles qui concernent l’art de vivre en esprit fraternel, de collaborer ainsi que de dialoguer avec les autres.
Parce que la formation à l’apostolat ne peut consister dans la seule instruction théorique, il faut apprendre graduellement et prudemment dès le début de cette formation, à voir toutes choses, à juger, à agir à la lumière de la foi, à se former et à se perfectionner soi-même avec les autres par l’action. C’est ainsi qu’on entrera activement dans le service de l’Église [46]. Cette formation est sans cesse à perfectionner à cause du développement progressif de la personne humaine et de l’évolution même des problèmes ; elle requiert une connaissance toujours plus profonde et une adaptation constante de l’action. Tout en cherchant à répondre à ses multiples exigences, on aura le souci constant de respecter l’unité et l’intégrité totale de la personne humaine afin d’en préserver et d’en intensifier l’harmonieux équilibre.
De cette manière, le laïc peut s’insérer profondément et activement dans la réalité même de l’ordre temporel et prendre part efficacement à la marche des choses ; en même temps, comme membre vivant et témoin de l’Église, il rend celle-ci présente et agissante au cœur même des réalités temporelles [47].
30. Ceux qui doivent former les autres à l’apostolat
La formation à l’apostolat doit commencer dès la première éducation des enfants, mais ce sont plus spécialement les adolescents et les jeunes qui doivent être initiés à l’apostolat et marqués de son esprit. Cette formation sera d’ailleurs à poursuivre tout au long de la vie en fonction des exigences posées par de nouvelles tâches. Il est donc clair qu’il revient à ceux qui ont la charge de l’éducation chrétienne de s’attacher à cette éducation apostolique.
C’est aux parents qu’il incombe, au sein même de la famille, de préparer leurs enfants dès leur jeune âge à découvrir l’amour de Dieu envers tous les hommes ; ils leur apprendront peu à peu – et surtout par leur exemple – à avoir le souci des besoins de leur prochain, tant au plan matériel que spirituel. C’est la famille tout entière, dans sa communauté de vie, qui doit réaliser ainsi le premier apprentissage de l’apostolat.
Mais il est par ailleurs nécessaire de former les enfants de telle manière que, dépassant le cadre familial, ils ouvrent leur esprit à la vie des communautés, aussi bien ecclésiales que temporelles. Leur intégration à la communauté paroissiale locale doit être faite de telle manière qu’ils y prennent conscience d’être membres vivants et agissants du Peuple de Dieu. Les prêtres auront donc le souci constant de cette formation à l’apostolat : dans les catéchismes, les prédications, la direction des âmes ainsi que dans les diverses autres fonctions du ministère pastoral.
Ce sont également les écoles, les collèges et les diverses institutions catholiques consacrées à l’éducation qui doivent susciter chez les jeunes le sens catholique et l’action apostolique. Si ces moyens font défaut, soit que les jeunes ne fréquentent pas ces écoles, soit pour toute autre raison, que les parents et les pasteurs, ainsi que les mouvements d’apostolat, prennent d’autant plus soin d’y pourvoir. Quant aux maîtres et aux éducateurs, qui, par vocation et par devoir d’état, exercent une excellente forme de l’apostolat des laïcs, il importe qu’ils soient pénétrés de la doctrine et de la pédagogie nécessaires pour transmettre efficacement cette éducation.
Les groupements et associations diverses de laïcs qui se consacrent à l’apostolat ou à toute autre fin spirituelle doivent soigneusement et assidûment favoriser, selon leurs objectifs et leurs propres modalités, cette formation à l’apostolat [48]. Ces organismes constituent d’ailleurs souvent la voie ordinaire de cette formation à l’apostolat. On y trouve en effet la formation doctrinale, spirituelle et pratique. Leurs membres réunis en petits groupes avec leurs compagnons ou leur amis, examinent les méthodes et les résultats de leur action apostolique et cherchent ensemble dans l’Évangile à juger leur vie quotidienne.
Cette formation doit être poursuivie de façon telle qu’elle tienne compte de tout l’apostolat qui incombe aux laïcs, car celui-ci ne doit pas s’exercer seulement à l’intérieur des groupements et des associations mais dans toutes les circonstances de la vie, en particulier de la vie professionnelle et sociale. Bien plus, c’est chaque laïc qui doit se préparer lui-même activement à l’apostolat ; ceci est tout particulièrement vrai des adultes. En avançant en âge, en effet, l’esprit s’ouvre davantage, et chacun est donc plus capable de découvrir les talents qui lui ont été départis par Dieu et peut exercer plus efficacement les charismes que l’Esprit Saint lui a donnés pour le bien de ses frères.
31. Adaptation de la formation aux diverses formes d’apostolat
Les diverses formes d’apostolat nécessitent une formation particulièrement adaptée.
a) En ce qui concerne l’apostolat d’évangélisation et de sanctification, les laïcs doivent être spécialement préparés à engager le dialogue avec les autres, croyants ou non-croyants, afin de manifester à tous le message du Chris [49].
Mais comme en notre temps le matérialisme sous des formes diverses se répand un peu partout, même parmi les catholiques, il est nécessaire que les laïcs non seulement étudient avec soin la doctrine, particulièrement les points remis en cause, mais qu’en face de toute forme de matérialisme ils donnent le témoignage d’une vie évangélique.
b) En ce qui concerne la transformation chrétienne de l’ordre temporel les laïcs doivent être instruits de la véritable signification et de la valeur des biens temporels considérés tant en eux-mêmes que dans leurs rapports avec toutes les fins de la personne humaine; ils doivent être entraînés à bien user des choses et acquérir l’expérience de l’organisation des institutions, en restant attentifs au bien commun suivant les principes de la doctrine morale et sociale de l’Église. Les laïcs doivent assimiler tout particulièrement les principes et les conclusions de cette doctrine sociale, de sorte qu’ils deviennent capables de travailler pour leur part à son développement aussi bien que de l’appliquer correctement aux cas particuliers [50].
c) Comme les œuvres de charité et de miséricorde présentent un excellent témoignage de vie chrétienne, la formation apostolique doit aussi inviter à les accomplir, en sorte que dès leur enfance les disciples du Christ apprennent à partager les souffrances de leurs frères et à pourvoir avec générosité à leurs besoins [51].
32. Moyens à prendre
Les laïcs consacrés à l’apostolat disposent déjà de nombreux moyens de formation : sessions, congrès, récollections, exercices spirituels, rencontres fréquentes, conférences, livres et commentaires qui permettent d’approfondir la connaissance de l’Écriture sainte et de la doctrine catholique ainsi que de progresser dans la vie spirituelle, de connaître les conditions de vie du monde, de découvrir et d’utiliser les méthodes les plus aptes à l’apostolat [52].
Ces moyens de formation sont fonction des diverses formes d’apostolat à mettre en œuvre selon les milieux à atteindre.
Dans ce but ont même été créés des centres d’études ou des instituts supérieurs qui ont déjà donné d’excellents résultats.
Le Concile se réjouit des initiatives de ce genre et de leur rayonnement déjà florissant en certaines contrées et souhaite leur fondation là où la nécessité s’en fera sentir. De plus, il préconise la création de centres de documentation et d’études non seulement en matière théologique mais aussi pour les sciences humaines : anthropologie, psychologie, sociologie, méthodologie, afin de développer les aptitudes des laïcs, hommes, femmes, jeunes et adultes, pour tous les secteurs d’apostolat.
EXHORTATION
Le saint Concile adjure donc avec force au nom du Seigneur tous les laïcs de répondre volontiers avec élan et générosité à l’appel du Christ qui, en ce moment même, les invite avec plus d’insistance, et à l’impulsion de l’Esprit Saint. Que les jeunes réalisent bien que cet appel s’adresse très particulièrement à eux, qu’ils le reçoivent avec joie et de grand cœur. C’est le Seigneur lui-même qui, par le Concile, presse à nouveau tous les laïcs de s’unir intimement à lui de jour en jour, et de prendre à cœur ses intérêts comme leur propre affaire (cf. Ph 2, 5), de s’associer à sa mission de Sauveur ; il les envoie encore une fois en toute ville et en tout lieu où il doit aller lui-même (cf. Lc 10, 1) ; ainsi à travers la variété des formes et des moyens du même et unique apostolat de l’Église, les laïcs se montreront ses collaborateurs, toujours au fait des exigences du moment présent, « se dépensant sans cesse au service du Seigneur, sachant qu’en lui leur travail ne saurait être vain » (cf. 1 Co 15, 58). Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 18 novembre 1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Cf. Jean XXIII, Const. apost. Humanae Salutis, 25 décembre 1961 : AAS 54 (1962), p. 7-10.
[2] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 33 s. – Cf. aussi Const. Sacrosanctum concilium, n. 26-40. – Décret De instrumentis commun. socialis. – Décret Unitatis redintegratio. – Décret Christus Dominus, n. 16, 17, 18. Déclar. Gravissimum educationis n. 3, 5, 7.
[3] Cf. Pie XII, Alloc. aux cardinaux, 18 février 1946 : AAS 38 (1946), p.101-102.-Idem, Sermo ad Iuvenes operarios catholicos, 25 août 1957 : AAS 49 (1957), p.843.
[4] Cf. Pie XI, Encycl. Rerum Ecclesiae : AAS 18 (1926), p. 65.
[5] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 31.
[6] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 33, cf. aussi n. 10.
[7] Cf. Ibid., n. 12.
[8] Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, n. 11.
[9] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 32 ; cf. aussi n. 40-41.
[10] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 62 ; cf. aussi n. 65.
[11] Cf. Pie XI, Encycl. Ubi arcano, 23 décembre 1922 : AAS 14 (1922), p. 659. – Pie XII, Encycl. Summi Pontificatus, 20 octobre 1939 : AAS 31 (1939), p. 442-443.
[12] Cf. Léon XIII, Encycl. Rerum Novarum : AAS 23 (1890-1891), p. 647. – Pie XI, Encycl. Quadragesimo Anno : AAS 23 (1931), p. 190. – Pie XII, Message radioph. 1er juin 1941 : AAS 33 (1941), p. 207.
[13] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra : AAS 53 (1961), p. 402.
[14] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra : AAS 53 (1961), p. 440-441.
[15] Cf. Ibid., p. 442-443.
[16] Cf. Pie XII, Alloc. Ad « Pax Romana M.I.I.C. », 25 avril 1957 : AAS 49 (1957), p. 298-299 ; et surtout Jean XXIII, Ad Conventum Consilii « Food and Agriculture Organization (F.A.O.) », 10 novembre 1959 : AAS 51 (1951), p. 856, 866.
[17] Cf. Pie X, lettre apost. Creationis duarum novarum paroeciarum, 1er juin 1905 : AAS 38 (1905), p. 65-67. – Pie XII, Alloc. Aux fidèles de la paroisse Saint-Saba, 11 janvier 1953 : Discours et messages radioph. de Pie XII, 14 (1952-1953), p. 449-454. – Jean XXIII, Alloc. Clero et christifidelibus e dioecesi suburbicaria Albanensi, ad Arcem Gandulfi habita, 26 août 1962 : AAS 54 (1962), p. 565-660.
[18] Cf. Léon XIII, Alloc. du 28 janvier 1894, Acta 14 (1894), p. 424-425.
[19] Cf. Pie XII, Alloc. ad Parochos, etc., 6 février 1951, Discours et messages radioph. de Pie XII, 12 (1950- 1951), p. 437-443 ; 8 mars 1952 : ibid., 14 (1952-1953), p. 5-10 ; 27 mars 1953 : ibid., 15 (1953-1954), p. 27-35 ; 28 février 1954 : ibid., p. 585-590.
[20] Cf. Pie XI, Encycl. Casti connubii : AAS 22 (1930), p. 554. – Pie XII, Message radioph., 1er janvier 1941 : AAS 33 (1941), p. 203. Idem, Delegatis ad Conventum unionis intern. sodalitatum ad iura familiae tuenda, 20 septembre 1949 : AAS 41 (1949), p. 552. – Idem, Ad Patresfamilias e Gallia Romam peregrinantes, 18 septembre 1951 : AAS 43 (1951), p. 731. – Idem, Message radioph. de Noël, 1952 : AAS 45 (1953), p. 41. – Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 429, 439.
[21] 5. Cf. Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones, 2 juin 1951 : AAS 43 (1951), p. 514.
[22] Cf. Pie XII, Delegatis ad Conventum Unionis internationalis sodalitatum ad iura familiae tuenda, 20 septembre 1949 : AAS 41 (1949), p. 552.
[23] Cf. Pie X, Alloc. ad catholicam Associationem Iuventutis Gallicae de pietate, scientia et actione, 25 septembre 1904 : AAS 37 (1904-1905), p. 296-300.
[24] Cf. Pie XII, Épître Dans quelques semaines, ad Archiepiscopum Marianopolitanum, de conventibus a iuvenibus operariis christianis canadiensibus indictis, 24 mai 1947 : AAS 39 (1947), p. 257 ; Message radioph. à la j.o.c., Bruxelles, 3 septembre 1950 : AAS 42 (1950), p. 640-641.
[25] Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo Anno, 15 mai 1931 ; AAS 23 (1931), p. 225-226.
[26] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 448-450.
[27] Cf. Pie XII, Alloc. Ad I Conventum ex Omnibus Gentibus Laicorum Apostolatui provehendo, 15 octobre 1951 : AAS 43 (1951), p. 788.
[28] Cf. ibid., p. 787-788.
[29] Cf. Pie XII, Encycl. Le pèlerinage à Lourdes, 2 juillet 1957 : AAS 49 (1957), p. 615.
[30] Cf Pie XII, Alloc. ad Consilium Foederationis internationalis virorum catholicorum, 08 décembre 1956 : AAS 49 (1957), p. 26-27.
[31] Cf. infra chap.V, n. 24.
[32] Cf. S.C. du Concile, résolution Corrienten., 13 novembre 1920 : AAS 13 (1921), p. 139.
[33] Cf. Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum, 10 décembre 1959 : AAS 51 (1959), p. 856.
[34] Cf. Pie XI, épître Quae nobis, au card. Bertram, 13 novembre 1928 : AAS 20 (1928), p. 385. – Cf. aussi Pie XII, Alloc. Ad. A. C. Italicam, 4 septembre 1940 : AAS 32 (1940), p. 362.
[35] Cf. Pie XI, Encycl. Quamvis Nostra, 30 avril 1936 : AAS 28 (1936), p. 160-161.
[36] Cf. S. C. du Concile, résolution Corrienten., 13 novembre 1920 : AAS 13 (1921), p. 137-140.
[37] Cf. Pie XII, Alloc. Ad II Conventum ex Omnibus Gentibus Laicorum Apostolatui provehendo, 5 octobre 1957 : AAS 49 (1957), p. 927.
[38] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 37.
[39] Cf. Pie XII, exhort. apost. Menti Nostrae, 23 septembre 1950 : AAS 42 (1950), p. 660.
[40] Cf. Conc. Vat. II, décret Perfecta caritatis, n. 8.
[41] Cf. Benoît XIV, Du Synode diocésain, liv. III, c. IX, n. VII-VIII : Opera omnia in tomos XVII distributa, t. XI (Prati, 1844), p. 76-77.
[42] Cf. Pie XI, Encycl. Quamvis Nostra, 30 avril 1936 : AAS 28 (1936), p. 160-161.
[43] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 456-457. – Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio, n. 12.
[44] Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio, n. 12. Cf. aussi Const. dogm. Lumen gentium n. 15.
[45] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, chap. II, IV, V. – Cf. aussi décret Unitatis redintegratio, n. 4, 6, 7, 12. – Cf. aussi supra, n. 4.
[46] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium chap. II, IV, V. – Cf. aussi décret Unitatis redintegratio, n. 4, 6, 7, 12. – Cf. aussi supra, n. 4.
[47] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 33.
[48] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 455.
[49] Cf. Pie XII, Encycl. Sertum laetitiae, 1er novembre 1939 : AAS 31 (1939), p. 635-644. – Cf. Idem, Alloc. aux « laureati » de l’Action catholique italienne, 24 mai 1953 : AAS 45 (1953), p. 413-414.
[50] Cf. Pie XII, Alloc. Ad Congressum Universalem Foederationis Mundialis Iuventutis Feminae Cathol., 18 avril 1952 : AAS (1952), p. 414-419.- Idem, Alloc. Ad Associat. Christianam Operariorum Italiae (ACLI), 1er mai 1955 : AAS 47 (1955), p.470-471.
[51] Cf. Pie XII, Ad delegatos Conventus Sodalitatum Caritatis, 27 avril 1952, p. 470-471.
[52] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : ASS 53 (1961), p. 454.
- Détails
- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCRET SUR L'ACTIVITÉ MISSIONNAIRE DE L'ÉGLISE
AD GENTES
1. Préambule
Envoyée par Dieu aux nations pour être « le sacrement universel du salut [1] », l’Église, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur (cf. Mc 16, 16), est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Évangile à tous les hommes. Les Apôtres eux-mêmes, en effet, sur lesquels l’Église a été fondée ont suivi les traces du Christ, « ont prêché la parole de vérité et engendré des Églises [2] ». Le devoir de leurs successeurs est de perpétuer cette œuvre, afin que, « la Parole de Dieu soit divulguée et glorifiée » (2 Th 3, 1), le Royaume de Dieu annoncé et instauré dans le monde entier.
Mais dans l’ordre actuel des choses, dont découlent de nouvelles conditions pour l’humanité, l’Église, sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5, 13-14), est appelée de façon plus pressante à sauver et à rénover toute créature, afin que tout soit restauré dans le Christ, et qu’en lui les hommes constituent une seule famille et un seul Peuple de Dieu.
Aussi le saint Concile, tout en rendant grâce à Dieu pour les œuvres magnifiques accomplies par le zèle généreux de l’Église tout entière, désire-t-il esquisser les principes de l’activité missionnaire et rassembler les forces de tous les fidèles pour que le Peuple de Dieu, s’avançant sur la voie étroite de la croix, étende partout le règne du Christ Seigneur qui embrasse les siècles de son regard (cf. Si 36, 19), et qu’il prépare les voies à son avènement.
CHAPITRE PREMIER :
Principes doctrinaux
2. Le dessein du Père
Par nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père [3].
Ce dessein découle de « l’amour dans sa source », autrement dit de la charité de Dieu le Père qui, étant le principe sans principe, de qui le Fils est engendré, de qui le Saint- Esprit procède par le Fils, nous a créés librement dans sa surabondante bonté et miséricorde, et nous a de plus appelés gracieusement à partager avec lui sa vie et sa gloire ; qui a répandu sur nous sans compter sa miséricorde et ne cesse de la répandre, en sorte que lui, qui est le créateur de toutes choses, devienne enfin « tout en tous » (1 Co 15, 28) en procurant à la fois sa gloire et notre bonheur. Il a plu à Dieu d’appeler les hommes à participer à sa vie, non pas seulement de façon individuelle sans aucun lien les uns avec les autres, mais de les constituer en un peuple dans lequel ses enfants, qui étaient dispersés, seraient rassemblés dans l’unité (cf. Jn 11, 52).
3. La mission du Fils
Ce dessein universel de Dieu pour le salut du genre humain ne se réalise pas seulement d’une manière pour ainsi dire secrète dans l’âme des hommes, ou encore par des initiatives même religieuses, grâce auxquelles ils cherchent Dieu de bien des manières « pour l’atteindre si possible et le trouver ; aussi bien n’est-il pas loin de chacun de nous » (cf. Ac 17, 27) ; car ces initiatives ont besoin d’être éclairées et redressées, bien que, de par un dessein bienveillant de la Providence divine, on puisse parfois les considérer comme une orientation vers le vrai Dieu ou une préparation à l’Évangile [4]. Pour affermir la paix, autrement dit la communion avec lui, et pour établir la fraternité entre les hommes, – les hommes qui sont pécheurs – il décida de s’engager dans l’histoire humaine d’une façon nouvelle et définitive, en envoyant son Fils dans notre chair, afin d’arracher par lui les hommes à l’empire des ténèbres et de Satan (cf. Col 1, 13 ; Ac 10, 38), et de se réconcilier en lui le monde (cf. 2 Co 5, 19). Son Fils, par qui aussi il a fait les siècles [5], il l’a établi héritier de toutes choses, afin de tout restaurer en lui (cf. Ep 1, 10).
Car le Christ Jésus a été envoyé dans le monde comme le véritable médiateur entre Dieu et les hommes. Puisqu’il est Dieu, « toute la plénitude de la divinité habite en lui corporellement » (Col 2, 9) ; dans sa nature humaine, il est le nouvel Adam, il est constitué Tête de l’humanité renouvelée, il est rempli de grâce et de vérité (Jn 1, 14). Aussi par les voies d’une incarnation véritable, le Fils de Dieu est-il venu pour faire participer les hommes à la nature divine ; il s’est fait pauvre alors qu’il était riche afin de nous enrichir par sa pauvreté (2 Co 8, 9). Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup, c’est-à-dire pour tous (cf. Mc 10, 45). Les saints Pères proclament sans cesse que n’est pas guéri ce qui n’a pas été assumé par le Christ [6]. Mais il a assumé la nature humaine dans toute sa réalité, telle qu’on la trouve chez nous, malheureux et pauvres, mais elle est chez lui sans péché (cf. He 4, 15 ; 9, 28). Parlant de lui-même, le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (cf. Jn 10, 36), a dit ces paroles : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par son onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue » (Lc 4, 18) ; et encore : « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 10).
Ce qui a été une fois proclamé par le Seigneur ou accompli en lui pour le salut du genre humain doit être proclamé et répandu jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8), en commençant par Jérusalem (cf. Lc 24, 47), de sorte que ce qui a été accompli une fois pour toutes en vue du salut de tous, produise ses effets chez tous au cours des âges.
4. La mission du Saint-Esprit
Mais pour obtenir pleinement le résultat, le Christ a envoyé d’auprès du Père le Saint Esprit, qui accomplirait son œuvre de salut à l’intérieur des âmes et pousserait l’Église à s’étendre. Sans l’ombre d’un doute le Saint-Esprit était déjà à l’œuvre avant la glorification du Christ [7]. Pourtant, le jour de la Pentecôte, il descendit sur les disciples pour demeurer avec eux à jamais (cf. Jn 14, 16) ; l’Église se manifesta publiquement devant la multitude, la diffusion de l’Évangile parmi les nations commença avec la prédication ; enfin fut préfigurée l’union des peuples dans la catholicité de la foi, par l’Église de la Nouvelle Alliance, qui parle toutes les langues, comprend et embrasse dans sa charité toutes les langues, et triomphe ainsi de la dispersion de Babel [8]. Car c’est à la Pentecôte que commencèrent « les Actes des Apôtres », tout comme c’est lorsque le Saint-Esprit vint sur la Vierge Marie que le Christ fut conçu, et lorsque le même Esprit Saint descendit sur le Christ pendant sa prière que le Christ fut poussé à commencer son ministère [9]. Le Christ Jésus lui-même, avant de donner librement sa vie pour le monde, a de telle sorte organisé le ministère apostolique et promis d’envoyer le Saint-Esprit, que ce ministère et cette mission sont tous deux associés pour mener à bien, toujours et partout, l’œuvre du salut [10]. À travers toutes les époques, c’est le Saint-Esprit qui « unifie l’Église tout entière dans la communion et le ministère, qui la munit des divers dons hiérarchiques et charismatiques [11] », vivifiant à la façon d’une âme [12] les institutions ecclésiastiques et insufflant dans le cœur des fidèles le même esprit missionnaire, qui avait poussé le Christ lui-même. Parfois même il devance visiblement l’action apostolique [13], tout comme il ne cesse de l’accompagner et de la diriger de diverses manières [14].
5. L’Église envoyée par le Christ
Dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus « appela à lui ceux qu’il voulut, et en institua douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 13 ; cf. Mt 10, 1-42). Les Apôtres furent ainsi les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée. Puis, une fois qu’il eut par sa mort et sa résurrection accompli en lui-même les mystères de notre salut et de la rénovation de toutes choses, le Seigneur, qui avait reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre (cf. Mt 28, 18), fonda son Église comme sacrement du salut, avant d’être enlevé au ciel (cf. Ac 1, 11) ; tout comme il avait été lui-même envoyé par le Père (cf. Jn 20, 21), il envoya ses Apôtres dans le monde entier en leur donnant cet ordre : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19 s.) ; « Allez par le monde entier proclamer la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc 16, 15 s.). C’est de là que découle pour l’Église le devoir de propager la foi et le salut apportés par le Christ, d’une part en vertu du mandat exprès qu’a hérité des Apôtres l’ordre des évêques, assisté par les prêtres en union avec le successeur de Pierre, pasteur suprême de l’Église, et d’autre part en vertu de l’influx vital que le Christ communique à ses membres : le Christ « dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion, par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité » (Ep 4, 16). La mission de l’Église s’accomplit donc par l’opération au moyen de laquelle, obéissant à l’ordre du Christ et mue par la grâce de l’Esprit Saint et la charité, elle devient effectivement présente à tous les hommes et à tous les peuples, pour les amener par l’exemple de sa vie, par la prédication, par les sacrements et les autres moyens de grâce, à la foi, à la liberté, à la paix du Christ, de telle sorte qu’elle leur soit ouverte comme la voie libre et sûre pour participer pleinement au mystère du Christ.
Cette mission continue et déploie au cours de l’histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle ; c’est donc par la même voie qu’a suivie le Christ lui-même que, sous la poussée de l’Esprit du Christ, l’Église doit marcher, c’est-à-dire par la voie de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de l’immolation de soi jusqu’à la mort, dont il est sorti victorieux par sa résurrection. Car c’est ainsi dans l’espérance qu’ont marché tous les apôtres, qui ont achevé par leurs multiples tribulations et souffrances ce qui manque à la passion du Christ au profit de son Corps, l’Église (cf. Col 1, 24) ; souvent aussi le sang des chrétiens fut une semence [15].
6. L’activité missionnaire
Cette tâche, c’est par l’ordre des évêques, à la tête duquel se trouve le successeur de Pierre, qu’elle doit être accomplie, avec la prière et la collaboration de toute l’Église ; elle est unique et la même, partout, en toute situation, bien qu’elle ne soit pas menée de la même manière du fait des circonstances. Par conséquent, les différences qu’il faut reconnaître dans cette activité de l’Église ne découlent pas de la nature intime de la mission mais des conditions dans lesquelles elle est accomplie. Ces conditions dépendent soit de l’Église, soit même des peuples, des groupes humains ou des hommes à qui s’adresse la mission. Car l’Église, bien que de soi elle possède la totalité ou la plénitude des moyens de salut, n’agit pas ni ne peut agir toujours et immédiatement selon tous ses moyens ; elle connaît des commencements et des degrés dans l’action par laquelle elle s’efforce de conduire à sa réalisation le dessein de Dieu ; bien plus, elle est parfois contrainte, après des débuts heureux, de déplorer de nouveau un recul, ou tout au moins de demeurer dans un état d’incomplétude et d’insuffisance. En ce qui concerne les hommes, les groupes humains et les peuples, elle ne les atteint et ne les pénètre que progressivement, et les assume ainsi dans la plénitude catholique. Les actes propres, les moyens adaptés doivent s’accorder avec chaque condition ou état.
Les initiatives particulières par lesquelles les prédicateurs de l’Évangile envoyés par l’Église et allant dans le monde entier s’acquittent de la tâche d’annoncer l’Évangile et d’implanter l’Église parmi les peuples ou les groupes humains qui ne croient pas encore au Christ, sont communément appelées « missions » ; elles s’accomplissent par l’activité missionnaire et sont menées d’ordinaire dans des territoires déterminés reconnus par le Saint-Siège. La fin propre de cette activité missionnaire est l’évangélisation et la plantation de l’Église dans les peuples ou les groupes humains dans lesquels elle n’a pas encore été enracinée [16]. Il faut que, nées de la Parole de Dieu, des Églises autochtones particulières, suffisamment établies, croissent partout dans le monde, jouissent de leurs ressources propres et d’une certaine maturité ; il faut que, pourvues de leur hiérarchie propre unie à un peuple fidèle et des moyens accordés à leur génie, nécessaires pour mener une vie pleinement chrétienne, elles contribuent au bien de toute l’Église. Mais le moyen principal de cette implantation, est la proclamation de l’Évangile de Jésus Christ ; c’est pour annoncer l’Évangile que le Seigneur a envoyé ses disciples dans le monde entier, afin que les hommes, ayant acquis une nouvelle naissance par la Parole de Dieu (cf. 1 P 1, 23), soient agrégés par le baptême à l’Église qui, en tant que Corps du Verbe incarné, est nourrie et vit de la Parole de Dieu et du pain eucharistique (cf. Ac 2, 42).
Pour cette activité missionnaire de l’Église, diverses situations se présentent parfois mêlées les unes aux autres : situation d’abord de début ou de plantation, puis de nouveauté ou de jeunesse. Quand tout cela est accompli, l’action missionnaire de l’Église ne cesse pas pour autant : le devoir incombe aux Églises particulières déjà formées de la continuer et de prêcher l’Évangile à tous ceux qui sont encore au-dehors.
En outre, il n’est pas rare que les groupes humains au sein desquels l’Église existe, ne soient complètement transformés pour des raisons diverses ; des situations nouvelles peuvent en résulter. L’Église doit alors examiner si ces situations exigent de nouveau une activité missionnaire. De plus les circonstances sont parfois telles que manque pour un temps la possibilité de proposer directement et immédiatement le message évangélique ; c’est alors que les missionnaires peuvent et doivent donner avec patience et prudence, avec une grande confiance en même temps, au moins le témoignage de la charité et de la bienfaisance du Christ, préparer ainsi les voies au Seigneur et le rendre présent d’une certaine manière.
Ainsi il est clair que l’activité missionnaire découle profondément de la nature même de l’Église ; elle en propage la foi qui sauve, elle en réalise l’unité catholique en la répandant, elle reçoit sa force de son apostolicité, elle met en œuvre le sens collégial de sa hiérarchie, elle en atteste, répand et développe la sainteté. Ainsi l’activité missionnaire parmi les nations diffère tant de l’activité pastorale à déployer à l’égard des fidèles que des initiatives à prendre pour rétablir l’unité des chrétiens. Cependant ces deux domaines sont très étroitement liés à l’activité missionnaire de l’Église [17] : la division des chrétiens, en effet, nuit [18] à la cause très sacrée de l’annonce de l’Évangile à toute créature, et pour beaucoup elle ferme l’accès à la foi. Ainsi de par la nécessité de la mission, tous les baptisés sont appelés à s’assembler en un seul troupeau, afin de pouvoir ainsi de façon unanime rendre témoignage du Christ leur Seigneur devant les nations. S’ils sont encore incapables de donner le témoignage d’une foi unique, il faut au moins qu’ils soient animés par une estime et une charité réciproques.
7. Raison et nécessité de l’activité missionnaire
La raison de cette activité missionnaire découle de la volonté de Dieu, qui « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il n’y a qu’un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, l’homme Jésus Christ, qui s’est livré en rançon pour tous » (1 Tm 2, 4-5) ; « et il n’existe de salut en aucun autre » (Ac 4, 12). Il faut donc que tous se convertissent au Christ, connu par la prédication de l’Église, et qu’ils soient eux aussi incorporés par le baptême à l’Église, qui est son Corps. Car le Christ lui-même, « en enseignant en termes formels la nécessité de la foi et du baptême (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 5), a du même coup confirmé la nécessité de l’Église dans laquelle les hommes entrent par le baptême comme par une porte. C’est pourquoi les hommes ne peuvent être sauvés qui, n’ignorant pas que l’Église a été fondée comme nécessaire par Dieu par l’intermédiaire de Jésus Christ, n’auront cependant pas voulu y entrer ou y persévérer [19] ». Bien que Dieu puisse par des voies connues de lui amener à la foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6) des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile, la nécessité incombe cependant à l’Église (cf. 1 Co 9, 16) – et en même temps elle en a le droit sacré – d’évangéliser, et par conséquent son activité missionnaire garde, aujourd’hui comme toujours, toute sa force et sa nécessité.
C’est par elle que le Corps mystique du Christ rassemble et ordonne sans cesse ses forces en vue de son propre accroissement (cf. Ep 4, 11-16). C’est pour mener à bien cette activité que les membres de l’Église sont poussés par la charité, qui les fait aimer Dieu, et les fait désirer partager avec tous les hommes les biens spirituels de la vie future comme ceux de la vie présente.
Par cette activité missionnaire enfin, Dieu est pleinement glorifié, du moment que les hommes accueillent consciemment et pleinement son œuvre salutaire qu’il a réalisée dans le Christ. C’est ainsi que par elle se réalise le dessein de Dieu, que le Christ a servi par obéissance et par amour pour la gloire du Père qui l’a envoyé [20] : que le genre humain tout entier constitue un seul Peuple de Dieu, se rassemble dans le corps unique du Christ, soit construit en un seul temple du Saint-Esprit ; ce qui, en exprimant la concorde fraternelle, répond au désir intime de tous les hommes. C’est ainsi qu’enfin s’accomplit vraiment le dessein du Créateur formant l’homme à son image et à sa ressemblance, quand tous ceux qui participent à la nature humaine, une fois qu’ils auront été régénérés dans le Christ par le Saint-Esprit, refléteront ensemble la gloire de Dieu (cf. 2 Co 3, 18) et pourront dire : « Notre Père [21] ».
8. L’activité missionnaire dans la vie et l’histoire humaine
L’activité missionnaire possède un lien intime avec la nature humaine elle-même et ses aspirations. Car en manifestant le Christ, l’Église révèle aux hommes par le fait même la vérité authentique de leur condition et de leur vocation intégrale, le Christ étant le principe et le modèle de cette humanité rénovée, pénétrée d’amour fraternel, de sincérité, d’esprit pacifique, à laquelle tous aspirent. Le Christ, et l’Église qui rend témoignage à son sujet par la prédication évangélique, transcendent tout particularisme de race ou de nation, et par conséquent ils ne peuvent jamais être considérés, ni lui ni elle, comme étrangers nulle part ni à l’égard de qui que ce soit [22]. Le Christ lui-même est la vérité et la voie dont la prédication évangélique ouvre l’accès à tous, en portant aux oreilles de tous ces paroles du même Christ : « Faites pénitence et croyez à l’évangile » (Mc 1, 15). Puisque celui qui ne croit pas est déjà jugé (cf. Jn 3, 18), les paroles du Christ sont des paroles à la fois de jugement et de grâce, de mort et de vie. Car c’est seulement en faisant mourir ce qui est vieux que nous pouvons parvenir à la nouveauté de vie : cela vaut d’abord des personnes ; mais cela vaut aussi des divers biens de ce monde, qui sont marqués en même temps par le péché de l’homme et la bénédiction de Dieu : « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3, 23). Personne n’est délivré du péché ni élevé au-dessus de lui-même par lui-même et ou par ses propres efforts, personne n’est entièrement libéré de sa faiblesse ni de sa solitude ni de son esclavage [23], mais tous ont besoin du Christ le modèle, le maître, le libérateur, le sauveur, celui qui donne la vie. En toute vérité, dans l’histoire humaine, même au point de vue temporel, l’Évangile a été un ferment de liberté et de progrès, et il se présente toujours comme un ferment de fraternité, d’unité et de paix. Ce n’est donc pas sans raison que le Christ est honoré par les fidèles comme « l’attente des nations et leur Sauveur [24].
9. Caractère eschatologique de l’activité missionnaire
Aussi le temps de l’activité missionnaire se situe-t-il entre le premier avènement du Seigneur et le second, lors duquel, des quatre vents, telle une moisson, l’Église sera rassemblée dans le Royaume de Dieu [25]. Car avant la venue du Seigneur, il faut que l’Évangile soit proclamé parmi toutes les nations (cf. Mc 13, 10).
L’activité missionnaire n’est rien d’autre et rien de moins que la manifestation du dessein de Dieu, son épiphanie et sa réalisation dans le monde et son histoire, dans laquelle Dieu conduit clairement à son terme, par la mission, l’histoire du salut. Par la parole de la prédication et par la célébration des sacrements, dont la sainte Eucharistie est le centre et le sommet, elle rend présent le Christ, auteur du salut. Tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu, elle le libère des influences mauvaises et le rend au Christ son auteur, qui détruit l’empire du diable et arrête la malice infiniment diverse du crime. Aussi tout ce qu’on découvre de bon semé dans le cœur et l’esprit des hommes ou dans les rites particuliers et les cultures particulières des peuples, non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à son achèvement pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme [26]. Ainsi l’activité missionnaire tend à la plénitude eschatologique [27]: c’est par elle en effet que jusqu’à la mesure et à l’époque que le Père a fixées dans sa puissance (cf. Ac 1, 7), se développe le Peuple de Dieu, auquel s’adresse la parole prophétique : « Élargis l’espace de la tente, déploie les tentures sans contrainte » (Is 54, 2) [28]; c’est par elle que s’accroît le Corps mystique jusqu’à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ (cf. Ep 4, 13), et que le temple spirituel où Dieu est adoré en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23), grandit et s’édifie sur le fondement des Apôtres et des prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre d’angle (Ep 2, 20).
CHAPITRE II :
L’œuvre missionnaire elle-même
10. Introduction
L’Église, envoyée par le Christ pour manifester et communiquer la charité de Dieu à tous les hommes et à toutes les nations, a conscience qu’elle a à faire une œuvre missionnaire énorme. Car deux milliards d’hommes, dont le nombre s’accroît de jour en jour, qui sont rassemblés en des groupements importants et déterminés par les liens stables de la vie culturelle, par les antiques traditions religieuses, par les liaisons solides des relations sociales, n’ont pas encore entendu le message évangélique ou l’ont à peine entendu ; les uns suivent l’une des grandes religions, les autres demeurent étrangers à la connaissance de Dieu lui-même, d’autres nient expressément son existence, parfois même la combattent. L’Église, afin de pouvoir présenter à tous le mystère du salut et la vie apportée par Dieu, doit s’insérer dans tous ces groupes humains du même mouvement dont le Christ lui-même, par son incarnation, s’est lié aux conditions sociales et culturelles déterminées des hommes avec lesquels il a vécu.
Article 1 : Le témoignage chrétien
11. Le témoignage de la vie et le dialogue
Il faut que l’Église soit présente dans ces groupes humains par ses enfants, qui y vivent ou sont envoyés vers eux. Car tous les fidèles, partout où ils vivent, sont tenus de manifester, par l’exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l’homme nouveau qu’ils ont revêtu par le baptême et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés par la confirmation, afin que les autres, considérant leurs bonnes œuvres, glorifient le Père (cf. Mt 5, 16) et perçoivent plus pleinement le sens authentique de la vie humaine et le lien universel de communion entre les hommes.
Pour qu’ils puissent donner avec fruit ce témoignage au Christ, ils doivent se joindre à ces hommes dans l’estime et la charité, se reconnaître comme des membres du groupe humain dans lequel ils vivent, avoir part à la vie culturelle et sociale au moyen des diverses relations et des diverses affaires humaines ; ils doivent être familiers avec leurs traditions nationales et religieuses, découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui s’y trouvent cachées ; ils doivent en même temps être attentifs à la transformation profonde qui s’opère parmi les nations, et travailler à ce que les hommes de notre temps, trop appliqués à la science et à la technique du monde moderne, ne soient pas détournés des choses divines ; bien au contraire, à ce qu’ils soient éveillés à un désir plus ardent de la vérité et de la charité révélées par Dieu. Le Christ lui-même a scruté le cœur des hommes et les a amenés par un dialogue vraiment humain à la lumière divine ; de même ses disciples, profondément pénétrés de l’Esprit du Christ, doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu’eux aussi apprennent dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses Dieu, dans sa munificence, a dispensées aux nations ; ils doivent en même temps s’efforcer d’éclairer ces richesses de la lumière évangélique, de les libérer, de les ramener sous la Seigneurie du Dieu Sauveur.
12. Présence de la charité
La présence des chrétiens dans les groupes humains doit être animée de cette charité dont nous a aimés Dieu, qui veut que nous aussi nous nous aimions mutuellement de la même charité (cf. 1 Jn 4, 11). La charité chrétienne s’étend véritablement à tous les hommes, sans aucune distinction de race, de condition sociale ou de religion ; elle n’attend aucun profit ni aucune reconnaissance. Dieu nous a aimés d’un amour gratuit ; de même, que les fidèles soient préoccupés dans leur charité de l’homme lui-même, en l’aimant du même mouvement dont Dieu nous a cherchés. Le Christ parcourait toutes les villes et bourgades en guérissant toutes les maladies et infirmités, en signe de l’avènement du Règne de Dieu (cf. Mt 9, 35 s. ; Ac 10, 38) ; de même l’Église est par ses fils en liaison avec les hommes de quelque condition qu’ils soient ; elle l’est surtout avec les pauvres et ceux qui souffrent et de tout son cœur elle se dépense pour eux (cf. 2 Co 12, 15). Elle participe à leurs joies et à leurs souffrances, elle connaît les aspirations et les problèmes de leur vie, elle souffre avec eux dans les angoisses de la mort. À ceux qui cherchent la paix, elle désire répondre dans un dialogue fraternel, en leur apportant la paix et la lumière qui viennent de l’Évangile.
Les chrétiens doivent donc travailler, en collaboration avec tous les autres, à organiser de manière droite les affaires économiques et sociales. Ils doivent se dévouer avec un soin spécial à l’éducation des enfants et des jeunes au moyen des écoles de toute sorte, qu’il faut considérer non seulement comme un moyen privilégié pour former et faire progresser la jeunesse chrétienne, mais en même temps comme un service de très haute valeur pour les hommes, surtout pour les nations en voie de développement, pour promouvoir la dignité humaine et préparer des conditions plus humaines. Ils doivent en outre prendre leur part dans les efforts de ces peuples qui, en faisant la guerre à la faim, à l’ignorance et aux maladies, s’appliquent à améliorer les conditions de la vie et à affermir la paix dans le monde. Dans cette activité, les fidèles doivent souhaiter ardemment apporter, de façon prudente, leur contribution aux initiatives lancées par les institutions privées et publiques, par les gouvernements, par les organismes internationaux, par les diverses communautés chrétiennes et par les religions non chrétiennes.
Mais l’Église ne veut en aucune manière s’ingérer dans le gouvernement de la cité terrestre. Elle ne revendique pour elle-même d’autre titre que celui d’être au service des hommes, Dieu aidant, par sa charité et son dévouement fidèle (cf. Mt 20, 26 ; 23, 11) [29].
Dans leur vie et leur activité, les disciples du Christ, étroitement unis aux hommes, espèrent leur présenter le vrai témoignage du Christ et travailler en vue de leur salut, même là où ils ne peuvent annoncer pleinement le Christ. Car ils ne recherchent pas le progrès et la prospérité purement matériels des hommes ; mais ils entendent promouvoir leur dignité et leur union fraternelle, en enseignant les vérités religieuses et morales que le Christ a éclairées de sa lumière ; et ainsi, ils ouvrent pas à pas un chemin plus parfait vers Dieu. C’est ainsi que les hommes sont aidés dans l’obtention de leur salut par la charité envers Dieu et le prochain ; c’est ainsi que commence à luire le mystère du Christ, en qui est apparu l’homme nouveau, créé selon Dieu (cf. Ep 4, 24), en qui la charité de Dieu se révèle.
Article 2 : La prédication de l’Évangile et le rassemblement du Peuple de Dieu
13. Évangélisation et conversion
Partout où Dieu ouvre un champ libre à la prédication pour proclamer le mystère du Christ (cf. Col 4, 3), on doit annoncer (cf. 1 Co 9, 16 ; Rm 10, 14) à tous les hommes (cf. Mc 16, 15) avec assurance et persévérance (cf. Ac 4, 13.29.31 ; Ac 9, 27-28 ; Ac 13, 46 ; Ac 14, 3 ; Ac 19, 8 ; Ac 26, 26 ; Ac 28, 31 ; 1 Th 2, 2 ; 2 Co 3, 12 ; 2 Co 7, 4 ; Phm 1, 20 ; Ep 3, 12 ; Ep 6, 19-20) le Dieu vivant, et celui qu’il a envoyé pour le salut de tous, Jésus Christ (cf. 1 Th 1, 9-10 ; 1 Co 1, 18-21 ; Ga 3, 13-14 ; Ac 14, 15-17 ; Ac 17, 22-31), pour que les non-chrétiens, le Saint-Esprit ouvrant leur cœur (cf. Ac 16, 14), croient, se convertissent librement au Seigneur et s’attachent loyalement à lui qui, étant « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), comble toutes leurs attentes spirituelles, bien plus, les dépasse de façon infinie.
Bien sûr, cette conversion est à comprendre comme une conversion initiale ; elle est suffisante cependant pour que l’homme se rende compte que, détourné du péché, il est introduit dans le mystère de l’amour de Dieu, qui l’appelle à nouer des rapports personnels avec lui dans le Christ. En effet, sous l’action de la grâce de Dieu, le nouveau converti entreprend un itinéraire spirituel par lequel, communiant déjà par la foi au mystère de la mort et de la résurrection, il passe du vieil homme au nouvel homme qui a sa perfection dans le Christ (cf. Col 3, 5-10 ; Ep 4, 20-24). Ce passage, qui entraîne avec lui un changement progressif de la mentalité et des mœurs, doit devenir manifeste avec ses conséquences sociales et se développer peu à peu pendant le temps du catéchuménat. Comme le Seigneur en qui il croit est un signe de contradiction (cf. Lc 2, 34 ; Mt 10, 34-39), il n’est pas rare que le converti fasse l’expérience de ruptures et de séparations, mais aussi connaisse les joies que Dieu donne sans les mesurer (cf. 1 Th 1, 6).
L’Église interdit sévèrement de forcer qui que ce soit à embrasser la foi, ou de l’y amener ou attirer par des pratiques indiscrètes, tout comme elle revendique avec force le droit pour qui que ce soit de n’être pas détourné de la foi par des vexations injustes [30].
Selon la très antique coutume de l’Église, on doit examiner avec soin les motifs de la conversion et, s’il est nécessaire, les purifier.
14. Catéchuménat et initiation chrétienne
Ceux qui ont reçu de Dieu, par l’intermédiaire de l’Église, la foi au Christ [31], doivent être admis au catéchuménat par des cérémonies liturgiques. Le catéchuménat n’est point un simple exposé des dogmes et des préceptes, mais une formation à la vie chrétienne intégrale et un apprentissage par lesquels les disciples sont unis au Christ leur Maître. Les catéchumènes doivent donc être initiés, de façon appropriée, au mystère du salut et à la pratique des mœurs évangéliques, et introduits, par des rites sacrés, à célébrer à des époques successives [32], dans la vie de la foi, de la liturgie et de la charité du Peuple de Dieu.
Ensuite, délivrés de la puissance des ténèbres (cf. Col 1, 13) [33], par les sacrements de l’initiation chrétienne, morts avec le Christ, ensevelis avec lui et ressuscités avec lui (cf. Rm 6, 4-11 ; Col 2, 12-13 ; 1 P 3, 21-22 ; Mc 16, 16), ils reçoivent l’Esprit d’adoption filiale (cf. 1 Th 3, 5-7 ; Ac 8, 14-17) et célèbrent avec tout le Peuple de Dieu le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur.
Il faut souhaiter que la liturgie du temps du Carême et du temps de Pâques soit restaurée de telle manière qu’elle prépare l’âme des catéchumènes à la célébration du mystère pascal, pendant les solennités duquel ils sont régénérés par le baptême dans le Christ.
Cette initiation chrétienne au cours du catéchuménat doit être l’œuvre non pas des seuls catéchistes ou des seuls prêtres, mais celle de toute la communauté des fidèles, spécialement celle des parrains, en sorte que dès le début les catéchumènes sentent qu’ils appartiennent au Peuple de Dieu. La vie de l’Église étant apostolique, les catéchumènes doivent de même apprendre à coopérer activement par le témoignage de leur vie et la profession de leur foi à l’évangélisation et à l’édification de l’Église.
Enfin le statut juridique des catéchumènes doit être fixé clairement dans le nouveau Code ; ils sont déjà unis à l’Église [34], ils sont déjà de la maison du Christ [35], et il n’est pas rare qu’ils mènent une vie de foi, d’espérance et de charité.
Article 3 : La formation de la communauté chrétienne
15. Formation de la communauté chrétienne
Quand l’Esprit Saint, qui appelle tous les hommes au Christ par les semences du Verbe et la prédication de l’Évangile, et suscite dans les cœurs l’obéissance de la foi, engendre à une nouvelle vie dans le sein de la fontaine baptismale ceux qui croient au Christ, il les rassemble en un seul Peuple de Dieu qui est « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple acquis » (1 P 2, 9) [36].
Les missionnaires donc, collaborateurs de Dieu (cf. 1 Co 3, 9), doivent faire naître des assemblées de fidèles qui, menant une vie digne de l’appel qu’elles ont reçu (cf. Ep 4, 1), soient telles qu’elles puissent exercer les fonctions à elles confiées par Dieu : sacerdotale, prophétique, royale. C’est de cette manière qu’une communauté chrétienne devient signe de la présence de Dieu dans le monde : par le sacrifice eucharistique, en effet, elle passe au Père avec le Christ [37]; nourrie [38] avec soin de la Parole de Dieu, elle présente le témoignage du Christ [39]; elle marche enfin dans la charité et est enflammée d’esprit apostolique [40].
Une communauté chrétienne doit dès le début être constituée de telle manière qu’elle puisse, dans la mesure du possible, pourvoir elle-même à ses besoins. Ce rassemblement de fidèles, doté des richesses culturelles de sa propre nation, doit être profondément enraciné dans le peuple : les familles doivent s’y épanouir, pénétrées de l’esprit évangélique [41] et y être aidées par des écoles valables ; on doit y organiser des associations et des groupes grâce auxquels l’apostolat des laïcs pourra pénétrer de l’esprit évangélique toute la société. La charité enfin doit y briller de tout son éclat entre les catholiques de rites différents [42].
L’esprit œcuménique doit aussi être nourri parmi les néophytes, qui doivent reconnaître honnêtement que des frères qui croient au Christ sont des disciples du Christ, régénérés par le baptême, ayant part à de nombreux biens du Peuple de Dieu. Autant que le permettent les situations religieuses, une action œcuménique doit être menée de telle sorte que, étant bannie toute apparence d’indifférentisme, de confusionnisme ou d’odieuse rivalité, les catholiques collaborent avec les frères séparés, selon les dispositions du décret sur l’œcuménisme, dans une commune profession de foi en Dieu et en Jésus Christ devant les nations, dans la mesure du possible, et dans la coopération en matière sociale et technique, culturelle et religieuse ; qu’ils collaborent surtout à la cause du Christ leur Seigneur commun : que son Nom les unisse! Cette collaboration doit être établie non seulement entre les personnes privées, mais aussi, au jugement de l’Ordinaire du lieu, entre les Églises ou communautés ecclésiales, et entre leurs œuvres.
Les chrétiens, venus de tous les peuples et rassemblés dans l’Église « ne se distinguent des autres hommes ni par le gouvernement, ni par la langue, ni par les institutions de la vie de la cité [43] » ; aussi doivent-ils vivre pour Dieu et le Christ selon les usages de leur pays, pour cultiver vraiment et efficacement en bons citoyens l’amour de la patrie, en évitant cependant de manière absolue le mépris à l’égard des races étrangères, le nationalisme exacerbé, et en promouvant l’amour universel des hommes.
Dans l’obtention de ces résultats, ont une très grande importance et sont dignes d’un intérêt particulier les laïcs, c’est-à-dire les fidèles qui, incorporés au Christ par le baptême, vivent dans le monde. C’est leur rôle propre, quand ils sont pénétrés de l’Esprit du Christ, d’animer de l’intérieur, à la façon d’un ferment, les réalités temporelles, et de les disposer pour qu’elles soient toujours selon le Christ [44].
Il ne suffit point cependant que le peuple chrétien soit présent et établi dans un pays ; il ne suffit point non plus qu’il exerce l’apostolat de l’exemple ; il est établi, il est présent dans ce but : annoncer le Christ aux concitoyens non chrétiens par la parole et par l’action, et les aider à accueillir pleinement le Christ.
En outre, pour la plantation de l’Église et le développement de la communauté chrétienne, sont nécessaires des ministères divers, qui, suscités par l’appel divin du sein même de l’assemblée des fidèles, doivent être encouragés et soutenus par tous avec un soin empressé : parmi eux, il y a les fonctions des prêtres, des diacres et des catéchistes, et l’action catholique. De même les religieux et les religieuses remplissent, par leur prière, ou par leur dévouement actif, une tâche indispensable pour enraciner dans les cœurs le règne du Christ, l’y fortifier et l’étendre plus au loin.
16. Établissement du clergé local
Avec une immense joie, l’Église rend grâces pour le don inappréciable de la vocation sacerdotale que Dieu a accordé à un si grand nombre de jeunes parmi les peuples récemment convertis au Christ. L’Église, en effet, enfonce des racines plus vigoureuses en chaque groupe humain, quand les diverses communautés de fidèles possèdent, tirés de leurs membres, leurs propres ministres du salut, dans l’ordre des évêques, des prêtres et des diacres, qui sont au service de leurs frères, en sorte que les jeunes Églises acquièrent peu à peu une structure diocésaine avec un clergé propre.
Ce qui a été décidé par le Concile à propos de la vocation et de la formation sacerdotales, doit être observé consciencieusement dès que l’Église commence à s’implanter, et aussi dans les jeunes Églises. Il faut faire très grand cas de ce qui est dit de la formation spirituelle à joindre étroitement à la formation doctrinale et pastorale, de la vie à mener en conformité avec l’Évangile sans considération de l’avantage personnel ou de l’intérêt familial, du sens intime du mystère de l’Église à développer. Ils apprendront ainsi de façon merveilleuse à se consacrer tout entiers au service du Corps du Christ et à l’œuvre de l’Évangile, à s’attacher à leur propre évêque comme de fidèles collaborateurs, et à apporter un concours loyal à leurs confrères [45].
Pour arriver à cette fin générale, toute la formation des élèves doit être organisée à la lumière du mystère du salut comme il est exposé dans les Écritures ; qu’ils découvrent et vivent ce mystère du Christ et du salut des hommes présent dans la liturgie [46].
Ces exigences communes de la formation sacerdotale, même pastorale et pratique, selon les dispositions du Concile [47], doivent se combiner avec le zèle à prendre en considération le mode particulier de penser et d’agir de son propre peuple. Les esprits des élèves doivent donc être ouverts et rendus pénétrants pour bien connaître et pouvoir juger la culture de leur pays ; dans les disciplines philosophiques et théologiques, ils doivent saisir les raisons qui créent un désaccord entre les traditions et la religion nationales, et la religion chrétienne [48]. De même, la formation sacerdotale doit tenir compte des nécessités pastorales de la région ; les élèves doivent apprendre l’histoire, le but et la méthode de l’action missionnaire de l’Église, et les conditions particulières d’ordre social, économique, culturel de leur propre peuple. Ils doivent être éduqués dans un esprit d’œcuménisme et préparés comme il convient au dialogue fraternel avec les non-chrétiens [49].
Tout cela demande que les études conduisant au sacerdoce soient menées, autant que faire se peut, en pratiquant les coutumes et en partageant le mode de vie de leur propre peuple [50] . Qu’on veille enfin à donner une formation à une administration ecclésiastique bien organisée, et même une formation économique. On devra aussi choisir des prêtres capables qui, après une pratique pastorale d’une certaine durée, pourront mener à bon terme des études supérieures dans des universités même étrangères, surtout à Rome, et dans d’autres instituts scientifiques, en sorte que les jeunes Églises aient à leur disposition des prêtres venant du clergé local, dotés d’une science et d’une expérience convenables, pour remplir les fonctions ecclésiastiques plus ardues.
Là où les Conférences épiscopales le jugeront opportun, l’ordre du diaconat devra être rétabli comme état de vie permanent, selon les dispositions de la Constitution sur l’Église [51]. Il est utile en effet que les hommes qui accomplissent un ministère vraiment diaconal, ou en prêchant la Parole de Dieu, ou en gouvernant au nom du curé et de l’évêque les communautés chrétiennes éloignées, ou en exerçant la charité dans les œuvres sociales ou caritatives, soient fortifiés par l’imposition des mains transmise depuis les Apôtres et plus étroitement unis à l’autel, pour qu’ils s’acquittent de leur ministère plus efficacement, au moyen de la grâce sacramentelle du diaconat.
17. Formation des catéchistes
De même elle est digne d’éloge cette armée, qui a si magnifiquement mérité de l’œuvre des missions auprès des nations, l’armée des catéchistes hommes et femmes qui, pénétrés d’esprit apostolique, apportent par leurs labeurs considérables une aide singulière et absolument nécessaire à l’expansion de la foi et de l’Église.
De nos jours, du fait du petit nombre de clercs pour évangéliser de si grandes multitudes et accomplir le ministère pastoral, la fonction des catéchistes a une très grande importance. Leur formation doit donc être améliorée et adaptée au progrès culturel de façon à ce qu’ils puissent remplir le plus parfaitement possible leur fonction en collaborateurs efficaces de l’ordre sacerdotal, – fonction qui se complique de charges nouvelles et plus amples.
Il faut donc multiplier les écoles diocésaines et régionales dans lesquelles les futurs catéchistes étudieront avec soin la doctrine catholique, surtout en matière biblique et liturgique, et aussi la méthode catéchétique et la pratique pastorale, se formeront aux mœurs des chrétiens [52], s’appliquant sans arrêt à cultiver la piété et la sainteté de vie. De plus on devra établir des sessions ou des cours qui permettront aux catéchistes de se renouveler, à périodes fixes, dans les disciplines et les techniques utiles à leur ministère, de nourrir et de fortifier leur vie spirituelle. En outre, à ceux qui se dévouent entièrement à cette besogne, on devra procurer par une juste rémunération un état de vie décent et la sécurité sociale [53].
On souhaite qu’il soit pourvu d’une manière convenable à la formation et à l’entretien des catéchistes par des subsides spéciaux du S. Dicastère de la Propagation de la foi. Si cela apparaît nécessaire et indiqué, on fondera une œuvre pour les catéchistes.
De plus, les Églises apprécieront avec reconnaissance le labeur généreux des catéchistes auxiliaires, dont l’aide leur sera indispensable. Ils président les prières dans leurs communautés et enseignent la doctrine. Il faut donc se préoccuper comme il convient de leur formation doctrinale et spirituelle. En outre, il est souhaitable que, là où cela paraîtra opportun, la mission canonique soit confiée publiquement, au cours d’une action liturgique, aux catéchistes qui auront reçu une formation suffisante, afin qu’ils soient au service de la foi auprès du peuple avec une plus grande autorité.
18. Promouvoir la vie religieuse
Dès la période de la plantation de l’Église, on doit prendre soin d’introduire la vie religieuse : non seulement elle apporte une aide précieuse et absolument nécessaire à l’activité missionnaire, mais par la consécration plus intime faite à Dieu dans l’Église, elle manifeste aussi avec éclat et fait comprendre la nature intime de la vocation chrétienne [54].
Les instituts religieux qui travaillent à la plantation de l’Église, profondément imprégnés des richesses mystiques qui sont la gloire de la tradition religieuse de l’Église, doivent s’efforcer de les exprimer et de les transmettre selon le génie et le caractère de chaque peuple. Ils doivent examiner comment les traditions ascétiques et contemplatives, dont les germes ont été quelquefois répandus par Dieu dans les civilisations antiques avant la prédication de l’Évangile, peuvent être assumées dans la vie religieuse chrétienne.
Dans les jeunes Églises, les diverses formes de vie religieuse doivent être cultivées avec soin, afin de montrer les divers aspects de la mission du Christ et de la vie de l’Église, d’apporter un dévouement aux diverses œuvres pastorales et de préparer comme il le faut leurs membres à les accomplir. Cependant, que les évêques veillent dans leurs conférences à ce que des Congrégations poursuivant la même fin apostolique ne se multiplient pas au détriment de la vie religieuse et de l’apostolat.
Sont dignes d’une mention spéciale les diverses initiatives en vue de l’enracinement de la vie contemplative : certains instituts, gardant les éléments essentiels de l’institution monastique, travaillent à implanter la très riche tradition de leur ordre ; d’autres reviennent aux formes plus simples du monachisme antique ; tous cependant doivent chercher une authentique adaptation aux conditions locales. La vie contemplative, relevant du développement complet de la présence de l’Église, doit être instaurée partout dans les jeunes Églises.
CHAPITRE III :
Les Églises particulières
19. Le progrès des jeunes Églises
Quand l’assemblée des fidèles est déjà enracinée dans la vie sociale et a épousé jusqu’à un certain point la culture locale, qu’elle jouit d’une certaine stabilité et solidité, l’œuvre de plantation de l’Église dans ce groupe humain déterminé atteint dans une certaine mesure son terme ; ayant ses ressources propres, fussent-elles insuffisantes, en clergé local, en religieux et en laïcs, elle est enrichie de ces ministères et institutions qui sont nécessaires pour diriger et développer la vie du Peuple de Dieu sous la conduite de l’évêque.
Dans ces jeunes Églises, la vie du Peuple de Dieu doit acquérir sa maturité dans tous les domaines de la vie chrétienne, qui doit être renouvelée selon les dispositions de ce Concile ; les assemblées de fidèles deviennent de jour en jour plus consciemment des communautés de foi, de liturgie et de charité ; par leur activité civile et apostolique les laïcs travaillent à instaurer dans la cité un ordre de charité et de justice ; les moyens de communication sociale sont employés de manière opportune et prudente ; grâce à une vie vraiment chrétienne, les familles deviennent des séminaires d’apostolat des laïcs et de vocations sacerdotales et religieuses. La foi enfin est enseignée selon une catéchèse adaptée, elle est célébrée dans une liturgie conforme au génie du peuple, et, par une législation canonique appropriée, elle passe dans les institutions honorables et dans les coutumes locales.
Les évêques, chacun avec son presbyterium, de plus en plus pénétrés du sens du Christ et de l’Église, doivent sentir et vivre avec l’Église universelle. Intime doit demeurer la communion des jeunes Églises avec l’Église tout entière ; elles doivent en joindre les éléments traditionnels à leur culture propre, pour accroître la vie du Corps mystique par des échanges mutuels [55]. On doit donc cultiver les éléments théologiques, psychologiques et humains qui peuvent contribuer à favoriser ce sens de la communion avec l’Église universelle.
Ces Églises, situées très souvent dans des contrées plus pauvres du globe, souffrent encore d’une pénurie, d’ordinaire très grave, de prêtres, et d’un manque de subsides matériels. Aussi ont-elles un très grand besoin que l’action missionnaire incessante de l’Église tout entière leur procure les secours qui servent tout d’abord au développement de l’Église locale et à la maturation de la vie chrétienne. Cette action missionnaire doit aussi apporter son aide à des Églises, fondées de longue date, qui se trouvent dans un certain état de régression et de faiblesse.
Cependant ces Églises doivent renouveler leur zèle pastoral commun et les œuvres adaptées qui permettent que les vocations pour le clergé diocésain et les instituts religieux s’accroissent en nombre, soient discernées avec plus de sûreté et cultivées avec un soin plus efficace [56], en sorte que peu à peu ces Églises puissent pourvoir à leurs propres besoins et apporter de l’aide aux autres.
20. L’activité missionnaire des Églises particulières
L’Église particulière étant tenue de représenter le plus parfaitement possible l’Église universelle, elle doit savoir nettement qu’elle a été envoyée aussi à ceux, qui ne croyant pas au Christ, demeurent avec elle sur le même territoire, afin d’être, par le témoignage de la vie de chacun des fidèles et de toute la communauté, un signe qui leur montre le Christ.
De plus, le ministère de la parole est indispensable pour que l’Évangile parvienne à tous. Il faut donc qu’avant tout l’évêque soit un prédicateur de la foi, qui amène au Christ de nouveaux disciples [57]. Pour s’acquitter comme il faut de cette noble tâche, il doit connaître à fond la situation de son troupeau, les opinions intimes sur Dieu de ses concitoyens, en tenant soigneusement compte des changements introduits par l’urbanisation, les migrations et l’indifférentisme religieux.
Dans les jeunes Églises, les prêtres locaux doivent entreprendre avec ardeur l’œuvre de l’évangélisation, organisant une action commune avec les missionnaires étrangers avec lesquels ils forment un seul presbyterium parfaitement uni sous l’autorité de l’évêque, non seulement pour paître les fidèles et célébrer le culte divin, mais aussi pour annoncer l’évangile à ceux qui sont au-dehors. Ils doivent se montrer prêts, et à l’occasion s’offrir d’un cœur ardent à l’évêque, pour entreprendre le travail missionnaire dans les régions éloignées et délaissées de leur propre diocèse ou en d’autres diocèses.
Du même zèle doivent brûler les religieux et les religieuses, et de même les laïcs à l’égard de leurs concitoyens, de ceux surtout qui sont plus pauvres.
Les conférences épiscopales doivent veiller à ce que, à des dates fixes, soient organisés des cours de renouvellement biblique, théologique, spirituel et pastoral dans l’intention suivante : que parmi les bouleversements et les changements, le clergé acquière une connaissance plus pleine de la science théologique et des méthodes pastorales.
Pour le reste, que soit observé consciencieusement ce que le Concile a décidé, spécialement dans le décret sur le ministère et la vie des prêtres.
Pour que cette œuvre missionnaire d’une Église particulière puisse être menée à bien, il faut avoir des ministres capables, qu’on préparera à temps de la manière qui convient à la situation de chaque Église. Les hommes se réunissant de plus en plus en groupes, il convient tout à fait que les conférences épiscopales aient des échanges sur le dialogue à instaurer avec ces groupes. Si en certaines régions il se rencontre des groupes d’hommes qui sont détournés d’embrasser la foi catholique, du fait qu’ils ne peuvent s’adapter à la forme particulière que l’Église y a revêtue, il est souhaitable qu’on pourvoie de façon spéciale [58] à une telle situation, jusqu’à ce que tous les chrétiens puissent être rassemblés en une seule communauté. Les évêques doivent appeler dans leur diocèse ou recevoir volontiers les missionnaires dont le Siège apostolique pourrait disposer dans ce but, et favoriser efficacement leurs initiatives.
Pour que ce zèle missionnaire commence à fleurir chez les frères de la même patrie, il convient tout à fait que les jeunes Églises participent effectivement à la mission universelle de l’Église en envoyant elles aussi des missionnaires qui pourront annoncer l’Évangile par toute la terre, bien qu’elles souffrent d’une pénurie de clergé. La communion avec l’Église universelle sera d’une certaine manière consommée lorsque, elles aussi, participeront activement à l’action missionnaire auprès d’autres nations.
21. Promouvoir l’apostolat des laïcs
L’Église n’est pas fondée vraiment, elle ne vit pas pleinement, elle n’est pas le signe parfait du Christ parmi les hommes si un laïcat authentique n’existe pas et ne travaille pas avec la hiérarchie. L’Évangile ne peut s’enraciner profondément dans les esprits, la vie, et le travail d’un peuple, sans la présence active des laïcs. Par conséquent, faut-il dès la fondation d’une Église, apporter une très grande attention à constituer un laïcat chrétien qui atteigne sa maturité.
Les fidèles laïcs, appartiennent à la fois au Peuple de Dieu et à la société civile ; ils appartiennent à leur peuple, ils y sont nés ; ils ont commencé à avoir part par l’éducation à ses trésors culturels, ils sont liés à sa vie par des liens sociaux de forme multiple ; ils sentent ses problèmes comme étant les leurs propres, et ils s’appliquent à les résoudre ; ils appartiennent aussi au Christ, parce qu’ils ont été régénérés dans l’Église par la foi et le baptême afin d’être au Christ (cf. 1 Co 15, 23) par la nouveauté de leur vie et leur action, afin aussi que dans le Christ tout soit soumis à Dieu, et qu’enfin Dieu soit tout en tous (cf. 1 Co 15, 28).
Leur principal devoir à eux, hommes et femmes, c’est le témoignage du Christ, qu’ils doivent rendre par leur vie et leurs paroles, dans leur famille, dans leur groupe social, dans leur milieu professionnel. Il faut donc qu’apparaisse en eux l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritable (cf. Ep 4, 24). Ils doivent exprimer cette nouveauté de vie dans le milieu social et culturel de leur patrie, selon les traditions nationales. Ils doivent connaître cette culture, la purifier, la conserver, la développer selon les situations récentes, enfin lui donner sa perfection dans le Christ, afin que la foi au Christ et la vie de l’Église ne soient plus étrangères à la société dans laquelle ils vivent, mais commencent à la pénétrer et à la transformer. Ils doivent être unis à leurs concitoyens par une charité sincère, afin que dans leur comportement apparaisse un nouveau lien d’unité et de solidarité universelle, puisées dans le mystère du Christ. Ils doivent aussi répandre la foi au Christ parmi ceux auxquels ils sont liés par la vie et la profession ; cette obligation s’impose d’autant plus que la plupart des hommes ne peuvent entendre l’Évangile et connaître le Christ que par les laïcs proches d’eux. Bien plus, là ou c’est possible, les laïcs doivent être prêts, en une collaboration plus immédiate avec la hiérarchie, à remplir une mission spéciale pour annoncer l’Évangile et communiquer la doctrine chrétienne, afin de rendre plus vigoureuse l’Église naissante.
Les ministres de l’Église doivent tenir en grande estime l’apostolat difficile des laïcs ; ils doivent former les laïcs pour que, comme membres du Christ, ils prennent conscience de leur responsabilité à l’égard de tous les hommes ; ils doivent les instruire profondément dans le mystère du Christ, les initier aux méthodes pratiques, être avec eux dans les difficultés, selon la pensée de la Constitution Lumen gentium et du Décret Apostolicam actuositatem.
Les fonctions et les responsabilités propres des pasteurs étant bien respectées, la jeune Église tout entière doit rendre un seul témoignage vivant et ferme au Christ, afin de devenir un signe éclatant du salut qui nous arrive dans le Christ.
22. Diversité dans l’unité
La semence, qu’est la Parole de Dieu, venant à germer dans une bonne terre arrosée de la rosée divine, y puise la sève, la transforme et l’assimile pour porter enfin un fruit abondant. Certes à l’instar de l’économie de l’Incarnation, les jeunes Églises enracinées dans le Christ et édifiées sur le fondement des Apôtres, assument pour un merveilleux échange toutes les richesses des nations qui ont été données au Christ en héritage (cf. Ps 2, 8). Elles empruntent aux coutumes et aux traditions de leurs peuples, à leur sagesse, à leur science, à leurs arts, à leurs disciplines, tout ce qui peut contribuer à confesser la gloire du Créateur, mettre en lumière la grâce du Sauveur, et ordonner comme il le faut la vie chrétienne [59].
Pour réaliser ce dessein, il est nécessaire que dans chaque grand territoire socioculturel, comme on dit, une réflexion théologique soit encouragée, par laquelle, à la lumière de la Tradition de l’Église universelle, les faits et les paroles révélés par Dieu, consignés dans les Saintes Écritures, expliqués par les Pères de l’Église et le magistère, seront soumis à un nouvel examen. Ainsi on saisira plus nettement par quelles voies la foi, compte tenu de la philosophie et de la sagesse des peuples, peut « chercher l’intelligence », et de quelles manières les coutumes, le sens de la vie, l’ordre social peuvent s’accorder avec les mœurs que fait connaître la révélation divine. Ainsi apparaîtront des voies vers une plus profonde adaptation dans toute l’étendue de la vie chrétienne. De cette manière, toute apparence de syncrétisme et de faux particularisme sera écartée, la vie chrétienne sera ajustée au génie et au caractère de chaque culture [60], les traditions particulières avec les qualités propres, éclairées par la lumière de l’Évangile, de chaque famille des peuples, seront assumées dans l’unité catholique. Enfin les nouvelles Églises particulières, enrichies de leurs traditions, auront leur place dans la communion ecclésiale, la primauté de la Chaire de Pierre, qui préside l’universelle assemblée de la charité [61], demeurant intacte.
Il faut donc souhaiter, – bien plus, il convient tout à fait –, que les conférences épiscopales, dans le cadre de chaque grand territoire socioculturel, s’unissent de telle manière qu’elles puissent, en plein accord et en mettant en commun leurs avis, poursuivre ce propos d’adaptation.
CHAPITRE IV :
Les missionnaires
23. La vocation missionnaire
Bien qu’à tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de répandre la foi [62], le Christ Seigneur appelle toujours parmi ses disciples ceux qu’il veut pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer prêcher aux nations (cf. Mc 3, 13 s.). Aussi par l’Esprit Saint, qui répartit comme il lui plaît les charismes pour le bien de l’Église (1 Co 12, 11), inspire-t- il la vocation missionnaire dans le cœur d’individus et suscite-t-il en même temps dans l’Église des instituts [63], qui se chargent comme d’un devoir propre de la mission d’évangélisation qui appartient à toute l’Église.
Ils sont en effet marqués d’une vocation spéciale, ceux qui, doués d’un caractère naturel approprié, ayant les aptitudes requises en raison de leurs qualités et de leur intelligence, sont prêts à assumer [64] l’œuvre missionnaire, qu’ils soient autochtones ou étrangers : prêtres, religieux, laïcs. Envoyés par l’autorité légitime, ils partent, dans la foi et l’obéissance, vers ceux qui sont loin du Christ, mis à part pour l’œuvre en vue de laquelle ils ont été choisis (cf. Ac 13, 2), comme ministres de l’Évangile « pour que l’offrande des païens soit agréée, étant sanctifiée par l’Esprit Saint » (Rm 15, 16).
24. La spiritualité missionnaire
Mais au vrai Dieu qui l’appelle, l’homme doit répondre d’une manière telle que, sans consulter la chair ni le sang (cf. Ga 1, 16), il s’attache tout entier à l’œuvre de l’Évangile. Mais cette réponse ne peut être donnée qu’à l’invitation et avec la force de l’Esprit Saint. L’envoyé entre, en effet, dans la vie et la mission de Celui qui « s’est anéanti en prenant la forme d’esclave » (Ph 2, 7). Il doit donc être prêt à rester fidèle à sa vocation pendant toute sa vie, à renoncer à lui-même et à tout ce qu’il a possédé jusque-là, et à « se faire tout à tous » (1 Co 9, 22).
Annonçant l’Évangile parmi les nations, il doit faire connaître avec assurance le mystère du Christ, dont il est l’ambassadeur, de telle manière qu’en Lui il ait l’audace de parler comme il le faut (cf. Ep 6, 19 s. ; Ac 4, 31) sans rougir du scandale de la croix. Suivant les traces de son Maître qui était doux et humble de cœur, il doit montrer que son joug est doux et son fardeau léger (Mt 11, 29 s.). Par une vie véritablement évangélique [65], par une grande constance, par la longanimité, par la douceur, par une charité non feinte (cf. 2 Co 6, 4 s.), il doit rendre témoignage à son Seigneur et même, si c’est nécessaire, jusqu’à l’effusion du sang. Il obtiendra de Dieu courage et force pour reconnaître que, dans les multiples tribulations et la très profonde pauvreté qu’il expérimente, se trouve une abondance de joie (cf. 2 Co 8, 2). Il doit être persuadé que l’obéissance est la vertu spécifique du ministre du Christ, qui a racheté le genre humain par son obéissance.
Les prédicateurs de l’Évangile doivent se garder de négliger la grâce qui est en eux ; ils doivent se renouveler de jour en jour par une transformation spirituelle (cf. 1 Tm 4, 14 ; Ep 4, 23 ; 2 Co 4, 16). Les Ordinaires et les supérieurs devront à dates fixes réunir les missionnaires pour qu’ils soient fortifiés dans l’espérance de leur vocation et renouvelés dans leur ministère apostolique ; des maisons adaptées pourront même être organisées dans ce but.
25. Formation spirituelle et morale
Le futur missionnaire doit être préparé à une si noble tâche par une formation spirituelle et morale spéciale [66]. Il doit être prompt à prendre des initiatives, avoir de la constance pour mener à leur terme ses œuvres, être persévérant dans les difficultés ; il doit supporter patiemment, courageusement, la solitude, la fatigue, le travail stérile. Il ira au-devant des hommes avec largeur d’esprit et ouverture de cœur ; il entreprendra volontiers les tâches qui lui auront été confiées ; il s’adaptera généreusement aux mœurs étrangères des peuples, aux situations changeantes ; en plein accord avec eux, avec une charité réciproque, il apportera son travail et son aide à ses frères et à tous ceux qui se consacrent à la même besogne, en sorte qu’ils soient ensemble avec les fidèles, à l’imitation de la communauté apostolique, un seul cœur et une seule âme (cf. Ac 2, 42 ; Ac 4, 32).
Déjà pendant le temps de la formation, ces dispositions d’âme doivent être mises en œuvre, cultivées, approfondies et nourries par la vie spirituelle. Pénétré d’une foi vive et d’une espérance inébranlable, le missionnaire doit être un homme de prière ; il doit être enflammé d’un esprit de force, d’amour, de maîtrise de soi (cf. 2 Tm 1, 7) ; il doit apprendre à se suffire en toute occasion (cf. Ph 4, 11) ; dans un esprit de sacrifice, il doit porter en lui l’état de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus opère en ceux à qui il est envoyé (cf. 2 Co 4, 10 s.) ; par zèle des âmes, il doit de tout cœur tout dépenser et en outre se dépenser lui-même pour les âmes (cf. 2 Co 12, 15 s.), au point que « par l’exercice quotidien de sa tâche, il grandisse dans l’amour de Dieu et du prochain [67] ». C’est ainsi que, obéissant à la volonté du Père avec le Christ, il continuera la mission du Christ sous l’autorité hiérarchique de l’Église, et collaborera au mystère du salut.
26. Formation doctrinale et apostolique
Ceux qui seront envoyés vers les diverses nations, doivent être comme de bons ministres du Christ nourris « des enseignements de la foi et de la bonne doctrine » (1 Tm 4, 6), qu’ils puiseront avant tout dans les Saintes Écritures, approfondissant le mystère du Christ dont ils seront les hérauts et les témoins.
C’est pourquoi tous les missionnaires – prêtres, frères, sœurs, laïcs – doivent être préparés et formés, chacun selon sa condition, afin d’être à la hauteur des exigences de leur future tâche [68]. Dès le début déjà, leur formation doctrinale doit être organisée de telle manière qu’elle embrasse l’universalité de l’Église et la diversité des peuples. Cela vaut pour toutes les disciplines par lesquelles ils sont préparés à exercer leur ministère, et des autres sciences dont ils seront utilement instruits, afin qu’ils aient une connaissance générale des peuples, des cultures, des religions, tournée non seulement vers le passé, mais aussi vers le présent. Quiconque en effet doit aborder un autre peuple, doit tenir en estime son patrimoine, ses langues, ses mœurs. Il est donc absolument nécessaire au futur missionnaire de s’adonner aux études missiologiques, c’est-à-dire de connaître la doctrine et les règles de l’Église concernant l’activité missionnaire, de savoir quels chemins les messagers de l’Évangile ont parcourus au cœurs des siècles, ainsi que la situation actuelle des missions, en même temps que les méthodes jugées actuellement les plus efficaces [69].
Bien que cette formation tout entière doive être pénétrée de sollicitude pastorale, une formation apostolique particulière, bien structurée, doit être proposée, tant par des cours que par des exercices pratiques [70].
Le plus grand nombre possible de frères et de sœurs doivent être instruits convenablement de l’art de la catéchèse, y être préparés, afin de pouvoir collaborer davantage encore à l’apostolat.
Même ceux qui assument pour une période seulement un rôle dans l’activité missionnaire, il est nécessaire qu’ils acquièrent une formation appropriée à leur condition.
Ces diverses sortes de formation doivent être complétées dans les pays auxquels ils sont envoyés, de sorte que les missionnaires connaissent de manière plus étendue l’histoire, les structures sociales, les coutumes des peuples, qu’ils aient des idées plus précises sur l’ordre moral, les préceptes religieux ainsi que les convictions intimes qu’ils ont acquises selon leurs traditions sacrées sur Dieu, le monde et l’homme [71]. Ils doivent apprendre les langues jusqu’à pouvoir les utiliser aisément et correctement, et trouver ainsi un accès plus facile à l’esprit et au cœur des hommes [72]. En outre, ils doivent être initiés aux besoins pastoraux particuliers du pays.
Quelques-uns des missionnaires devront être préparés d’une manière plus approfondie auprès des instituts de missiologies, ou d’autres facultés ou universités, afin de pouvoir s’acquitter plus efficacement de certaines tâches spéciales [73] et rendre service par leur science aux autres missionnaires dans l’exercice de leur activité missionnaire qui, de nos jours surtout, présente tant de difficultés et tant d’opportunités. Il est en outre tout à fait souhaitable que les conférences épiscopales régionales aient à leur disposition un bon nombre d’experts de ce genre, et qu’elles usent avec fruit de leur science et de leur expérience dans les difficultés que rencontre leur tâche. On ne doit pas non plus manquer de personnes qui sachent utiliser les instruments techniques et les moyens de communication sociale, dont tous doivent apprécier hautement l’importance.
27. Les instituts qui travaillent dans les missions
Tout cela, nécessaire pourtant de façon absolue à quiconque est envoyé aux nations, peut à peine être vraiment réalisé par des individus. L’œuvre missionnaire elle-même, au témoignage de l’expérience, ne pouvant non plus être accomplie par des isolés, une vocation commune a rassemblé des personnes en des instituts dans lesquels, en mettant en commun leurs forces, elles pourront recevoir une formation adaptée et s’acquitter de cette œuvre au nom de l’Église et selon la volonté de l’autorité hiérarchique. Depuis de nombreux siècles, ces instituts ont porté le poids du jour et de la chaleur, soit qu’ils se vouent totalement au labeur missionnaire, soit que cette activité absorbe une partie seulement de leurs efforts. Souvent d’immenses territoires leur ont été confiés par le Saint Siège pour être évangélisés ; ils y ont rassemblé pour Dieu un nouveau peuple, une Église locale attachée à ses propres pasteurs. Les Églises qu’ils ont fondées par leur sueur, bien plus encore par leur sang, ils seront à leur service par leur zèle et leur expérience en une collaboration fraternelle, ou en prenant la charge des âmes, ou en s’acquittant de fonctions spéciales en vue du bien commun.
Parfois, pour toute l’étendue d’une région, ils assumeront certaines tâches plus urgentes, par exemple l’évangélisation de groupes humains ou de peuples qui n’auraient pas encore, pour diverses raisons, reçu le message évangélique, ou qui jusqu’ici lui ont résisté [74].
Si besoin est, ils doivent être prêts à former et à aider de leur expérience ceux qui se consacrent pour un temps à l’activité missionnaire.
Pour ces raisons, et du fait qu’il existe encore des peuples nombreux qu’il faut amener au Christ, les instituts demeurent absolument nécessaires.
CHAPITRE V :
L’organisation de l’activité missionnaire
28. Introduction
Les chrétiens, puisqu’ils ont des charismes différents (cf. Rm 12, 6), doivent collaborer à l’œuvre de l’Évangile, chacun selon ses possibilités, son aptitude, son charisme et son ministère (cf. 1 Co 3, 10) ; tous par conséquent, ceux qui sèment et ceux qui moissonnent (cf. Jn 4, 37), ceux qui plantent et ceux qui arrosent, il faut qu’ils soient un (cf. 1 Co 3, 8), afin que, tendant tous librement et de manière ordonnée à la même fin [75] », ils dépensent leurs forces d’un même cœur pour l’édification de l’Église. C’est pourquoi les travaux des prédicateurs de l’Évangile et l’aide des autres chrétiens doivent être dirigés et coordonnés de telle manière que « tout se fasse selon l’ordre » (1 Co 14, 40) dans tous les domaines de l’activité et de la coopération missionnaires.
29. Organisation générale
La charge d’annoncer l’Évangile par toute la terre étant en premier lieu l’affaire du corps épiscopal [76], le synode des évêques ou « conseil stable d’évêques pour l’Église universelle [77] » doit avoir, parmi les affaires d’importance générale [78], un souci spécial de l’activité missionnaire, qui est une charge très importante et très sacrée de l’Église [79]. Pour toutes les missions et pour toute l’activité missionnaire, il faut qu’il n’y ait qu’un seul dicastère compétent, celui de la « Propagation de la foi », par lequel doivent être dirigées et coordonnées par toute la terre l’œuvre missionnaire et la coopération missionnaire cependant le droit des Églises orientales, étant sauf [80].
Bien que l’Esprit Saint suscite de diverses manières l’esprit missionnaire dans l’Église de Dieu, bien qu’il ne soit pas rare que l’action de l’Esprit devance l’action de ceux à qui il appartient de gouverner la vie de l’Église, ce dicastère doit cependant, pour sa part, promouvoir la vocation et la spiritualité missionnaires, le zèle et la prière pour les missions, et publier à leur sujet des informations authentiques et valables. C’est par lui que doivent être suscités et répartis, selon les besoins plus urgents des régions, les missionnaires. C’est par lui que doit être établi un plan rationnel d’action ; c’est de lui que doivent provenir les normes directrices et les principes adaptés pour l’évangélisation ; c’est par lui que doivent être données les impulsions. C’est par lui que doit être lancée et coordonnée une collecte efficace de ressources qui seront distribuées en tenant compte de la nécessité ou de l’utilité et de l’étendue des territoires, du nombre des fidèles et des infidèles, des œuvres et des instituts, des ministres et des missionnaires.
En union avec le Secrétariat pour favoriser l’unité des chrétiens, ce dicastère doit chercher les moyens de procurer et d’organiser la collaboration fraternelle ainsi que la bonne entente avec les initiatives missionnaires d’autres communautés chrétiennes, afin que le scandale de la division soit supprimé dans la mesure du possible.
Aussi est-il nécessaire que ce dicastère soit autant un instrument d’administration qu’un organe de direction dynamique, qui use de méthodes scientifiques et de moyens adaptés aux conditions de notre temps, c’est-à-dire en tenant compte de la recherche actuelle en théologie, en méthodologie et en pastorale missionnaire.
Dans la direction de ce dicastère doivent avoir une part active, avec voix délibérative, des représentants choisis de tous ceux qui collaborent à l’œuvre missionnaire : des évêques du monde entier, après consultation des conférences épiscopales ; des directeurs des instituts et des œuvres pontificales, selon des modes et des méthodes à établir par le Pontife romain. Tous ces représentants, qui seront convoqués à dates fixes, doivent assurer, sous l’autorité du Souverain Pontife, l’organisation suprême de toute l’œuvre missionnaire.
Un groupe permanent d’experts consulteurs, de science ou d’expérience éprouvées, à qui il appartiendra entre autres choses de recueillir des nouvelles opportunes sur la situation locale des diverses régions et la mentalité des divers groupes humains, sur les méthodes d’évangélisation à employer, – et de proposer des conclusions scientifiquement fondées pour l’œuvre et la coopération missionnaires – doit être à la disposition de ce dicastère.
Les instituts de religieuses, les œuvres régionales pour les missions, les organisations de laïcs, particulièrement les organisations internationales, doivent être représentées de la manière qui convient.
30. Organisation locale dans les missions
Pour que dans l’exercice de l’œuvre missionnaire elle-même les buts soient atteints et les résultats obtenus, tous ceux qui travaillent à la mission doivent avoir « un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32).
C’est le rôle de l’évêque, comme directeur et centre de l’unité dans l’apostolat diocésain, de promouvoir l’activité missionnaire, de la diriger, de la coordonner, de telle manière pourtant que soit sauvegardée et encouragée la spontanéité de ceux qui ont une part dans cette œuvre. Tous les missionnaires, même les religieux exempts, sont soumis à son autorité dans les diverses œuvres qui regardent l’exercice de l’apostolat sacré [81]. En vue d’une meilleure coordination, l’évêque doit constituer, dans la mesure du possible, un conseil pastoral, dans lequel les clercs, les religieux et les laïcs auront leur part par l’intermédiaire de délégués choisis. L’évêque doit veiller en outre à ce que l’activité apostolique ne soit pas limitée aux seuls convertis, mais à ce qu’une part égale d’ouvriers et de subsides soit destinée à l’évangélisation des non-chrétiens.
31. Coordination régionale
Les conférences épiscopales doivent traiter par des délibérations communes des questions plus graves et des problèmes plus urgents, sans négliger cependant les différences locales [82]. Pour qu’on ne disperse pas les ressources insuffisantes en personnes et en ressources ; pour qu’on ne multiplie pas sans nécessité les initiatives, il est recommandé de fonder, en mettant en commun les forces, des œuvres qui serviront au bien de tous, par exemple des séminaires, des écoles supérieures et techniques, des centres pastoraux, catéchétiques, liturgiques ainsi que des centres de moyens de communication sociale.
Une coopération de ce genre doit être établie, selon l’opportunité, même entre diverses conférences épiscopales.
32. Organisation de l’activité des instituts
Il est utile aussi de coordonner les activités menées par les instituts ou les associations ecclésiastiques. Tous, de quelque genre qu’ils soient, en tout ce qui regarde l’activité missionnaire elle-même, doivent obéir à l’Ordinaire du lieu. Aussi sera-t-il très utile de conclure des conventions particulières, qui régleront les rapports entre l’Ordinaire du lieu et le directeur de l’institut.
Quand un territoire a été confié à un institut, le supérieur ecclésiastique et l’institut auront à cœur de tout mettre en œuvre pour ce but : que la nouvelle communauté chrétienne grandisse et devienne une Église locale qui, en temps opportun, sera gouvernée par son propre pasteur avec son clergé.
Quand cesse le mandat sur un territoire, naît une nouvelle situation. Alors les conférences épiscopales et les instituts doivent établir, par délibération commune, les règles qui doivent régir les rapports entre les Ordinaires des lieux et les instituts [83]. Il appartient au Saint-Siège d’esquisser les principes généraux selon lesquels les conventions régionales ou même particulières doivent être conclues.
Même si les instituts sont prêts à continuer l’œuvre commencée, en collaborant au ministère ordinaire du soin des âmes, cependant, à mesure que croîtra le clergé local, il faudra veiller à ce que les instituts, dans la mesure compatible avec leur but, demeurent fidèles au diocèse lui-même, en y assumant généreusement des œuvres spéciales ou une région déterminée.
33. Coordination entre les instituts
Il faut que les instituts, qui dans le même territoire s’appliquent à l’activité missionnaire, trouvent les voies et les modes selon lesquels leurs œuvres seront coordonnées. C’est pourquoi sont de très grande utilité les conférences de religieux et les unions de religieuses, dans lesquelles tous les instituts d’une même nation ou d’une même région ont leur part. Ces conférences doivent rechercher ce qui peut être fait en mettant en commun les efforts ; elles doivent entretenir d’étroites relations avec les conférences épiscopales.
Tout cela, il convient de l’étendre pour une raison semblable à la collaboration des instituts missionnaires dans le pays dont ils sont originaires, en sorte que les questions et les initiatives communes puissent être résolues plus facilement et à moindre frais, comme la formation doctrinale des futurs missionnaires, les cours pour les missionnaires, les rapports à envoyer aux autorités publiques ou aux organes internationaux et supranationaux.
34. Coordination entre les instituts scientifiques
L’exercice régulier et ordonné de l’activité missionnaire exigeant que les ouvriers évangéliques soient préparés scientifiquement à leur mission, particulièrement au dialogue avec les religions et les cultures non chrétiennes, – et que dans l’exécution elle-même ils soient aidés efficacement, on désire que, en faveur des missions, collaborent fraternellement et généreusement entre eux les divers instituts scientifiques qui cultivent la missiologie et d’autres disciplines ou techniques utiles aux missions, comme l’ethnologie et la linguistique, l’histoire et la science des religions, la sociologie, les techniques pastorales, et autres choses semblables.
CHAPITRE VI :
La coopération
35. Introduction
L’Église étant tout entière missionnaire, et l’œuvre de l’évangélisation étant un devoir fondamental du Peuple de Dieu, le saint Concile invite tous les chrétiens à une profonde rénovation intérieure, afin qu’ayant une conscience vive de leur propre responsabilité dans la diffusion de l’Évangile, ils assument leur part dans l’œuvre missionnaire auprès des nations.
36. Devoir missionnaire du Peuple de Dieu tout entier
Comme membres du Christ vivant, auquel ils ont été incorporés et configurés par le baptême ainsi que par la confirmation et l’Eucharistie, tous les fidèles sont tenus de coopérer à l’expansion et au développement de son Corps, pour l’amener le plus vite possible à sa plénitude (Ep 4, 13).
C’est pourquoi tous les fils de l’Église doivent avoir une vive conscience de leur responsabilité à l’égard du monde, nourrir en eux un esprit véritablement catholique et dépenser leurs forces pour l’œuvre de l’évangélisation. Cependant, que tous le sachent, leur premier et leur plus important devoir pour la diffusion de la foi, c’est de vivre profondément leur vie chrétienne. Car leur ferveur au service de Dieu, leur charité à l’égard des autres apporteront un nouveau souffle spirituel à l’Église tout entière, qui apparaîtra comme un signal levé sur les nations (cf. Is 11, 12), « lumière du monde » (Mt 5, 14) et « sel de la terre » (Mt 5, 13). Ce témoignage de la vie obtiendra plus facilement son effet s’il est rendu avec d’autres groupes chrétiens, selon les normes du décret sur l’œcuménisme [84].
Cet esprit renouvelé amènera à offrir spontanément à Dieu des prières et des œuvres de pénitence pour qu’il féconde de sa grâce l’œuvre des missionnaires ; il amènera l’éclosion de vocations missionnaires, et l’afflux des ressources dont les missions ont besoin.
Pour que tous et chacun des chrétiens connaissent exactement la situation présente de l’Église dans le monde, et qu’ils entendent la voix des multitudes qui crient : « Viens à notre aide » (cf. Ac 16, 9), on donnera, en employant les moyens modernes de communication sociale, des nouvelles missionnaires telles que, prenant conscience de ce que l’activité missionnaire est la leur, ils ouvrent leur cœur aux besoins si immenses et si profonds des hommes et puissent leur venir en aide.
Nécessaire aussi est la coordination des informations et la coopération avec les organes nationaux et internationaux.
37. Devoir missionnaire des communautés chrétiennes
Puisque le Peuple de Dieu vit dans des communautés, diocésaines et paroissiales surtout, et que c’est dans ces communautés que d’une certaine manière il se montre visible, c’est aussi aux communautés qu’il appartient de rendre témoignage au Christ devant les nations.
La grâce de la rénovation ne peut croître dans des communautés à moins que chacune d’entre elles n’étende le rayon de sa charité jusqu’aux extrémités de la terre, et qu’elle n’ait, pour ceux qui sont loin, une sollicitude semblable à celle qu’elle a pour ceux qui sont ses propres membres.
C’est ainsi que la communauté tout entière prie, coopère, exerce une activité parmi les nations, par l’intermédiaire de ses fils que Dieu choisit pour une tâche si magnifique.
Il serait très utile, pourvu qu’on ne laisse pas de côté l’œuvre missionnaire universelle, de garder contact avec les missionnaires issus de la communauté elle-même, ou avec une paroisse ou un diocèse des missions, afin que devienne visible la communion entre les communautés, et que cela tourne à l’édification mutuelle.
38. Devoir missionnaire des évêques
Tous les évêques, en tant que membres du corps épiscopal qui succède au collège des Apôtres, ont été consacrés non seulement pour un diocèse déterminé, mais pour le salut du monde entier. Le commandement du Christ de prêcher l’Évangile à toute créature (Mc 16, 15) les atteint en premier lieu et directement, en union avec Pierre et sous l’autorité de Pierre. De là naît cette communion et coopération entre Églises aujourd’hui si nécessaire pour continuer l’œuvre de l’évangélisation. En vertu de cette communion, chacune des Églises porte la sollicitude de toutes les autres ; les Églises se font connaître réciproquement leurs propres besoins ; elles se communiquent mutuellement leurs biens, puisque l’extension du Corps du Christ est la charge du collège épiscopal tout entier [85].
Dans son diocèse, avec lequel il ne fait qu’un, l’évêque, quand il anime, fait avancer, dirige l’œuvre missionnaire, rend présents et pour ainsi dire visibles l’esprit et l’ardeur missionnaires du Peuple de Dieu, en sorte que le diocèse tout entier devient missionnaire.
Il appartiendra à l’évêque d’éveiller dans son peuple, surtout parmi les infirmes et les affligés, des âmes qui offrent à Dieu, de tout leur cœur, pour l’évangélisation du monde, prières et œuvres de pénitence ; d’encourager volontiers les vocations de jeunes et de clercs pour les instituts missionnaires, acceptant avec reconnaissance que Dieu en choisisse quelques-uns qui entreront dans l’activité missionnaire de l’Église ; d’exhorter et d’aider les congrégations diocésaines à assumer leur part propre dans les missions ; de promouvoir auprès de ses fidèles les œuvres des instituts missionnaires, mais particulièrement les Œuvres pontificales missionnaires. Car c’est à ces œuvres qu’à bon droit doit être attribuée la première place, puisqu’elles sont des moyens pour pénétrer les catholiques, dès leur enfance, d’un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour provoquer une collecte efficace de fonds au profit de toutes les missions, selon les besoins de chacune [86].
Puisque de jour en jour augmente le besoin d’ouvriers pour la vigne du Seigneur, et que des prêtres diocésains désirent avoir eux aussi un rôle toujours plus grand dans l’évangélisation du monde, le saint Concile souhaite vivement que les évêques, réfléchissant à la très grave pénurie de prêtres qui empêche l’évangélisation de nombreuses régions, envoient à des diocèses manquant de clergé quelques-uns de leurs meilleurs prêtres qui se proposent pour l’œuvre missionnaire, et leur fassent donner la préparation nécessaire ; ces prêtres y accompliront en esprit de service, au moins pour une période, le ministère des missions [87].
Pour que l’activité missionnaire des évêques puisse s’exercer plus efficacement au profit de l’Église tout entière, il est utile que les conférences épiscopales règlent les affaires qui ont trait à la coopération bien organisée de leur propre région.
Dans leurs conférences, que les évêques traitent des prêtres du clergé diocésain à consacrer à l’évangélisation des nations ; de la somme déterminée, proportionnée à ses propres revenus, que chaque diocèse est tenu de verser chaque année pour l’œuvre des missions [88]; de la réglementation et de l’organisation des modes et des moyens qui viennent directement en aide aux missions ; de l’aide à apporter aux instituts missionnaires et aux séminaires de clergé diocésain pour les missions, et, si besoin est, de leur fondation ; de l’encouragement à donner à des liens plus étroits entre des instituts de ce genre et les diocèses.
Il appartient de même aux conférences épiscopales d’établir et de promouvoir les œuvres qui permettent de recevoir fraternellement et d’entourer d’un soin pastoral convenable, ceux qui pour cause de travail et d’étude quittent les territoires de mission pour vivre à l’étranger. C’est par ces immigrants que les peuples éloignés deviennent proches d’une certaine manière, et qu’aux communautés qui sont chrétiennes de longue date, est offerte l’occasion d’entreprendre le dialogue avec les nations qui n’ont pas encore entendu l’Évangile, et de leur montrer, dans le service d’amour et d’aide qui leur est propre, l’authentique visage du Christ [89].
39. Devoir missionnaire des prêtres
Les prêtres représentent le Christ et sont les collaborateurs de l’ordre épiscopal dans la triple fonction sacrée qui, par sa nature même, a trait à la mission de l’Église [90]. Ils doivent donc comprendre à fond que leur vie a été consacrée aussi au service des missions. Puisque par leur ministère propre – qui consiste principalement dans l’Eucharistie, laquelle donne à l’Église sa perfection – ils sont en communion avec le Christ Tête et amènent d’autres êtres à cette communion, ils ne peuvent pas ne pas sentir combien il manque encore à la plénitude du Corps, et par conséquent tout ce qu’il faudrait faire pour qu’il s’accroisse de jour en jour. Ils ordonneront donc leur sollicitude pastorale de manière qu’elle soit utile à l’expansion de l’Évangile chez les non-chrétiens.
Dans leur charge pastorale, les prêtres stimuleront et entretiendront parmi les fidèles le zèle pour l’évangélisation du monde, en les instruisant par la catéchèse et la prédication de la charge qu’a l’Église d’annoncer le Christ aux nations ; en enseignant aux familles chrétiennes la nécessité et l’honneur de cultiver des vocations missionnaires parmi leurs propres fils et filles ; en encourageant chez les jeunes des écoles et des associations catholiques la ferveur missionnaire, en sorte que de futurs prédicateurs de l’Évangile sortent de ce milieu. Ils doivent apprendre aux fidèles à prier pour les missions ; ne pas rougir de leur demander des aumônes pour les missions, se faisant comme des mendiants pour le Christ et le salut des âmes [91].
Les professeurs des séminaires et des universités enseigneront aux jeunes la véritable situation du monde et de l’Église, pour que la nécessité d’une évangélisation plus poussée des non-chrétiens ressorte mieux à leurs yeux et nourrisse leur zèle. Dans l’enseignement des disciplines dogmatiques, bibliques, morales et historiques, ils devront mettre en lumière les aspects missionnaires qui y sont contenus, afin que de cette manière la conscience missionnaire se forme chez les futurs prêtres.
40. Devoir missionnaire des instituts de perfection
Les instituts religieux, de vie contemplative et active, ont eu jusqu’ici et ont une très grande part dans l’évangélisation du monde. Leurs mérites, le saint Concile les reconnaît de grand cœur, et rend grâces à Dieu pour tant de sacrifies acceptés pour la gloire de Dieu et le service des âmes ; il les exhorte à persévérer sans défaillance dans l’œuvre commencée, puisqu’ils savent que la vertu de charité, qu’ils sont tenus de pratiquer de façon plus parfaite du fait de leur vocation, les pousse et les oblige à un esprit et à un travail vraiment catholiques [92].
Les instituts de vie contemplative, par leurs prières, leurs œuvres de pénitence, leurs épreuves, ont une très grande importance dans la conversion des âmes, puisque c’est Dieu qui envoie à notre prière, des ouvriers dans sa moisson (cf. Mt 9, 38), ouvre les cœurs des non-chrétiens pour qu’ils écoutent l’Évangile (cf. Ac 16, 14) et rend féconde dans leurs cœurs la parole du salut (cf. 1 Co 3, 7). Bien plus, ces instituts sont invités à fonder des maisons dans les territoires des missions, comme un certain nombre l’ont fait déjà, afin que, y menant leur vie d’une manière adaptée aux traditions authentiquement religieuses des peuples, ils rendent parmi les non-chrétiens un magnifique témoignage de la majesté et de la charité de Dieu, et de l’union dans le Christ.
Les instituts de vie active, qu’ils poursuivent ou non une fin strictement missionnaire, doivent se poser sincèrement devant Dieu la question de savoir s’ils peuvent étendre leur activité en vue de l’expansion du règne de Dieu parmi les nations ; s’ils peuvent laisser à d’autres certains ministères, de façon à dépenser leurs forces pour les missions ; s’ils peuvent entreprendre une activité dans les missions, en adaptant, si c’est nécessaire, leurs constitutions, mais cependant selon l’esprit du fondateur ; si leurs membres prennent part selon leurs forces à l’activité missionnaire ; si leur façon habituelle de vivre est un témoignage de l’Évangile, vraiment adapté au caractère et à la situation du peuple.
Puisque, sous l’inspiration du Saint-Esprit, s’accroissent de jour en jour dans l’Église les instituts séculiers, leur aide, sous l’autorité de l’évêque, peut être fructueuse dans les missions à des titres multiples, comme signe d’un don plénier à l’évangélisation du monde.
41. Devoir missionnaire des laïcs
Les laïcs coopèrent à l’œuvre d’évangélisation de l’Église et participent à titre de témoins, et en même temps d’instruments vivants à sa mission salvifique [93], surtout si, appelés par Dieu, ils sont affectés par les évêques à cette œuvre.
Dans les terres déjà chrétiennes, les laïcs coopèrent à l’œuvre de l’évangélisation en développant en eux-mêmes et chez les autres la connaissance et l’amour des missions, en suscitant des vocations dans leur propre famille, dans les associations catholiques et les écoles, en offrant des subsides de toute sorte, afin que le don de la foi qu’ils ont reçu gratuitement puisse être aussi transmis à d’autres.
Dans les territoires des missions, les laïcs, soit étrangers soit autochtones, doivent enseigner dans les écoles, avoir la gestion des affaires temporelles, collaborer à l’activité paroissiale et diocésaine, établir et promouvoir les diverses formes de l’apostolat des laïcs, pour que les fidèles des jeunes Églises puissent assurer le plus vite possible leur propre part dans la vie de l’Église [94].
Enfin les laïcs doivent apporter volontiers leur coopération économico-sociale aux peuples en voie de développement ; cette coopération est d’autant plus à louer qu’elle vise à fonder des instituts qui atteignent les structures fondamentales de la vie sociale, ou sont destinés à la formation de ceux qui ont la responsabilité de la chose publique.
Sont dignes d’une louange spéciale ceux qui, dans les universités ou les instituts scientifiques, font avancer, par leurs recherches historiques ou scientifico-religieuses, la connaissance des peuples et des religions, aidant les prédicateurs de l’Évangile et préparant le dialogue avec les non-chrétiens.
Avec les autres chrétiens, avec les non-chrétiens, particulièrement avec les membres des associations internationales, ils doivent collaborer fraternellement, ayant toujours devant les yeux que « la construction de la cité terrestre doit être fondée sur le Seigneur et orientée vers lui [95] ».
Pour s’acquitter de toutes ces tâches, les laïcs ont besoin d’une indispensable préparation technique et spirituelle, qui doit être donnée dans des instituts spécialisés, pour que leur vie soit un témoignage pour le Christ parmi les non-chrétiens selon ce mot de l’apôtre : « Ne donnez scandale ni aux Juifs ni aux Grecs ni à l’Église de Dieu, tout comme moi je m’efforce de plaire à tous en tout, ne cherchant pas mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés » (1 Co 10, 32-33).
CONCLUSION
42. Les Pères du Concile, en union avec le Pontife romain, sentant très profondément le devoir d’étendre partout le règne de Dieu, saluent avec toute leur affection tous les messagers de l’Évangile, ceux surtout qui pour le nom du Christ souffrent la persécution, et ils s’associent à leurs souffrances [96].
Ils sont enflammés eux aussi du même amour dont le Christ a brûlé pour les hommes. Conscients que c’est Dieu qui fait que son règne advienne sur la terre, ils répandent leurs prières avec tous les fidèles du Christ pour que, par l’intercession de la Vierge Marie, Reine des Apôtres, les nations soient amenées le plus tôt possible à la connaissance de la vérité (1 Tm 2, 4), et que la gloire de Dieu qui resplendit sur la face du Christ commence à luire pour tous par le Saint-Esprit (2 Co 4, 6).
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 7 décembre 1965
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 48 (1965), p. 53.
[2] Saint Augustin, Enarr. in Ps. 44, 23 : PL 36, 508 ; CChr 38, 510.
[3] Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 2 (1965), p. 5-6.
[4] Saint Irénée, Adv. Haer., III, 18, 1 : « Le Verbe existant auprès de Dieu, par qui tout a été fait, et qui était toujours présent dans le genre humain » : PG 7, 932. – Idem, IV, 6, 7 : « Depuis le début le Fils, présent dans sa création, révèle le Père à tous ceux à qui le veut, quand le veut et comme le veut le Père » : PG 7, 990. – Idem, IV, 20, 6 et 7 : PG 7, 1037. – Idem, Demonstration, n. 34 : PO XII, 773 ; Sources chr. 62, Paris, 1958, p. 87. – Clément d’Alexandrie, Protreptique, 112, 1 : GCS Clemens, I, 79. – Idem Stromates, VI, 6, 44, 1 : GCS Clemens, II, 453, VI ; 13, 106, 3-4 ; idem, 485. – Sur la doctrine elle-même, cf. Pie XII, Message radiophonique du 31 décembre 1952. – Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 16 (1965), p. 20.
[5] He 1, 2 ; Jn 1, 3.10 ; 1 Co 8, 6 ; Col 1, 16.
[6] Saint Athanase, Lettre à Épictète, 7 : PG 26, 1060. – Saint Cyrille de Jérusalem, Catech. 4, 9 (PG 33, 465). – Marius Victorinus, Adv. Arium 3, 3 : PL 8, 1101. – Saint Basile, Lettre 261, 2 : PG 32, 969. – Saint Grégoire de Naziance, Lettre 101 : PG 37, 181. – Saint Grégoire de Nysse, Antirrheticus, Adv. Apolin. 17 : PG 45, 1156. – Saint Ambroise, Lettre 48, 5 : PL 16, 1153. – Saint Augustin, Tract. in Io., tr. 23, 6 : PL 35, 1585 ; CChr 36, 236. – En outre, c’est cet argument qui lui sert à démontrer que le Saint Esprit ne nous a pas rachetés puisqu’il ne s’est pas incarné : De Agone Christ. 22, 24 : PL 40, 302. – Saint Cyrille d’Alexandrie, Adv. Nestor. I, 1 : PG 76, 20. – Saint Fulgence, Épître 17, 3, 5 : PL 65, 454. – Idem, Ad Trasimundum III, 21 : PL 65, 284 : De tristitia et timore.
[7] C’est l’Esprit Saint qui a parlé par les prophètes : Symb. de Constantinople : Denz. 150, 86. – Saint Léon le Grand, Sermon 76 : PL 54, 405-406 : « Quand au jour de la Pentecôte l’Esprit Saint remplit les disciples du Seigneur, ce ne fut pas le début d’un don mais une largesse surajoutée à d’autres : les patriarches, les prophètes, les prêtres, les saints qui vécurent aux temps anciens ont été nourris du même Esprit sanctifiant... bien que la mesure des dons ait été différente ». De même le Sermon 77, 1 : PL 54, 412. – Léon XIII, Divinum illud : AAS (1897), p. 650-651. De même Saint Jean Chrysostome, bien qu’il insiste sur la nouveauté de la mission du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte : In Eph. c. 4, hom. 10, 1 : PG 62, 75.
[8] Les saints Pères parlent souvent de Babel et de la Pentecôte : Origène, In Genesim, c. 1 (PG 12, 112) ; Saint Grégoire de Naziance, Oratio 41, 16 : PG 26, 449 ; Saint Jean Chrysostome, Hom. 2 pour la Pentecôte 2 : PG 50, 467 ; In Acta Apost. : PG 60, 44 ; Saint Augustin, Enar. in Ps. 54, 11 : PL 36, 636 ; CChr 39, 664 s. ; Sermon 271 : PL 38, 1245 ; Saint Cyrille d’Alexandrie, Glaphyra in Genesim II : PG 699, 79 ; Saint Grégoire le Grand, Hom. in Evang., lib. II, Hom. 30, 4 : PL 76, 1222 ; Saint Bède, In Hexaemer., liv. III : PL 91, 125. Voir aussi la représentation dans l’atrium de la basilique Saint-Marc à Venise. L’Église parle toutes les langues et ainsi rassemble tous les hommes dans la catholicité de la foi : Saint Augustin, Sermons 266, 267, 268, 269 : PL 65, 743-744, Sermon 175, 3 : PL 38, 946 ; Saint Jean Chrysostome, In Epist. 1 ad Cor., hom. 35 : PG 61, 296 ; Saint Cyrille d’Alexandrie, Fragm. in Acta : PG 74, 758 ; Saint Fulgence, Sermon 8, 2-3 : PL 65, 743-744. Sur la Pentecôte comme consécration des Apôtres à la mission, cf. J. A. Cramer, Catena in Acta SS. Apostolorum, Oxford, 1838, p. 24 s.
[9] Lc 3, 22 ; 4, 1 ; Ac 10, 38.
[10] Jn 14-17 ; Paul VI, Discours prononcé au Concile, le 14 septembre 1964 : AAS (1964), p. 807.
[11] Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 4 : AAS (1965), p. 7.
[12] Saint Augustin, Sermon 267, 4 : PL 38, 1231 : « Ce que fait l’âme dans tous les membres d’un même corps, le Saint-Esprit le fait dans l’Église tout entière. » – Cf. Conc. Vat. II, Lumen gentium, n. 7 avec la note 8 : AAS (1965), p. 11.
[13] Ac 10, 44-47 ; 11, 15 ; 15, 8.
[14] Ac 4, 8 ; 5, 32 ; 8, 26.29.39 ; 9, 31 ; 10 ; 11, 24.28 ; 13, 2.4.9 ; 16, 6-7 ; 20, 22-23 ; 21, 11, etc.
[15] Tertullien, Apologeticum, 50, 13 : PL 1, 534 ; CChr 1, 171.
[16] Déjà Saint Thomas parle de la charge apostolique de planter l’Église : cf. Sent., liv. I, dist. 16, q. 1, a. 2, ad 2 et 4 ; a. 3 sol. ; Somme théologique I, q. 43, a. 7 ad 6 ; I-II, q. 106, a. 4, ad 4. – Cf. Benoît XV, Maximum illud, 30 novembre 1919 : AAS (1919), p. 445 et 453. – Pie XI, Rerum Ecclesiae : AAS 18 (1926), p. 74). – Pie XII, 30 avril 1939, aux direct. des Œuvres Pontif. Missionnaires ; id., 24 juin 1944, aux direct. des Œuvres Pontif. Missionnaires : AAS 38 (1944), p. 210 ; de nouveau : AAS 42 (1950), p. 727, et 43 (1951), p. 508 ; id., 29 juin 1948 au clergé indigène : AAS 40 (1948), p. 374 ; id., Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 507 ; id., Fidei donum, 15 janvier 1957 : AAS 49 (1957), p. 236. – Jean XXIII, Princeps pastorum, 28 novembre 1959 : AAS 56 (1959), p. 835. – Paul VI, homélie du 18 octobre 1964 : AAS 56 (1964), p. 911. Les papes aussi bien que les Pères et les scolastiques parlent souvent de l’expansion de l’Église : Saint Thomas, Comment. sur Matt. 16, 28 ; Léon XIII, Sancta Dei Civitas : ASS (1880), p. 241 ; Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 442 ; Pie XI, Rerum Ecclesiae : AAS 18 (1926), p. 65.
[17] Dans cette notion de l’activité missionnaire sont incluses en toute réalité, comme il est évident, même ces parties de l’Amérique latine dans lesquelles n’existe pas de hiérarchie propre, et où ne se trouvent ni une maturité de vie chrétienne ni une prédication suffisante de l’Évangile. La question de savoir si ces territoires sont reconnus de fait par le Saint-Siège comme des territoires missionnaires n’est pas du ressort du Concile. C’est pourquoi relativement au lien entre la notion de l’activité missionnaire et certains territoires déterminés, on dit à juste titre que cette activité s’exerce « d’ordinaire » dans des territoires déterminés reconnus par le Saint-Siège.
[18] Conc. Vat. II, Unitatis Redintegratio : AAS 1 (1965), p. 90.
[19] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 14 (1965), p. 18.
[20] Jn 7, 18 ; 8, 30.44 ; 8, 50 ; 17, 1.
[21] Sur cette idée synthétique voir la doctrine de saint Irénée sur la récapitulation. Cf. aussi Hippolyte, De Antichristo, 3 : « Aimant tous les hommes et désirant les sauver tous, voulant les rendre tous fils de Dieu et appelant tous les saints à former un seul homme parfait... » : PG 10, 732 ; GCS Hippolyte I, 2, p. 6 ; Benedictiones Jacob, 7 : TU 38-1, p. 18, lin. 4 s. ; Origène, In Io., I, 16 : « Il n’y aura alors qu’un seul acte de connaître Dieu chez ceux qui seront arrivés à Dieu, sous la conduite de ce Verbe qui est chez Dieu ; en sorte que tous soient formés avec soin pour connaître le Père comme des enfants, comme le Fils est maintenant seul à connaître le Père » : PG 14, 49 ; GCS Orig. IV, 20 ; Saint Augustin, De Sermone Domini in monte, I, 41 : « Aimons ce qui peut être mené jusqu’à ces Royaumes où personne ne dit : mon Père, mais où tous disent à un seul Dieu : notre Père » : PL 34, 1250 ; Saint Cyrille d’Alexandrie, In Io, I : « Car nous sommes tous dans le Christ et la nature commune de notre humanité reprend vie [65]a href="#_ftn65" name="_ftnref65" title>65] lui. C’est pour cela qu’il a été appelé le nouvel Adam... Il a habité parmi nous, celui qui par nature est Fils et Dieu ; aussi nous écrions-nous dans son Esprit : Abba, Père! Le Verbe habite en tous en un seul temple, c’est-à-dire dans ce temple qu’il a pris pour nous et qu’il a emprunté, afin qu’ayant en lui tous les hommes, il réconciliât au Père tous les hommes dans un seul corps, comme le dit Paul » : PG 73, 161-164.
[22] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS (1919), p. 445 : « Car de même que l’Église de Dieu est catholique et qu’elle n’est étrangère en aucune race ni aucune nation... » ; cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra : « De droit divin l’Église s’étend à toutes les nations... lorsqu’elle a injecté dans ce qu’on peut appeler les veines d’un peuple sa puissance, elle n’est pas, elle ne se considère pas une institution quelconque, imposée de l’extérieur à ce peuple... Aussi, tout ce qui lui paraît bon et honnête, ils (c’est-àdire ceux qui sont renés dans le Christ) le confirment et le mènent à la perfection » : AAS 53 (1961), p. 444.
[23] Saint Irénée, Adv. Haer., III, 15, 3 : PG 7, p. 919 : « Ils furent les prédicateurs de la vérité et les apôtres de la liberté. »
[24] Bréviaire romain, antienne O aux vêpres du 23 décembre.
[25] Cf. Mt 24, 31. – Didachè, 10, 5 : Funk I, 32.
[26] Conc. Vat. II, Lumen gentium, 17 : AAS (1965), p. 20-21. – Saint Augustin, La Cité de Dieu, 19, 17 : PL 41, 646. – Instr. de la Sainte Congr. de la Propagation de la foi (Collectanea I, n. 135, p. 42).
[27] Selon Origène, l’Évangile doit être prêché avant la consommation de ce monde : Hom. sur saint Luc, XXI (GCS Orig. IX, 136, 21 s. – Comm. sur saint Matth., 39 (ibid., XI, 75, 25 s. ; 76, 4 s. – Hom. sur Jérémie, III, 2 (ibid., VIII, 308, 29 s.). – Saint Thomas, Somme théologique, I-II, q. 106, a. 4 ad 4.
[28] Saint Hilaire de Poitiers, Sur le psaume 14 : PL 9, 301 ; Eusèbe de Césarée, Sur Isaïe, 54, 2-3 : PG 24, 462-463 ; Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Isaïe, V, chap. 54, 1-3 : PG 70, 1193.
[29] Paul VI, allocution au Concile le 21 novembre 1964 : AAS 56 (1964), p. 1013.
[30] Conc. Vat. II, Dignitatis Humanae : AAS 2, 4, 10 (1966), p. 930-933, 936 ; Id., Gaudium et Spes : AAS 21 (1966), p. 1040-1042.
[31] Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 17 (1965), p. 20-21.
[32] Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium : AAS 64-65 (1964), p. 117.
[33] Sur la libération de l’esclavage du démon et des ténèbres dans l’Évangile : cf. Mt 12, 28 ; Jn 8, 44 ; 12, 31 (cf. 1 Jn 3, 8 ; Ep 2, 1-2). – Dans la liturgie du baptême : cf. le Rituel romain.
[34] Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 14 (1965), p. 19.
[35] Saint Augustin, Tract. in Io., 11, 4 : PL 35, 1476.
[36] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 9 (1965), p. 13.
[37] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 10, 11, 34 (1965), p. 14-16, 39-40.
[38] Conc. Vat. II, Dei Verbum : AAS 21 (1965), p. 24.
[39] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 12, 35 (1965), p. 16, 40-41.
[40] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 23, 26 (1965), p. 28, 41-42.
[41] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 11, 35, 41 (1965), p. 15-16, 40-41, 47.
[42] Conc. Vat. II, décret Orientalium Ecclesiarum : AAS 30 (1965), p. 77-78.
[43] Épître à Diognète, 5 : PG 2, 1173. – Cf. Conc.Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium : AAS 38 (1965), p. 43.
[44] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 32 (1965), p. 38. – Id., Apostolicam actuositatem : AAS 5-7 (1966), p. 842-844.
[45] Conc. Vat. II, Optatam totius : AAS 4, 8, 9 (1966), p. 716, 718-719.
[46] Conc. Vat. II, Sacrosanctum concilium : AAS 17 (1964), p. 105.
[47] Conc. Vat. II, Optatam totius : AAS 1 (1966), p. 713-714.
[48] Jean XXIII, Encycl. Princeps pastorum : AAS 51 (1959), p. 843-844.
[49] Conc. Vat. II, Unitatis redintegratio : AAS 4 (1965), p. 94-96.
[50] Jean XXIII, Princeps pastorum : AAS 51 (1959), p. 842.
[51] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 29 (1965), p. 36.
[52] Jean XXIII, Encycl. Princeps pastorum : AAS 51 (1959), p. 855.
[53] Il s’agit de ce qu’on appelle « catéchistes à plein temps ».
[54] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 31, 44 (1965), p. 37, 50-51.
[55] Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum : AAS 51 (1959), p. 838.
[56] Conc. Vat. II, décret De Presbyterorum Ordinis : AAS 11 (1966), p. 1008 ; Optatam totius : AAS 2 (1966), p. 714-715.
[57] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 25 (1965), p. 29.
[58] Conc. Vat. II, De Presbyterorum Ordinis, 10, où, en vue de faciliter la pastorale pour divers groupes sociaux, on prévoit l’établissement de prélatures personnelles dans la mesure où l’organisation parfaite de l’apostolat l’exigera : AAS (1966), p. 1007.
[59] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 13 (1965), p. 17-18.
[60] Paul VI, Alloc. à la canonisation des Martyrs de l’Ouganda : AAS 56 (1964), p. 908.
[61] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 13 (1965), p. 18.
[62] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 17 (1965) p. 21.
[63] Sous le nom d’instituts sont compris les ordres, les congrégations, les instituts, les associations qui travaillent dans les missions.
[64] Cf. Pie XI, Encycl. Rerum Ecclesiae : AAS 18 (1926), p. 69-71. – Pie XII, Encycl. Saeculo exeunte : AAS 32 (1940), p. 256. – Id., Encycl. Evangelii praecones : AAS 43 (1951), p. 506.
[65] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 449-450.
[66] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS (1919), p. 448-449. – Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 507. – Dans la formation des prêtres missionnaires, il faut tenir compte aussi de ce qui est décidé au Conc. Vat. II, dans le décret Optatam totius, supra p. 492 s.
[67] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 41 (1965), p. 46.
[68] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 440. – Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 507.
[69] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 448 ; Décret de la S. C. de la Propagation de la foi, 20 mai 1923 : AAS 15 (1923), p. 369-370). – Pie XII, Encycl. Saeculo exeunte : AAS 32 (1940), p. 256. – Id., Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 507. – Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum : AAS 51 (1959), p. 843-844.
[70] Conc. Vat. II, Optatam totius : AAS 19-21 (1966), p. 725-726. – Pie XII, Const. apost. Sedes Sapientiae avec les Statuts généraux : AAS (1956), p. 354-365.
[71] Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 523-524.
[72] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 448. – Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 507.
[73] Pie XII, Encycl. Fidei donum : AAS 49 (1957), p. 234.
[74] Conc. Vat. II, Presbyterorum Ordinis, 10, où il est question des diocèses et des prélatures personnels et autres de ce genre : AAS (1966), p. 1007.
[75] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 18 (1965), p. 22.
[76] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 23 (1965), p. 28.
[77] Paul VI, motu proprio Apostolica Sollicitudo, 15 septembre 1965 : AAS (1965), p. 776.
[78] Paul VI, Alloc. au Concile le 21 novembre 1964 : AAS 56 (1964), p. 1011.
[79] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 39-40.
[80] Si, pour des raisons diverses, des missions sont encore pour un temps soumises à d’autres dicastères, il est utile que ces dicastères aient des rapports avec la S. C. de la Propagation de la foi, pour que dans l’organisation et la direction de toutes les missions, une méthode et une norme absolument constantes et uniformes puissent exister.
[81] Conc. Vat. II, Christus Dominus : AAS 35, 4 (1966), p. 691.
[82] Conc. Vat. II, Christus Dominus : AAS 36-38 (1966), p. 692-693.
[83] Conc. Vat. II, Christus Dominus : AAS 35, 5-6 (1966), p. 692.
[84] Conc. Vat. II, Unitatis redintegratio : AAS 12 (1965), p. 99.
[85] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 23-24 (1965), p. 27-29.
[86] Benoît XV, Encycl. Maximum illud : AAS 11 (1919), p. 453-454. – Pie XI, Encycl. Rerum Ecclesia : AAS 18 (1926), p. 71-73. – Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 49 (1951), p. 525-526.– Id., Encycl. Fidei donum : AAS 49 (1957), p. 241.
[87] Pie XII, Encycl. Fidei donum : AAS 49 (1957), p. 245-246.
[88] Conc. Vat. II, Christus Dominus : AAS 6 (1966), p. 675-676.
[89] Pie XII, Encycl. Fidei donum : AAS 49 (1957), p. 245.
[90] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS (1965), p. 34.
[91] Pie XI, Encycl. Rerum Ecclesiae : AAS 18 (1926), p. 72.
[92] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 44 (1965), p. 50.
[93] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 33, 35 (1965), p. 39, 40-41.
[94] Pie XII, Encycl. Evangelii Praecones : AAS 43 (1951), p. 510-514. – Jean XXIII, Encycl. Princeps pastorum : AAS 51 (1959), p. 851-852.
[95] Conc. Vat. II, Lumen gentium : AAS 46 (1965), p. 52.
[96] Pie XII, Encycl. Evangelii praecones : AAS 43 (1951), p. 527. – Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum : AAS 51 (1959), p. 864.
- Détails
- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCRET SUR LE MINISTÈRE ET LA VIE DES PRÊTRES
PRESBYTERORUM ORDINIS
7 décembre 1965
Plusieurs fois déjà, ce saint Concile a rappelé à tous l’importance de l’Ordre des prêtres dans l’Église [1]. Cet Ordre joue, dans la rénovation de l’Église du Christ, un rôle essentiel, mais aussi de plus en plus difficile : d’où l’utilité de ce décret qui parle des prêtres de manière plus détaillée et plus approfondie. Il concerne tous les prêtres, spécialement ceux qui exercent une charge pastorale ; en ce qui concerne les prêtres religieux, on fera les adaptations qui s’imposent. Par la sainte ordination et la mission reçues des évêques, les prêtres sont promus au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère, qui, de jour en jour, construit ici-bas l’Église pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit. Dans une situation pastorale et humaine qui souvent a subi de profonds changements, il fallait les soutenir plus efficacement dans leur ministère et mieux s’occuper de leur vie. C’est pourquoi ce saint Concile déclare et décide ce qui suit.
CHAPITRE PREMIER :
Le presbytérat dans la mission de l’Église
Le Seigneur Jésus, « que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde » (Jn 10, 36), fait participer tout son Corps mystique à l’onction de l’Esprit qu’il a reçue [2] : en lui, tous les fidèles deviennent un sacerdoce saint et royal, offrent des sacrifices spirituels à Dieu par Jésus Christ, et proclament les hauts faits de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière [3]. Il n’y a donc aucun membre qui n’ait sa part dans la mission du Corps tout entier ; chacun d’eux doit sanctifier Jésus dans son cœur [4] et rendre témoignage à Jésus par l’esprit de prophétie [5].
Mais le même Seigneur, voulant faire des chrétiens un seul corps, où « tous les membres n’ont pas la même fonction » (Rm 12, 4), a établi parmi eux des ministres qui, dans la communauté des chrétiens, seraient investis par l’Ordre du pouvoir sacré d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés [6], et y exerceraient publiquement pour les hommes au nom du Christ la fonction sacerdotale. C’est ainsi que le Christ a envoyé ses Apôtres comme le Père l’avait envoyé [7], puis, par l’intermédiaire des Apôtres, il a fait participer à sa consécration et à sa mission les évêques, leurs successeurs [8], dont la fonction ministérielle a été transmise aux prêtres à un degré subordonné [9] : ceux-ci sont donc établis dans l’Ordre du presbytérat pour être les coopérateurs de l’ordre épiscopal [10] dans l’accomplissement de la mission apostolique confiée par le Christ.
La fonction des prêtres, en tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ édifie, sanctifie et gouverne son Corps. C’est pourquoi le sacerdoce des prêtres, s’il repose sur les sacrements de l’initiation chrétienne, est cependant conféré au moyen du sacrement particulier qui, par l’onction du Saint- Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne [11].
Participant, pour leur part, à la fonction des Apôtres, les prêtres reçoivent de Dieu la grâce qui les fait ministres du Christ Jésus parmi les nations, assurant le service sacré de l’Évangile, pour que les nations deviennent une offrande agréable, sanctifiée par l’Esprit Saint [12]. En effet, l’annonce apostolique de l’Évangile convoque et rassemble le Peuple de Dieu, afin que tous les membres de ce peuple, étant sanctifiés par l’Esprit Saint, s’offrent eux-mêmes en « victime vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1).
Mais c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, l’unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même [13]. C’est à cela que tend leur ministère, c’est en cela qu’il trouve son accomplissement : commençant par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du sacrifice du Christ et il vise à ce que « la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une aussi grande Tête [14] ».
Ainsi donc, la fin que les prêtres poursuivent dans leur ministère et dans leur vie, c’est de rendre gloire à Dieu le Père dans le Christ. Et cette gloire, c’est l’accueil, conscient, libre et reconnaissant, des hommes à l’œuvre de Dieu accomplie dans le Christ ; c’est le rayonnement de cette œuvre à travers toute leur vie. Ainsi, dans les temps de prière et d’adoration comme dans l’annonce de la Parole, dans l’offrande du sacrifice eucharistique et l’administration des autres sacrements comme dans les différents ministères exercés au service des hommes, les prêtres contribuent à la fois à faire croître la gloire de Dieu et à faire avancer les hommes dans la vie divine. Tout cela découle de la Pâque du Christ, tout cela s’achèvera dans le retour glorieux du Seigneur, quand il remettra le Royaume à Dieu le Père [15].
3. Condition des prêtres dans le monde
Pris du milieu des hommes et établis en faveur des hommes, dans leurs relations avec Dieu, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés [16], les prêtres vivent avec les autres hommes comme avec des frères. C’est ce qu’a fait le Seigneur Jésus : Fils de Dieu, homme envoyé aux hommes par le Père, il a demeuré parmi nous et il a voulu devenir en tout semblable à ses frères, à l’exception cependant du péché [17]. Et déjà, il a été imité par les saints Apôtres : saint Paul, docteur des nations, « mis à part pour l’Évangile de Dieu » (Rm 1, 1), atteste qu’il s’est fait tout à tous afin de les sauver tous [18]. Par leur vocation et leur ordination, les prêtres de la Nouvelle Alliance sont, d’une certaine manière, mis à part au sein du Peuple de Dieu ; mais ce n’est pas pour être séparés de ce peuple, ni d’aucun homme quel qu’il soit ; c’est pour être totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle [19]. Ils ne pourraient être ministres du Christ s’ils n’étaient témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs conditions de vie [20]. Leur ministère même exige, à un titre particulier, qu’ils ne prennent pas modèle sur le monde présent [21] et, en même temps, il réclame qu’ils vivent dans ce monde au milieu des hommes, que, tels de bons pasteurs, ils connaissent leurs brebis et cherchent à amener celles qui ne sont pas de ce bercail, pour qu’elles aussi écoutent la voix du Christ, afin qu’il y ait un seul troupeau et un seul pasteur [22].
Pour y parvenir, certaines qualités jouent un grand rôle, celles qu’on apprécie à juste titre dans les relations humaines, comme la bonté, la sincérité, la force morale, la persévérance, la passion pour la justice, la délicatesse, et d’autres vertus encore, celles que l’apôtre Paul recommande quand il dit : « Tout ce qu’il y a de vrai, d’honorable, tout ce qui est juste, pur, digne d’être aimé, tout ce qui est vertueux et digne d’éloges, faites-en l’objet de vos pensées » (cf. Ph 4, 8) [23].
CHAPITRE II :
Le ministère des prêtres
4. Les prêtres, ministres de la Parole de Dieu
Le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant [24] qu’il convient d’attendre tout spécialement de la bouche des prêtres [25]. En effet, nul ne peut être sauvé sans avoir d’abord cru [26] ; les prêtres, comme coopérateurs des évêques, ont pour premier devoir d’annoncer l’Évangile à tous les hommes [27] ; ils exécutent ainsi l’ordre du Seigneur : « Allez par le monde entier, prêchez l’Évangile à toute la création » (Mc 16, 15) [28], et ainsi ils constituent et font grandir le Peuple de Dieu. C’est la parole de salut qui éveille la foi dans le cœur des non-chrétiens, et qui la nourrit dans le cœur des chrétiens ; c’est elle qui donne naissance et croissance à la communauté des fidèles ; comme le dit l’Apôtre : « La foi vient de ce qu’on entend, ce qu’on entend vient par la parole du Christ » (Rm 10, 17). Ainsi les prêtres se doivent à tous les hommes : ils ont à leur faire partager la vérité de l’Évangile [29] dont le Seigneur les fait bénéficier. Soit donc qu’ils aient parmi les nations une belle conduite pour les amener à glorifier Dieu [30], soit qu’ils prêchent ouvertement pour annoncer aux incroyants le mystère du Christ, soit qu’ils transmettent l’enseignement chrétien ou exposent la doctrine de l’Église, soit qu’ils étudient à la lumière du Christ les problèmes de leur temps, dans tous les cas il s’agit pour eux d’enseigner, non pas leur propre sagesse, mais la Parole de Dieu, et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté [31]. Cette prédication des prêtres, dans l’état actuel du monde, est souvent très difficile ; si elle veut vraiment atteindre l’esprit des auditeurs, elle ne doit pas se contenter d’exposer la Parole de Dieu de façon générale et abstraite, mais elle doit appliquer la vérité permanente de l’Évangile aux circonstances concrètes de la vie. Il y a donc bien des manières d’exercer le ministère de la parole, selon les besoins différents des auditeurs et les charismes des prédicateurs. Dans les pays ou les milieux non chrétiens, c’est par l’annonce de l’Évangile que les hommes sont conduits à la foi et aux sacrements du salut [32] ; dans la communauté chrétienne elle-même, surtout pour ceux qui peuvent manquer de foi ou d’intelligence à l’égard de ce qu’ils pratiquent, la proclamation de la parole est indispensable au ministère sacramentel lui-même, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi, et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir [33]. Cela vaut spécialement pour la liturgie de la Parole dans la célébration de la messe, où sont inséparablement unies l’annonce de la mort et de la résurrection du Seigneur, la réponse du peuple qui l’écoute, l’oblation même du Christ scellant en son Sang la Nouvelle Alliance, et la communion des chrétiens à cette oblation par la prière et la réception du sacrement [34].
5. Les prêtres, ministres des sacrements et de l’Eucharistie
Dieu, le seul Saint, le seul Sanctificateur, a voulu s’associer des hommes comme collaborateurs et humbles serviteurs de cette œuvre de sanctification. Ainsi, par le ministère de l’évêque, Dieu consacre des prêtres qui participent de manière spéciale au sacerdoce du Christ, et agissent dans les célébrations sacrées comme ministres de celui qui, par son Esprit, exerce sans cesse pour nous, dans la liturgie, sa fonction sacerdotale [35]. Par le baptême, ils font entrer les hommes dans le Peuple de Dieu ; par le sacrement de pénitence, ils réconcilient les pécheurs avec Dieu et avec l’Église ; par l’onction des malades, ils soulagent ceux qui souffrent ; et, surtout, par la célébration de la messe, ils offrent sacramentellement le sacrifice du Christ. Et chaque fois qu’ils célèbrent un de ces sacrements – comme l’attestait déjà, aux premiers temps de l’Église, saint Ignace d’Antioche [36] – les prêtres sont, de diverses manières, hiérarchiquement en union avec l’évêque, assurant ainsi en quelque sorte sa présence dans chacune des communautés chrétiennes [37].
Or, les autres sacrements, ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques, sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle [38]. Car la sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église [39], à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée et vivifiant par l’Esprit Saint, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création. On voit donc alors comment l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation : tandis que les catéchumènes sont progressivement conduits à y participer, les fidèles, déjà marqués par le baptême et la confirmation, trouvent en recevant l’Eucharistie leur insertion plénière dans le Corps du Christ.
Ainsi, c’est l’assemblée eucharistique qui est le centre de la communauté des fidèles présidée par le prêtre. Les prêtres apprennent donc aux fidèles à offrir la victime divine à Dieu le Père dans le sacrifice de la messe, et à faire avec elle l’offrande de leur vie ; dans l’esprit du Christ Pasteur, ils les éduquent à soumettre leurs péchés à l’Église avec un cœur contrit dans le sacrement de pénitence, pour se convertir de plus en plus au Seigneur, se souvenant de ses paroles : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 4, 17). De même, ils leur apprennent à participer aux célébrations liturgiques de manière à pouvoir y prier sincèrement ; ils les guident, suivant les grâces et les besoins de chacun, à approfondir sans cesse leur esprit de prière pour en imprégner toute leur vie ; ils donnent à tous le désir d’être fidèles à leurs devoirs d’état, et aux plus avancés celui de pratiquer les conseils évangéliques d’une manière adaptée à chacun. Bref, ils instruisent les chrétiens à célébrer le Seigneur de tout cœur par des hymnes et des chants spirituels, rendant grâces en tout temps pour toutes choses au nom de Notre Seigneur Jésus Christ à Dieu, le Père [40].
La louange et l’action de grâce qu’ils expriment en célébrant l’Eucharistie, les prêtres les étendent encore aux différentes heures de la journée quand ils s’acquittent de l’office divin, où ils prient au nom de l’Église pour tout le peuple qui leur est confié, bien plus, pour le monde entier.
Quant à la maison de prière où la très sainte Eucharistie est célébrée et conservée, où les fidèles se rassemblent, où la présence du Fils de Dieu notre Sauveur, offert pour nous sur l’autel du sacrifice, est honorée pour le soutien et le réconfort des chrétiens, cette maison doit être belle et bien adaptée à la prière et aux célébrations liturgiques [41]. Les pasteurs et les chrétiens sont invités à venir y manifester leur réponse reconnaissante au don de celui qui, sans cesse, par son humanité, répand la vie divine dans les membres de son Corps [42]. Les prêtres doivent veiller à cultiver comme il se doit la science et la pratique liturgiques, pour que leur ministère liturgique permette aux communautés chrétiennes qui leur ont confiées de louer toujours plus parfaitement Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
6. Les prêtres, chefs du Peuple de Dieu
Exerçant, pour la part d’autorité qui est la leur, la charge du Christ Tête et Pasteur, les prêtres, au nom de l’évêque, rassemblent la famille de Dieu, fraternité qui n’a qu’une âme, et par le Christ dans l’Esprit, ils la conduisent à Dieu le Père [43]. Pour exercer ce ministère, comme pour les autres fonctions du prêtre, ils reçoivent un pouvoir spirituel, qui leur est donné pour l’édification de l’Église [44]. Dans cette œuvre de construction, la conduite des prêtres, à l’exemple de celle du Seigneur, doit être extrêmement humaine envers tous les hommes. Ce n’est pourtant pas selon ce qui plaît aux hommes [45] mais selon les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes qu’ils doivent agir à leur égard, les enseignant et les instruisant comme des enfants, et des enfants bien aimés [46] selon les paroles de l’Apôtre : « Insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte avec beaucoup de patience et le souci d’instruire » (2 Tm 4, 2) [47].
Comme éducateurs de la foi, les prêtres ont à veiller, par eux-mêmes ou par d’autres, à ce que chaque fidèle parvienne, dans le Saint-Esprit, à l’épanouissement de sa vocation personnelle selon l’Évangile, à une charité sincère et active, et à la liberté par laquelle le Christ nous a libérés [48]. Des cérémonies, même très belles, des groupements, même florissants, n’auront guère d’utilité s’ils ne servent pas à éduquer les hommes et à leur faire atteindre la maturité chrétienne [49]. Pour arriver à cette maturité, les prêtres sauront les aider à devenir capables de lire dans les événements petits ou grands, ce que réclame une situation, ce que Dieu attend d’eux. On formera encore les chrétiens à ne pas vivre pour eux seuls, mais à savoir, selon les exigences de la Loi nouvelle de charité, mettre au service des autres la grâce reçue par chacun [50], afin que tous remplissent en chrétiens le rôle qui leur revient dans la communauté des hommes. Les prêtres, certes, se doivent à tous ; cependant ils considèrent que les pauvres et les petits leur sont confiés d’une manière spéciale ; le Seigneur, en effet, a montré qu’il avait lui-même partie liée avec eux [51], et leur évangélisation est présentée comme un signe de l’œuvre messianique [52]. Ils auront encore une attention particulière pour les jeunes, et aussi pour les époux et les parents ; il est souhaitable que ceux-ci se réunissent en groupes amicaux où ils s’entraideront pour vivre plus facilement et plus totalement leur christianisme dans une existence souvent difficile.
Les prêtres ne doivent pas oublier les religieux et les religieuses : partie éminente de la maison du Seigneur, ceux-ci méritent tous qu’on s’attache spécialement à leur progrès spirituel dans l’intérêt de toute l’Église. Enfin, ils auront un très grand souci des malades et des mourants : ils les visiteront et les réconforteront dans le Seigneur [53]. La fonction de pasteur ne se limite pas au soutien individuel des fidèles ; elle a encore pour tâche propre la formation d’une authentique communauté chrétienne. Or, l’esprit communautaire ne se développe vraiment que s’il dépasse l’Église locale pour embrasser l’Église universelle. La communauté locale ne doit pas seulement s’occuper de ses propres fidèles ; elle doit avoir l’esprit missionnaire et frayer la route à tous les hommes vers le Christ. Mais elle est tout spécialement attentive aux catéchumènes et aux nouveaux baptisés qu’elle doit éduquer peu à peu dans la découverte et la pratique de la vie chrétienne.
Aucune communauté chrétienne ne peut se construire sans trouver sa racine et son centre dans la célébration de la très sainte Eucharistie [54] : c’est donc par celle-ci que doit commencer toute éducation de l’esprit communautaire ; mais une célébration sincère, pleinement vécue, doit déboucher aussi bien dans les activités diverses de la charité et de l’entraide que dans l’action missionnaire et les diverses formes du témoignage chrétien.
Par la charité, la prière, l’exemple, les efforts de pénitence, la communauté ecclésiale exerce encore une véritable maternité pour conduire les âmes au Christ : elle constitue un instrument efficace pour montrer ou préparer à ceux qui ne croient pas encore un chemin vers le Christ et son Église, pour réveiller les fidèles, les nourrir, leur donner des forces pour le combat spirituel.
En bâtissant la communauté chrétienne, les prêtres ne sont jamais au service d’une idéologie ou d’une faction humaines : hérauts de l’Évangile et pasteurs de l’Église, c’est à la croissance spirituelle du Corps du Christ qu’ils consacrent leurs forces.
II. Relations des prêtres avec les autres
7. Relations entre les évêques et le presbyterium
Tous les prêtres, en union avec les évêques, participent à l’unique sacerdoce et à l’unique ministère du Christ ; c’est donc l’unité même de consécration et de mission qui réclame leur communion hiérarchique avec l’ordre des évêques [55] ; manifestée de manière excellente dans la concélébration liturgique, cette union avec les évêques est affirmée explicitement au cœur de la célébration de l’Eucharistie [56]. Que les évêques donc, à cause du don de l’Esprit Saint que les prêtres ont reçu à leur ordination, voient en eux des auxiliaires et des conseillers indispensables dans leur ministère et leur charge de docteurs, sanctificateurs et pasteurs du Peuple de Dieu [57]. C’est ce que soulignent fortement, dès les origines de l’Église, les textes liturgiques qui demandent solennellement à Dieu, pour celui qu’on ordonne prêtre, l’envoi de « l’esprit de grâce et de conseil, afin qu’il assiste le peuple et le gouverne avec un cœur pur [58] », de même qu’au désert l’esprit de Moïse fut communiqué à soixante-dix hommes prudents [59] « afin que, secondé par eux, il pût facilement gouverner les multitudes innombrables du peuple [60] ». En raison de cette communion dans le même sacerdoce et le même ministère, les évêques doivent donc considérer leurs prêtres comme des frères et des amis [61], et se préoccuper, autant qu’ils le peuvent, de leur bien, matériel d’abord, mais surtout spirituel. Car c’est à eux, avant tout, que revient la grave responsabilité de la sainteté de leurs prêtres [62] ; ils doivent donc se préoccuper activement de la formation permanente de leur presbyterium [63]. Qu’ils sachent les écouter volontiers, les consulter même, et parler avec eux de ce qui concerne les exigences du travail pastoral et le bien du diocèse. Pour que cela devienne effectif, on établira, de la manière la plus adaptée aux conditions et aux besoins actuels [64] un conseil ou sénat de prêtres, représentant le presbyterium [65] ; le droit aura à déterminer la structure et le fonctionnement de cet organisme, qui devra être en mesure d’aider efficacement l’évêqe de ses conseils pour le gouvernement du diocèse. Quant aux prêtres, ils savent que les évêques sont revêtus de la plénitude du sacrement de l’Ordre ; ils doivent donc respecter en eux l’autorité du Christ Pasteur suprême. Qu’ils aient pour leur évêque un attachement sincère, dans la charité et l’obéissance [66]. Ce qui fonde cette obéissance imprégnée d’esprit de coopération, c’est la participation même au ministère épiscopal que les prêtres reçoivent par le sacrement de l’Ordre et la mission canonique [67].
L’union des prêtres avec les évêques est une exigence particulière de notre temps : à l’époque où nous sommes, bien des raisons font que les initiatives apostoliques doivent non seulement prendre des formes multiples, mais encore dépasser les limites d’une seule paroisse ou d’un seul diocèse. Aucun prêtre n’est donc en mesure d’accomplir toute sa mission isolément et comme individuellement ; il ne peut se passer d’unir ses forces à celles des autres prêtres sous la conduite de ceux qui président à l’Église.
8. Union fraternelle et coopération entre prêtres
Du fait de leur ordination, qui les a fait entrer dans l’ordre du presbytérat, les prêtres sont tous intimement liés entre eux par la fraternité sacramentelle ; mais, du fait de leur affectation au service d’un diocèse en dépendance de l’évêque local, ils forment tout spécialement à ce niveau un presbyterium unique. Certes, les tâches confiées sont diverses ; il s’agit pourtant d’un ministère sacerdotal unique exercé au bénéfice des hommes. C’est pour coopérer à la même œuvre que tous les prêtres sont envoyés, ceux qui exercent un ministère paroissial ou supraparoissial comme ceux qui se consacrent à un travail scientifique de recherche ou d’enseignement, ceux-là mêmes qui travaillent manuellement et partagent la condition ouvrière – là où, avec l’approbation de l’autorité compétente, ce ministère est jugé opportun – comme ceux qui accomplissent d’autres tâches apostoliques ou ordonnées à l’apostolat. Finalement, tous visent le même but : édifier le Corps du Christ ; de notre temps surtout, cette tâche réclame des fonctions multiples et des adaptations nouvelles. Il est donc essentiel que tous les prêtres, diocésains aussi bien que religieux, s’entraident et travaillent toujours ensemble à l’œuvre de la vérité [68]. Chaque membre de ce presbyterium noue avec les autres des liens spéciaux de charité apostolique, de ministère et de fraternité : c’est ce que la liturgie exprime depuis l’Antiquité quand elle invite les prêtres présents ensemble avec l’évêque qui ordonne à imposer les mains au nouvel élu et quand elle les rassemble, unanimes, dans la concélébration de la sainte Eucharistie. Chaque prêtre est donc uni à ses confrères par un lien de charité, de prière et de coopération sous toutes ses formes ; ainsi se manifeste l’unité parfaite que le Christ a voulu établir entre les siens, afin que le monde croie que le Fils a été envoyé par le Père [69].
Cela doit amener les plus âgés à accueillir les plus jeunes vraiment comme des frères, à les aider dans les premières activités et les premières tâches du ministère, à essayer de comprendre leur mentalité même si elle est différente de la leur, à suivre leurs efforts avec bienveillance. De même, les jeunes sauront respecter l’âge et l’expérience des anciens, dialoguer avec eux sur les problèmes pastoraux et partager avec joie leur travail.
Dans cet esprit fraternel, les prêtres ne doivent pas oublier l’hospitalité [70] ; soucieux de la bienfaisance et du partage de leurs biens [71], qu’ils s’occupent en particulier de ceux qui sont malades, découragés, surmenés, isolés, chassés de leur patrie ou persécutés [72]. Qu’ils aiment aussi à se retrouver dans la joie pour se détendre, se souvenant de l’invitation que le Seigneur lui-même adressait aux Apôtres épuisés : « Venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu » (Mc 6, 31). Mais les prêtres ont encore besoin de s’entraider pour le développement de leur vie spirituelle et intellectuelle, d’améliorer leur coopération dans le ministère, d’éviter les dangers que peut entraîner la solitude : autant de motifs qui poussent à encourager une certaine vie commune ou un certain partage de vie entre les prêtres ; les réalisations peuvent prendre bien des formes suivant les besoins personnels ou pastoraux : cohabitation là où c’est possible, communauté de table, ou tout au moins réunions fréquentes et régulières. Les associations sacerdotales sont, elles aussi, dignes d’estime et de vifs encouragements : grâce à leurs statuts contrôlés par l’autorité ecclésiastique compétente, elles proposent une règle de vie adaptée et dûment approuvée, et un soutien fraternel qui aident les prêtres à se sanctifier dans l’exercice du ministère ; de ce fait, elles se mettent au service de l’ordre des prêtres tout entier.
Enfin, cette communion dans le sacerdoce doit amener les prêtres à se sentir spécialement responsables de ceux d’entre eux qui éprouvent des difficultés ; ils sauront, au bon moment, leur apporter leur soutien et, s’il y a lieu, leur faire des remarques discrètes. Avec ceux qui ont connu la défaillance sur certains points, ils feront toujours preuve d’amour fraternel et de générosité : ils prieront Dieu pour eux avec insistance et veilleront sans cesse à être vraiment à leur égard des frères et des amis.
9. Vie des prêtres avec les laïcs
Le sacrement de l’Ordre confère aux prêtres de la Nouvelle Alliance une fonction éminente et indispensable dans et pour le Peuple de Dieu, celle de pères et de docteurs. Cependant, avec tous les chrétiens, ils sont des disciples du Seigneur, que la grâce de l’appel de Dieu a fait participer à son Royaume [73]. Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères [74], membres de l’unique Corps du Christ dont l’édification a été confiée à tous [75].
À la tête de la communauté, les prêtres doivent donc faire en sorte de ne pas rechercher leurs propres intérêts, mais ceux de Jésus Christ [76], en unissant leurs efforts à ceux des fidèles laïcs, et en se conduisant au milieu d’eux à la manière du Maître : parmi les hommes, celui-ci « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28). Les prêtres ont à reconnaître sincèrement et à promouvoir la dignité des laïcs et leur rôle propre dans la mission de l’Église. Ils doivent respecter loyalement la juste liberté à laquelle tous ont droit dans la cité terrestre. Ils doivent écouter volontiers les laïcs, tenir compte fraternellement de leurs désirs, reconnaître leur expérience et leur compétence dans les différents domaines de l’activité humaine, pour pouvoir avec eux discerner les signes des temps. Éprouvant les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu [77] ils découvriront et discerneront dans la foi les charismes des laïcs sous toutes leurs formes, des plus modestes aux plus éminents, ils les reconnaîtront avec joie et les développeront avec ardeur. Parmi ces dons qu’on trouve en abondance chez les fidèles, l’attrait d’un bon nombre pour une vie spirituelle plus profonde mérite une attention spéciale. Il faut également avoir assez de confiance dans les laïcs pour leur remettre des charges au service de l’Église, leur laissant la liberté et la marge d’action, bien plus, en les invitant, quand l’occasion se présente, à prendre d’eux-mêmes des initiatives [78].
Bref, les prêtres sont placés au milieu des laïcs pour les conduire tous à l’unité dans l’amour « s’aimant les uns les autres d’un amour fraternel, rivalisant d’égards entre eux » (Rm 12, 10). Ils ont donc à rapprocher les mentalités différentes, de telle manière que personne ne se sente étranger dans la communauté des fidèles. Il sont défenseurs du bien commun, dont ils ont la charge au nom de l’évêque, et en même temps témoins courageux de la vérité, pour que les fidèles ne soient pas emportés à tout vent de doctrine [79]. Ils sont spécialement responsables de ceux qui ont abandonné la pratique des sacrements, voire même la foi, et ils m’omettront pas d’aller vers eux comme de bons pasteurs.
Attentifs aux prescriptions sur l’œcuménisme [80], ils n’oublieront pas les frères qui ne partagent pas avec nous la pleine communion de l’Église.
Enfin, ils sauront qu’ils sont chargés de tous ceux qui ne reconnaissent pas le Christ comme leur Sauveur.
Mais, de leur côté, les fidèles doivent être conscients de leurs devoirs envers les prêtres, entourer d’un amour filial ceux qui sont leurs pasteurs et leurs pères, partager leurs soucis, les aider autant que possible par leur prière et leur action : ainsi les prêtres seront mieux en mesure de surmonter les difficultés et d’accomplir leur tâche avec fruit [81].
III. Répartition des prêtres et vocations sacerdotales
Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l’ordination les prépare, non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d’ampleur universelle, « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8) ; n’importe quelle forme de ministère sacerdotal participe, en effet, aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres. Le sacerdoce du Christ, auquel les prêtres participent réellement, ne peut manquer d’être tourné vers tous les peuples et tous les temps, sans aucune limitation de race, de nation ou d’époque, comme le préfigure déjà mystérieusement le personnage de Melchisédech [82]. Les prêtres se souviendront donc qu’ils doivent avoir au cœur le souci de toutes les Églises. Ainsi les prêtres des diocèses plus riches en vocations se tiendront prêts à partir volontiers, avec la permission de leur Ordinaire ou a son appel, pour exercer leur ministère dans des pays, des missions ou des œuvres qui souffrent du manque de prêtres.
Les règles d’incardination et d’excardination devront d’ailleurs être révisées : tout en maintenant cette institution très ancienne, on l’adaptera aux besoins pastoraux actuels. Là où les conditions de l’apostolat le réclameront, on facilitera non seulement une répartition adaptée des prêtres, mais encore des activités pastorales particulières pour les différents milieux sociaux à l’échelle d’une région, d’une nation ou d’un continent. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, des diocèses particuliers, des prélatures personnelles et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l’Église, suivant des modalités à établir pour chaque cas, et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux.
L’envoi des prêtres vers un autre pays, surtout s’ils n’en connaissent pas encore bien la langue et le mode de vie, se fera, autant que possible, non pas individuellement, mais, à l’exemple des disciples du Christ [83] , par groupes d’au moins deux ou trois, pour qu’ils puissent s’aider mutuellement. Il est également important de se préoccuper de leur vie spirituelle et aussi de leur santé physique et psychique. On prévoira, autant que possible, les implantations et les conditions de travail en fonction des aptitudes personnelles de chacun. Il est aussi très important que ceux qui partent vers une autre nation apprennent à bien connaître, non seulement la langue du pays, mais encore les traits psycho-sociologiques de la population ; s’ils veulent se mettre humblement à son service, ils doivent être en communion aussi profonde que possible avec elle, suivant ainsi l’exemple de l’apôtre Paul, qui pouvait dire de lui-même : « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre. Je me suis fait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs... » (1 Co 9, 19-20).
11. Le souci des prêtres pour les vocations sacerdotales
Le pasteur et le gardien de nos âmes [84], en constituant son Église, a pensé que le peuple choisi et acquis au prix de son propre Sang [85] devait toujours avoir ses prêtres jusqu’à la fin du monde, pour que les chrétiens ne soient jamais comme des brebis qui n’ont pas de bergers [86]. Les Apôtres ont compris cette volonté du Christ : écoutant ce que leur suggérait le Saint-Esprit, ils ont jugé qu’il était de leur devoir de choisir des ministres « qui seront capables d’en instruire d’autres à leur tour » (2 Tm 2, 2).
Ce devoir découle de la mission sacerdotale elle-même, par laquelle le prêtre participe au souci qu’a toute l’Église d’éviter toujours ici-bas le manque d’ouvriers dans le Peuple de Dieu. Mais, comme « le capitaine du navire et les passagers... ont leur cause liée » [87] , il faut faire comprendre à l’ensemble du peuple chrétien son devoir de coopérer de diverses manières – par la prière instante comme par les autres moyens dont il dispose [88] – à ce que l’Église ait toujours les prêtres dont elle a besoin pour accomplir sa mission divine. Il s’agit d’abord, pour les prêtres, d’avoir à cœur de faire comprendre aux fidèles combien le sacerdoce est important et nécessaire ; ils y arriveront à la fois par leur prédication et par leur propre vie, qui doit être un témoignage rayonnant d’esprit de service et de vraie joie pascale. Et si, après mûre réflexion, ils jugent certains jeunes ou déjà adultes, capables de remplir ce grand ministère, ils les aideront, sans craindre les efforts ni les difficultés, à se préparer comme il convient jusqu’au jour où, dans le respect total de leur liberté extérieure et intérieure, ils pourront être appelés par les évêques. Une direction spirituelle attentive et prudente leur sera très utile pour atteindre ce but. Les parents, les maîtres et les différents éducateurs doivent faire en sorte que les enfants et les jeunes soient conscients de la sollicitude du Seigneur pour son troupeau, avertis des besoins de l’Église et prêts, si le Seigneur les appelle, à répondre généreusement avec le prophète : « Me voici, envoie-moi » (Is 6, 8). Mais cette voix du Seigneur qui appelle, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle arrive aux oreilles du futur prêtre d’une manière extraordinaire. Il s’agit bien plutôt de la découvrir, de la discerner à travers les signes qui, chaque jour, font connaître la volonté de Dieu aux chrétiens qui savent écouter : c’est à ces signes que les prêtres doivent donner toute leur attention [89].
Il est donc recommandé aux prêtres de participer aux œuvres diocésaines ou nationales des vocations [90]. Les prédications, la catéchèse, les revues doivent apporter une information précise sur les besoins de l’Église locale et universelle, mettre en lumière le sens et la grandeur du ministère sacerdotal, montrer qu’on y trouve, avec bien des charges, également bien des joies, et surtout dire que c’est le moyen de donner au Christ comme l’enseignent les Pères, un très grand témoignage d’amour [91].
CHAPITRE III :
La vie des prêtres
I. Vocation des prêtres à la perfection
12. La vocation des prêtres à la sainteté
Les prêtres sont ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier, l’Église, comme coopérateurs de l’ordre épiscopal : c’est à ce titre que le sacrement de l’ordre les configure au Christ Prêtre. Certes, par la consécration baptismale, ils ont déjà reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don d’une vocation et d’une grâce qui comportent pour eux la possibilité et l’exigence de tendre, malgré la faiblesse humaine [92] à la perfection dont parle le Seigneur : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l’acquérir à un titre particulier : en recevant l’Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d’une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, habilités à poursuivre au long du temps l’action admirable par laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté chrétienne tout entière [93]. Dès lors qu’il tient à sa manière la place du Christ lui-même, tout prêtre est, de ce fait, doté d’une grâce particulière ; cette grâce le rend plus capable de tendre, par le service des hommes qui lui sont confiés et du Peuple de Dieu tout entier, vers la perfection de Celui qu’il représente ; c’est encore au moyen de cette grâce que sa faiblesse d’homme charnel se trouve guérie par la sainteté de Celui qui s’est fait pour nous le Grand Prêtre « saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs» (He 7, 26).
Le Christ que le Père a sanctifié (c’est-à-dire consacré) et envoyé dans le monde [94] « s’est donné pour nous, afin de racheter et de purifier de tout péché un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien » (Tt 2, 14), et ainsi, en passant par la souffrance, il est entré dans sa gloire [95].
De même, les prêtres, consacrés par l’onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les œuvres de la chair et se vouent tout entiers au service des hommes : telle est la sainteté dont le Christ leur fait don, et par laquelle ils progressent vers l’Homme parfait [96].
Ainsi donc, c’est en exerçant le ministère de l’Esprit et de la justice [97] qu’ils s’enracinent dans la vie spirituelle, pourvu qu’ils soient accueillants à l’Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’évêque et les autres prêtres. Par ailleurs, la sainteté des prêtres est d’un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère qu’ils accomplissent ; la grâce de Dieu, certes, peut accomplir l’œuvre du salut même par des ministres indignes, mais en général, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes dociles à l’impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilitent à dire avec l’apôtre : « Si je vis, ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
C’est pourquoi ce saint Concile, pour atteindre son but pastoral de rénovation intérieure de l’Église, de diffusion de l’Évangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d’aujourd’hui, rappelle instamment à tous les prêtres qu’avec l’aide des moyens adaptés que l’Église leur propose [98], ils doivent s’efforcer de vivre de plus en plus une sainteté qui fera d’eux des instruments toujours mieux adaptés au service du Peuple de Dieu tout entier.
13. L’exercice de la triple fonction sacerdotale exige et en même temps favorise la sainteté
C’est l’exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l’Esprit du Christ qui est, pour les prêtres, le moyen authentique d’arriver à la sainteté.
Ministres de la Parole de Dieu, ils la lisent et l’écoutent tous les jours pour l’enseigner aux autres ; s’ils ont en même temps le souci de l’accueillir en eux-mêmes, ils deviendront des disciples du Seigneur de plus en plus parfaits, selon la parole de l’apôtre Paul à Timothée : « Applique-toi, donne-toi tout entier, pour que tous puissent voir tes progrès. Veille sur toi-même et sur ton enseignement, que ta persévérance s’y révèle ; car c’est en agissant ainsi que tu te sauveras toi-même avec ceux qui t’écoutent » (1 Tm 4, 15-16). En cherchant le meilleur moyen de transmettre aux autres ce qu’ils ont contemplé [99], ils goûteront plus profondément « l’incomparable richesse du Christ » (Ep 3, 8) et la sagesse de Dieu en sa riche diversité [100]. Convaincus que c’est le Seigneur qui ouvre les cœurs [101] et que leur pouvoir extraordinaire vient de la puissance de Dieu et non pas d’eux-mêmes [102], ils arriveront dans l’acte même de transmettre la Parole à s’unir plus intimement avec le Christ Docteur et à se laisser conduire par son Esprit. Communiant ainsi au Christ, ils participent à la charité de Dieu, dont le Mystère, caché depuis les siècles [103], a été révélé dans le Christ.
Ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres agissent de manière spéciale à la place du Christ, qui s’est offert comme victime pour sanctifier les hommes ; ils sont dès lors invités à imiter ce qu’ils accomplissent : célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent prendre soin de mortifier leurs membres, se gardant des vices et de tout mauvais penchant [104]. Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit sans cesse [105]. C’est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les fidèles ne peuvent y être présents, c’est un acte du Christ et de l’Église [106]. En s’unissant à l’acte du Christ Prêtre, chaque jour, les prêtres s’offrent à Dieu tout entiers ; en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond d’eux-mêmes à la charité de celui qui se donne aux fidèles en nourriture. De même, dans l’administration des sacrements, les prêtres s’unissent à l’intention et à la charité du Christ. Ils le font tout spécialement en se montrant toujours disponibles pour administrer le sacrement de pénitence chaque fois que les fidèles le demandent de manière raisonnable. Par l’office divin, ils prêtent leurs voix à l’Église qui, sans interruption, prie au nom de toute l’humanité, en union avec le Christ « toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (He 7, 25).
Guides et pasteurs du Peuple de Dieu, ils sont poussés par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour leurs brebis [107] , prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême à l’exemple des prêtres qui, même de notre temps, n’ont pas hésité à donner leur vie. Éducateurs des chrétiens dans la foi, ayant eux-mêmes « l’assurance voulue pour l’accès au sanctuaire par le sang du Christ » (He 10, 19), ils s’approchent de Dieu « avec un cœur sincère dans la plénitude de la foi » (He 10, 22) ; ils ont une ferme espérance à l’égard de leurs fidèles [108], afin que, réconfortés par Dieu, ils puissent eux-mêmes réconforter ceux qui subissent toutes sortes d’épreuves [109]. Responsables de la communauté, ils pratiquent l’ascèse propre au pasteur d’âmes : renoncer à leur intérêt personnel, ne pas chercher leur propre avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés [110], progresser sans cesse dans un accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, être prêts, s’il le faut, à s’engager dans des voies pastorales nouvelles sous la conduite de l’Esprit d’amour qui souffle où il veut [111].
14. Unité et harmonie de la vie des prêtres
Dans le monde d’aujourd’hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers – et réclamant souvent une solution rapide – qu’on risque plus d’une fois d’aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l’unité entre leur vie intérieure et les exigences de l’action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement. Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c’est de suivre, dans l’exercice du ministère, l’exemple du Christ Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l’a envoyé et d’accomplir son œuvre [112].
Car, en vérité, le Christ, pour continuer toujours à faire dans le monde, par l’Église, la volonté du Père, agit à travers ses ministres. C’est donc lui qui demeure toujours la source et le principe d’unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s’unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d’eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié [113]. Assumant ainsi le rôle du Bon Pasteur, ils trouveront dans l’exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui assure l’unité de leur vie et de leur action. Or, cette charité pastorale [114] découle avant tout du sacrifice eucharistique ; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l’esprit sacerdotal s’efforce d’intérioriser ce qui se fait sur l’autel du sacrifice. Cela n’est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ.
Mais la vérification concrète de cette unité de vie ne peut se faire que par une réflexion sur toutes leurs activités, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu [115], c’est-à-dire afin de savoir dans quelle mesure ces activités sont conformes aux normes de la mission évangélique de l’Église. Car la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à l’Église. La charité pastorale exige donc des prêtres, s’ils ne veulent pas courir pour rien [116], un travail vécu en communion permanente avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, le moyen de trouver dans l’unité même de la mission de l’Église l’unité de leur propre vie. Ainsi, ils s’uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père, dans l’Esprit Saint ; ainsi ils pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie [117].
II. Exigences spirituelles particulières dans la vie des prêtres
Parmi les vertus les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner la disponibilité intérieure qui leur fait rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés [118]. Car l’œuvre divine à laquelle les prêtres sont appelés par l’Esprit Saint [119] dépasse toutes les forces, toute la sagesse de l’homme : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour la confusion de ce qui est fort » (1 Co 1, 27). Le véritable ministre du Christ est donc un homme conscient de sa propre faiblesse, travaillant dans l’humilité, discernant ce qui plaît au Seigneur [120] ; enchaîné pour ainsi dire par l’Esprit [121], il se laisse conduire en tout par la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté, il sait la découvrir et s’y attacher au long de la vie quotidienne, parce qu’il est humblement au service de tous ceux qui lui sont confiés par Dieu dans le cadre de la charge reçue et des multiples événements de l’existence.
Mais, le ministère sacerdotal étant le ministère de l’Église elle-même, on ne peut s’en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. C’est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l’obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et à exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Souverain Pontife, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers tout et à se dépenser eux-mêmes [122] dans toutes les charges qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l’indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme dirigeants visibles de son Église ; par ce moyen, ils travaillent à l’édification du Corps du Christ, qui grandit grâce à « toutes sortes de jointures [123] ». Cette obéissance conduit à une manière plus mûre de vivre la liberté des enfants de Dieu ; quand l’accomplissement de leur tâche et l’élan de la charité amènent des prêtres à une recherche réfléchie de voies nouvelles en vue du bien de l’Église, c’est l’obéissance qui exige, par sa nature même, qu’ils exposent leurs projets avec confiance et qu’ils insistent sur les besoins du troupeau qui leur est confié, tout en restant prêts à se soumettre toujours au jugement de ceux qui sont, dans l’Église de Dieu, les premiers responsables.
Cette humilité, cette obéissance responsable et volontaire modèlent les prêtres à l’image du Christ ; ils ont en eux les sentiments qui furent dans le Christ Jésus : « Il s’est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur... en se faisant obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2, 7-9), et par cette obéissance il a vaincu et racheté la désobéissance d’Adam, comme en témoigne l’Apôtre : « Comme, par la désobéissance d’un seul, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi, par l’obéissance d’un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste » (Rm 5, 19).
16. Choisir le célibat et le considérer comme un don
La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume des cieux a été recommandée par le Christ Seigneur [124] ; tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des fidèles l’ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale particulièrement, l’Église l’a tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde [125]. Certes, elle n’est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l’Église primitive [126] et la tradition des Églises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat – ce que font les évêques –, mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est très grand ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n’entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales ; avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié [127].
Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, est de se consacrer tout entier au service de l’humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, non pas « du sang, ni d’un pouvoir charnel, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1, 13). En gardant la virginité ou le célibat pour le Royaume des cieux [128], les prêtres se consacrent au Christ d’une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s’attacher à lui sans que leur cœur soit partagé [129], ils sont plus libres pour se consacrer, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son Royaume et l’œuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d’accueillir largement la paternité dans le Christ. Ils témoignent ainsi devant les hommes qu’ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée : fiancer les chrétiens à l’époux unique comme une vierge pure à présenter au Christ [130] ; ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir : celles de l’Église avec l’unique époux qui est le Christ [131]. Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari [132].
C’est donc pour des motifs fondés dans le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d’abord recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l’Église latine à tous ceux qui se présentent aux ordres sacrés. Cette législation, ce saint Concile l’approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat. Confiant en l’Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu’il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l’Ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l’Église tout entière. Le saint Concile s’adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce de Dieu, et qui ont librement et volontairement accueilli le célibat, selon l’exemple du Christ : qu’ils s’y attachent généreusement et cordialement, qu’ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu’ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement [133], qu’ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite : c’est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l’Église, la grâce de la fidélité, qui n’est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu’ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l’expérience de l’Église, surtout celles de l’ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui : que les prêtres sachent les observer. Le saint Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les fidèles, à avoir à cœur ce don précieux du célibat sacerdotal et à demander à Dieu de l’accorder toujours avec abondance à son Église.
17. Attitude à l’égard du monde et des biens terrestres – Pauvreté volontaire
La vie amicale et fraternelle des prêtres entre eux et avec les autres hommes leur permet d’apprendre à honorer les valeurs humaines et à apprécier les biens créés comme des dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant savoir que, selon la parole de notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde [134]. Usant donc de ce monde comme s’ils n’en usaient pas [135], ils arriveront à la liberté qui les délivrera de tous les soucis désordonnés et les rendra accueillants pour écouter Dieu qui leur parle à travers la vie quotidienne. Cette liberté et cet accueil font grandir le discernement spirituel qui fait trouver l’attitude juste à l’égard du monde et des biens terrestres. Attitude essentielle pour les prêtres, car la mission de l’Église s’accomplit au cœur du monde, et les biens créés sont absolument nécessaires au progrès personnel de l’homme. Les prêtres doivent donc être reconnaissants envers le Père céleste de tout ce qu’il leur donne pour leur permettre de bien mener leur existence. Mais il faut aussi que la lumière de la foi les aide à exercer leur discernement sur ce qui se trouve sur leur chemin ; ils doivent ainsi en venir à utiliser leurs biens d’une manière juste qui correspond à la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui fait obstacle à leur mission. Car les prêtres ont le Seigneur pour « part » et pour « héritage » (Nb 18, 20), si bien qu’ils ne doivent se servir des biens temporels que pour les usages permis par la doctrine du Christ Seigneur et les préceptes de l’Église.
Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront conformément à leur nature et selon les lois ecclésiastiques, autant que possible avec l’aide de laïcs compétents. Ces biens seront toujours employés pour les fins qui justifient l’existence de biens temporels d’Église, c’est-à-dire pour organiser le culte divin, assurer au clergé un niveau de vie suffisant et soutenir les œuvres d’apostolat sacré et de charité, spécialement en faveur des indigents [136]. Quant aux ressources qu’ils acquièrent à l’occasion de l’exercice d’une fonction ecclésiastique, sous réserve des législations particulières [137], les prêtres, aussi bien que les évêques, les emploieront d’abord pour s’assurer un niveau de vie suffisant et pour accomplir les devoirs de leur états ; et ce qui restera, ils auront à cœur de l’employer pour le bien de l’Église ou pour des œuvres de charité. Bref, une fonction d’Église ne doit pas devenir une activité lucrative ; les revenus qui en proviennent ne sauraient être utilisés pour augmenter le patrimoine personnel du prêtre [138]. C’est pourquoi les prêtres, loin d’attacher leur cœur à la richesse [139], éviteront toute espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence d’activité commerciale.
Ils sont même invités à embrasser la pauvreté volontaire qui rendra plus évidente leur ressemblance avec le Christ et les fera plus disponibles au saint ministère. Le Christ s’est fait pauvre pour nous, lui qui était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté [140]. Les Apôtres, à leur tour, ont montré par leur exemple qu’il faut donner gratuitement ce que Dieu accorde gratuitement [141], et ils ont su s’habituer à l’abondance comme au dénuement [142]. Une certaine mise en commun matérielle, à l’image de la communauté des biens que vante l’histoire de la primitive Église [143], est une excellente voie d’accès à la charité pastorale ; c’est une manière de vivre louable qui permet aux prêtres de remettre en pratique l’esprit de pauvreté recommandé par le Christ.
Que les prêtres et les évêques se laissent donc conduire par l’Esprit qui a consacré le Sauveur par l’onction et l’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres [144] ; qu’ils évitent tout ce qui pourrait, d’une manière ou d’une autre, écarter les pauvres ; qu’ils rejettent, plus encore que les autres disciples du Christ, toute apparence de vanité dans ce qui leur appartient. Qu’ils installent leur maison de manière qu’elle ne paraisse inaccessible à personne et que jamais personne, même les plus humbles, n’ait honte d’y venir.
III. Moyens au service de la vie des prêtres
18. Moyens pour le développement de la vie spirituelle
Pour mieux vivre leur union au Christ dans toutes les circonstances de la vie, les prêtres disposent, outre l’exercice conscient de leur ministère, d’un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers, anciens ou nouveaux : le Saint-Esprit n’a jamais manqué d’en susciter dans le Peuple de Dieu, et l’Église, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l’usage [145]. À la première place parmi ces moyens de développer la vie spirituelle, se situent les actes par lesquels les chrétiens se nourrissent de la Parole de Dieu aux deux tables de l’Écriture Sainte et de l’Eucharistie [146] ; personne n’ignore l’importance de leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres.
Les ministres de la grâce sacramentelle s’unissent intimement au Christ Sauveur et Pasteur lorsqu’ils reçoivent avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente : préparée par l’examen de conscience quotidien, celle-ci est un soutien très précieux pour l’indispensable conversion du cœur à l’amour du Père des miséricordes. À la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l’existence ; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu’ils ont assumée dans le Saint-Esprit. De cette docilité les prêtres retrouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la bienheureuse Vierge Marie : conduite par le Saint-Esprit, elle s’est donnée tout entière au mystère de la rédemption de l’humanité [147] ; mère du Grand Prêtre éternel, reine des Apôtres, soutien de leur ministère, elle a droit à la dévotion filiale des prêtres, à leur vénération et à leur amour.
Pour pouvoir accomplir avec fidélité leur ministère, les prêtres doivent avoir à cœur de converser chaque jour avec le Christ Seigneur à l’occasion de la visite et du culte personnel de la très sainte Eucharistie ; ils doivent aimer les temps de retraite et tenir à la direction spirituelle. Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d’oraison et les diverses formes de prière qu’ils choisissent librement, permettent aux prêtres de rechercher et d’implorer de Dieu le véritable esprit d’adoration, grâce auquel, avec le peuple qui leur est confié, ils s’uniront intimement au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance ; comme des fils adoptifs ils pourront alors crier : « Abba! c’est-à-dire Père » (Rm 8, 15).
19. Étude et science pastorale
Au cours du rite sacré de leur ordination, l’évêque invite les prêtres à « faire preuve de maturité par leur science», à ce que leur « enseignement soit un remède spirituel pour le Peuple de Dieu [148] ». Cette science du ministère sacré doit elle-même être sacrée ; découlant d’une source sacrée, elle vise un but qui est lui-même sacré. Puisée avant tout dans la lecture et la méditation de la sainte Écriture [149], elle trouve encore une nourriture fructueuse dans l’étude des saints Pères, des docteurs de l’Église et d’autres témoins de la Tradition. En outre, pour répondre de manière juste aux questions posées par les hommes d’aujourd’hui, il importe que les prêtres aient une connaissance sérieuse des documents du Magistère, spécialement ceux des conciles et des Pontifes romains, et qu’ils sachent consulter les meilleurs auteurs théologiques dont la science est reconnue.
Étant donné qu’actuellement la culture humaine et même les sciences sacrées progressent et se renouvellent, les prêtres sont appelés à perfectionner leurs connaissances religieuses et humaines de façon adaptée et continuelle ; ils se préparent ainsi à mieux engager le dialogue avec leurs contemporains.
Pour faciliter aux prêtres le travail d’étude et la connaissance des méthodes d’évangélisation et d’apostolat, on fera tout le nécessaire pour mettre à leur disposition ce dont ils ont besoin : on organisera, suivant les situations locales, des sessions ou des congrès, on fondera des centres d’études pastorales, on créera des bibliothèques, on confiera à des hommes compétents l’organisation du travail de réflexion. Les évêques devront aussi, chacun pour son compte ou à plusieurs, trouver le meilleur moyen de donner à tous les prêtres, à des moments déterminés, en particulier quelques années après leur ordination [150], la possibilité de suivre une session, grâce à laquelle ils pourront perfectionner leurs connaissances pastorales et théologiques, affermir leur vie spirituelle et partager avec leurs frères leurs expériences apostoliques [151]. On utilisera également ces moyens, ou d’autres mieux adaptés, pour venir en aide particulièrement à ceux qui sont nommés curés, à ceux qui sont affectés à une activité pastorale nouvelle, à ceux qui partent dans un autre diocèse ou dans un autre pays.
Enfin, les évêques veilleront à ce que certains prêtres se consacrent à une étude plus approfondie des sciences sacrées : il s’agit, en effet, de ne pas manquer de maîtres capables de former les clercs, d’aider les autres prêtres et les fidèles à acquérir les connaissances dont ils ont besoin, d’encourager le sain développement des sciences sacrées qui est absolument indispensable à l’Église.
20. La juste rémunération à assurer aux prêtres
Les prêtres consacrent leur vie au service de Dieu en accomplissant la tâche qui leur est confiée ; ils méritent donc de recevoir une juste rémunération « car l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10, 7) [152], et « le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile » (1 Co 9, 14). Là où rien d’autre n’existe pour assurer cette juste rémunération, faire le nécessaire pour assurer aux prêtres un niveau de vie suffisant et digne est, à proprement parler, une obligation pour les chrétiens, puisque c’est à leur service que les prêtres consacrent leur activité. Les évêques, pour leur part, ont le devoir de rappeler aux chrétiens cette obligation ; ils doivent veiller – chacun pour son diocèse ou, de préférence, à plusieurs ensemble dans un même territoire – à établir des règles pour assurer comme il se doit une vie convenable à ceux qui exercent, ou ont exercé, une fonction au service du Peuple de Dieu. La rémunération versée à chacun devra tenir compte de la nature de la fonction exercée et des circonstances de temps et de lieu, mais elle sera fondamentalement la même pour tous ceux qui sont dans la même situation ; elle devra être adaptée aux conditions où ils se trouvent ; en outre, elle leur laissera les moyens, non seulement d’assurer comme il se doit la rémunération de ceux qui se dévouent à leur service, mais encore d’apporter eux-mêmes une aide à ceux qui sont dans le besoin, car ce ministère à l’égard des pauvres a toujours été en grand honneur dans l’Église dès ses origines. Enfin, cette rémunération devra permettre aux prêtres de prendre chaque année, pendant une durée suffisante, les vacances dont ils ont besoin ; les évêques doivent veiller à ce que ce temps de vacances soit assuré aux prêtres.
C’est à la fonction remplie par les ministres sacrés qu’il faut accorder la première place. De ce fait, il faut abandonner le système dit des « bénéfices » ou, du moins, le réformer de telle manière que l’aspect bénéficial, c’est-à-dire le droit aux revenus de la dotation attachée à la fonction, soit traité comme secondaire. Le droit donnera donc la priorité à la fonction ecclésiastique elle-même, désignation qui s’appliquera désormais à toute charge conférée de façon stable pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.
21. Constitution de caisses communes et organisation de la sécurité sociale pour les prêtres
Il faut toujours se référer à l’exemple des croyants de la primitive Église à Jérusalem : « Entre eux, tout était commun » (Ac 4, 32) et « on distribuait à chacun suivant ses besoins » (Ac 4, 35). C’est en ce sens qu’il est très souhaitable d’avoir, au moins dans les régions où la vie matérielle du clergé dépend, entièrement ou en grande partie, des offrandes des fidèles, une institution diocésaine pour rassembler les dons faits à cette fin ; elle sera administrée par l’évêque assisté de prêtres délégués et, là où cela paraît utile, de laïcs compétents en matière financière. Il reste également désirable qu’il y ait, en outre, autant que possible, pour chaque diocèse ou chaque pays, un fonds commun permettant aux évêques de satisfaire à d’autres obligations envers les personnes qui sont au service de l’Église et de subvenir aux différents besoins du diocèse ; cette caisse doit aussi permettre aux diocèses plus riches d’aider les plus pauvres, pour que le superflu des uns subvienne à l’indigence des autres [153]. Il devra être alimenté avant tout par les sommes provenant des offrandes des fidèles, mais également par d’autres ressources, que le droit devra préciser.
En outre, dans les pays où la sécurité sociale n’est pas encore correctement organisée en faveur du clergé, les conférences épiscopales, compte tenu toujours des lois ecclésiastiques et civiles, veilleront à ce qu’il existe, soit des organismes diocésains – éventuellement fédérés entre eux –, soit des organismes interdiocésains, soit une association établie pour l’ensemble du territoire, en vue d’organiser, sous le contrôle de la hiérarchie, d’une part une prévoyance et une assistance médicale satisfaisante, d’autre part la prise en charge due aux prêtres pour les cas d’infirmité, d’invalidité ou de vieillesse. Les prêtres soutiendront l’organisme ainsi créé dans un esprit de solidarité avec leurs frères, prenant part ainsi à leur épreuve [154]. Ils s’apercevront en même temps qu’ils se trouvent libérés du souci de l’avenir, et donc en mesure de pratiquer la pauvreté avec plus d’ardeur évangélique et de se consacrer tout entiers au salut des âmes. Enfin, les responsables feront en sorte que les différents organismes nationaux aient des liens entre eux, ce qui leur donnera une plus grande solidité et une plus large diffusion.
Conscient des joies de la vie sacerdotale, ce saint Concile ne peut cependant ignorer les difficultés dont souffrent les prêtres dans les conditions de la vie actuelle. Il se rend compte de la transformation de la situation économique et sociale, et même des mœurs ; il se rend compte du bouleversement de la hiérarchie des valeurs dans le jugement des hommes. Dans ces conditions les ministres de l’Église, et même parfois les fidèles, se sentent comme étrangers, à ce monde ; avec anxiété, ils se demandent quels moyens, quels mots trouver pour entrer en communication avec lui. Obstacles nouveaux à la vie de foi, stérilité apparente du labeur accompli, dure épreuve de la solitude, tout cela peut risquer de les conduire au découragement.
Mais ce monde, tel qu’il est aujourd’hui, ce monde confié à l’amour et au ministère des pasteurs de l’Église, Dieu l’a tant aimé qu’il a donné pour lui son Fils unique [155]. En vérité, avec tout le poids de son péché, mais aussi avec la richesse de ses possibilités, ce monde offre à l’Église les pierres vivantes [156] qui s’intègrent à la construction pour être une demeure de Dieu dans l’Esprit [157]. Et c’est encore l’Esprit Saint qui pousse l’Église à ouvrir des chemins nouveaux pour aller au-devant du monde d’aujourd’hui ; c’est lui qui, de ce fait, suggère et encourage les adaptations qui s’imposent pour le ministère sacerdotal.
Que les prêtres ne l’oublient pas : ils ne sont jamais seuls dans leur action, ils s’appuient sur la force du Dieu tout-puissant ; que leur foi au Christ, qui les a appelés à participer à son sacerdoce, les aide à se donner en toute confiance à leur ministère, car ils savent que Dieu est assez puissant pour augmenter en eux la charité [158]. Qu’ils ne l’oublient pas non plus : ils ont pour compagnons leurs frères dans le sacerdoce, bien plus, les fidèles du monde entier. Car tous les prêtres travaillent ensemble pour accomplir le dessein divin du salut, le Mystère du Christ caché depuis les siècles en Dieu [159], qui ne se réalise que peu à peu, par l’effort coordonné de ministères différents, « en vue de l’édification du Corps du Christ jusqu’à ce qu’il atteigne toute sa taille». Tout cela, certes est caché avec le Christ en Dieu [160], et c’est surtout la foi qui peut le percevoir. C’est dans la foi que doivent marcher les guides du Peuple de Dieu, suivant l’exemple d’Abraham le fidèle, qui, « par la foi, obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (He 11, 8). En vérité, l’intendant des mystères de Dieu ressemble au semeur dont le Seigneur a dit : « Qu’il dorme ou qu’il se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment » (Mc 4, 27). D’ailleurs, si le Seigneur Jésus a dit : « Gardez courage! j’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33), il n’a pas, pour autant, promis à l’Église la victoire totale ici-bas. Ce qui fait la joie de ce saint Concile, c’est que la terre, ensemencée par la graine de l’Évangile, donne aujourd’hui du fruit en bien des endroits, sous la conduite de l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers et qui a fait naître au cœur de tant de prêtres et de tant de fidèles un esprit vraiment missionnaire. Pour tout cela, avec toute son affection, le saint Concile remercie les prêtres du monde entier. Et « à celui qui peut tout faire, et bien au-delà de nos demandes et de nos pensées, en vertu de la puissance qui agit en nous, à lui la gloire ans l’Église et le Christ Jésus » (Ep 3, 20-21).
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 7 décembre 1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium. – Const. dogm. Lumen gentium. – Décret Christus Dominus. – Décret Optatam totius.
[2] Cf. Mt 3, 16 ; Lc 4, 18 ; Ac 4, 27 ; 10, 38.
[3] Cf. 1 P 2, 5 et 9.
[4] Cf. 1 P 3, 15.
[5] Cf. Ap 19, 10. – Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 35.
[6] Conc. de Trente, sess. 23, chap. 1 et can. 1 : Denz. 957 et 961 (1764 et 1771).
[7] Cf. Jn 20, 21. – Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 18.
[8] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28.
[9] Cf. Ibid.
[10] Cf. Pont. Rom., « De Ordinatione Presbyteri », préface. On trouve déjà ces termes dans Sacramentario Veronensi (Mohlberg, Rome, 1956, p. 122) ; item in Missel français (Mohlberg, Rome 1957, p. 9) ; item in Libro Sacramentorum Romanae Ecclesiae (Mohlberg, Rome, 1960, p. 25) ; item in Pontificali Romano-Germanico (Vogel-Elze, Cité du Vatican, 1963, vol. I, p. 34).
[11] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 10.
[12] Cf. Rm 15, 16 gr.
[13] Cf. 1 Co 11, 26.
[14] Saint Augustin, De civitate Dei, 10, 6 : PL 41, 284.
[15] Cf. 1 Co 15, 24.
[16] Cf. He 5, 1.
[17] Cf. He 2, 17 ; 4, 15.
[18] Cf. 1 Co 9, 19-23 Vg.
[19] Cf. Ac 13, 2.
[20] « Ce zèle de progrès spirituel et moral trouve un stimulant de plus dans les conditions où se déroule la vie de l’Église. Celle-ci ne saurait demeurer indifférente aux changements du monde qui l’environne et qui, de mille manières, influence sa conduite pratique et la soumet à certaines conditions. L’Église, on le sait, n’est point séparée du monde, elle vit dans le monde. Les membres de l’Église subissent l’influence du monde ; ils en respirent la culture, en acceptent les lois et en adoptent les mœurs. Ce contact intime avec la société temporelle crée pour l’Église une situation toujours pleine de problèmes ; aujourd’hui, ceux-ci sont particulièrement aigus [...]. Voici comment saint Paul éduquait les chrétiens de la première génération : “Ne formez pas avec les infidèles d’attelage disparate. Quel rapport, en effet, entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? ou quelle association entre le fidèle et l’infidèle ?” (cf. 2 Co 6, 14-15). La pédagogie chrétienne devra toujours rappeler à son élève des temps modernes cette condition privilégiée et le devoir qui en découle de vivre dans le monde sans être du monde, selon le souhait rappelé ci-dessus, que Jésus formait pour ses disciples : “Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde” (cf. Jn 17, 15-16). Et l’Église fait sien ce même souhait. Mais cette distinction d’avec le monde n’est pas une séparation. Bien plus, elle n’est pas indifférence ni mépris. Quand l’Église se distingue de l’humanité, elle ne s’oppose pas à elle, au contraire, elle s’y unit. » (Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam, 6 août 1964 : AAS 56 (1964), p. 627 et 638.)
[21] Cf. Rm 12, 2.
[22] Cf. Jn 10, 14-16.
[23] Cf. Saint Polycarpe, Épître aux Philippiens. VI, 1 : « Les presbytres, eux aussi, doivent être compatissants, miséricordieux envers tous ; qu’ils ramènent les égarés, qu’ils visitent tous les malades, sans négliger la veuve, l’orphelin, le pauvre ; mais “qu’ils pensent toujours à faire le bien devant Dieu et devant les hommes” ; (cf. Pr 3, 4 ; Rm 12, 17 ; 2 Co 8, 21) ; qu’ils s’abstiennent de toute colère, acception de personne, jugement injuste ; qu’ils se tiennent éloignés de l’argent, qu’ils ne croient pas trop vite du mal de quelqu’un et ne soient pas raides dans leurs jugements ; sachant que nous sommes tous débiteurs du péché » (trad. P. Th. Camelot) (Funk I, 303).
[24] Cf. 1 P 1, 23 ; Ac 6, 7 ; 12, 24. Les Apôtres « ont prêché la Parole de vérité et ils ont engendré les Églises » : saint Augustin, In Ps. 44, 23 : PL 36, 508.
[25] Cf. Ml 2, 7 ; 1 Tm 4, 11-13 ; 2 Tm 4, 5 ; Tt 1, 9.
[26] Cf. Mc 16, 16.
[27] Cf. 2 Co 11, 7. Ce qui est dit des évêques vaut aussi des prêtres en tant qu’ils sont coopérateurs des évêques. Cf. Statuta Ecclesiae Antiquae, c. 3 (Ch. Munier, Paris, 1960, p. 79). – Decretum Gratiani, C. 6, D. 88 (Friedberg, I, 307). – Conc. de Trente, décret de reform., sess. 5, c. 2, n. 9 (Conc. Œc. Decreta, éd. Herder, Rome, 1963, p. 645), sess. 24, c. 4. ( p. 739). – Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 25.
[28] Cf. Const. Apostolorum, II, 26,7 : « (Que les prêtres) soient docteurs de la science de Dieu, puisque le Seigneur lui-même nous l’a commandé en disant : Allez, enseignez, etc. » (Funk, Didascalia et Const. Apostolorum, I, Paderborn, 1905, p. 105). – Sacramentaire léonien et autres sacramentaires jusqu’au Pontifical romain, préface consécratoire des prêtres : « Cette même providence, Seigneur, a associé aux Apôtres de ton Fils, comme adjoints, des docteurs de la foi ; et par la voix de ces prédicateurs d’une dignité secondaire, ils ont rempli l’univers » (trad. Jounel). Liber Ordinum de la liturgie mozarabe, préface de l’ordination des prêtres : « Docteur du peuple, chef des sujets de l’Église, qu’il maintienne dans l’ordre la foi catholique et qu’il annonce à tous le véritable salut», M. Férotin, Paris, 1904, col. 55.
[29] Cf. Ga 2, 5.
[30] Cf. 1 P 2, 12.
[31] Cf. Le rite d’ordination des prêtres de la liturgie jacobite d’Alexandrie : « Rassemble ton peuple autour de la parole d’enseignement, comme une mère qui caresse ses nourrissons » (H. Denzinger, Rituel oriental, II, Würzburg, 1863, p. 14).
[32] Cf. Mt 28, 19 ; Mc 16, 16. – Tertullien, Du baptême 14,2. – Saint Athanase, Adv. Arianos, 2, 42 : PG 26, 237. – Saint Jérôme, In Mt. 28, 19 : PL 26, 218 BC : « Ils enseignent d’abord toutes les nations, puis ils plongent dans l’eau ceux qu’ils ont enseignés. Car il n’est pas possible que le corps reçoive le sacrement de baptême si l’âme n’a pas d’abord reçu la vérité de la foi. » – Saint Thomas, Expositio primae Decretalis, § 1 : « Quand il les a envoyés prêcher, notre Sauveur a donné trois commandements à ses disciples. Premièrement, d’enseigner la foi ; deuxièmement, de donner les sacrements à ceux qui croiraient » (éd. Marietti, Opuscula Theologica, Taurini, Rome, 1954, 1138).
[33] Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, n. 35, 2.
[34] Ibid., n. 33, 35, 48, 52.
[35] Ibid., n. 7. – Pie XII, Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943 : AAS 35 (1943), p. 230.
[36] Saint Ignace, Smyrn. 8, 1-2 (Funk, p. 282, 6-15). – Const. Apostolorum VIII, 12, 3 (Funk, p. 496) ; VIII, 29, 2 (p. 532).
[37] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28.
[38] « L’Eucharistie est comme la consommation de la vie spirituelle et la fin de tous les sacrements » (Saint Thomas, Somme théologique III, q. 73, a. 3, c ; cf. III, q. 65, a. 3 ).
[39] Cf. Saint Thomas, Somme théologique III, q. 65, a. 3 à 1 ; q. 79, a. 1, c. et à 1.
[40] Cf. Ep 5, 19-20.
[41] Cf. Saint Jérôme, Épître 114, 2 : « Les calices sacrés, les saints voiles et tout le reste qui se rapporte au culte de la Passion du Seigneur... associés qu’ils sont au Corps et au Sang du Seigneur, doivent être vénérés avec la même révérence que son Corps et son Sang » (trad. J. Labourt) (PL 22, 934). – Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, n. 122-127.
[42] « Qu’au cours de la journée, les fidèles ne négligent point de rendre visite au Saint-Sacrement, qui doit être conservé dans l’église en un endroit très digne, avec le plus d’honneur possible, selon les lois liturgiques. Car la visite est, envers le Christ notre Seigneur présent en ce lieu, une marque de gratitude, un gage d’amour et un hommage de l’adoration qui lui est due » (Paul VI, Encycl. Mysterium Fidei, 3 septembre 1965 : AAS 57 (1965), p. 771).
[43] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28.
[44] Cf. 2 Co 10, 8 ; 13, 10.
[45] Cf. Ga 1, 10.
[46] Cf. 1 Co 4, 14.
[47] Cf. Didascalia, II, 34, 3 ; II, 47,1 ; Const. Apostolorum II, 47 : Funk, Didascalia et Constitutiones, I, 116, 142 et 143.
[48] Cf. Ga 4, 3 ; 5, 1 et 13.
[49] Cf. Saint Jérôme, Épître 58, 7 : « De quoi servirait-il que des murailles rutilent de gemmes, si le Christ, en la personne d’un pauvre, meurt de faim? » (trad. J. Labourt) (PL 22, 584)
[50] Cf. 1 P 4, 10 s.
[51] Cf. Mt 25, 34-45.
[52] Cf. Lc 4, 18.
[53] On peut nommer encore d’autres catégories, par exemple les émigrants, les nomades, etc. À ce sujet, cf. Décret Sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, n. 18.
[54] Cf. Didascalia, II, 59, 1-3 : « Dans ton enseignement, invite et exhorte le peuple à venir à l’assemblée, à ne pas la déserter, mais à se rassembler toujours ; s’abstenir, c’est diminuer l’Église et enlever un membre au Corps du Christ... Vous êtes membres du Christ, ne vous dispersez donc pas loin de l’Église, en refusant de vous réunir ; le Christ est votre Tête, selon sa promesse toujours présente, qui vous rassemble. Ne vous négligez pas vous-mêmes, ne rendez pas le Sauveur étranger à ses propres membres, ne divisez pas son Corps, ne le dispersez pas... » : Funk I, 170. – Paul VI, Alloc. iis qui ex italico clero interfuerunt Coetui XIII per hebdomadam habito Urbiveti v. « di aggiornamento pastorale », 6 septembre 1963 : AAS 55 (1963), p. 750 s.
[55] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28.
[56] Cf. Const. Ecclesiasticam Apostolorum, XVIII : « Presbyteri sunt symmystai et synepimachoi Episcoporum » (Th. schermann, Die allgemeine Kirchenordnung, I, Paderborn, 1914, p. 26 ; A. Harnack, T. u. U., II, 4, p. 13, n. 18 et 19. – Pseudo-Jérôme, De Septem Ordinibus Ecclesiae : « in benedictione cum episcopis consortes mysteriorum sunt » (A. W. Kalff, Würzburg, 1937, p. 45). – Saint Isidore de Séville, De Ecclesiasticis Officiis, c. VII : « Ils sont à la tête de l’Église du Christ ; pour faire l’Eucharistie, ils sont associés aux évêques, de même que dans l’enseignement du peuple et la fonction de prédication » (PL 83, 787).
[57] Cf. Didascalia, II, 28, 4 : Funk, 108. – Constitutiones Apostolorum, II, 28, 4 ; II, 34, 3 : ibid., p. 109 et 117.
[58] Const. Apostolorum, VIII, 16, 4 (Funk I, 522, 13) ; Cf. Epitome Const. Apostolorum, VI, ibid. II, p. 80, 3- 4. – Testamentum Domini : « ...donne-lui l’Esprit de grâce, de conseil et de générosité, l’esprit du presbytérat... pour aider et gouverner ton peuple dans l’activité, dans la crainte de Dieu, dans la pureté de cœur » (trad. I. E. Rahmani, Moguntiae, 1899, p. 69). – Item in Trad. Apost. (B. Botte, La Tradition apostolique, Münster 1963, p. 20).
[59] Cf. Nb 11, 16-25.
[60] Pontifical romain, préface consécratoire des prêtres ; ces paroles se trouvent déjà dans les sacramentaires léonien, gélasien et grégorien. On en trouve de semblables dans les liturgies orientales : cf. Trad. apost. : « Regarde ton serviteur ici présent et accorde-lui l’esprit de grâce et de conseil, afin qu’il aide les prêtres et gouverne ton peuple avec un cœur pur, comme tu avais regardé le peuple que tu t’étais choisi et avais ordonné à Moïse de choisir les anciens que tu avais remplis de ton esprit que tu avais donné à ton serviteur » (ed. B. Botte). – La Tradition apostolique de saint Hippolyte. Essai de reconstruction, Münster, 1963, p. 20. – Const. Apostolorum, VIII, 16, 4 : Funk I, 522, 16-17. – Epit. Const. Apost.6 : Funk II, 20, 5-7. – Testamentum Domini : trad. I. E. Rahmani, Moguntiae, 1899, p. 69. – Euchologium Serapionis, XXVII : Funk, Didascalia et Constitutiones, II, p. 190, lin. 1-7. – Ritus Ordinationis in ritu Maronitarum : trad. H. Denzinger, Ritus Orientalium, II, Würzburg, 1863, p. 161. – Inter Patres citari possunt : Theodore de Mopsueste, In 1 Tim. 3, 8 : Swete, II, 119-121. – Theodoret, Quaest. in Numeros, XVIII : PG 80, 372 b.
[61] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28.
[62] Cf. Jean XXIII, Encycl. Sacerdotii Nostri primordia, 1er août 1959 : AAS 51 (1959), p. 576. – Saint Pie X, exhort. ad clerum Haerent animo, 4 août 1908 : S. Pii X Acta, vol. IV (1908), p. 237 s.
[63] Cf. Conc. Vat. II, décret de pastorali Episcoporum munere in Ecclesia, n. 15 et 16.
[64] Dans l’état actuel du droit, l’évêque a comme « sénat et conseil » le chapitre cathédral (can. 391) ou, à défaut, le groupe des consulteurs diocésains (cf. can. 423-428). Mais il est souhaitable de réviser ces institutions pour mieux répondre à la situation et aux besoins actuels. Cette commission de prêtres est évidemment distincte du Conseil pastoral dont parle le décret sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, n. 27 : celui-ci comporte des membres laïcs et n’est compétent que pour l’examen des questions d’action pastorale. De Presbyteris ut consiliariis Episcoporum videri possunt Didascalia, II, 28, 4 : Funk I, 108. – Const. Apost., II, 28, 4 : Funk I, 109. – Saint Ignace, Magn., 6, I : Funk 234, 10-16 ; Trall., 3, I : Funk 244, 10-12. – Origène, Adv. Celsum 3, 30 : Presbyteri sunt consiliarii seu bouleytai : PG 11, 957 d- 960 a.
[65] « Je vous en conjure, ayez à cœur de faire toutes choses dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres qui tiennent la place du sénat des Apôtres, et des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service de Jésus Christ, qui, avant les siècles, était près de Dieu et s’est manifesté à la fin » (trad. P. Th. Camelot) (Funk, 234, 10-13). – Saint Ignace, Trall., 3, 1 : « Pareillement, que tous révèrent les diacres comme Jésus Christ, comme aussi l’évêque qui est l’image du Père et les presbytres comme le sénat de Dieu et comme l’assemblée des Apôtres : sans eux, on ne peut parler d’Église » (trad. Camelot) : Funk, p. 244, 10-12. – Saint Jérôme, In Isaiam II, 3 : PL, 61 A : « Nous aussi, nous avons dans l’Église notre sénat, l’assemblée des prêtres.»
[66] Cf. Paul VI, allocutio ad Urbis curiones et quadragenarii temporis oratores in Aede Sixtina habita, 1er mars 1965 : AAS 57 (1965), p. 326.
[67] Cf. Const. Apostolorum VIII, 47, 39 : « Les prêtres... ne doivent rien faire sans l’avis de l’évêque : c’est à lui qu’est confié le peuple du Seigneur ; c’est à lui qu’il sera demandé compte de leurs âme » (Funk, 577).
[68] Cf. 3 Jn 8.
[69] Cf. Jn 17, 23.
[70] Cf. He 13, 1-2.
[71] Cf. He 13, 16.
[72] Cf. Mt 5, 10.
[73] Cf. 1 Th 2,12 ; Col 1, 13.
[74] Cf. Mt 23,8. – « Il faut se faire les frères des hommes, du fait même qu’on veut être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres». (Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam, 6 août 1964 : AAS 58 (1964), p. 647.
[75] Cf. Ep 4, 7 et 16. – Const. Apost. VIII, 1, 20 : « Il ne faut pas que l’évêque se dresse contre les diacres ou les prêtres, ni les prêtres contre le peuple, car la structure de l’assemblée se compose des uns et des autres » (Funk I, 467).
[76] Cf. Ph 2, 21.
[77] Cf. 1 Jn 4, 1.
[78] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 37.
[79] Cf. Ep 4, 14.
[80] Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio.
[81] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 37.
[82] Cf. He 7, 3.
[83] Cf. Lc 10, 1.
[84] Cf. 1 P 2, 25.
[85] Cf. Ac 20, 28.
[86] Cf. Mt 9, 36.
[87] Cf. Pont. rom. « De Ordinatione Presbyteri ».
[88] Cf. Conc.Vat. II, décret De institutione sacerdotali, n. 2.
[89] « La voix de Dieu qui appelle s’exprime de deux façons différentes, merveilleuses et convergentes ; l’une est intérieure, c’est celle de la grâce, celle de l’Esprit Saint, de l’ineffable attrait intérieur que la voix silencieuse et puissante du Seigneur exerce dans les insondables profondeurs de l’âme humaine ; l’autre est extérieure, humaine, sensible, sociale, juridique, concrète, c’est celle du ministre qualifié de la Parole de Dieu, celle de l’apôtre, celle de la hiérarchie, instrument indispensable, institué et voulu par le Christ comme un véhicule permettant de traduire en langage tombant sous l’expérience le message du Verbe et du précepte divin. C’est ce qu’avec saint Paul enseigne la doctrine catholique : “Comment entendre sans personne qui prêche ?... La foi vient de ce qu’on entend” » (Paul VI, Alloc. du 5 mai 1965 : L’Osservatore Romano, 6 mai 1965, p. 1).
[90] Cf. Conc. Vat. II, décret De institutione sacerdotali, n. 2.
[91] C’est ce qu’enseignent les Pères quand ils commentent les paroles du Christ à Pierre « M’aimes-tu ?... Conduis mes brebis » : ainsi saint Jean Chrysostome, De sacerdotio, II, 1-2 : PG 47-48, 633. – Saint Grégoire le Grand, Reg. Past. Liber, P. I. c. 5 : PL 77, 19 a.
[92] Cf. 2 Co 12, 9.
[93] Cf. Pie XI, Encycl., Ad catholici sacerdotii, 20 décembre 1935 : AAS 28 (1936), p. 10.
[94] Cf. Jn 10, 36.
[95] Cf. Lc 24, 26.
[96] Cf. Ep 4, 13.
[97] Cf. 2 Co 3, 8-9.
[98] Cf. entre autres : Saint Pie X, exh. aux prêtres Haerent animo, 4 août 1908 : S. Pii X Acta, vol. IV (1908), p. 237 s. – Pie XI, Encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 décembre 1935 : AAS 28 (1936), p. 5 s. – Pie XII, exhort. apost. Menti Nostrae, 23 septembre 1950 : AAS 42 (1950), p. 657 s. – Jean XXIII, Encycl. Sacerdotii Nostri primordia, 1er août 1959 : AAS 51 (1959), p. 545 s.
[99] Cf. Saint Thomas, Somme théologique, IIa IIae, q. 188, a. 7.
[100] Cf. Ep 3, 9-10.
[101] Cf. Ac 16, 14.
[102] Cf. 2 Co 4, 7.
[103] Cf. Ep 3, 9.
[104] Cf. Pont. Rom., « De Ordinatione Presbyteri».
[105] Cf. Missel romain, Prière sur les offrandes du 9e dimanche après la Pentecôte.
[106] « La messe, même si elle est célébrée en particulier par un prêtre, n’est pas pour autant privée, mais elle est action du Christ et de l’Église. Celle-ci a appris à s’offrir elle-même dans le sacrifice qu’elle offre, en sacrifice universel, appliquant au salut du monde entier la vertu rédemptrice unique et infinie du sacrifice de la Croix. Toute messe est, en effet, offerte non seulement pour le salut de quelques-uns, mais pour le salut du monde entier (...). C’est pourquoi, Nous recommandons avec une paternelle insistance aux prêtres qui, à un titre particulier, sont, dans le Seigneur, Notre joie et Notre couronne... de célébrer la messe chaque jour en toute dignité et dévotion » (Paul VI, Encycl. Mysterium Fidei, 3 septembre 1965 : AAS 57 (1965), p. 761-762. – Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, n. 26 et 27.
[107] Cf. Jn 10, 11.
[108] Cf. 2 Co 1, 7.
[109] Cf. 2 Co 1, 4.
[110] Cf. 1 Co 10, 33.
[111] Cf. Jn 3, 8.
[112] Cf. Jn 4, 34.
[113] Cf. 1 Jn 3, 16.
[114] « On donne une preuve de son amour en paissant le troupeau du Seigneur », Saint Augustin, Tract. in Io., 123, 5 : PL 35, 1967.
[115] Cf. Rm 12, 2.
[116] Cf. Ga 2, 2.
[117] Cf. 2 Co 7, 4.
[118] Cf. Jn 4, 34 ; 5, 30 ; 6, 38.
[119] Cf. Ac 13, 2.
[120] Cf. Ep 5, 10.
[121] Cf. Ac 20, 22.
[122] Cf. 2 Co 12, 15.
[123] Cf. Ep 4, 11-16.
[124] Cf. Mt 19, 12.
[125] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 42.
[126] Cf. 1 Tm 3, 2-5 ; Tt 1,6.
[127] Cf. Pie XI, Encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 décembre 1935 : AAS 28 (1936), p. 28.
[128] Cf. Mt 19, 12.
[129] Cf. 1 Co 7, 32-34.
[130] Cf. 2 Co 11, 2.
[131] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 42 et 44. – Décret De Perfectae caritatis, n. 12.
[132] Cf. Lc 20, 35-36. – Pie XI, Encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 décembre 1935 : AAS 28 (1936), p. 24-28. – Pie XII, Encycl. Sacra Virginitas, 25 mars 1954 : AAS 46 (1954), p. 169-172.
[133] Cf. Mt 19, 11.
[134] Cf. Jn 17, 14-16.
[135] Cf. 1 Co 7, 31.
[136] Conc. d’Antioche, can. 25 ; Mansi 2, 1328. – Décret de Gratien, c. 23, C. 12, q. 1 : Friedberg, I, 684-685.
[137] Il s’agit ici avant tout des droits et coutumes en vigueur dans les Églises orientales.
[138] Conc. Paris, a. 829, can. 15 : MGH, sect. III, Concilia, t. 2, pars 6, 622. – Conc. de Trente, sess. 25, de reform. chap. 1.
[139] Cf. Ps 62, 11 (Vg 61).
[140] Cf. Co 8, 9.
[141] Cf. Ac 8, 18-25.
[142] Cf. Ph 4, 12.
[143] Cf. Ac 2, 42-47.
[144] Cf. Lc 4, 18.
[145] Cf. CIC, can. 125 s.
[146] Cf. Conc. Vat. II, décret Perfectae caritatis, n. 6. – Const. dogm. De Divina Revelatione, n. 21.
[147] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 65.
[148] Pont. rom. « De Ordinatione Presbyteri ».
[149] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. De Divina Revelatione, n. 25.
[150] Cet élément de formation est distinct de la formation pastorale intervenant aussitôt après l’ordination, dont parle le décret sur la formation des prêtres, n. 22.
[151] Cf. Conc. Vat. II, décret De pastorali Episcoporum munere in Ecclesia, n. 16.
[152] Cf. Mt 10, 10 ; 1 Co 9, 7 ; 1 Tm 5, 18.
[153] Cf. 2 Co 8, 14.
[154] Cf. Ph 4, 14.
[155] Cf. Jn 3, 16.
[156] Cf. 1 P 2, 5.
[157] Cf. Ep 2, 22.
[158] Cf. Pont. rom., « De Ordinatione Presbyteri».
[159] Cf. Ep 3, 9.
[160] Cf. Col 3, 3.
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- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCLARATION SUR L'ÉDUCATION CHRÉTIENNE
GRAVISSIMUM EDUCATIONIS
PRÉAMBULE
L’extrême importance de l’éducation dans la vie de l’homme et son influence toujours croissante sur le développement de la société moderne sont pour le Concile œcuménique l’objet d’une réflexion attentive [1]. En vérité, les conditions d’existence d’aujourd’hui rendent à la fois plus aisées et plus urgentes la formation des jeunes ainsi que l’éducation permanente des adultes. Les hommes, en effet, dans une conscience plus aiguë de leur dignité et de leur responsabilité, souhaitent participer chaque jour plus activement à la vie sociale, surtout à la vie économique et politique [2]. Les merveilleux progrès de la technique et de la recherche scientifique, les nouveaux moyens de communication sociale, leur donnent la possibilité dans le moment où ils jouissent de loisirs accrus, d’accéder plus aisément au patrimoine culturel et spirituel de l’humanité, et de s’enrichir mutuellement grâce aux relations plus étroites qui existent entre les groupes et entre les peuples eux-mêmes.
Aussi s’efforce-t-on partout de favoriser toujours plus l’éducation ; les droits primordiaux de l’homme à l’éducation, spécialement ceux des enfants et des parents, sont reconnus et les documents officiels en font état [3]. Devant la croissance rapide du nombre des élèves, on multiplie de toute part et on perfectionne les écoles, on crée d’autres institutions éducatives. Des expériences nouvelles développent les méthodes d’éducation et d’enseignement. Des efforts de grande valeur sont accomplis pour procurer ces biens à tous les hommes, quoiqu’un grand nombre d’enfants et de jeunes ne reçoivent même pas encore une instruction élémentaire et que tant d’autres soient privés de l’éducation véritable qui développe à la fois la vérité et la charité.
Mais, pour s’acquitter de la mission que lui a confiée le Seigneur qui l’a fondée, d’annoncer à tous les hommes le mystère du salut et de tout édifier dans le Christ, notre sainte Mère l’Église doit prendre soin de la totalité de la vie de l’homme y compris de ses préoccupations terrestres, dans la mesure où elles sont liées à sa vocation surnaturelle [4]. Elle a donc un rôle à jouer dans le progrès et le développement de l’éducation. C’est pourquoi le Concile proclame certains principes fondamentaux de l’éducation chrétienne, spécialement en ce qui touche la vie scolaire. Une commission spéciale devra, après le Concile, les développer plus en détail. Les Conférences épiscopales auront à en faire l’application en tenant compte des circonstances locales.
1. Droit universel à l’éducation
Tous les hommes de n’importe quelle race, âge ou condition, possèdent, en tant qu’ils jouissent de la dignité de personne, un droit inaliénable à une éducation [5] qui réponde à leur vocation propre [6], soit conforme à leur tempérament, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions nationales, en même temps qu’ouverte aux échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l’unité véritable et la paix dans le monde. Le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l’homme est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte.
Il faut donc, en tenant compte du progrès des sciences psychologique, pédagogique et didactique, aider les enfants et les jeunes gens à développer harmonieusement leurs aptitudes physiques, morales, intellectuelles, à acquérir graduellement un sens plus aigu de leur responsabilité, dans l’effort soutenu pour bien conduire leur vie personnelle et la conquête de la vraie liberté, en surmontant courageusement et généreusement tous les obstacles. Qu’ils bénéficient d’une éducation sexuelle à la fois positive et prudente au fur et à mesure qu’ils grandissent. De plus, qu’ils soient formés à la vie sociale de telle sorte que, convenablement initiés aux techniques appropriées et indispensables, ils deviennent capables de s’insérer activement dans les groupes qui constituent la communauté humaine, de s’ouvrir au dialogue avec l’autre et d’apporter de bon cœur leur contribution à la réalisation du bien commun.
De même, le Concile proclame le droit pour les enfants et les jeunes gens d’être incités à apprécier sainement les valeurs morales avec une conscience droite et à les embrasser dans une adhésion personnelle, et, tout autant, à connaître et aimer Dieu plus parfaitement. Aussi, demande-t-il instamment à tous ceux qui gouvernent les peuples ou dirigent l’éducation de faire en sorte que jamais la jeunesse ne soit privée de ce droit sacré. Il exhorte les fils de l’Église à travailler généreusement dans tous les secteurs de l’éducation, spécialement pour hâter la diffusion des bienfaits d’une éducation et d’une instruction convenables, pour tous, dans le monde entier [7].
2. L’éducation chrétienne
Devenus créatures nouvelles, en renaissant de l’eau et de l’Esprit Saint [8], appelés enfants de Dieu et l’étant en vérité, tous les chrétiens ont droit à une éducation chrétienne. Celle-ci ne vise pas seulement à assurer la maturité ci-dessus décrite de la personne humaine, mais principalement à ce que les baptisés, introduits pas à pas dans la connaissance du mystère du salut, deviennent chaque jour plus conscients de ce don de la foi qu’ils ont reçu, apprennent à adorer Dieu le Père en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23) avant tout dans l’action liturgique, soient transformés de façon à mener leur vie personnelle selon l’homme nouveau dans la justice et la sainteté de la vérité (Ep 4, 22- 24) et qu’ainsi constituant cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ (cf. Ep 4, 13), ils apportent leur contribution à la croissance du Corps mystique. Qu’en outre, conscients de leur vocation, ils prennent l’habitude aussi bien de rendre témoignage à l’espérance qui est en eux (cf. 1 P 3, 15) que d’aider à la transformation chrétienne du monde, par quoi les valeurs naturelles, reprises et intégrées dans la perspective totale de l’homme racheté par le Christ, contribuent au bien de toute la société [9]. C’est pourquoi, le Concile rappelle aux pasteurs des âmes le grave devoir qui est le leur de tout faire pour que tous les fidèles bénéficient de cette éducation chrétienne, surtout les jeunes qui sont l’espérance de l’Église [10].
3. Les responsables de l’éducation
Les parents, parce qu’ils ont donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les élever et, à ce titre, doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs [11]. Le rôle éducatif des parents est d’une telle importance que, en cas de défaillance de leur part, il peut difficilement être suppléé. C’est aux parents, en effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l’amour et le respect envers Dieu et les hommes, telle qu’elle favorise l’éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales nécessaires à toute société. Mais c’est surtout dans la famille chrétienne, riche des grâces et des exigences du sacrement de mariage, que dès leur plus jeune âge les enfants doivent, conformément à la foi reçue au baptême, apprendre à découvrir Dieu et à l’honorer ainsi qu’à aimer le prochain ; c’est là qu’ils font la première expérience de l’Église et de l’authentique vie humaine en société ; c’est par la famille qu’ils sont peu à peu introduits dans la communauté des hommes et dans le Peuple de Dieu. Que les parents mesurent donc bien l’importance d’une famille vraiment chrétienne dans la vie et le progrès du Peuple de Dieu lui-même [12].
La tâche de dispenser l’éducation qui revient en premier lieu à la famille requiert l’aide de toute la société. Outre les droits des parents et de ceux des éducateurs à qui ils confient une partie de leur tâche, des responsabilités et des droits précis reviennent à la société civile en tant qu’il lui appartient d’organiser ce qui est nécessaire au bien commun temporel. Elle a, entre autres tâches, à promouvoir l’éducation de la jeunesse de multiples manières. Elle garantit les devoirs et les droits des parents et des autres personnes qui jouent un rôle dans l’éducation ; elle leur fournit son aide dans ce but. Selon le principe de subsidiarité, en cas de défaillance des parents ou à défaut d’initiatives d’autres groupements, c’est à la société civile, compte tenu cependant des désirs des parents, d’assurer l’éducation. En outre, dans la mesure où le bien commun le demande, elle fonde ses écoles et institutions éducatives propres [13].
Les tâches éducatives concernent enfin, à un titre tout particulier, l’Église : non seulement parce que, déjà, en tant que société également humaine, il faut lui reconnaître une compétence dans le domaine de l’éducation, mais surtout parce qu’elle a pour fonction d’annoncer aux hommes la voie du salut, de communiquer aux croyants la vie du Christ et de les aider par une attention constante à atteindre le plein épanouissement de cette vie du Christ [14]. À ses enfants, l’Église est donc tenue, comme Mère, d’assurer l’éducation qui inspirera toute leur vie de l’esprit du Christ ; en même temps, elle s’offre à travailler avec tous les hommes pour promouvoir la personne humaine dans sa perfection, ainsi que pour assurer le bien de la société terrestre et la construction d’un monde toujours plus humain [15].
4. Moyens variés au service de l’éducation chrétienne
Dans l’accomplissement de sa mission éducative, l’Église, soucieuse d’utiliser tous les moyens appropriés, se préoccupe en particulier de ceux qui lui sont propres. Le premier est la formation catéchétique [16] qui éclaire et fortifie la foi, nourrit la vie selon l’esprit du Christ, achemine à la participation active et consciente au mystère liturgique [17] et incite à l’action apostolique. Mais l’Église fait grand cas des autres moyens éducatifs qui appartiennent au patrimoine commun de l’humanité et peuvent beaucoup pour cultiver les esprits et former les hommes ; elle s’efforce de les pénétrer de son esprit et de les porter à un niveau supérieur. Ce sont notamment les moyens de communication sociale [18], les multiples organismes qui ont pour objet le développement du corps et de l’esprit, les mouvements de jeunesse et surtout les écoles.
5. Importance de l’école
Entre tous les moyens d’éducation, l’école revêt une importance particulière [19] ; elle est spécialement, en vertu de sa mission, le lieu de développement assidu des facultés intellectuelles ; en même temps elle exerce le jugement, elle introduit au patrimoine culturel hérité des générations passées, elle promeut le sens des valeurs, elle prépare à la vie professionnelle, elle fait naître entre les élèves de caractère et d’origine sociale différents un esprit de camaraderie qui forme à la compréhension mutuelle. De plus, elle constitue comme un centre où se rencontrent pour partager les responsabilités de son fonctionnement et de son progrès, familles, maîtres, groupements de tous genres créés pour le développement de la vie culturelle, civique et religieuse, la société civile et enfin, toute la communauté humaine.
C’est une belle mais lourde vocation, celle de tous ceux qui, pour aider les parents dans l’accomplissement de leur devoir et représenter la communauté humaine, assument la charge de l’éducation dans les écoles. Cette vocation requiert des qualités toutes spéciales d’esprit et de cœur, la préparation la plus soignée et une aptitude continuelle à se renouveler et à s’adapter.
6. Devoirs et droits des parents
Les droit et devoir, premiers et inaliénables, d’éduquer leurs enfants reviennent aux parents. Ils doivent donc jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école. Les pouvoirs publics, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doivent veiller à la justice distributive en répartissant l’aide des fonds publics de telle sorte que les parents puissent jouir d’une authentique liberté dans le choix de l’école de leurs enfants selon leur conscience [20].
C’est encore le rôle de l’État de veiller à ce que tous les citoyens parviennent à participer véritablement à la culture et soient préparés comme il se doit à l’exercice des devoirs et des droits du citoyen. L’État doit donc garantir le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres au niveau des études, ainsi qu’à la santé des élèves, et d’une façon générale développer l’ensemble du système scolaire sans perdre de vue le principe de subsidiarité, donc, en excluant n’importe quel monopole scolaire. Tout monopole de ce genre est, en effet, opposé aux droits innés de la personne humaine, au progrès et à la diffusion de la culture elle-même, à la concorde entre les citoyens, enfin au pluralisme qui est aujourd’hui la règle dans un grand nombre de sociétés [21].
Le Concile exhorte donc les chrétiens, qu’il s’agisse de découvrir des méthodes pédagogiques et une meilleure organisation des études, ou bien de former des maîtres capables d’éduquer convenablement les jeunes, à offrir spontanément leur concours et, surtout par les associations de parents, à suivre et à soutenir tout le travail de l’école, en particulier, l’éducation morale qui doit y être donnée [22].
7. Éducation morale et religieuse à l’école
En outre, dans la conscience qu’elle a du très grave devoir de veiller assidûment à l’éducation morale et religieuse de tous ses enfants, l’Église se doit d’être présente, avec une affection et une aide toute particulière, aux très nombreux enfants qui ne sont pas élevés dans les écoles catholiques. Elle assure cette présence à la fois par le témoignage de vie de leurs professeurs et directeurs, l’action apostolique de leurs camarades [23] et surtout par le ministère des prêtres et des laïcs qui leur transmettent la doctrine du salut avec des méthodes adaptées à leur âge et aux circonstances, et les aident spirituellement par toutes sortes d’initiatives, suivant les circonstances de temps et de lieu.
Mais aux parents, elle rappelle le grave devoir qui leur incombe de faire en sorte, au besoin d’exiger, que leurs enfants puissent bénéficier de ces secours et progresser dans leur formation chrétienne au rythme de leur formation profane. Aussi, l’Église félicite-t-elle les autorités et les sociétés civiles qui, compte tenu du caractère pluraliste de la société moderne, soucieuses du droit à la liberté religieuse, aident les familles à assurer à leurs enfants dans toutes les écoles une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux [24].
8. Les écoles catholiques
La présence de l’Église dans le domaine scolaire se manifeste à un titre particulier par l’école catholique. Tout autant que les autres écoles, celle-ci poursuit des fins culturelles et la formation humaine des jeunes. Ce qui lui appartient en propre, c’est de créer pour la communauté scolaire une atmosphère animée d’un esprit évangélique de liberté et de charité, d’aider les adolescents à développer leur personnalité en faisant en même temps croître cette créature nouvelle qu’ils sont devenus par le baptême, et finalement d’ordonner toute la culture humaine à l’annonce du salut de telle sorte que la connaissance graduelle que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l’homme, soit illuminée par la foi [25]. C’est ainsi que l’école catholique, en s’ouvrant comme il convient au progrès du monde moderne, forme les élèves à travailler efficacement au bien de la cité terrestre. En même temps, elle les prépare à travailler à l’extension du Royaume de Dieu de sorte qu’en s’exerçant à une vie exemplaire et apostolique, ils deviennent comme un ferment de salut pour l’humanité. L’école catholique revêt une importance considérable dans les circonstances où nous sommes, puisqu’elle peut être tellement utile à l’accomplissement de la mission du Peuple de Dieu et servir au dialogue entre l’Église et la communauté des hommes, à l’avantage de l’une et de l’autre. Aussi, le Concile proclame-t-il à nouveau le droit de l’Église, déjà affirmé dans maint document du Magistère [26], de fonder et de diriger des écoles de tous ordres et de tous degrés. Il rappelle que l’exercice de ce droit importe au premier chef à la liberté de conscience, à la garantie des droits des parents ainsi qu’au progrès de la culture elle-même.
Mais que les maîtres ne l’oublient pas : c’est d’eux avant tout qu’il dépend que l’école catholique soit en mesure de réaliser ses buts et ses desseins [27]. Qu’on les prépare donc avec une sollicitude toute particulière à acquérir les connaissances tant profanes que religieuses qui soient sanctionnées par des diplômes appropriés ainsi qu’un savoir-faire pédagogique en accord avec les découvertes modernes. Que la charité les unisse entre eux et avec leurs élèves, qu’ils soient tout pénétrés d’esprit apostolique pour rendre témoignage, par leur vie autant que par leur enseignement, au Maître unique, le Christ. Qu’ils travaillent en collaboration, surtout avec les parents ; qu’en union avec ceux-ci, ils sachent tenir compte dans toute l’éducation de la différence des sexes et de la vocation particulière attribuée à l’homme et à la femme, par la Providence divine, dans la famille et la société. Qu’ils s’appliquent à éveiller l’agir personnel des élèves et, après que ceux-ci auront terminé leurs études, qu’ils continuent à rester proches d’eux par leurs conseils et leur amitié, ainsi que par des associations spécialisées, toutes pénétrées du véritable esprit de l’Église. La fonction enseignante ainsi conçue, le Concile le déclare, est un apostolat au sens propre du mot, tout à fait adapté en même temps que nécessaire à notre époque ; c’est aussi un authentique service rendu à la société. Le Concile rappelle aux parents catholiques le devoir de confier leurs enfants, où et quand ils le peuvent, à des écoles catholiques, le devoir de soutenir celles-ci selon leurs ressources et de collaborer avec elles pour le bien de leurs enfants [28].
9. Les différentes sortes d’écoles catholiques
Que toutes les écoles qui, d’une façon ou d’une autre, dépendent de l’Église, se rapprochent de leur mieux de cet état bien que, en fonction des circonstances locales, elles puissent revêtir des formes diverses [29]. Les écoles qui, spécialement dans les territoires des jeunes églises, accueillent même les élèves non catholiques, sont assurément très chères à l’Église.
Dans la fondation et l’organisation des écoles catholiques, il faut d’ailleurs avoir égard aux nécessités de l’évolution de notre temps. Aussi, tout en continuant à s’intéresser aux écoles primaires et aux collèges d’enseignement secondaire, qui constituent la base de l’éducation, on doit se préoccuper de celles que réclament à un titre particulier les circonstances actuelles. Telles sont les écoles techniques et professionnelles [30], les instituts pour l’alphabétisation des adultes ainsi que, avec l’accroissement de l’aide sociale, les établissements spécialisés pour l’enfance inadaptée, les écoles normales qui préparent les maîtres à donner l’instruction religieuse ou d’autres formes d’éducation.
Ce Concile invite avec force les pasteurs et tous les fidèles à n’épargner aucun sacrifice pour aider les écoles catholiques à remplir chaque jour plus fidèlement leur tâche et d’abord à répondre aux besoins de ceux qui sont dépourvus de ressources financières ou privés de l’affection et du soutien d’une famille ou encore de ceux qui sont étrangers à la foi.
10. Facultés et universités catholiques
Quant aux écoles supérieures et surtout aux universités et facultés, l’Église les entoure d’un soin vigilant. Bien plus, dans celles qui dépendent de son autorité, elle entend que, par une organisation rationnelle, on travaille dans chaque discipline selon les principes et la méthode particuliers à celle-ci et avec la liberté propre à la recherche scientifique, de manière à en acquérir progressivement une plus profonde maîtrise. Les problèmes nouveaux et les recherches suscitées par le progrès du monde moderne seront étudiés très soigneusement. On saisira plus profondément comment la foi et la raison s’unissent pour atteindre l’unique vérité. Ce faisant, on ne fera que suivre la voie ouverte par les docteurs de l’Église et spécialement par Saint Thomas [31]. De la sorte se réalisera comme une présence publique, durable et universelle, de la pensée chrétienne dans tout l’effort intellectuel vers la plus haute culture ; et les étudiants de ces instituts seront formés à devenir des hommes éminents par leur science, prêts à assumer les plus lourdes tâches dans la société, en même temps que témoins de la foi dans le monde [32].
Dans les universités catholiques qui sont dépourvues de faculté de théologie, il y aura un institut ou une chaire de théologie où l’on dispensera un enseignement adapté également aux étudiants laïcs. Comme les sciences progressent surtout grâce à des recherches spécialisées d’une plus grande portée scientifique, que les universités et facultés catholiques entretiennent très largement des instituts dont le but premier soit de promouvoir la recherche scientifique.
Le Concile recommande instamment de développer des universités et facultés catholiques opportunément réparties dans les différentes parties du monde ; qu’elles brillent moins par leur nombre que par la valeur de leur enseignement ; et que l’accès en soit facilité aux étudiants qui donnent davantage d’espérances, même s’ils sont de condition modeste, surtout s’ils sont originaires des jeunes nations.
Puisque le sort de la société et de l’Église elle-même est étroitement lié aux progrès des jeunes qui poursuivent des études supérieures [33], les pasteurs de l’Église ne doivent pas seulement prendre soin sans réserves de la vie spirituelle des étudiants des universités catholiques, mais, soucieux de la formation spirituelle de tous leurs fils, ils se préoccuperont, toutes consultations prises entre évêques, de fonder aussi auprès des universités non catholiques, des foyers et des centres universitaires catholiques où des prêtres, des religieux et des laïcs, spécialement choisis et préparés, offrent en permanence à la jeunesse universitaire une assistance spirituelle et intellectuelle. Les jeunes gens les plus doués des universités catholiques ou des autres universités, s’ils montrent des aptitudes pour l’enseignement et la recherche, seront aidés avec une attention spéciale. On les incitera à devenir professeurs.
11. Les facultés de théologie
L’Église attend énormément de l’activité des facultés de sciences sacrées [34]. C’est à elles, en effet, qu’elle confie la charge de préparer leurs propres élèves, non seulement au ministère sacerdotal, mais surtout à l’enseignement dans les chaires d’études supérieures ecclésiastiques ou encore au travail personnel de la recherche scientifique ou enfin aux tâches les plus exigeantes de l’apostolat intellectuel. C’est également le rôle de ces facultés d’étudier plus profondément les domaines des différentes sciences sacrées afin d’acquérir une intelligence chaque jour plus pénétrante de la révélation sacrée, d’ouvrir plus largement l’accès au patrimoine de sagesse chrétienne légué par nos aînés, de promouvoir le dialogue avec nos frères séparés et avec les non-chrétiens, et de fournir enfin une réponse adéquate aux questions posées par le progrès des sciences [35].
C’est pourquoi les facultés ecclésiastiques réviseront opportunément leurs constitutions et développeront intensément les sciences sacrées et celles qui leurs sont connexes ; en utilisant les méthodes et les moyens les plus modernes, elles formeront leurs étudiants aux recherches plus poussées.
12. La coordination dans le domaine scolaire
La coopération, chaque jour plus nécessaire et plus effective au plan des diocèses, des nations et entre les nations, ne s’impose pas moins dans le domaine scolaire. Aussi doit-on mettre tous ses soins à établir au mieux cette coordination entre les écoles catholiques et à développer entre elles et les autres écoles la collaboration que requiert le bien commun de l’humanité tout entière [36].
Cette coordination plus poussée et cette mise en commun des efforts procureront, surtout au niveau des instituts supérieurs, des fruits plus abondants. Que, dans toutes les universités, les diverses facultés s’entraident donc autant que le permet leur spécialité ; bien plus que les universités elles-mêmes s’entendent mutuellement pour unir leurs activités en organisant ensemble des congrès internationaux, en se répartissant les secteurs de la recherche scientifique, en se communiquant leurs découvertes, en échangeant pour quelque temps leurs professeurs, en développant enfin tout ce qui peut favoriser une collaboration accrue.
CONCLUSION
Le Concile exhorte instamment les jeunes à prendre conscience de la valeur éminente de la fonction enseignante et à être prêts à l’assumer avec courage et générosité surtout dans les régions où le manque de maîtres met en péril l’éducation de la jeunesse.
Le Concile exprime sa profonde gratitude envers les prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui, en esprit de renoncement évangélique, s’adonnent à l’œuvre excellente entre toutes de l’éducation et de l’enseignement dans les écoles de tous les genres et de tous les niveaux ; il les encourage à persévérer généreusement dans la tâche entreprise et à s’efforcer d’exceller par leur souci d’inspirer aux élèves l’esprit du Christ, par leur valeur pédagogique et par l’étude des sciences, de sorte qu’ils aident non seulement l’Église à se renouveler de l’intérieur mais qu’ils accroissent et servent sa présence bienfaisante au monde d’aujourd’hui, plus spécialement dans le domaine de la culture.
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 28 octobre 1965
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Parmi les nombreux documents illustrant le temps de l’éducation, cf. : Benoît XV, Épître apost. Communes Litteras, 10 avril 1919 : AAS 11 (1919), p. 172. – Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, 31 décembre 1929 : AAS 22 (1930), p. 49-86. – Pie XII, Alloc. ad Juvenes, aci, 20 avril 1946 : Discours et messages radioph. 8, p. 53-57. – Idem, Alloc. ad Patres familias Galliae, 18 septembre 1951 : Discours et messages radioph. 13, p. 241-245. – Jean XXIII, nuntius tricesimo exacto anno ex quo Encycl. Divini Illius Magistri editae sunt, 30 décembre 1959 : AAS 52 (1960), p. 57-59. – Paul VI, Alloc. ad sodales fidae, 30 décembre 1963 : Encycliques et Discours de Paul VI, I, Rome, 1964, p. 601-603. – Insuper conferantur Acta et Docum. Concilio Oecumenico Vaticano II apparando, series I, Antepraepar., vol. III, p. 363-364, 370-371, 373-374.
[2] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 413, 415-417, 424. – Id. Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 278 s.
[3] Cf. Déclaration des droits de l’enfant, 20 novembre 1959. – Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Paris, 20 mars 1952. À propos de cette Déclaration des droits de l’homme, cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, voir supra note 2.
[4] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 402. – Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 7.
[5] Pie XII, Message radioph. du 24 décembre 1942 : AAS 35 (1943), p. 12, 19. – Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 259 s. Et cf. Déclaration des droits de l’homme, citée note 3.
[6] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, 31 décembre 1929 : AAS 22 (1930) p. 50 s.
[7] Cf. Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 441 s.
[8] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, 1, c. p. 83.
[9] Cf. Conc. Vat. II, décret Christus Dominus, n. 36.
[10] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 12-14.
[11] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 59 s. – Id., Encycl. Mit brennender Sorge, 14 mars 1937 : AAS 29 (1937), p. 164 s. – Pie XII, Alloc. au premier congrès de l’AIMC, 8 septembre 1946 : Discours et messages radioph. 8, p. 218.
[12] Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11 et 35.
[13] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 63 s. – Pie XII, Message radioph. du 1er juin 1941 : AAS 33 (1941), p. 200. – Id., Alloc. au premier congrès de l’AIMC, 8 septembre 1946 : Discours et messages radioph. 8, p. 218. – Circa principium subsidiaritatis, cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 294.
[14] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 53 s.-56 s. – Id., Encycl. Non abbiamo bisogno, 29 juin 1931 : AAS 23 (1931), p. 311 s. – Pie XII, lettre du Secrétariat d’État aux XXVIIIes semaines sociales d’Italie, 20 septembre 1955 : L’Osservatore Romano, 22 septembre 1955.
[15] « L’Église loue les autorités civiles, locales, nationales et internationales qui, conscientes des urgentes nécessités actuelles, font tout ce qu’elles peuvent pour que tous les peuples puissent participer plus pleinement à l’éducation et à la culture », cf. Paul VI, Alloc. devant l’ONU, 4 octobre 1965 : L’Osservatore Romano, 6 octobre 1965.
[16] Cf. Pie XI, motu proprio Orbem catholicum, 29 juin 1923 : AAS 15 (1923), p. 327-329. – Décret Provide sane, 12 janvier 1935 : AAS 27 (1935), p. 145-152. – Conc. Vat. II, décret Christus Dominus, n. 13 et 14.
[17] Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, n. 14.
[18] Cf. Conc. Vat. II, Décr. De Instrumentis communicationis socialis, n. 13 et 14.
[19] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, p. 76. – Pie XII, Alloc. Ad Associationem Magistrorum Catholicorum Bavariae, 31 décembre 1956 : Discours et messages radioph., 18, p. 746.
[20] Cf. Conc. Prov. de Cincinnati III, a. 1861 : Collatio Lacensis, III, col. 1240. – Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, p. 60,63 s.
[21] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 63. – Id. Encycl. Non abbiamo bisogno, 29 juin 1931 : AAS 23 (1911), p. 305. – Pie XII, l. c., lettre du Secrétariat d’État aux XXVIIIes semaines sociales d’Italie, 20 septembre 1955 : L’Osservatore Romano, 29 septembre 1955. – Paul VI, Alloc. à ACII, 6 octobre 1963 : Encycliques et Discours de Paul VI, Rome, 1964, p. 230.
[22] Jean XXIII, message pour le trentième anniversaire de l’Encycl. Divini Illius Magistri, 30 décembre 1959 : AAS 52 (1960), p. 57.
[23] L’Église apprécie beaucoup l’action apostolique que peuvent exercer, également dans ces écoles, les maîtres et les élèves catholiques.
[24] Cf. Pie XII, Alloc. Ad Associationem Magistrorum cathol. Bavariae, 31 décembre 1956 : Discours et messages radioph., 18, p. 745 s.
[25] Cf. Conc. prov. de Westminster, 1852 : Collatio Lacensis III, col. 1334 a/b. – Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 77 s. – Pie XII, Alloc. Ad Assoc. Magistror. Cathol. Bavariae, 31 décembre 1956 : Discours et messages radioph., 18, p. 746. – Paul VI, Alloc. Ad sodales FIDAE, 30 décembre 1963, Encycliques et Discours de Paul VI, Rome, 1964, p. 602.
[26] De plus, ce droit de l’Église a été proclamé par de nombreux conciles provinciaux et également dans les plus récentes déclarations de nombreuses conférences épiscopales.
[27] Cf. Pie XI, Encycl. Divini Illius Magistri, l. c., p. 80 s. – Pie XII, Alloc. à l’UCIIM, 5 janvier 1954, Discours et messages radioph., 15, p. 551-556. – Jean XXIII, Alloc. à l’AIMC, 5 septembre 1559 : Discours, messages, colloques, I, Rome, 1960, p. 427-431.
[28] Cf. Pie XII, Alloc. à l’UCIIM, 5 janvier 1954, l. c., p. 555.
[29] Cf. Paul VI, Alloc. aux OIIC ab hodiernis condicionibus peculiari ratione requiruntur, ut sunt scholae, 25 février 1964 : Encycliques et Discours de Paul VI, Rome, 1964, p. 232.
[30]Cf. Paul VI, Alloc. aux ACLI, 6 octobre 1963 : Encycliques et Discours de Paul VI, Rome, 1964, p. 229.
[31] Cf. Paul VI, Alloc. Coram VI Congressu Thomistico Internali, 10 septembre 1965 : L’Osservatore Romano, 13-14 septembre 1965.
[32] Cf. Pie XII, Alloc. Ad magistros et alumnos Institutorum Superiorum Cathol. Galliae, 21 septembre 1950 : Discours et messages radioph., 18, p. 219-221. – Id., litt. au XXIIIème Congrès « Pax Romana », 12 août 1952 : Discours et messages radioph., 14, p. 567-569. – Jean XXIII, Alloc. à la Fédération des Universités Cathol., 1er avril 1959. – Discours, messages, colloques I, Rome, 1960, p. 226-229. – Paul VI, Alloc. au Sénat Académ. Univers. Cathol. Mediolanensis, 5 avril 1964 : Encycliques et Discours de Paul VI, II, Rome, 1964, p. 438-443.
[33] Cf. Pie XII, Alloc. Ad Senatum Academicum et alumnos Universitatis Romanae, 15 juin 1952 : Discours et messages radioph., 14, p. 208 : « La direction de la société de demain repose principalement dans l’esprit et le cœur des universitaires d’aujourd’hui. »
[34] Cf. Pie XI, Const. apost. Deus scientiarum Dominus, 24 mai 1931 : AAS 23 (1931), p. 245-247.
[35] Cf. Pie XII, Encycl. Humani generis, 12 août 1950 : AAS 42 (1950), p. 568, 578. – Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam, pars III, 6 août 1964 : AAS 56 (1964), p. 637-659. – Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio.
[36] Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 284.
- Détails
- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCLARATION SUR LES RELATIONS DE L'ÉGLISE
AVEC LES RELIGIONS NON CHRÉTIENNES
NOSTRA AETATE
À notre époque où le genre humain devient de jour en jour plus étroitement uni et où les relations entre les divers peuples se multiplient, l’Église examine plus attentivement quelles sont ses relations avec les religions non chrétiennes. Dans sa tâche de promouvoir l’unité et la charité entre les hommes, et aussi entre les peuples, elle examine ici d’abord ce que les hommes ont en commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destinée.
Tous les peuples forment, en effet, une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre [1] ; ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous [2], jusqu’à ce que les élus soient réunis dans la Cité sainte, que la gloire de Dieu illuminera et où tous les peuples marcheront à sa lumière [3].
Les hommes attendent des diverses religions la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, agitent profondément le cœur humain : Qu’est-ce que l’homme? Quel est le sens et le but de la vie? Qu’est-ce que le bien et qu’est-ce que le péché? Quels sont l’origine et le but de la souffrance? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur? Qu’est-ce que la mort, le jugement et la rétribution après la mort ? Qu’est-ce enfin que le mystère dernier et ineffable qui embrasse notre existence, d’où nous tirons notre origine et vers lequel nous tendons ?
2. Les diverses religions non chrétiennes
Depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine perception de cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou même d’un Père. Cette perception et cette reconnaissance pénètrent leur vie d’un profond sens religieux. Quant aux religions liées au progrès de la culture, elles s’efforcent de répondre aux mêmes questions par des notions plus affinées et par un langage plus élaboré. Ainsi, dans l’hindouisme, les hommes scrutent le mystère divin et l’expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie ; ils cherchent la libération des angoisses de notre condition, soit par les formes de la vie ascétique, soit par la méditation profonde, soit par le refuge en Dieu avec amour et confiance. Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l’insuffisance radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront acquérir l’état de libération parfaite, soit atteindre l’illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d’en haut. De même aussi, les autres religions qu’on trouve de par le monde s’efforcent d’aller, de façons diverses, au-devant de l’inquiétude du cœur humain en proposant des voies, c’est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés.
L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses [4]. Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec les adeptes d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux.
L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre [5], qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.
Scrutant le mystère de l’Église, le saint Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la lignée d’Abraham.
L’Église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, chez les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi [6], sont inclus dans la vocation de ce patriarche, et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C’est pourquoi l’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance, et qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les Gentils [7]. L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul [8].
L’Église a toujours devant les yeux les paroles de l’apôtre Paul sur ceux de sa race « à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, et de qui est né, selon la chair, le Christ » (Rm 9, 4-5), le Fils de la Vierge Marie. Elle rappelle aussi que les Apôtres, fondements et colonnes de l’Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu’un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l’Évangile du Christ.
Selon le témoignage de l’Écriture Sainte, Jérusalem n’a pas reconnu le temps où elle fut visitée [9] ; les Juifs, en grande partie, n’acceptèrent pas l’Évangile, et même nombreux furent ceux qui s’opposèrent à sa diffusion [10]. Néanmoins, selon l’Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance [11]. Avec les prophètes et le même Apôtre, l’Église attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et « le serviront sous un même joug » (So 3, 9) [12].
Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le saint Concile veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel. Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ [13], ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la Parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ.
En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.
D’ailleurs, comme l’Église l’a toujours tenu et comme elle le tient encore, le Christ, en vertu de son immense amour, s’est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l’Église, dans sa prédication, est donc d’annoncer la croix du Christ comme signe de l’amour universel de Dieu et comme source de toute grâce.
5. La fraternité universelle excluant toute discrimination
Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu. La relation de l’homme à Dieu le Père et la relation de l’homme à ses frères humains sont tellement liées que l’Écriture dit : « Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (1 Jn 4, 8). Par là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent.
L’Église réprouve donc, en tant que contraire à l’esprit du Christ, toute discrimination ou vexation dont sont victimes des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur condition ou de leur religion. En conséquence, le saint Concile, suivant les traces des saints Apôtres Pierre et Paul, prie ardemment les fidèles du Christ « d’avoir au milieu des nations une belle conduite » (1 P 2, 12), si c’est possible, et de vivre en paix, pour autant qu’il dépend d’eux, avec tous les hommes [14], de manière à être vraiment les fils du Père qui est dans les cieux [15].
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 28 octobre 1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Ac 17, 26.
[2] Sg 8, 1 ; Ac 14, 17 ; Rm 2, 6-7 ; 1 Tm 2, 4.
[3] Ap 21, 23-24.
[4] 2 Co 5, 18-19.
[5] Saint Grégoire VII, Épître III, 21 ad Anzir (El-Nâsir), regem Mauritaniae, éd. E. Caspar in mgh, Ep. sel. II, 1920, I, p. 288, 11-15 ; PL 148, 451 A.
[6] Ga 3, 7.
[7] Rm 11, 17-24.
[8] Ep 2, 14-16.
[9] Lc 19, 44.
[10] Rm 11, 28.
[11] Rm 11, 28-29. – Conc. Vat. II, Lumen gentium : 16 AAS (1965), p. 57.
[12] Is 66, 23 ; Ps 65, 4 ; Rm 11, 11-32.
[13] Jn 19, 6.
[14] Rm 12, 18.
[15] Mt 5, 45.
- Détails
- Par : Concile Vatican II
- Catégorie : Concile Vatican II
PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCLARATION SUR LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
DIGNITATIS HUMANAE
PRÉAMBULE
1. La dignité de la personne humaine est, en notre temps, l’objet d’une conscience toujours plus vive [1] ; toujours plus nombreux sont ceux qui revendiquent pour l’homme la possibilité d’agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité ; non pas sous la pression d’une contrainte, mais guidé par la conscience de son devoir. De même requièrent-ils que soit juridiquement délimité l’exercice de l’autorité des pouvoirs publics, afin que le champ d’une honorable liberté, qu’il s’agisse des personnes ou des associations, ne soit pas trop étroitement circonscrit. Cette exigence de liberté dans la société humaine regarde principalement les biens spirituels de l’homme, et, au premier chef, ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société. Considérant avec diligence ces aspirations dans le but de déclarer à quel point elles sont conformes à la vérité et à la justice, ce saint Concile du Vatican scrute la sainte tradition et la doctrine de l’Église d’où il tire du neuf en constant accord avec le vieux.
C’est pourquoi, tout d’abord, le saint Concile déclare que Dieu a lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en le servant, les hommes peuvent obtenir le salut et le bonheur dans le Christ. Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique et apostolique à laquelle le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes, lorsqu’il dit aux Apôtres : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20). Tous les hommes, d’autre part, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et, quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles.
De même encore, le saint Concile déclare que ces devoirs concernent la conscience de l’homme et l’obligent, et que la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance. Or, puisque la liberté religieuse, que revendique l’homme dans l’accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu, concerne l’exemption de contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ. En outre, en traitant de cette liberté religieuse, le saint Concile entend développer la doctrine des Souverains Pontifes les plus récents sur les droits inviolables de la personne humaine et l’ordre juridique de la société.
CHAPITRE PREMIER :
Doctrine générale sur la liberté religieuse
2. Objet et fondement de la liberté religieuse
Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même [2]. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil.
En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité. Or, à cette obligation, les hommes ne peuvent satisfaire, d’une manière conforme à leur propre nature, que s’ils jouissent, outre de la liberté psychologique, de l’exemption de toute contrainte extérieure. Ce n’est donc pas sur une disposition subjective de la personne, mais sur sa nature même, qu’est fondé le droit à la liberté religieuse. C’est pourquoi le droit à cette exemption de toute contrainte persiste en ceux-là mêmes qui ne satisfont pas à l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer ; son exercice ne peut être entravé, dès lors que demeure sauf un ordre public juste.
3. Liberté religieuse et relation de l’homme à Dieu
Tout ceci est plus clairement manifeste encore si l’on considère que la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle, par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d’amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l’homme participant de telle sorte que, par une heureuse disposition de la Providence divine, celui-ci puisse toujours davantage accéder à l’immuable vérité. C’est pourquoi chacun a le devoir et, par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse, afin de se former prudemment un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés.
Mais la vérité doit être cherchée selon la manière propre à la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, par le moyen de l’enseignement ou de l’éducation, de l’échange et du dialogue grâce auxquels les hommes exposent les uns aux autres la vérité qu’ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s’aider mutuellement dans la quête de la vérité ; la vérité une fois connue, c’est par un assentiment personnel qu’il faut y adhérer fermement.
Mais c’est par sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l’exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs, volontaires et libres, par lesquels l’homme s’ordonne directement à Dieu : de tels actes ne peuvent être ni imposés ni interdits par aucun pouvoir purement humain [3]. Mais la nature sociale de l’homme requiert elle-même qu’il exprime extérieurement ces actes intérieurs de religion, qu’en matière religieuse il ait des échanges avec d’autres, qu’il professe sa religion sous une forme communautaire.
C’est donc faire injure à la personne humaine et à l’ordre même établi par Dieu pour les êtres humains que de refuser à l’homme le libre exercice de la religion dans la société, dès lors que l’ordre public juste est sauvegardé.
En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou en public, l’homme s’ordonne à Dieu en vertu d’une décision intérieure, transcendent l’ordre terrestre et temporel des choses. Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire qu’il dépasse ses limites s’il s’arroge le droit de diriger ou d’empêcher les actes religieux.
4. Liberté des groupes religieux
La liberté ou absence de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu’ils agissent ensemble. Des communautés religieuses, en effet, sont requises par la nature sociale tant de l’homme que de la religion elle-même.
Dès lors, donc, que les justes exigences de l’ordre public ne sont pas violées, ces communautés sont en droit de jouir de cette absence de contrainte afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d’un culte public la divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.
Les communautés religieuses ont également le droit de ne pas être empêchées, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les déplacer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résidant dans d’autres parties du monde, de construire des édifices religieux, ainsi que d’acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.
Les communautés religieuses ont aussi le droit de ne pas être empêchées d’enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais, dans la propagation de la foi et l’introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s’abstenir de toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il s’agit de gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d’agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une atteinte au droit des autres.
La liberté religieuse demande, en outre, que les communautés ne soient pas empêchées de manifester librement l’efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l’activité humaine. La nature sociale de l’homme, enfin, ainsi que le caractère même de la religion, fondent le droit qu’ont les hommes, mus par leur sentiment religieux, de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives, culturelles, caritatives et sociales.
5. Liberté religieuse de la famille
Chaque famille, en tant que société jouissant d’un droit propre et primordial, a le droit d’organiser librement sa vie religieuse à la maison, sous la direction des parents. À ceux-ci revient le droit de décider, selon leur propre conviction religieuse, de la formation religieuse à donner à leurs enfants. C’est pourquoi le pouvoir civil doit leur reconnaître le droit de choisir en toute liberté les écoles ou autres moyens d’éducation, et cette liberté de choix ne doit pas fournir prétexte à leur imposer, directement ou indirectement, d’injustes charges. En outre, les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de suivre des cours ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou lorsque est imposée une forme unique d’éducation d’où toute formation religieuse est exclue.
6. De la responsabilité à l’égard de la liberté religieuse
Le bien commun de la société – ensemble des conditions de vie sociale permettant à l’homme de parvenir plus pleinement et plus aisément à sa propre perfection – consistant au premier chef dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine [4], le soin de veiller au droit à la liberté religieuse incombe tant aux citoyens qu’aux groupes sociaux, aux pouvoirs civils, à l’Église et aux autres communautés religieuses, de la manière propre à chacun, en fonction de ses devoirs envers le bien commun.
C’est pour tout pouvoir civil un devoir essentiel que de protéger et promouvoir les droits inviolables de l’homme [5]. Le pouvoir civil doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse, de tous les citoyens et assurer des conditions favorables au développement de la vie religieuse en sorte que les citoyens soient à même d’exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté [6].
Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent certains peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l’ordre juridique de la cité à une communauté religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et sauvegardé.
Enfin, le pouvoir civil doit veiller à ce que l’égalité juridique des citoyens, qui relève elle-même du bien commun de la société, ne soit jamais lésée, de manière ouverte ou occulte, pour des motifs religieux, et qu’entre eux aucune discrimination ne soit faite.
Il s’ensuit qu’il n’est pas permis au pouvoir public, par force, intimidation ou autres moyens, d’imposer aux citoyens la profession ou le rejet de quelque religion que ce soit, ou d’empêcher quelqu’un de s’agréger à une communauté religieuse ou de la quitter. A fortiori, est-ce agir contre la volonté de Dieu et les droits sacrés de la personne et de la famille des peuples que d’employer la force, sous quelque forme que ce soit, pour détruire la religion ou lui faire obstacle, soit dans tout le genre humain, soit en quelque région, soit dans un groupe donné.
7. Limites de la liberté religieuse
C’est dans la société humaine que s’exerce le droit à la liberté en matière religieuse, aussi son usage est-il soumis à certaines normes qui le règlent.
Dans l’usage de toute liberté doit être observé le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale : la loi morale oblige tout homme et groupe social à tenir compte, dans l’exercice de leurs droits, des droits d’autrui, de leurs devoirs envers les autres et du bien commun de tous. À l’égard de tous, il faut agir avec justice et humanité.
En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c’est surtout au pouvoir civil qu’il revient d’assurer cette protection ; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et en favorisant injustement l’une des parties, mais selon des normes juridiques, conformes à l’ordre moral objectif, qui sont requises par l’efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et l’harmonisation pacifique de ces droits, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d’une vraie justice, ainsi que par la protection due à la moralité publique. Tout cela constitue une part fondamentale du bien commun et entre dans la définition de l’ordre public. Au demeurant, il faut observer la règle générale de la pleine liberté dans la société, selon laquelle on doit reconnaître à l’homme le maximum de liberté et ne restreindre celle-ci que lorsque c’est nécessaire et dans la mesure où c’est nécessaire.
8. Formation à l’usage de la liberté
De nos jours, l’homme est exposé à toutes sortes de pressions et court le danger d’être privé de son libre jugement personnel. Mais nombreux sont, d’autre part, ceux qui, sous prétexte de liberté, rejettent toute sujétion et font peu de cas de l’obéissance requise.
C’est pourquoi ce Concile du Vatican s’adresse à tous, mais tout particulièrement à ceux qui ont mission d’éduquer les autres, pour les exhorter à former des hommes qui, dans la soumission à l’ordre moral, sachent obéir à l’autorité légitime et aient à cœur la liberté authentique ; des hommes qui, à la lumière de la vérité, portent sur les choses un jugement personnel, agissent en esprit de responsabilité, et aspirent à tout ce qui est vrai et juste, en collaborant volontiers avec d’autres.
C’est donc un des fruits et des buts de la liberté religieuse que d’aider les hommes à agir avec une plus grande responsabilité dans l’accomplissement de leurs devoirs au cœur de la vie sociale.
CHAPITRE II :
La liberté religieuse à la lumière de la Révélation
9. La doctrine de la liberté religieuse a ses racines dans la Révélation
Ce que ce Concile du Vatican déclare sur le droit de l’homme à la liberté religieuse a pour fondement la dignité de la personne, dont, au cours des temps, l’expérience a manifesté toujours plus pleinement les exigences à la raison humaine. Qui plus est, cette doctrine de la liberté a ses racines dans la Révélation divine, ce qui, pour les chrétiens, est un titre de plus à lui être saintement fidèles. En effet, bien que la Révélation n’affirme pas explicitement le droit à l’exemption de toute contrainte extérieure dans le domaine religieux, elle dévoile dans toute son ampleur la dignité de la personne humaine, elle montre en quel respect le Christ a tenu la liberté de l’homme dans l’accomplissement de son devoir de croire à la Parole de Dieu, et elle nous enseigne de quel esprit doivent se pénétrer dans leur action les disciples d’un tel Maître. Tout cela met bien en relief les principes généraux sur lesquels se fonde la doctrine de cette déclaration sur la liberté religieuse. Et tout d’abord, la liberté religieuse dans la société est en plein accord avec la liberté de l’acte de foi chrétienne.
10. Liberté de l’acte de foi
C’est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la Parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères [7], que la réponse de foi donnée par l’homme à Dieu doit être libre ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui [8]. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire puisque l’homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l’adoption filiale [9] , ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père [10], il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu’en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes. Partant, un régime de liberté religieuse contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel l’homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l’embrasser de son plein gré et la confesser avec ferveur pendant toute sa vie.
11. Manière d’agir du Christ et des Apôtres
Dieu, certes, appelle l’homme à le servir en esprit et en vérité ; si cet appel oblige l’homme en conscience, il ne le contraint donc pas. Dieu, en effet, tient compte de la dignité de la personne humaine qu’il a lui-même créée et qui doit se conduire selon son propre jugement et jouir de sa liberté. Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus, en qui Dieu s’est manifesté lui-même pleinement et a fait connaître ses voies. Le Christ, en effet, notre Maître et Seigneur [11] doux et humble de cœur [12] a invité et attiré ses disciples avec patience [13]. Certes, il a appuyé et confirmé sa prédication par des miracles, mais c’était pour susciter et fortifier la foi de ses auditeurs, non pour exercer sur eux une contrainte [14]. Il est vrai encore qu’il a reproché leur incrédulité à ceux qui l’entendaient, mais c’est en réservant à Dieu le châtiment au jour du jugement [15]. Lorsqu’il a envoyé ses Apôtres dans le monde, il leur a dit : « Celui qui aura cru et aura été baptisé sera sauvé ; mais celui qui n’aura pas cru sera condamné » (Mc 16, 16). Mais, reconnaissant que de l’ivraie avait été semée avec le froment, il ordonna de les laisser croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, qui aura lieu à la fin des temps [16]. Ne se voulant pas Messie politique dominant par la force [17], il préféra se dire Fils de l’Homme, venu « pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu [18] , qui « ne brise pas le roseau froissé et n’éteint pas la mèche qui fume encore » (Mt 12, 20). Il reconnut le pouvoir civil et ses droits, ordonnant de payer le tribut à César, mais en rappelant que les droits supérieurs de Dieu doivent être respectés : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Enfin, en achevant sur la croix l’œuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité [19], mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l’épée [20], mais il s’établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes [21].
Instruits par la parole et l’exemple du Christ, les Apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l’Église, ce n’est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l’Évangile que les disciples du Christ s’employèrent à amener les hommes à confesser le Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la Parole de Dieu [22]. Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) ; mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l’erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment « chacun d’entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même » (Rm 14, 12) [23] , et, pour autant, est tenu d’obéir à sa propre conscience. Comme le Christ, les Apôtres s’appliquèrent toujours à rendre témoignage à la vérité de Dieu, pleins d’audace pour « annoncer la Parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) [24] devant le peuple et ses chefs. Une foi inébranlable leur faisait en effet tenir l’Évangile comme étant en toute vérité une force de Dieu pour le salut de tous les croyants [25]. Rejetant donc toutes les « armes charnelles [26] », suivant l’exemple de douceur et de modestie donné par le Christ, ils proclamèrent la Parole de Dieu avec la pleine assurance qu’elle était une force divine capable de détruire les puissances opposées à Dieu [27] et d’amener les hommes à croire dans le Christ et à le servir [28]. Comme leur Maître, les Apôtres reconnurent, eux aussi, l’autorité civile légitime : « Il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu », enseigne l’Apôtre, qui en conséquence ordonne : « Que chacun se soumette aux autorités en charge... Celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu » (Rm 13, 1-2) [29]. Mais, en même temps, ils ne craignirent pas de contredire le pouvoir public qui s’opposait à la sainte volonté de Dieu : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29) [30]. Cette voie, d’innombrables martyrs et fidèles l’ont suivie en tous temps et en tous lieux.
12. L’Église marche sur les pas du Christ et des Apôtres
L’Église, donc, fidèle à la vérité de l’Évangile, suit la voie qu’ont suivie le Christ et les Apôtres lorsqu’elle reconnaît le principe de la liberté religieuse comme conforme à la dignité de l’homme et à la Révélation divine, et qu’elle encourage une telle liberté. Cette doctrine, reçue du Christ et des Apôtres, elle l’a, au cours des temps, gardée et transmise. Bien qu’il y ait eu parfois dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l’histoire humaine, des manières d’agir moins conformes, bien plus même contraires à l’esprit évangélique, l’Église a cependant toujours enseigné que personne ne peut être amené par contrainte à la foi.
Ainsi, le ferment évangélique a-t-il longtemps agi dans l’esprit des hommes et beaucoup contribué à faire reconnaître plus largement, au cours des temps, la dignité de la personne humaine, et à faire mûrir la conviction qu’en matière religieuse cette personne doit, dans la cité, être exempte de toute contrainte humaine.
13. Liberté de l’Église
Parmi les choses qui concernent le bien de l’Église, voire le bien de la cité terrestre elle-même, et qui, partout et toujours, doivent être sauvegardées et défendues contre toute atteinte, la plus importante est certainement que l’Église jouisse de toute la liberté d’action dont elle a besoin pour veiller au salut des hommes [31]. Elle est sacrée, en effet, cette liberté dont le Fils unique de Dieu a doté l’Église, qu’il a acquise de son sang. Elle est si propre à l’Église que ceux qui la combattent agissent contre la volonté de Dieu. La liberté de l’Église est un principe fondamental dans les relations de l’Église avec les pouvoirs publics et tout l’ordre civil.
Dans la société humaine et devant tout pouvoir public, l’Église revendique la liberté en tant qu’autorité spirituelle instituée par le Christ Seigneur et chargée par mandat divin d’aller par le monde entier prêcher l’Évangile à toute créature [32]. L’Église revendique également la liberté en tant qu’elle est aussi une association d’hommes ayant le droit de vivre dans la société civile selon les préceptes de la foi chrétienne [33].
Dès lors, là où existe un régime de liberté religieuse, non seulement proclamée en paroles ou seulement sanctionnée par des lois, mais mise effectivement et sincèrement en pratique, là se trouvent enfin fermement assurées à l’Église les conditions, de droit et de fait, de l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de sa divine mission, indépendance que les autorités ecclésiastiques ont revendiquée dans la société avec de plus en plus d’insistance [34]. En même temps, les fidèles du Christ, comme les autres hommes, jouissent, sur le plan civil, du droit de ne pas être empêchés de mener leur vie selon leur conscience. Il y a donc bon accord entre la liberté de l’Église et cette liberté religieuse qui, pour tous les hommes et toutes les communautés, doit être reconnue comme un droit et sanctionnée juridiquement.
14. Fonction de l’Église
Pour obéir au précepte divin : « Enseignez toutes les nations » (Mt 28, 19), l’Église catholique doit s’employer, sans mesurer sa peine, à ce « que la Parole de Dieu accomplisse sa course et soit glorifiée » (2 Th 3, 1).
L’Église demande donc expressément à ses fils « qu’avant tout se fassent des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes... Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu, notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 1-4).
Mais les fidèles du Christ, pour se former la conscience, doivent prendre en sérieuse considération la doctrine sainte et certaine de l’Église [35]. De par la volonté du Christ, en effet, l’Église catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d’exprimer et d’enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l’ordre moral découlant de la nature même de l’homme. En outre, les chrétiens doivent aller avec sagesse au-devant de ceux qui sont au-dehors, et s’efforcer « dans l’Esprit saint, avec une charité sans feinte, dans la parole de vérité » (2 Co 6, 6-7) de répandre la lumière de vie en toute assurance [36] et courage apostolique, jusqu’à l’effusion de leur sang.
Car le disciple a envers le Christ son maître le grave devoir de connaître toujours plus pleinement la vérité qu’il a reçue de lui, de l’annoncer fidèlement et de la défendre énergiquement, en s’interdisant tout moyen contraire à l’esprit de l’Évangile. Mais la charité du Christ le presse aussi d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi [37]. Il faut donc prendre en considération tant les devoirs envers le Christ, Verbe vivifiant, qui doit être annoncé, que les droits de la personne humaine et la mesure de grâce que Dieu, par le Christ, a accordée à l’homme, invité à accueillir et à professer la foi de son plein gré.
15. Conclusion
Il est manifeste qu’aujourd’hui l’homme souhaite pouvoir librement professer sa religion, en privé et en public ; bien plus, que la liberté religieuse est maintenant proclamée dans la plupart des Constitutions comme un droit civil et qu’elle est solennellement reconnue par des documents internationaux [38].
Mais il est des régimes, où, bien que la liberté de culte religieux soit reconnue dans la Constitution, les pouvoirs publics eux-mêmes s’efforcent de détourner les citoyens de professer la religion et de rendre la vie des communautés religieuses difficile et précaire.
Saluant avec joie les signes favorables qu’offre notre temps, mais dénonçant avec tristesse ces faits déplorables, le saint Concile demande aux catholiques, mais prie aussi instamment tous les hommes d’examiner avec le plus grand soin à quel point la liberté religieuse est nécessaire, surtout dans la condition présente de la famille humaine.
Il est, en effet, manifeste que les peuples sont aujourd’hui portés à s’unir toujours davantage ; que des relations plus étroites s’établissent entre populations de culture et de religion différentes ; que s’accroît la conscience prise par chacun de sa responsabilité personnelle. Pour que des relations pacifiques et la concorde s’instaurent et s’affermissent dans l’humanité, il est donc nécessaire qu’en tous lieux, la liberté religieuse soit sanctionnée par une garantie juridique efficace et que soient respectés les devoirs et les droits suprêmes qu’ont les hommes de mener librement leur vie religieuse dans la société.
Fasse Dieu, Père de tous les hommes, que la famille humaine, à la faveur d’un régime assuré de liberté religieuse dans la société, par la grâce du Christ et la puissance de l’Esprit saint, parvienne à la sublime et éternelle « liberté de la gloire des fils de Dieu » (Rm 8, 21).
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 7 décembre 1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
[1] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 279 ; ibid., p. 265. – Pie XII, message radioph., 24 décembre 1944 : AAS 37 (1945), p. 14.
[2] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 260-261. – Pie XII, Message radioph., 24 décembre 1942 : AAS 35 (1943), p. 19. – Pie XI, Encycl. Mit brennender Sorge, 14 mai 1937 : AAS 29 (1937), p. 160. – Léon XIII, encycl. Libertas praestantissimum, 20 juin 1888 : Acta Leonis XIII, 8 (1888), p. 237-238.
[3] .Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 270. – Paul VI, Message radioph., 22 décembre 1964 : AAS 57 (1965), p. 181-182. – Saint Thomas, Somme théologique, Ia IIae, q. 91, a. 4 c.
[4] Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 417. – Idem, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 273.
[5] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 273-274. – Pie XII, Message radioph., 1er juin 1941 : AAS 33 (1941), p. 200.
[6] Léon XIII, Encycl. Immortale Dei, 1er novembre 1885 : ASS 18 (1885), p. 161.
[7] Lactance, Divinarum Institutionum, liv. V, 19 : csel 19, p. 463-465 ; PL 6, 614-616 (liv. II, chap. 20). – Saint Ambroise, Epistola ad Valentinianum Imp., Ep. 21 : PL 16, 1005. – Saint Augustin, Contra litteras Petiliani, 83 : csel 52, p. 112 ; PL 43, 315 ; cf. C. 23, q. 5, c. 33 (ed. Friedberg, col. 939). – Saint-Grégoire, Epistola ad Virgilium et Theodorum Episcopos Massiliae Galliarum, Registrum Epistolarum, I, 45 : MGH Ep. 1, p. 72 ; PL 77, 510-511 (liv. I, Ep. 47). – Idem, Epistola ad Ioannem Episcopum Constantinopolitanum, Registrum Epistolarum III, 52 : MGH Ep. 1, p. 210 ; PL 77, 649 (liv. III, Ep. 53) ; cf. D. 45, C. 1 (ed. Friedberg, col. 160). – Conc. Tolède. IV, c. 57 : Mansi 10, 633 ; cf. D. 45, c. 5 (ed. Friedberg, col. 161-162). – Clément III : X., V, 6, 9 (ed. Friedberg, col. 774). – Innocent III, Epistola ad Arelatensem Archiepiscopum, X., III, 42, 3 (ed. Friedberg, col. 646).
[8] CIC, c. 1351. – Pie XII, allocution Ad Praelatos auditores caeterosque officiales et administros Tribunalis S. Romanae Rotae, 6 octobre 1946 : AAS 38 (1946), p. 394. – Idem, Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943 : AAS 35 (1943), p. 243.
[9] Ep 1, 5.
[10] Jn 6, 44.
[11] Jn 13, 13.
[12] Mt 11, 29.
[13] Mt 11, 28-30 ; Jn 6, 67-68.
[14] Mt 9, 28-29 ; Mc 9, 23-24 ; 6, 5-6. – Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam, 6 août 1964 : AAS 56 (1964), p. 642- 643.
[15] Mt 11, 20-24 ; Rm 12, 19-20 ; 2 Th 1, 8.
[16] Mt 13, 30.40-42.
[17] Mt 4, 8-10 ; Jn 6, 15.
[18] Is 42, 1-4.
[19] Jn 18, 37.
[20] Mt 26, 51-53 ; Jn 18, 36.
[21] Jn 12, 32.
[22] 1 Co 2, 3-5 ; 1 Th 2, 3-5.
[23] Rm 14, 1-23 ; 1 Co 8, 9-13 ; 10, 23-33.
[24] Ep 6, 19-20.
[25] Rm 1, 16.
[26] 2 Co 10, 4 ; 1 Th 5, 8-9.
[27] Ep 6, 11-17.
[28] 2 Co 10, 3-5.
[29] 1 P 2, 13-17.
[30] Ac 4, 19-20.
[31] Léon XIII, lettre Officio sanctissimo, 22 décembre 1887 : AAS 20 (1887), p. 269. – Idem, lettre Ex litteris, 7 avril 1887 : AAS 19 (1886), p. 465.
[32] Mc 16, 15 ; Mt 28, 18-20. – Pie XII, Encycl. Summi Pontificatus, 20 octobre 1939 : AAS 31 (1939), p. 445- 446.
[33] Pie XI, lettre Firmissimam constantiam, 28 mars 1937 : AAS 29 (1937), p. 196.
[34] Pie XII, Allocution Ci riesce, 6 décembre 1953 : AAS 45 (1953), p. 802.
[35] Pie XII, Message radioph., 23 mars 1952 : AAS (1952), p. 270-278.
[36] Ac 4, 29.
[37] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 299-300.
[38] Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris, 11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 295-296.
Liturgie
Aujourd'hui : Saturday 27 April 2024 - Le samedi de la 4e semaine de Pâques
Saint(s) du jour : Ste Zita, vierge et servante (+ 1278)
Bx Nicolas Roland, prêtre et fondateur (+ 1678)
Bse Hosanna (Catherine Kosic), dominicaine (+ 1565)
Bx Noël Tenaud, prêtre MEP et martyr (+ 1961)
Bx Joseph Outhay Phongphumi, catéchiste et martyr (+ 1961)
St Siméon, évêque et martyr (+ 107)
St Pallion, lecteur et martyr (+ v. 303)
St Théodore, abbé au IVe siècle
St Libéral, ermite (+ v. 400)
St Macal ou Maugan, évêque (+ Ve s.)
St Jean, higoumène au IXe siècle
St Pierre Armengol, brigand puis religieux (+ 1304)
Bx Jacques Varinguer, religieux o.f.m. (+ 1485)
St Laurent Nguyen Van Huong, prêtre et martyr (+ 1856)
Bse Marie-Antonie Bandrés y Elosegui, vierge (+ 1919)
Bse Elisabeth Vendramini, religieuse (+ 1860)
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