QU’EST-CE QUI EST LE PLUS SAIN ?

10ème dimanche du temps ordinaire – Année B

En ce temps-là, Jésus revint à la maison, où de nouveau la foule se rassembla, si bien qu’il n’était même pas possible de manger. Les gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. » Les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : « Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. » Les appelant près de lui, Jésus leur dit en parabole : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas tenir. Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir. Si Satan s’est dressé contre lui-même, s’il est divisé, il ne peut pas tenir ; c’en est fini de lui. Mais personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord ligoté. Alors seulement il pillera sa maison. Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. » Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. » Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. » Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » (Marc 3,20-35)

La culture moderne exalte la valeur de la santé physique et mentale, et consacre toute sorte d’efforts pour prévenir et à combattre les maladies. Mais, en même temps, nous sommes en train de construire une société dans laquelle il n’est pas facile de vivre sainement.

Jamais la vie n’a été si menacée par le déséquilibre écologique, par la pollution, par le stress ou la dépression. Par ailleurs, nous promouvons un style de vie où le manque de sens, l’absence de valeurs, un certain type de surconsommation, la banalisation du sexe, l’incommunication, et tant d’autres frustrations empêchent les personnes de grandir d’une manière saine.

Sigmund Freud, dans son œuvre Le malaise dans la culture, prévoyait la possibilité qu’une société soit malade dans son ensemble et qu’elle puisse souffrir des névroses collectives dont peu d’individus seraient peut-être conscients. Il peut même arriver qu’au sein d’une société malade, l’on considère comme malades précisément les plus sains.

Quelque chose de semblable se produit avec Jésus, dont les parents pensent « qu’il n’est pas sain d’esprit », tandis que les scribes venus de Jérusalem considèrent « qu’il est possédé par Béelzéboul ».

Dans tous les cas, il nous faut affirmer qu’une société est saine dans la mesure où elle favorise un sain développement des personnes. Par contre, lorsqu’elle les pousse au vide intérieur, à la fragmentation, à la chosification ou à la dissolution en tant qu’êtres humains, nous pouvons dire que cette société est, pour le moins, pathogène.

C’est pourquoi il nous faut être suffisamment lucides pour nous demander si nous ne sommes pas en train de tomber dans des névroses collectives et dans des conduites malsaines sans en être à peine conscients.

Qu’est-ce qui est le plus sain, nous laisser entraîner par une vie de confort et de commodité excessifs au point d’engourdir notre esprit et de diminuer la créativité des personnes, ou vivre de manière sobre et modérée, sans tomber dans « la pathologie de l’abondance » ?

Qu’est-ce qui est le plus sain, continuer à fonctionner comme des « objets » qui tournent dans la vie dépourvus de sens, en la réduisant à un « système de désirs et de satisfactions », ou construire son existence au jour le jour, en lui donnant un sens ultime à partir de la foi ? N’oublions pas que Carl G. Jung a osé considérer la névrose comme « la souffrance de l’âme qui n’a pas trouvé son sens ».

Qu’est-ce qui est le plus sain, remplir sa vie de choses, de produits de mode, de vêtements, de boissons, de revues et de télévision, ou prendre soin des besoins les plus profonds et intimes de l’être humain dans ses relations de couple, dans son foyer et dans la vie sociale ?

Qu’est-ce qui est le plus sain, réprimer notre dimension religieuse en vidant notre vie de toute transcendance, ou vivre dans une attitude de confiance en ce Dieu « ami de la vie » qui ne veut et qui ne cherche que la plénitude de l’être humain ?

Auteur : José Antonio Pagola
Traducteur : Carlos Orduna, csv

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