“La Parole de Dieu est l'unique pain de vie” me disait un jour un frère évangélique... pour me faire comprendre qu'eux n'ont pas besoin du Pain eucharistique. Nos frères évangéliques sont à féliciter pour le grand amour qu'ils ont pour la Parole de Dieu en tant que Pain de Vie. Mais je suis surpris de la facilité avec laquelle certains évangéliques refusent le Pain de l'Eucharistie. La célébration eucharistique n'est pas une invention des prêtres, mais, selon la Bible, elle est un mandat du Christ lui-même.

1. Le Pain de la Parole et le Pain Eucharistique

Dans l'Évangile selon Saint Jean, Jésus fait une très profonde réflexion sur ce thème. Jésus proclame que le véritable Pain descendu du ciel, c'est Lui (Jn 6, 33-35) et il donne deux raisons pour nous l'expliquer :

a) Jésus est le Pain de Vie par sa Parole qui ouvre la vie éternelle à ceux qui croient (Jn 6, 26-51). C'est-à-dire que Jésus est le Pain de la Parole qu’il faut croire.

b) Jésus est le Pain de Vie par sa chair et son sang qui nous sont donnés comme véritable nourriture et boisson (Jn 6, 51-58). C'est avec ces paroles que Jésus annonce l'Eucharistie qu'il va instituer lors de la dernière Cène. “ Prenez et mangez, ceci est mon Corps ” (Lc 22, 19). “ Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui “ (Jn 6, 55-56).

D’après ces textes, il est clair que nous ne devons pas nous limiter au seul Pain de la Parole. Jésus nous invite aussi à “ manger réellement son corps " en tant que Pain eucharistique.

À cet égard, certains groupes chrétiens pensent que le Pain eucharistique est simplement un symbole du Christ et refusent la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Nous catholiques, ainsi que les anglicans, les orthodoxes et la plupart des protestants, croyons que Jésus est réellement présent sous les apparences du pain et du vin.

En effet, pour nous les expressions “ Ceci est mon corps ", “ Ceci est mon sang “ ne sont pas du langage figuré. En prenant le pain et le vin, Jésus n’a pas dit : “ Ceci représente ” ou “ Ceci signifie ” mon corps et mon sang, comme les Témoins de Jéhovah l'ont traduit dans leur Bible. Le verbe grec utilisé parla Bible est bien estin (être) et en aucun cas ce mot ne peut être traduit par “ signifier ”.

Dès les premiers siècles, les chrétiens ont cru à cette présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Ils ont pris au sérieux la parole de Jésus au cours du dernier repas qu'il a partagé avec les apôtres. Saint Justin (vers l'an 150) écrit : “ Nous ne prenons pas cet aliment comme un pain ordinaire et comme une boisson ordinaire. De même que, par la puissance du Fils de Dieu, Jésus-Christ notre sauveur a pris chair et sang pour notre salut, ainsi la nourriture consacrée par la prière, formée des paroles du Christ, et qui doit nourrir notre chair et notre sang, est la chair et le sang du Fils de Dieu fait homme”.

2. Jésus nous invite à manger son corps et à boire son sang

C'est après la multiplication des pains que Jésus prononce son discours sur “ son corps, Pain de Vie ” (Jn 6, 51-58) et, à cette occasion, pour la première fois, le Seigneur parle de l'Eucharistie. “ Le pain que je vous donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde “ (Jn 6, 51).

Lorsque Jésus dit ces paroles, beaucoup de disciples l’abandonnèrent ; expliquant que cette manière de parler était insupportable (Cf. Jn 6, 59-66). Mais Jésus dit qu'il n’était pas en train de parler au sens figuré. Il insista : “ En vérité, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous ” (Jn 6, 53). De plus, Jésus demande aux Douze : “ Vous aussi, vous voulez partir ? ”

Jésus n’a donc pas parlé au sens symbolique ou figuré. Il a bien dit au sens propre : “ Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au demier jour ” (Jn 6, 54).

La Dernière Cène du Seigneur

Nous trouvons dans le Nouveau Testament jusqu'à quatre témoignages différents sur la Dernière Cène : Matthieu, Marc, Luc et Paul. Cela veut dire que la Dernière Cène a été un fait de grande importance dans la vie de Jésus et dans la vie de l’Église primitive.

La nuit avant sa mort, Jésus invita ses apôtres à célébrer la Pâque des Juifs qui consistait surtout en une cène solennelle. Ce repas était pour les Juifs “ la grande action de grâce " à Dieu. Jésus profita de cette cène pascale pour lui donner un sens nouveau et profond.

Nous lisons dans l’Évangile de Luc : “ Après, Jésus prit du pain, il rendit grâce (“eucharistein" en grec), il le partagea et le leur donna en disant : “ Ceci est mon corps livré pour vous. Vous ferez cela en mémoire de moi". Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : “ Cette coupe est la nouvelle alliance scellée dans mon sang qui va être versé pour vous ” (Lc 22, 19-20).

La dernière Cène du Seigneur a beaucoup de significations

Nous n’indiquerons ici que quelques aspects importants par rapport à notre thème :

a) La Cène du Seigneur est “ la grande action de grâce à Dieu ". Le mot grec “ Eucharistein ” (Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24) rappelle les bénédictions qui proclament les œuvres de Dieu en faveur de l'homme : la création, la Rédemption et la sanctification. L'Église a choisi le mot “ Eucharistie " pour désigner la Cène du Seigneur.

b) Lorsque Jésus dit en partageant le pain : “ Prenez et mangez, ceci est mon corps " il ne parlait pas en forme symbolique. Ces paroles annonçaient clairement sa présence mystérieuse et réelle sous les signes du pain et du vin. Jésus donna réellement un sens nouveau au pain et au vin. Il dit clairement : “ Ceci est mon corps " avec un grand réalisme.

c) Jésus donna à ses apôtres le mandat de rappeler et de revivre ces gestes sacrés : “ Faites ceci en mémoire de moi " (Lc 22, 19). Fidèle à ce mandat de Jésus, l'Église réalise continuellement depuis la dernière Cène du Seigneur jusqu’à nos jours les signes sacrés à chaque Eucharistie. Ces signes sont à la foi figure et réalité du corps ressuscité du Christ : un mémorial vivant du Christ glorieux.

d) L’Apôtre Paul, pour nous rappeler combien la nourriture eucharistique est sacrée, écrit dans des termes très clairs : “ La coupe que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Et le pain que nous partageons n’est-il pas communion au corps du Christ ? “ (1 Co 10, 16).

Pour Paul, ce pain et ce vin, une fois sacrés, ne sont pas un simple symbole du corps et du sang, mais ils sont réellement le corps et le sang du Christ ressuscité.

Et c'est dans ce sens que l'Apôtre continue d'écrire aux Corinthiens, après leur avoir reproché certains abus qui avaient lieu lors de leurs réunions : “ Ainsi donc, toutes les fois que vous mangez ce pain et buvez ce calice, vous proclamez la mon du Seigneur jusqu’à ce qu'il vienne. Si quelqu'un manque de respect quand il mange le pain ou boit le calice du Seigneur, il pèche contre le corps et le sang du Seigneur; Que chacun donc s'examine avant de manger le pain et boire le calice. Car s'il ne reconnaît pas le Corps, il mange et boit sa propre condamnation " (1 Co 11, 26-30).

Par ces paroles, saint Paul nous invite à réaliser le sérieux de la communion. Celle-ci suppose un acte de foi dans la réalité de la présence du corps ressuscité du Seigneur qui se donne à nous par amour. Elle nous engage aussi à demeurer en communion avec le Christ dans toute notre vie et à le servir dans nos frères.

3. Considérations finales

Comme au temps de Jésus, aujourd'hui encore beaucoup de gens doutent de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin eucharistiques. Ils se demandent : Comment cela peut-il se faire ? Est-il possible à notre intelligence d’accepter une chose pareille ?

C'est vrai, notre intelligence humaine n'est pas capable de capter cette présence mystérieuse, mais réelle, du Christ dans l'Eucharistie. Ce n'est qu'avec les yeux de la foi que nous pouvons expérimenter cette présence réelle et intime du Christ.

La présence du corps du Christ dans le pain et le vin eucharistiques n'est pas une présence physique, c’est-à-dire une présence matérielle de son corps biologique, comme si l'on pouvait dire : “ Jésus est ici, assis à table, à côté de moi N’oublions pas que le corps du Christ, après sa mort et sa résurrection, est pour toujours un corps glorifié, un corps transformé, céleste, qui se fait réellement présent parmi nous dans le pain et le vin consacrés. C’est une présence réelle du corps du Christ ressuscité. Pas une présence matérielle du Christ, mais une présence terrestre de son corps glorifié.

Autrement dit : à travers un geste visible (manger et boire le pain et le vin eucharistiques) le croyant participe à une réalité invisible mais réelle, car il entre réellement en communion avec le Christ ressuscité et glorifié. C'est un sacrement, c'est-à-dire un signe externe qui contient une réalité surnaturelle.

Dans la Cène du Seigneur (la Sainte Messe) notre foi nous mène à recevoir comme corps et sang du Christ quelques aliments qui ne semblent être que du pain et du vin. Mais c'est à travers ces signes sacrés ou sacrements que le Christ devient réellement pour nous nourriture et vie.

La communion eucharistique est le cœur de la vie de l'Église, car l'Église est avant tout famille, communion. C’est là que nous pouvons expérimenter, déjà sur cette terre, notre “ commune union " (communion) avec le Christ et entre nous. Et c'est pourquoi chaque dimanche et même chaque jour les chrétiens se rassemblent pour célébrer ce mystère de la foi.

4. Les différents noms de l’Eucharistie

Il y a plusieurs noms pour désigner ce sacrement, mais la signification est toujours la même :

Eucharistie : parce qu’il est “ action de grâce ” à Dieu. Le mot grec “ eucharistein " (Lc 22, 19 et 1 Co 11, 24) rappelle les bénédictions que faisaient les Juifs lors du repas pascal pour remercier Dieu à cause de ses merveilles. C'est au cours de cette prière d'action de grâce que Jésus a institué le sacrement de son corps et de son sang.

Cène ou Banquet du Seigneur : Car il s'agit de la Cène que Jésus prit avec ses disciples la veille de sa passion (1 Co 11, 20).

Fraction du pain : C'est le nom utilisé par les premiers chrétiens. Il fait référence au geste de Jésus lors de la dernière cène, lorsqu'il rompit le pain et le partagea à ses apôtres en disant : “ Ceci est mon corps livré pour vous " (Mt 26, 26 ; 1 Co 11, 24 ; Ac 2, 42 ; 20, 7-11).

Communion : Car c'est par ce sacrement que nous nous unissons au Christ qui nous partage son corps et son sang pour que nous ne formions qu'un seul corps en communion avec nos frères et sœurs (1 Co 10, 16- 17).

Saint Sacrifice du Christ : Parce que ce sacrement est la réactualisation pour nous, ici et maintenant, de la Rédemption accomplie par le Christ, une fois pour toutes, dans l'unique sacrifice de la croix.

Nous nous unissons à l’offrande du Christ pour la gloire de Dieu et le salut du inonde. C'est le “ Sacrifice de louange ” (Ac 13, 15), le “ Sacrifice spirituel ” (1 P 2, 5).

Sainte Messe : Le mot messe vient du mot latin missio qui veut dire envoi. La célébration eucharistique se termine avec l’envoi en mission des fidèles : “ Allez dans la paix du Christ ". En choisissant ce terme, on veut insister sur le fait que la communion au corps et au sang du Christ doit se prolonger dans notre vie quotidienne.

Pour réfléchir

1. Jésus est-il le pain de la vie ?

2. Comment certains “ évangéliques ” interprètent-ils le texte de Luc 22, 19 ?

3. Et nous catholiques, comment l’interprétons-nous ?

4. Est-ce que Jésus nous invite à manger son corps ?

5. À quel moment Jésus nous a-t-il demandé de manger le pain de vie ?

6. Comment les trois synoptiques présentent-ils la dernière Cène ?

7. Jésus, en parlant de sa présence dans l’Eucharistie parlait-il de manière réelle ou symbolique ?

8. Que nous dit Paul au sujet de la communion ?

9. Le Christ est-il vraiment présent parmi nous ?

Père Carlos Orduna Diez
Clerc de Saint Viateur
1999