Nous constatons que certains frères des Églises Évangéliques n’aiment pas appeler père les prêtres. Et même s'ils savent bien que dans l'Église Catholique on a l'habitude d’appeler ces ministres père, certains disent monsieur ou monsieur le prêtre ou, dans le meilleur des cas, ils disent frère.

Moi, j’aime qu'on m'appelle frère, mais il ne faut pas penser que l'on fait une incorrection en appelant un prêtre père.

Voyons dans ce chapitre d’où provient cette appellation père et quel est son sens.

1. Que nous dit la Bible sur le nom père

Vous avez sûrement entendu le texte biblique qui dit : “Ne donnez à personne sur cette terre le titre de Père, car vous n'avez qu'un Père, celui du Ciel...Vous êtes tous des frères” (Mt 23, 8-9). C’est en raison de cette parole que beaucoup pensent qu’on ne devrait jamais donner à un prêtre le titre de père.

Regardons le contexte : Jésus dit cette parole à l'égard des chefs du peuple et des pharisiens qui étaient les interprètes officiels de la loi de Moïse et qui voulaient tout décider sur les problèmes de la religion en se prenant un peu pour Dieu.

Mais si nous lisons bien l'ensemble de la Bible nous nous rendrons compte qu’on y fait toujours la distinction entre Père (avec un “P” majuscule), titre d'honneur réservé au Dieu Unique, source et fin de toute chose, et père (avec un “p” minuscule), c'est-à-dire celui qui donne la vie humaine ou un père spirituel.

Comment Jésus va-t-il défendre à un enfant d'appeler père l'homme qui lui a transmis la vie ? Et pourquoi ne pas donner le nom de père aux hommes de Dieu qui ont contribué à nous donner la vie divine ?

Même St Paul dit aux Corinthiens : “Car même si beaucoup de gens peuvent vous mener au Christ, vous n'avez pas plusieurs pères. C’est moi qui suis devenu votre “père” en vous apportant l'Évangile" (1 Co 4, 15).

La même chose arrive avec le mot Maître. Le seul Maître (avec un “M” majuscule) est Dieu, mais cela n’empêche que nous puissions appeler maître (avec un “m” minuscule) un professeur, un artisan ou un avocat.

Bref, nous n’avons qu’un Père et un Maître au sens propre qui est Dieu, manifesté en Jésus-Christ. Et personne ne peut s'approprier les prérogatives de Dieu.

Dieu est donc l'unique Père et Maître. Il est le seul Père en ce sens qu'il est source et origine de toute chose. St Paul dit : “Pour nous, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père ; tout vient de lui et nous allons vers lui” (1 Co 8, 6).

Selon ce texte il est clair que l’on ne doit donner ce titre divin à personne d'autre que Dieu. Il est le Père et le Maître par nature. En lui, se trouve l’origine de tout bien, de la vie, de toute sagesse. Mais par analogie, il peut y avoir, parmi nous, beaucoup de pères et des maîtres, dans la mesure où nous participons de quelque façon à la paternité et à la maîtrise de Dieu.

Cependant, Jésus veut mettre en garde ceux qui exerceront le service d’autorité dans son Église : personne dans l'Église (ni le pape, ni les évêques, ni les prêtres) ne doit éclipser le Père unique, en favorisant, par exemple, le culte de la personnalité ou d'autres attitudes contraires à la fraternité chrétienne et à la manière dont Jésus comprenait l'exercice de l'autorité (cf. Mt 20, 25-28).

Il nous faut faire attention : Jésus ne veut pas que nous donnions des titres d'honneur aux membres de la communauté (actuellement, par exemple il y a des évêques qui préfèrent être appelés père évêque au lieu de monseigneur). Mais, en réalité, le plus important n’est pas le titre qu'on donne aux responsables, c'est plutôt l'esprit d’humilité et le service avec lesquels ils exercent leur autorité. Cependant, ne pensons pas que Jésus voulait en finir avec toute autorité parmi nous. Non, ce que Jésus voulait c'est que les responsables de la communauté des croyants servent le peuple avec humilité et dévouement et qu’ils ne tombent pas dans la tentation de vouloir éclipser Dieu avec une autorité mal comprise et mal exercée.

Et c’est pour exprimer ce service de paternité spirituelle que depuis des siècles et par analogie, on appelle les prêtres père ou abbé (du mot hébreu abba qui signifie père).

C'est pourquoi chaque papa, chaque prêtre, chaque évêque et le pape (saint Père) lorsqu'ils sont appelés père, doivent penser à cette phrase de Paul aux Éphésiens : “Je fléchis le genou en présence de Dieu le Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom” (Ep 3, 14).

2. Jésus appelle Dieu “mon père”

Jésus en tant que Verbe incarné, en tant qu’homme, se définit comme le “fils Unique du Père", par nature.

“Tout m'a été remis par mon Père et personne ne connaît vraiment le Fils, si ce n'est le Père ; et personne ne connaît vraiment le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler"(Mt 11, 27). Ce texte biblique nous fait voir qu'il existe une relation unique et intime entre le Père et le Fils. Jésus est le seul qui peut à proprement parler, appeler Dieu Père, car il est son Fils par nature.

Cependant, nous appelons aussi Dieu notre Père puisque, par la force de l'Esprit Saint, nous sommes devenus fils de Dieu. Jésus l'est par nature, nous par adoption (mais, attention ! c'est plus que les adoptions humaines, car nous avons reçu en nous la vie même de Dieu qui nous a été donnée par Jésus-Christ lorsque nous avons été baptisés dans l'eau et l'Esprit Saint). Dieu est donc l'Unique Père, origine et fin de toute chose, c'est pourquoi Jésus nous dit de n’attribuer à personne ce titre divin. Mais il ne veut pas empêcher les enfants d'appeler leur père papa ou les membres d'une communauté d'appeler père leur prêtre. Aussi bien le mot père que maître font partie de notre langage commun et courant et peuvent être utilisés, sans aucun problème, dans nos conversations.

Même la Bible utilise ces termes : “Honore ton père et ta mère" (Lc 18, 20). Et l'apôtre Paul : “Vous, jeunes, obéissez à votre père et à votre mère, car c’est un devoir” (Ep 6, 1; Col 3, 20 ; 1 Tm 1, 9). Et si l’apôtre appelle les chrétiens fils dans la foi, cela signifie que les fils peuvent correspondre en l'appelant père dans la même foi.

3. La paternité spirituelle de l'apôtre

La Bible nous parle donc d'une paternité spirituelle.

- L'apôtre Paul proclame le Patriarche Abraham père dans la Foi : “ainsi Abraham est le père de tous ceux qui croient" (Rm 4, 11).

- L’apôtre Jean donne aux anciens ou responsables de la communauté le nom de père (cf. 1 Jn 2, 13-14)

- Dans leurs lettres les apôtres appellent les croyants “mes enfants, mes petits enfants" (cf. Ga 4, 19 et 1 Jn 2, l-12 et 18, 28). Si l'apôtre les appelle fils c'est que, sans doute, ils l’appelaient père.

- Timothée, le collaborateur de l’apôtre Paul, est appelé quatre fois du nom de “fils dans la foi" (cf. 1 Tm 2, 18 ; 2 Tm 1, 2 et 2, 1). Aussi, nous lisons en Philémon 1, 10 : “celui qui te prie est Paul, un homme d'âge respectable, et maintenant prisonnier pour le Christ Jésus, et la pétition est pour mon enfant Onésime ; car dans ma prison j'ai eu ce fils"

- Dans d'autres textes, l’apôtre Paul se présente aussi comme un père : “Vous savez que Timothée a fait ses preuves et il a travaillé avec moi pour l'Évangile comme un fils avec son père” (Ph 2, 22).

Voilà donc le sens dans lequel l'Église catholique utilise le terme père pour s’adresser aux pasteurs de la communauté. Il n'y a là aucune offense contre Dieu. Il s'agit simplement d'une paternité spirituelle, comme l’exprime l’apôtre Paul.

4. L’important c'est d'être un serviteur de la communauté

La question du titre a peu d’importance. L’important est plutôt que le prêtre ou l’évêque soit un véritable serviteur de la communauté. S'il ne l'est pas, on aura beau lui donner des titres traduisant le service, c'est là qu’on trouvera la contradiction. Et cette attitude contradictoire se manifeste lorsque le prêtre veut utiliser son titre de père pour se faire servir et pour occuper toujours les premières places et aussi lorsque les fidèles veulent traiter leurs pasteurs comme s'ils étaient des demi-dieux. Il faut éviter ces attitudes car elles ne sont pas évangéliques. Nous, ministres de la communauté, devons être d’authentiques serviteurs. L’attitude orgueilleuse des pharisiens et les maîtres de la loi (cf. Mt 23, 8-9) est une tentation à éviter. Autrement, nous risquons de vouloir nous approprier l’autorité de Dieu et de “nous asseoir, comme les pharisiens, sur la chaire de Moïse" (Mt 23, 2).

Toute autorité dans l'Église doit avoir comme fondement la fraternité et le service de Dieu et des frères. Celui qui enseigne et qui dirige la communauté est aussi un homme pécheur et ne doit pas s’identifier aux grands de ce monde ni adopter leurs coutumes. Au contraire, il doit être pour tous un ami, un frère, un père et un humble serviteur en Christ Jésus.

Cela n'empêche pas que les pasteurs exercent effectivement leur autorité. Ce serait tomber dans l’autre extrême, si les pasteurs de l’Église renonçaient à leur autorité sous prétexte d'humble service, en devenant des simples exécutants de ce que la majorité aurait décidé.

Enfin, je le répète une fois de plus, dans cette question du titre père, frère pasteur ou maître, c'est l'esprit qui compte et non pas la lettre. Comme disait l'Apôtre : “La lettre tue, alors que l'esprit donne la vie" (2 Co 3, 6).

Pour réfléchir

1. Que dit Jésus en Mt 23, 8-9 ?

2. Qui est, au sens propre, le seul Père et Maître ?

3. Pouvons-nous nous approprier les attributs divins ?

4. Pouvons-nous, cependant, utiliser le mat père ou maître au sens figuré ?

5. Que dit la Bible sur Jésus à ce propos ?

6. A qui Jésus était-il obéissant ?

7. Le mot père appliqué aux parents, est-il utilisé dans la Bible ?

8. Reconnaît-on dans la Bible une paternité à l’égard des enfants dans la foi ?

9. Quelle était la pratique de Paul à ce propos ?

10. Dans ce sens, pouvons-nous appeler père le prêtre qui nous a engendrés dans la foi ou maître le professeur ou l'artisan ?

11. Quelle doit être l’attitude profonde de tout serviteur de la communauté ?

Père Carlos Orduna Diez
Clerc de Saint Viateur
1999

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