Un jour j'ai surpris deux étudiants catéchumènes en train de discuter de religion. L’un disait à l’autre : “Ce sont des prêtres qui ont tué Jésus", et il le confirmait avec un texte biblique de Matthieu 27, 1.

Naturellement, si on lit cette citation en dehors du contexte, on pourrait penser qu’il s’agit des prêtres de l'Église qui ont tué Jésus... C'est peut-être à cause de cela que les membres de certaines sectes ont une si mauvaise image des prêtres ! Nous voyons déjà que l’utilisation du terme prêtre est équivoque.

Dans ce chapitre, nous voulons répondre à ceux qui pensent de la sorte et les éclairer par rapport à ce que l'Église dit sur les prêtres.

1. Qui sont ceux qui ont tué le Christ ?

Tout d'abord, il nous faut éclairer un malentendu. Nous l'avons déjà vu plusieurs fois : on doit lire la Bible correctement et sans rester accrochés à un mot ou à un seul texte isolé. Avec une seule citation biblique hors contexte, nous pouvons condamner beaucoup de monde et manquer, en même temps, au plus important commandement de Dieu : l'amour.

L'Apôtre Paul n’a-t-il pas dit que “la lettre tue et seul l'esprit vivifie" ? (2 Co 3, 6).

Nous devons avoir une grande confiance en l’Église du Christ et en ses pasteurs, guidés par l'Esprit Saint. La nuit avant sa mort Jésus dit à ses disciples : “L’Esprit Saint que le Père va envoyer en mon nom se chargera de vous enseigner toutes choses : il vous rappellera tout ce que je vous ai dit” (Jn 14, 26 et Jn 16, 13).

Que faut-il dire sur ceux qui pensent que ce sont les prêtres qui ont tué Jésus ? Nous lisons dans l’Évangile de Matthieu : “Au même moment les chefs des prêtres et les Anciens du peuple... se mirer d’accord pour s’emparer de Jésus dans un coup monté et pour le mettre à mort" (Mt 26, 3-4).

Dans le contexte biblique, nous nous rendons parfaitement compte que l’évangéliste Matthieu se réfère ici aux prêtres juifs de cette époque-là, c'est-à-dire aux prêtres de l’ancienne Alliance, descendant de Lévi. D'ailleurs, lorsque nous méditons profondément, nous nous rendons compte que nous avons tous participé à la crucifixion du Christ, puisqu’il est mort à cause de nos péchés.

Cela n'a donc aucun sens de dire que ce sont les prêtres de l'Église qui ont tué Jésus. Cette façon de lire la Bible manque d'un minimum de sérieux.

Nous croyons que ces quelques mots suffisent pour éclairer ce malentendu. Parlons maintenant des prêtres.

Est-ce que Jésus voulait des prêtres ?

Il y en a qui méprisent les prêtres et qui disent : “Jésus ne voulait pas de prêtres". A cet égard, voici ce que nous croyons :

1. Que Jésus-Christ est l'unique et véritable Prêtre.

2. Que tout le peuple chrétien, de par la volonté de Dieu, est un peuple sacerdotal.

3. Qu’à l'intérieur de ce peuple sacerdotal quelques-uns sont appelés à participer au sacerdoce dit ministériel ou pastoral.

Ce n’est pas une invention subjective. C'est la communauté des croyants qui guidée par l’Esprit Saint et en méditant longtemps la Parole de Dieu, est arrivée à cette vérité concernant le Christ, son Église et ses ministres. Guides par ce même Esprit, lisons maintenant la Bible.

Les prêtres juifs de la première Alliance

Si nous lisons attentivement les Saintes Écritures, nous constatons que Jésus ne s'est jamais identifié aux prêtres de la première Alliance. À son époque il y avait beaucoup de prêtres juifs de l'ancien rite. Ils étaient tous membres de la tribu de Lévi et avaient en charge les sacrifices d'animaux dans le temple. Ces sacrifices étaient offerts pour la purification des péchés du peuple juif (cf. Mc 1, 44 ; Lc 1, 5-9). Même Joseph et Marie, accomplissant ce rite de purification, offrirent une fois “deux petites colombes"(Lc 2, 24).

Mais ce sacerdoce juif était incapable d’obtenir la sanctification définitive du peuple (cf. He 5, 3 ; 7, 27 ; 10, 1-4). C’était un sacerdoce imparfait et toujours marqué par le péché. Jésus, le Fils de Dieu, l’homme parfait, ne s'attribue jamais le titre de prêtre juif.

Participons-nous au sacerdoce du Christ ?

Est-il vrai qu'après un temps, l’Église primitive proclama Jésus-Christ comme unique et véritable grand-prêtre ? Participons-nous au sacerdoce du Christ ?

Oui. Même si pendant sa vie, Jésus n'utilisa jamais le titre de prêtre, l'Église primitive proclama ; “Nous avons un exceptionnel grand prêtre qui est entré dans les cieux, Jésus, le Fils de Dieu" (He 4, 14).

Environ quarante ans après la mort et la Résurrection de Jésus-Christ, l'auteur de la lettre aux Hébreux écrit : “Le Christ est venu comme le grand prêtre qui administre les dons de Dieu propres des temps nouveaux. Il est entré dans un autre sanctuaire, plus grand et plus parfait, qui n'est pas l'œuvre de l'homme... Ce n'était pas le sang des bœufs ou des boucs qui lui ouvrait le sanctuaire, mais son propre sang, quand il a obtenu une fois pour toutes le salut définitif” (He 9, 11-12).

Le sacrifice du Christ a été absolu et définitif. Le véritable prêtre pour toute l’humanité est Jésus, le Fils de Dieu, et il n’y a maintenant d'autre sacrifice que le sien, qui commence sur la croix et finit dans la gloire du ciel. Jésus est l'unique médiateur et Grand Prêtre. Il a définitivement mis fin à l'ancien sacerdoce. “Son unique offrande établit dans un état de perfection définitive ceux qu’il sanctifie" (He 10, 13-14).

Tu peux lire aussi la lettre aux Hébreux 7, 22-28 pour comprendre dans quel sens Jésus-Christ est le Prêtre avec un “P” majuscule.

Sommes-nous un peuple sacerdotal ?

Est-il vrai que l’apôtre Pierre affirme que nous, les croyants en Christ, nous sommes un peuple de prêtres ?

Oui, effectivement. Dieu, dans son grand amour pour les hommes, a voulu que tous les croyants baptisés participent, en tant que membres du Corps du Christ, à l'unique Sacerdoce du Christ: “Vous aussi, devenus pierres vivantes, construisez-vous comme un édifice spirituel, une race sainte de prêtres, pour offrir à Dieu par Jésus-Christ les sacrifices spirituels qui lui sont agréables” (1 P 2, 5).

Ainsi par la foi et le baptême, Dieu nous intègre à un peuple sacerdotal. Et en tant que prêtres, baptisés dans le Christ, nous avons pour vocation d'offrir nos personnes, nos vies comme “une victime vivante et sainte" (Rm 12, 1).

Les chrétiens qui ne disent pas la messe sont donc des prêtres. On reconnaît le Sacerdoce du Christ dans tous les baptisés, à la mesure de leur engagement dans la vie de l'Église, que ce soit dans l’apostolat, la prédication, le service du prochain ou tout simplement, dans une vie imprégnée d'amour dans la famille, dans le travail, dans la société. Transformer le monde pour l'humaniser et l'offrir à Dieu. Offrir l'eucharistie avec Jésus, c’est aller au terme de cette action humaine avec la participation essentielle du Christ. C'est là que tout baptisé exerce son sacerdoce et participe à celui du Christ.

3. Jésus voulait-il des ministres pour son peuple ?

Oui, c'est ainsi. Ce n'est pas l’Église qui a inventé le ministère apostolique, mais Jésus, lui-même. Il appela les douze apôtres (cf. Mc 3, 13-15), en les chargeant d'être ses représentants autorisés : “Celui qui vous écoute, c'est moi qu’il écoute" (Lc 10, 16).

La mission des apôtres leur fut confiée avec ces paroles : “En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez ici sur terre sera lié dans le ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel" (Mt 18, 18). Ce lier et délier signifie clairement l'autorité de gouverner une communauté et de discerner et résoudre les problèmes au sein du peuple de Dieu. Lors de la dernière Cène, Jésus donna à ses apôtres ce mandat : “Faites cela en mémoire de moi” (Lc 22, 19). C’est ce que l'Église fait quand elle célèbre l'Eucharistie.

Et lors d’une de ses apparitions, Jésus souffla sur ses disciples et leur dit : “Ceux à qui vous enlèverez les péchés, ils leur seront enlevés ; quand vous les maintiendrez, ils seront maintenus" (Jn 20. 22-23). Diriger, enseigner, administrer les signes du Seigneur, voilà l'origine du ministère apostolique. Petit à petit, la communauté chrétienne exerce ce service apostolique qui évoluera selon la situation de chaque communauté.

4. Que représentent les évêques et les presbytes dans une communauté ?

Dans les lettres apostoliques du Nouveau Testament, les ministres de la communauté chrétienne reçoivent le titre d’évêque et presbyte (cf. Ac 11, 30 ; Tt 1, 5). Ce sont des mots qui proviennent du grec. Le mot episkopos signifie surveillant, responsable ; presbyteros signifie ancien.

Il y a en latin un mot sacerdos, qui désignait aussi bien les prêtres au service des dieux romains que les prêtres du peuple juif. Lorsque l'Église a commencé, elle n’a pensé à aucun moment à des prêtres de ce genre. Le Christ était le Prêtre unique, et l’Église n’avait que des presbytes, c'est-à-dire des anciens. Or voici qu'aujourd'hui du terme presbyte est venu prêtre, et ce mot a retrouvé la connotation de l'ancien sacerdos qu'on avait écarté... En fait, les noms évêque et presbyte vont évoluer vers la fonction sacerdoce ministériel. Les évêques et les presbytes étaient les chargés de la communauté des croyants. Mais ils n’étaient pas des fonctionnaires qui assumaient un service pour une période et pour une partie de leur temps, gardant pour eux l'autre part de leur vie, comme pourrait le faire croire le terme “ministres“. Leur responsabilité dans l’Église était inséparable d'un attachement et d'une consécration de leur personne au Christ.

Même si les apôtres ne parlaient pas encore de sacerdoce ministériel, l'idée était déjà là, en germe, dans l’Église primitive. C’est l’Esprit Saint qui fit voir, peu à peu, qu'évêques et presbytes représentaient le Seigneur, unique Grand Prêtre, à travers le ministère qu'ils exerçaient. “Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes : nous proclamons le Christ Jésus, comme le Seigneur, et nous-mêmes nous sommes vos serviteurs, pour Jésus" (2 Co 4, 4-7).

L’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens utilise déjà certains termes exprimant son sacerdoce apostolique: “Et si je dois donner ma vie pour ce sacrifice et ce service religieux qu'est votre foi, je m'en réjouis et je partage votre joie” (Ph 2, 18). “Je pense constamment à vous dans mes prières, et de cela Dieu est témoin. Lui auquel je rends un culte spirituel quand je travaille pour l'Évangile de son Fils” (Rm 1, 9).

Il y a dans ces textes des indices que le ministère de la Parole et le don de sa vie accomplis par l'apôtre Paul sont déjà une fonction sacerdotale.

Et tous les ministres du peuple de Dieu doivent être non pas comme les grands de ce monde ou les rois mais des serviteurs, comme Jésus : “Je suis au milieu de vous comme celui qui sert" (Lc 22, 27).

Ainsi, les prêtres :

1. exercent une autorité spirituelle mais ne doivent pas accepter qu'elle soit soulignée par des marques extérieures que ni Jésus ni ses apôtres n’avaient acceptées ; qu'elle ne serve pas à se distinguer des autres ou à se faire servir ;

2. doivent être des maîtres de la foi, mais non pas décider pour les autres ;

3. doivent être des entraîneurs et non les intermédiaires obligés entre Dieu et les baptisés.

4. doivent incarner auprès du peuple de Dieu le Christ, Tête et Pasteur, Prêtre et Prophète, renonçant à soi-même jusqu’au don de sa vie.

5. Comment ce sacerdoce se transmet-il ?

Ce ministère apostolique se transmet par l'imposition des mains. L'Apôtre Paul écrit à son ami Timothée: “Et c'est la raison pour laquelle je veux réveiller et raviver le don de Dieu que tu as reçu quand je t'ai imposé les mains” (2 Tm 1, 6).

“Ne laisse pas dormir le charisme qui t'a été donné par une intervention de prophète, avec l'imposition des mains de tous les presbytes (anciens)" (1 Tm 4, 14).

Ce geste d'imposition des mains transmet un pouvoir divin pour une mission spéciale. L’Apôtre Paul reçut l'imposition des mains des apôtres (cf. Ac 13, 3). A son tour, Paul imposa les mains à Timothée (cf. 2 Tm 1, 6 ; 1 Tm 4, 14) et Timothée refit ce geste sur ceux qu'il avait choisis pour le ministère (cf. 1 Tm 5, 22).

C’est ainsi que l'Église, depuis les apôtres jusqu'à ce jour, sans interruption, continue d'imposer les mains et de transmettre des uns aux autres le don du ministère sacerdotal. Cette succession apostolique, qui a duré 20 siècles, jusqu'aux ministres actuels, a été maintenue au sein de l'Église sans interruption. C’est de cette manière que les pasteurs de l’Église participent de l'unique sacerdoce du Christ.

6. Conclusion

Peut-être ce thème t’a-t-il paru un peu difficile. Que l'Esprit Saint nous éclaire pour le comprendre et nous donne un grand amour pour l'Église et ses ministres, les serviteurs que Jésus nous donne.

Pour terminer, voici les idées les plus importantes de ce chapitre :

1. Jésus a voulu avoir des serviteurs (ministres) pour son peuple sacerdotal.

2. Les apôtres ont transmis ce ministère apostolique toujours par l'imposition des mains.

3. Bien que les auteurs sacrés n'aient jamais utilisé le terme prêtre pour désigner les ministres, la conception d'un sacerdoce apostolique, ministériel, en tant que service rendu au peuple sacerdotal, est déjà en germe dans le Nouveau Testament.

C’est dans ce sens que l'Église, déjà depuis la fin du premier siècle jusqu'à nos jours, appelle évêques et prêtres les ministres de la communauté.

Évidemment, ce sacerdoce pastoral participe de l'unique sacerdoce du Christ et n'a rien à voir avec prêtres de l’Ancien Testament. Prêtres de la nouvelle Alliance, par une vocation spéciale d’origine divine, nous sommes “des serviteurs du Christ et des administrateurs des mystères de Dieu” (1 Co 4, 1).

Pour réfléchir

1. Qui sont ceux qui ont tué Jésus ?

2. Pouvons-nous dire que nous avons tous participé à la mort de Jésus ?

3. Peut-on affirmer que ce sont les prêtres de l’Église Catholique qui ont tué Jésus ?

4. À quels prêtres, les Évangélistes font-il référence ?

5. Est-il licite de tirer ces mots de leur contexte pour les appliquer aux prêtres du N. T. ?

6. Nous, Peuple de Dieu, sommes-nous un peuple sacerdotal ?

7. Jésus a-t-il voulu pour son Église un sacerdoce ministériel ?

8. Qui sont ceux qui exercent cette mission ?

Père Carlos Orduna Diez
Clerc de Saint Viateur
1999