Parler

Quand on rencontre un ami, on lui demande si tout va bien, on s’informe de ses nouvelles. On s’intéresse à sa famille. C’est seulement après que l’on peut dire ce qui nous concerne.

Dans le Notre Père Jésus nous apprend à souhaiter d’abord la gloire de Dieu. Ensuite nous pensons à nous et nous exposons nos besoins.

De même, dans l’oraison essayons de parler à Dieu de ce qui l’intéresse, de son bonheur dans la Trinité, de son grand projet quand il a créé le monde. Parmi les hommes, il a choisi un peuple et il lui a envoyé un Sauveur. La Bible contient tout le message de Dieu. Nous pouvons le méditer. Nous pouvons aussi lui parler de ce qui fait la vie de ses enfants, les hommes d’aujourd’hui.

Ensuite nous pouvons dire au Seigneur nos joies, nos problèmes, nos souffrances, nos besoins spirituels, surtout demandons l’Esprit Saint et ses dons : ce sont les « bonnes choses » (Mat. 7, 11 ; Luc 11, 13) que nous sommes sûrs de recevoir.

Dieu s’intéresse à nous parce que nous sommes ses enfants. Tout ce qui nous concerne le touche. Nous lui parlons de ceux que nous aimons, de notre communauté, de notre pays, de l’actualité, des événements joyeux ou tristes. Jeanne (14 ans) : «Je récite d'abord mes prières. Après, je "cause" avec Dieu».

Avec Dieu on ne s’ennuie pas. Prenons un texte de l’Évangile, il peut nous servir de support et nous aider pendant le temps de prière.

Quel que soit le sujet de notre entretien avec le Seigneur, que notre idée soit précise. Évitons de rêver ou de ne penser à rien. Si nous nous ennuyons, offrons cette épreuve à Jésus.

Cette forme d’oraison-méditation ne convient pas à tous. Sainte Thérèse d’Avila reconnaît que certains ont du mal à entrer dans l’oraison mentale. A chacun de prier comme cela lui convient.

La prière qui sort de l’homme est bonne. Elle est faite avec l’aide du Saint-Esprit, car personne ne peut dire « Jésus est Seigneur si ce n’est par l’Esprit Saint » (1Cor. 12, 3). Cependant elle ne suffit pas.

Dieu nous parle

Dieu, lui aussi, a des choses à nous dire. C’est pour lui que nous sommes là. Essayons d’arrêter notre bavardage. Écouter, faire silence est le signe d’un progrès dans l’oraison. Il faut beaucoup de temps pour y arriver. Mais c’est vers cela que l’on doit tendre.

Dans la Bible, depuis la Genèse, Dieu s’adresse à l’homme, par de multiples interventions, comme dans la manifestation du Buisson ardent. Afin d’être plus accessible encore, le Père envoie son Fils, qui est la Parole Éternelle. Jésus est venu et il a parlé le langage des hommes.

Aujourd’hui Jésus nous parle encore dans les événements de chaque jour ; il nous parle par nos frères : telle réflexion, tel geste d’amitié ou de pardon. Et dans notre âme l’Esprit Saint nous suggère de bonnes pensées. Dans la prière intérieure Dieu invente chaque jour une oraison imprévisible. C’est lui qui conduit l’oraison.

A nous de l’écouter

A l’Annonciation, Marie se tient disponible, comme au repos, pour accueillir le message de l’Ange. Voyons encore Jésus et la Samaritaine, Marie, sœur de Marthe, assise aux pieds de Jésus, les disciples d’Emmaüs, Marie et les apôtres à la Pentecôte. L’Évangile est rempli de récits montrant comment il convient d’accueillir la Parole de Dieu.

A nous d’ouvrir l’oreille. L’homme sait qu’un Autre entre en lui. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre, j’entrerai chez lui. Je dînerai avec lui et lui avec moi » (Apoc. 3, 20).

Dans l’oraison, l’homme n’a rien à fabriquer. Il essaie d’être disponible, attentif. « Seigneur, parle, ton serviteur écoute. » (1Sam. 3, 10) Il n’est pas inactif, il réagit. Mais il veille autant que possible, à laisser à Dieu l’initiative.

« Mes brebis écoutent ma voix. Moi je les connais. Elles me suivent. » (Jean 10, 27).

Pourquoi vouloir expliquer ce que je pense à Celui qui sait tout ? (Ps 139, 1-2).

Écouter ne veut pas dire se taire complètement. Dans l’oraison, il y a de temps en temps une parole de remerciement, une lumière, une demande. Le pape Jean XXIII témoigne : « Je parle à Dieu, oh tout humblement, tout simplement ». Il ajoute : « Souvent alors un mot m’est donné ».

Écouter Dieu demande que nous imposions silence aux bruits qui sont en nous. Il faut écarter les pensées inutiles. D’autres sont bonnes (une joie, une peine) : mais il ne convient pas de s’y attarder : on dit merci au Seigneur, ou bien on lui offre cette souffrance et puis c’est fini.

Le but de l’oraison c’est Dieu lui-même, c’est Jésus. Quand on a Dieu, on a tout. « Solo Dios basta - Dieu seul suffit ». (Ste Thérèse d’Avila).

Être heureux avec Jésus

Écouter c’est donner toute la place à Dieu, se tenir tranquille, se laisser faire « comme une toile en attente devant un peintre » (Ste Marguerite-Marie).

Dieu a un grand travail à faire. Il veut transformer notre cœur enténébré en un « cœur nouveau », converti, sauvé. Laissons-le agir. Lui seul peut réaliser ce travail. Nous ne sommes capable de rien.

Alors que faut-il faire ? Être heureux de rester avec Jésus. « Je ne lui dis rien, je l’aime » (Ste Thérèse). « Je suis à mon Bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi » (Cant. 6, 3) « Je le regarde et il me regarde » disait un paysan au Curé d’Ars.

L’oraison tend à devenir seulement une attention amoureuse, « un très unique regard et une très simple vue de Dieu, sans discours ni raisonnement ni multiplicité de prières » (St Jean Eudes).

« Le progrès de l'âme ne consiste pas à beaucoup penser mais à beaucoup aimer », dit Ste Thérèse d’Avila. Elle ajoute que si tout le monde n’est pas capable de méditer, « toutes les âmes sont douées pour aimer ».

« Allume ma lampe à ta propre lumière … Alors, dans mon cœur je ne verrai plus que toi seul… Remplis-nous de ton amour jusqu’au plus intime de nous-mêmes » (Saint Colomban).

Demandons à l’Esprit Saint de développer en nous cette attention aux choses d’en haut. Quand nous sommes présents à Dieu, nous fixons sur Lui notre regard et nous sommes prêts à recevoir la parole ou la lumière qu’il veut nous accorder.

Il y a des jours où l’oraison est facile. On n’éprouve pas le besoin de réfléchir sur un texte. Mais parfois, l’oraison est aride et pénible. On a du mal à trouver Dieu et on n’a rien à lui dire. Dans ce cas, il faut revenir à la méditation de l’Évangile, répéter des mots, faire des invocations et lui offrir avec amour ce temps d’oraison. On se situe avec Dieu avec la simplicité d’un enfant serré contre sa mère.

Les deux parties de cet enseignement (Parler et Écouter) correspondent assez bien aux deux périodes de la vie d’oraison.

Ceux qui commencent à prier ont besoin de parler à Dieu. On leur recommande de préparer leur oraison, afin de ne pas rester dans le vague. Certains choisissent la veille le texte sur lequel ils réfléchiront. Leur oraison ressemble à une méditation, à la différence qu’elle n’est pas seulement une réflexion, ils parlent à Dieu. C’est un travail. L’oraison des débutants est surtout active. Elle est une parole de l’homme adressée à Dieu. Et elle restera ainsi encore longtemps.

Plus tard, c’est le contraire. Dieu devient l’acteur principal. Ceux qui ont une grande expérience de la prière savent que l’Esprit Saint agit en eux et que la vraie prière c’est la sienne. Ils essaient donc de lui laisser toute la place, afin qu’il puisse transformer leur âme et l’enrichir de ses dons divins. Leur oraison devient contemplative, avec peu de paroles, ou même pas du tout. C'est un amour silencieux.

Pour St Jean de la Croix, trois signes indiquent qu'il convient de laisser de côté la méditation :

- "premièrement, l'impossibilité de méditer et de discourir avec l'imagination, l'absence de goût et la sécheresse empêchant de s'y appliquer et d'y trouver de la saveur…

- deuxièmement : n'avoir aucun désir d'appliquer son imagination et ses sens aux objets extérieurs. Je ne parle pas des divagations involontaires de l'imagination (ce que nous appelons distractions)

- troisièmement, voici le plus certain : l'attrait pour rester en solitude, en attention amoureuse à Dieu, sans considérations particulières, en paix intime… en repos… sans que l'intelligence se porte vers une chose particulière." (Montée du Carmel – L 2 Ch 13)

 

Abbé Yves JAUSIONS
Diocèse de Rennes, FRANCE
Dans : Oraison sans frontières, 2006.