FORUM INTERNATIONAL DES JEUNES SUR LA CULTURE DE LA PAIX

PANEL : THÈME : Comment vivre-ensemble malgré nos différences religieuses ?

Ouagadougou, 17 novembre 2017

Mesdames et messieurs, chers invités,

Chers jeunes,

Je voudrai avant tout propos adresser un salut fraternel et chaleureux à son Excellence Michel KAFANDO, Envoyé spécial des Nations Unies au Burundi, parrain de ce présent forum. Sa présence au milieu de vous jeunes, témoigne de sa volonté toujours renouvelée d’accompagner notre jeunesse africaine, avenir de notre Continent Africain Je tiens à le féliciter de vive voix pour la lourde tâche qui est la sienne aujourd’hui, celle de travailler à construire et à reconstruire des chemins de paix et de vivre-ensemble dans le pays frère qui est le Burundi. Je salue aussi toutes les autres personnalités qui ont contribué à rendre effective la tenue de cet atelier.

En acceptant de participer à ce panel, c’est pour moi l’occasion de réaffirmer avec vous l’attachement de l’Église aux valeurs de paix et de non-violence et son engagement constant pour la cause des jeunes d’aujourd’hui. Je tiens donc à saluer la pertinence de cette initiative de jeunesse pour penser et repenser le vivre-ensemble dans la diversité de nos religions.

Dans son Exhortation Apostolique Ecclesia in Africa, le Pape saint Jean Paul II faisait remarquer qu’ « en dépit de la civilisation contemporaine du « village global », en Afrique comme ailleurs dans le monde, l’esprit de dialogue, de paix et de réconciliation est loin d’habiter le cœur de tous les hommes. Les guerres, les conflits, les attitudes racistes et xénophobes dominent encore trop le monde des relations humaines » ( n°79). Notre monde a besoin aujourd’hui de paix et de concorde entre les religions. L’extrémisme religieux et la barbarie du terrorisme constituent des atteintes graves à la dignité humaine, au respect de la vie et de la liberté religieuse. Quelles réponses durables apporter contre cette haine et à cette propagation de la violence entre les religions ? Et quelle est la place de vous jeunes, dans le combat pour le « vivre-ensemble », le respect et la paix interreligieuse ? Dans une perspective de foi, « La paix est un don de Dieu et le fruit des efforts des Hommes ».

Il convient donc tout d’abord de souligner que toute paix vient de Dieu et que l’homme par ses efforts ne fait que constituer à la réalisation de ses œuvres de paix. Cela est fondamental pour comprendre que nous ne pouvons obtenir la paix entre les religions qu’en nous tournant résolument vers celui qui reçoit toutes nos prières et nos supplications. Comme le dit le psalmiste : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, c’est en vain que travaillent les bâtisseurs. Et si le Seigneur ne veille sur la ville c’est en vain que veillent les gardes » (cf. Psaume 126). Souvenez-vous donc que toute paix durable prend sa source en Dieu et reçoit de lui son achèvement. C’est la raison pour laquelle, au niveau de l’Église Famille de Dieu au Burkina Faso, à la fin de chaque célébration eucharistique quotidienne, nous adressons au Seigneur, une fervente prière pour la réconciliation, la justice et la paix. Travailler à la paix aujourd’hui entre les religions, c’est mettre nos pas dans les pas de ce Dieu bon et miséricordieux qui ne recherche point le malheur des hommes par une quelconque guerre mais veut que tous les hommes vivent et connaissent la tranquillité et la concorde. Car, « au sein de notre humanité encore désunie et déchirée, il ne cesse d’agir et de faire aboutir tout effort vers la paix. Son Esprit travaille au cœur des hommes pour qu’enfin les ennemis se parlent, que les adversaires se tendent la main et que les peuples qui autrefois se faisaient la guerre acceptent de faire la paix » (Prière eucharistique 2 / Réconciliation).

Vous avez le devoir et l’obligation morale aujourd’hui de dire non à toute conception d’un Dieu vengeur, d’un Dieu méchant et impitoyable qui châtie les uns parce qu’ils sont différents et donnent le ciel aux autres parce qu’ils tuent pour sa cause. Vous avez le devoir de refuser de vous laisser tromper par les appels à des « guerres dites saintes ». Dans son discours pour la clôture de la Journée mondiale de prière interreligieuse pour la paix à Assise, le 20 septembre 2016, le Pape François lançait à la face du monde : « Ne nous lassons pas de répéter que jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte, pas la guerre ! » (cf. https://www.cath.ch/newsf/seule-paix-sainte-guerre-lance-pape-a-assise/).

Ce message doit devenir le vôtre, pour dire à l’humanité que le nom de Dieu ne peut servir de prétexte pour diviser l’humanité, porter atteinte à la vie, propager la haine et la violence, briser l’harmonie des relations humaines.

A la suite de ce qui vient d’être dit, je voudrai dans un deuxième temps rappeler une condition essentielle pour la culture du « vivre-ensemble » entre les religions : il n’y aura pas de paix interreligieuse, si vous ne devenez pas les artisans de cette paix. Le Compendium de la pensée sociale de l’Église le dit clairement en ces termes : « Il est absolument nécessaire que la paix commence par être vécue comme une valeur profonde dans l’intimité de toute personne ; ainsi elle peut se répandre dans les familles et dans diverses formes d’agrégation sociale, jusqu’à impliquer la communauté politique toute entière » (Michel Anglarès, Bernard Bougon et alii, La paix soit avec vous, éditions Parole et Silence, Paris, 2009, p. 21).

L’entente et la cohésion entre les religions ne peuvent que venir de la lumière de la paix interreligieuse qui nous habite. Faites donc place à la paix interreligieuse dans vos cœurs, afin que cette paix gagne le cœur des hommes et des femmes de notre monde. Laissez entrez dans vos vies la lumière de la valeur du respect de chaque être humain quelles que soient sa provenance et sa religion. Etre jeune aujourd’hui doit signifier pour vous devenir porteur d’un projet de paix et d’entente entre tous. Et cela passe par l’adoption de la culture de la non-violence, la recherche de la vérité, le refus de la haine de l’autre et l’engagement pour le service de l’humanité. Prenez donc exemple sur Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King et toutes ces personnes qui ont vécu la paix à travers la « non-violence » et l’on transmise à notre génération.

Les jeunes doivent constituer par leur génie et leur créativité des réponses et des solutions durables à l’aveuglement de ceux qui pensent combattre les autres « au nom de Dieu » et qui appellent à la guerre. On comprend ainsi qu’ « aucune religion, qu’aucune culture ne peut justifier l’appel ou le recours à l’intolérance et à la violence. La vraie foi conduit invariablement à l’amour » (Benoît XVI, cité par Documentation catholique, 18 décembre 2011, n° 2480). L’évangéliste Saint Jean a donc raison quand il écrit : « Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et n’aime pas son prochain, celui-là est un menteur » (1 Jn 4, 20). La pratique de vos religions doit donc vous conduire à porter un regard fraternel sur les autres religions et à travailler au vivre-ensemble dans le respect et la tolérance mutuelle.

Je voudrais terminer en reprenant pour vous ces paroles du Pape Saint Jean Paul : « Pour être des bâtisseurs de paix, il faut tout d’abord vivre dans la vérité. Vous, les jeunes, ayez le courage de vous poser des questions sincères sur le sens de la vie ; forgez-vous une rectitude limpide de pensée et d’action, de respect et de dialogue avec les autres. Ayez, en premier lieu, cette relation vraie avec Dieu, qui exige la conversion personnelle et l’ouverture à son mystère » (Pape Jean Paul II aux jeunes réunis pour la rencontre internationale, Université 2003).

Ce forum doit donc être pour vous le début ou la suite d’un engagement sans réserve pour le « vivre-ensemble » fraternel entre les religions et l’expression de votre refus ferme de servir comme instruments de violence et de destruction. Ayez donc pour mission de défendre la paix partout où vous serez, de respecter toute vie humaine et de travailler à l’avènement de la fraternité universelle. Plein succès à cette rencontre et que Dieu vous bénisse.

+ Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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