LE CULTE A L’ARGENT

3ème dimanche de Carême – Année B

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. (Jean 2,13-25)

Il y a dans notre société quelque chose d’alarmant que l’on ne dénoncera jamais assez. Nous vivons dans une civilisation dont l’axe de pensée et le critère d’action génèrent la secrète conviction que le plus important et le plus décisif n’est pas ce que l’on est mais ce que l’on a. On a dit que l’argent est « le symbole et l’idole de notre civilisation » (Miguel Delibes). Et ils sont vraiment majoritaires ceux qui lui offrent leur être et lui sacrifient toute leur vie.

J. Galbraith, le grand théoricien du capitalisme moderne, décrit ainsi le pouvoir de l’argent, dans son œuvre La société de l’abondance: l’argent « comporte trois avantages fondamentaux : tout d’abord, la jouissance du pouvoir qu’il procure à l’homme ; deuxièmement, la possession réelle de tout ce qui peut être acheté avec de l’argent ; enfin, le prestige ou le respect dont jouit le riche grâce à sa richesse.

Combien de personnes, qui n’osent pas l’avouer, savent que dans leur vie, à quelque degré que ce soit, ce que est décisif, important et définitif c’est de gagner de l’argent, acquérir un bien-être matériel, atteindre un prestige financier.

C’est ici que se trouve l’une des failles les plus graves de notre civilisation. L’homme occidental est devenu largement matérialiste et, malgré ses grandes déclarations sur la liberté, la justice ou la solidarité, c’est à peine s’il croit à autre chose, à part l’argent.

Cependant, il y a très peu de gens heureux. Avec de l’argent on peut installer un appartement agréable, mais non pas créer un foyer chaleureux. Avec de l’argent on peut acheter un lit confortable, mais pas un sommeil tranquille. Avec de l’argent on peut acquérir de nouvelles relations mais non pas éveiller une véritable amitié. Avec de l’argent on peut acheter le plaisir mais pas le bonheur. Nous, les croyants, nous devons rappeler quelque chose de plus. L’argent ouvre toutes les portes mais il n’ouvre jamais à Dieu la porte de notre cœur.

Nous chrétiens, nous ne sommes pas habitués à l’image violente d’un Messie en train de fustiger les gens. Et pourtant, c’est-là la réaction de Jésus lorsqu’il rencontre des hommes qui, même dans le temple, ne savent chercher autre chose en dehors de leurs propres affaires.

Le temple cesse d’être le lieu de la rencontre avec le Père lorsque nous avons fait de notre vie un marché où l’on ne rend de culte qu’à l’argent. Et on ne peut pas établir une relation filiale avec Dieu notre Père quand nos relations avec les autres sont médiatisées seulement par des intérêts financiers. Il est impossible de comprendre quelque chose à l’amour, à la tendresse et à l’accueil de Dieu, lorsqu’on ne vit qu’à la recherche du bien-être. On ne peut pas servir Dieu et l’Argent.

Auteur : José Antonio Pagola
Traducteur : Carlos Orduna, csv