Catéchèses et homélies de Monseigneur Philippe OUEDRAOGO lors des Journées Mondiales de la Jeunesse.
Rio de Janeiro (Brésil), Juillet 2013

Introduction

Bien chers jeunes,

A tous et toutes, je souhaite la bienvenue en cette Église paroissiale pour vivre ensemble la deuxième journée de catéchèse dont le thème est : « Être des disciples du Christ ». En cette année de la foi promulguée par le Pape émérite Benoît XVI, ce thème est d’actualité. Comment être un authentique disciple de Jésus-Christ ?

Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité. C’est bien pour cela qu’il a envoyé son Fils Unique Jésus-Christ. Et l’Évangile nous renseigne que Jésus s’est associé des hommes pour réaliser l’œuvre du salut. « Il gravit la montagne et il appela à lui ceux qu’il voulait, lisons-nous dans l’Évangile de Saint Marc (Mc 3, 13-15). Ils viennent à lui et il en institua douze qu’il appela Apôtres, pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les démons. »

En clair, il faut d’abord être disciple avant d’être choisi et établi comme apôtre, c’est-à-dire missionnaire.

Hier comme aujourd’hui, Jésus continue d’appeler pour devenir disciple et apôtre pour la réalisation de l’œuvre du salut. En guise d’introduction à nos échanges de ce matin, trois idées principales pour nous guider :

- Nous pouvons tout d’abord nous poser la question de l’identité de Jésus ; Jésus lui-même a posé aux siens cette question : « Pour vous qui suis-je ? »

- Ensuite, nous pouvons apprendre à marcher sur les pas de Jésus de Nazareth, l’imiter car c’est bien à sa suite que tout baptisé peut être disciple

- Enfin, nous pouvons prendre conscience que nous sommes envoyés comme les Apôtres pour continuer la mission de salut inaugurée par le Christ et confiée à l’Église tout entière.

I- L’identité de Jésus : qui est Jésus pour vous ?

I.1- « Pour vous qui suis-je ? »

« Or il advint, comme il était à prier, seul, n’ayant avec lui que les disciples, qu’il les interrogea en disant : "Qui suis-je au dire des foules ?" » (Lc 9,18). Jésus pose la question de son identité et il s’adresse à ses disciples : « Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Pierre répondit : le Christ de Dieu ».

Chers jeunes, cette question vous est adressée aujourd’hui personnellement. Qui est Jésus pour toi, pour moi ? Est-il véritablement mon sauveur et mon Dieu, une personne vivante et agissante dans ma vie, ou est-il un simple personnage historique ? Pour sûr la réponse de Pierre doit vous inspirer et être la vôtre : « Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 15).

De nombreux autres passages de l’Écriture nous révèlent aussi différentes facettes de l’identité réelle de Jésus selon notre foi.

I.2 - Le Fils du Père, Abba.

On ne peut vraiment connaître l’identité du Christ, comprendre sa vie et son engagement que si on se rappelle que le cœur, l’essentiel de son existence terrestre, c’est la personne de son Père qui le comble « Abba, Papa ! »

En somme, Jésus vivait une relation intime avec le Père, une vie d’union profonde qui transparaît dans tout son être, ses paroles et ses actes, sa mission. Chez Jésus, nous remarquons cette union, cette intimité très forte avec son Père qui va jusqu’à l’union de volonté. On sent chez lui une ouverture, une disponibilité, un désir de faire coïncider sa personne avec le vouloir de son Père.

La raison fondamentale est que Dieu est son Père et qu’Il l’est d’une façon unique. Son Père est tout pour Lui. Il est vraiment son trésor !

« Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14,11).

« Mon père et moi, nous sommes un ! »

De nombreuses fois, Jésus dira combien son Père l’aime !

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimé » (Jn 15, 9).

Jésus se sait et se sent aimé de son Père, comblé par Lui. Rappelons-nous lors de la transfiguration, une voix se fit entendre de la nuée :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le » (Mt 17,5). Même parole qu’au baptême :

« Voici qu’une voix venue des Cieux disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur » (Mt 3, 17). Jésus est l’envoyé du Père. Il est son Fils venu dans le monde pour nous sauver.

« Je suis sorti d'au près du Père et venu dans le monde. De nouveau, je quitte le monde et je vais vers le Père » (Jn 16,28).

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16). Jésus vit avec son Père une relation unique, une relation d’amour infini. Et cette relation unique de fils, nous sommes invités à y participer, à y communier, à en vivre. En Jésus, le Père nous regarde comme ses fils… En Lui, par le baptême, il nous rend participant de la vie divine et nous appelle à devenir ses fils bien-aimés.

Ainsi être témoin de la personne de Jésus dans sa relation unique à son Père, c’est vivre en Lui, avec Lui, cette relation de fille et de fils bien-aimé du Père. C’est vivre ses valeurs les plus fondamentales. C’est épouser ses grandes attitudes de vie…

- Sa vie d’intimité avec son Père,

- Sa totale disponibilité à ses désirs

- Sa grande liberté dans toutes ses relations humaines,

I.3- « Bon Maître »

Le jeune homme riche (Lc 18,18-23), peut-être séduit par l’enseignement de Jésus et par sa vie de tendresse et d’amour s’approche de lui et lui dit : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus a semblé refuser ce titre de « Bon Maître », mais en réalité seul lui est bon comme son Dieu, son Père ; et il a les paroles de la vie éternelle. Alors, vers qui pourrions-nous aller ? C’est la réponse de Pierre à Jésus qui demandait aux disciples, s’ils voulaient s’en aller.

I.4- Le Bon Pasteur

Jésus lui-même en Jn 10, 11, se présente comme le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Dans son grand amour, il prend soin de ses brebis, les défend comme le loup vorace et va à la recherche des brebis égarées. « Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent » et il est toujours prêt à se sacrifier pour elles.

I.5- Jésus nous enseigne par l’exemple

Jésus révèle son identité en nous enseignant non seulement par ses paroles mais surtout par sa vie, son exemple. Par le lavement des pieds, il nous enseigne le service humble. « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc, moi le Maître et le Seigneur, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns, les autres » (Jn 13,13-14). L’acte suprême de Jésus qui nous enseigne le plus, c’est son don de soi sur la croix qui nous a valu le salut. C’est en même temps une révélation de ce qui est pour nous, « notre Sauveur et notre Dieu ».

II- Être chrétien, signifie être disciple à la suite de Jésus.

Être chrétien, c’est marcher sur les pas de Jésus, c’est conformer notre vie à celle de Jésus. Comment alors pourrait-on caractériser le disciple du Christ ?

II.1- Disciple de Jésus par la grâce du baptême

« Allez de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit… » (Mt 28,19).

Tout baptisé devient par la grâce du baptême, disciple du Christ. Le disciple, c’est celui qui s'est senti attiré, appelé, par la personne de Jésus, par son message de vie et par son projet sur le monde. Il se sent attiré à mieux le connaître, à vivre une vie d’intimité avec lui, à l’aimer plus que tout. C’est un don gratuit. On ne le mérite pas… « Nul ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père » (Jn 6, 44.65). Tu aimes le regarder, le contempler; tu aimes te retrouver seul à seul avec lui pour te laisser pénétrer de son Être, de son Esprit… Mais cela se cultive aussi…

II.2- L’attitude du disciple : écouter et mettre en pratique la Parole de Dieu

« Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8,21).

Le disciple du Christ est celui qui cherche à écouter sa Parole, qui apprend auprès de lui, qui se nourrit de cette parole, qui cherche à faire passer cette Parole dans sa vie. Sa première préoccupation, c’est cette écoute à pleine âme, témoignant ainsi que la Parole de Dieu est plus vitale que le pain. Parce qu’elle opère quelque chose en lui, il ne peut jamais l’écouter de façon détachée, non engagée. Écouter la Parole qui se manifeste dans le Livre de la Parole de Dieu, mais aussi dans les événements, dans les autres. Être réceptif signifie vouloir agir en conséquence, vouloir conformer son être, son agir à la parole de Dieu…

II.3- L’intimité avec Dieu : prier comme Jésus

Dans l’Évangile, Jésus aimait se retirer seul pour prier, pour mieux rencontrer son Père…

« Le jour venu, il sortit et se rendit dans un lieu désert… » (Lc 4,42). « Or il advint en ces jours-là qu’il s’en alla dans la montagne pour prier et il passa toute la nuit à prier Dieu… » (Lc 6,12)

Plus tard, les disciples en le voyant prier ainsi manifesteront le désir eux aussi de prier comme Lui.

« Et il advint, comme il était quelque part à prier, quand il eu cessé, qu’un de ses disciples lui dit : < Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples. > Il leur dit : < Lorsque vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié… » (Lc 11,1-4)

La prière de Jésus, ces rencontres intimes avec son Père sont si essentielles pour lui qu’il invitera ses disciples à prier comme lui, à sa manière...pas par des formules récitées machinalement mais plutôt dans un cœur-à-cœur avec Dieu.

« Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt. 6,7).

« Demandez et l’on vous donnera; cherchez et vous trouverez;; frappez et l’on vous ouvrira.
Quel est celui d’entre vous l’homme auquel son fils demandera du pain et qui lui remettra une pierre ?
Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l’en prient…
» (Mt 7,7-11).

« Veillez donc et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21, 36).

La prière de Jésus manifeste une union de cœur constante avec son Père. Cette union comble son cœur d’homme car son Père est l’Amour de sa vie. Sa prière n’est qu’une manifestation de son Amour pour son Père et toute sa personne est tendue vers une seule chose : faire coïncider toute sa vie avec le vouloir de son Père…faire le bon plaisir de son Père en tout ! Il doit en être ainsi pour le disciple du Christ : manifester son amour pour Dieu par une vie de prière constante, une intimité profonde avec Dieu qui transforme et change sa vie.

II.4- La quête du disciple : ressembler en tout à Jésus

Le disciple cherche à conformer sa vie à celle de son maître. Le disciple cherche à vivre le monde nouveau à la suite de Jésus. « Je vous ai donné l’exemple pour que vous fassiez de même. » Jn 13,15. « Celui qui écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc » (Mt 7,21-27).

Être chrétien, c’est chercher à ressembler en tout à Jésus, être un autre Christ (alter Christus). Cela revient à vivre comme Jésus et à se laisser chaque jour façonner par Lui.

Un autre trait qui ne peut pas ne pas nous frapper, c’est sa liberté face aux biens terrestres.

Mais aussi face à tout bien terrestre, que ce soit les honneurs, le pouvoir, la famille, on le sent libre. Pourtant il sait admirer les beautés de la création, les fleurs, les beaux champs de blé, l’eau limpide…Il vit vraiment à la manière d’un nomade, d’un migrant.

Déjà Luc dans son prologue a noté ce dénuement…c’est le signe que l’ange donne aux bergers pour qu’ils puissent le reconnaître.

« Soyez sans crainte car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple; aujourd’hui vous est né un sauveur qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe. Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche » (Lc 2, 10-12).

« Maître, je te suivrai où que tu ailles.> Jésus lui dit : < Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids; le fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête » (Mt 8,20).

Et Jésus invite ses disciples à ne pas thésauriser.

« Ne vous amassez point de trésors sur la terre où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel; là point de mite ni de ver qui consument, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur » (Mt 6,19-21).

À ces disciples, il demande beaucoup. Au jeune homme riche qui lui demande ce qu’il faut pour obtenir la vie éternelle, Jésus lui répond :

« Une seule chose te manque. Va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi » (Mc 10,21 // Lc 12,33-34; Mt 6,20-21).

Un jour les disciples rappellent à Jésus qu’ils ont tout laissé pour le suivre.

« Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ?
En vérité, je vous le dis, à vous qui m’avez suivi ; dans le régénération, quand le Fils de l’Homme siègera sur son trône de Gloire, vous siégerez vous aussi sur douze tribus d’Israël. Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura la vie éternelle » (Mt 19,27-29).

Aux douze, il leur demande de partir en mission dans le dénuement.

« Il parcourait les villages à la ronde en enseignant. Il appelle à lui les douze et il se mit à les envoyer en mission deux à deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs.
Et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route qu’un bâton seulement, ni pain, ni besace, ni menue monnaie pour la ceinture, mais : "Allez chaussés de sandales et ne mettez pas deux tuniques » (Mc 6,6-13).

Pourquoi cette grande simplicité de vie ? Pourquoi ce dénuement ?

Pourquoi ce refus du pouvoir ?

Vous vous souvenez à la fin de la multiplication des pains, les gens disaient :

« C’est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde ! Alors Jésus se rendant compte qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire roi, s’enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul » (Jn 6,14-15).

Pourquoi ce refus des honneurs, des titres ? À la suite de la guérison de deux aveugles, il leur dit : « Prenez garde ! dit-il. Que personne ne le sache ! Mais eux, étant sortis, répandirent sa renommée dans toute la contrée » (Mt 9,30-31). Il critique les scribes et les pharisiens qui agissent de manière à se faire remarquer des hommes.

« C’est ainsi qu’ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges. Ils aiment à occuper les premiers divans dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s’entendre appeler < Rabbi > par les gens » (Mt 23,5-7).

III- La mission des disciples

III.1- L’appel des douze Apôtres (Mc 3,13-15)

Le récit du premier évangile mis par écrit nous renseigne sur la façon dont Jésus s’associait des gens pour continuer la mission avec lui et après lui. « Il gravit la montagne et il appelle à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en institua Douze, qu’il appela apôtres, pour être des compagnons, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les démons ».

Jésus souligne la gratuité de cet appel, précisant qu’il est le Maître de la mission, le Maître de la moisson. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure… » (Jn 15,16).

Les disciples ont tous passé du temps avec le maître, ils ont écouté son enseignement, et l’ont observé dans son action. C’est quand ils sont devenus disciples et seulement alors qu’il les a envoyés (comme apostoloi) aux mêmes endroits où lui-même devait aller avec son message, annonçant le royaume de Dieu! En d’autres termes, ils ne remplacent pas Jésus, ils continuent plutôt sa mission et lui préparent la route. C’est seulement après ce temps passé avec lui que Jésus leur confie la charge d’apôtres. La condition de disciple est à donc à l’origine de l’apostolat, de la mission.

Comme dans l’Évangile, Jésus nous appelle nous aussi à devenir ses disciples et à poursuivre son œuvre de salut dans le monde.

III.2- Les exigences de la suite de Jésus

Suivre le Christ comporte des exigences. Cela signifie emprunter un chemin permanent de conversion pour ressembler au Maître et faire sa volonté.

+ Cette suite de Jésus est essentiellement service – fraternel.

« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27).

« Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir »(Mc 10,45).

« Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14).

+ Cette suite de Jésus est aussi itinérance. Il n’a pas de logis à lui…

« Le Fils de l’homme n’a même pas de pierre où poser sa tête » (Lc 9,57).

« Il est sorti pour aller ailleurs… » (Mc 1, 35-39).

Il est tout disponible pour le service de son Père. On ne peut le retenir. Il a ses amis mais il reste libre face à eux…on ne peut l’accaparer…

+ La suite de Jésus entraîne la contestation.

« Le disciple n’est pas au-dessus du maître » (Lc 6,40).

Il nous faudra toujours aller à contre courant d’une manière ou d’une autre, de cette logique mondaine, si contraire au mouvement du Verbe Incarné et Crucifié. Loin de se surprendre des résistances qu’il rencontre, le disciple devra s’inquiéter de n’en trouver aucune sur sa route. « Malheur à vous quand tout le monde dira du bien de vous. C’est bien de cette manière que leurs pères traitaient les faux prophètes » (Lc 6,26). Le disciple rencontrera sur sa route de la contestation, des oppositions, des critiques parfois acerbes...

En conclusion, le disciple est celui qui accepte de se laisser transformer pour devenir petit à petit parcelle du Royaume, Bonne Nouvelle pour le monde, et d’une façon toute particulière pour les petits et les déshérités, les oubliés, les exclus de nos sociétés. Comme il est bon de croiser sur sa route une femme, un homme qui s’est laissé traverser, imprégner par l’Esprit de Jésus Christ. On sent chez cette personne le respect, l’attention, la délicatesse, la bonté, la compréhension, la largeur de vue. On sent chez elle la paix, la sérénité mais aussi une souffrance intérieure profonde…la paix parce qu’elle a une espérance folle en la venue du Monde Nouveau…mais aussi la souffrance de voir tant de ses frères et sœurs souffrir … On sent chez elle la pauvreté qui côtoie la grandeur, la fragilité qui côtoie l’assurance… Ces personnes nous donnent le goût de vivre pleinement notre vie. Elles suscitent le goût de devenir meilleur, d’accueillir en soi le Royaume… C’est ce à quoi est appelé le disciple… « Vous serez saints comme moi je suis saint. »

III.3-La Mission du disciple : être sur cette terre le cœur de Dieu.

« Nous avons contemplé et nous attestons que le Père a tant aimé le monde …qu’il a envoyé son Fils comme sauveur du monde … Il nous a donné son Esprit ... et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru : Dieu est Amour » (1 Jn 4, 13-16).

Par sa mort sur la croix, le cœur ouvert, Jésus nous a pleinement manifesté cet amour. En nous montrant ses mains et son côté, le Ressuscité ne se contente pas de nous le rappeler, mais il nous appelle à devenir ce que nous contemplons et à partager sa mission : « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21).

Pendant sa vie terrestre, le Christ a parfaitement accompli l’œuvre que le Père lui avait confié. Maintenant qu’il est définitivement retourné auprès de lui, jusqu’à ce qu’il revienne dans la Gloire pour juger les vivants et les morts, à la fin du monde.

Jésus envoie ses disciples dans le monde entier (Mt 28, 16-20). Ils ont à témoigner de ce qu’ils ont vu et entendu afin que rien de lui ne s’efface, et que tous les hommes soient sauvés.

Aujourd’hui comme hier, le Seigneur nous envoie. C’est à nous de prendre sa place pour que rien de ce que nous avons reconnu et contemplé ne s’oublie. Son amour nous a séduits, mais comment répondre à l’amour de Dieu pour nous, comment l’aimer en retour, le faire connaître, le faire aimer et préparer ainsi le retour du Christ dans la Gloire ? Comment prendre sa place aujourd’hui ? Jésus lui-même nous en indique la manière : « ce que j’ai fait pour vous, faites le vous aussi » (Jn 15,13)

Appelé à reproduire l’image du Christ et à lui ressembler par une vie conforme à sa parole, le disciple de Jésus est invité à l’imiter de la meilleure manière en étant à la suite de Jésus le cœur de Dieu sur la terre. N’est-ce pas là une manière originale et actuelle de répondre à l’amour de Dieu pour lui, de vivre son baptême et de « prendre sa place aujourd’hui » ? Dans cette perspective, le disciple de Jésus adoptera un comportement qui consiste à aimer comme Jésus son maître, c'est-à-dire à vivre les trois dimensions de l’amour divin que sont le don (comme le Père) l’accueil (comme le Fils) et la communion (comme l’Esprit).

a) L’accueil

Homme –Dieu au cœur ouvert, Jésus est tout accueil au don du Père et tout accueil à la misère de l’homme. Solidaire de Dieu, il est solidaire de l’homme. Cela implique que son disciple soit comme lui : un cœur ouvert à Dieu et aux frères, accueillant chacun avec amour, sans distinction, sans différence, comme un frère accueille des frères, un cœur attentif à tous leurs besoins, dans un respect profond de leur personne et suffisamment désencombré de lui-même pour leur faire toute la place en lui, à l’exemple du bon samaritain.

b) Le partage

Cœur ouvert à Dieu et aux hommes, Jésus n’a rien gardé pour lui. Tout ce qu’il a reçu du Père, il l’a donné aux hommes. Cela implique, qu’à l’exemple du Maître, le disciple se donne tout entier dans ce qu’il partage, jusqu’à se déposséder de lui-même et de sa propre vie, car l’amour est essentiellement don de soi. Ce partage va au-delà du partage des biens, de notre superflu, de notre amitié, de notre temps ou même de notre nécessaire. Il inclut la volonté de servir les frères comme le Serviteur et de les aimer comme le bon Berger de l’Évangile.

c) La communion

Cœur ouvert par l’amour que ni la mort, ni la haine n’ont rien pu fermer, Jésus répand sur le monde pécheur l’esprit qui pardonne, réconcilie, et restaure l’homme dans sa dignité de fils et de frère. Cela implique que le disciple soit à la suite de Jésus : un homme au cœur de miséricorde proche des pécheurs, un cœur source de vie par le pardon sans cesse demandé et toujours offert, car c’est essentiellement par le pardon que le Christ a rétabli la communion brisée entre Dieu et l’homme et entre les hommes divisés par le péché.

Conclusion

Pour être témoin du Christ, il faut d’abord être son disciple. Nous avons entendu Jésus nous dire au fond de notre cœur : « Si tu veux, viens à ma suite…tu seras mon témoin ! » Le témoin est celui qui a rencontré, qui a vu, qui a entendu, qui a expérimenté le salut apporté par Jésus Christ et qui est prêt à s’engager personnellement par sa vie. Le témoin fidèle, c'est encore celui dont l'action attestera publiquement de l'homme intérieur lui-même, de sa conviction et de sa foi.

Ainsi nous réalisons qu’il nous est impossible d'être témoin sans être d’abord disciple de Jésus, sans nous mettre à sa suite, sans « être avec lui », sans longuement le fréquenter, sans demeurer avec lui, sans être son compagnon de route. Ne l’oublions pas, c’est du groupe des disciples que Jésus tire le groupe plus restreint de ses apôtres.

La condition de disciple est à l’origine de l’apostolat et demeure son présupposé constant; n’est-ce pas sur la base de leur expérience personnelle que les apôtres devront faire de toutes les nations des disciples ?

Le mandat missionnaire laissé par Jésus doit être réalisé par ses disciples de tous les temps et de tous les lieux : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15).

 

Monseigneur Philippe OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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