« Quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, ferme la porte… » (Mat 6, 6).

Le lieu

Avoir un endroit spécial pour la prière est bien. Un objet religieux facilite la prière : crucifix, statue, image, bougie, tapis…

Un catéchiste du Tchad a suivi l’école d’oraison. Maintenant, il fait oraison chaque jour. Pour cela il s’assoit derrière sa case. Pendant ce temps, les enfants jouent de l’autre côté.

Le moment

Il faut choisir le meilleur moment de la journée. Pour plusieurs, ce qui leur convient, c’est le matin ; après le repos de la nuit, on est en forme.

D’autres préfèrent le soir : après le travail, ils aiment se retrouver longuement auprès du Seigneur et faire en même temps le bilan de la journée pour remercier et demander pardon. Quelques-uns profitent de la coupure du milieu du jour, après le repas. A chacun de voir ce qui lui convient. De toute manière, il faut choisir un moment où l’on pourra trouver du silence.

La durée

Combien de temps dure l’oraison ? C’est à chacun de fixer le temps. Pour débuter, dix ou quinze minutes…Pour un jeune, pour un père ou une mère de famille très occupés, cela peut suffire. Au début, commencer avec un objectif raisonnable, modeste mais essayer de s’y tenir fidèlement chaque jour.

Plus tard, quand on sera bien à l’aise dans l’oraison, on pourra passer à vingt minutes. L’idéal pour un laïc, c’est une demi-heure.

Bien sûr, s’il y a une urgence (quelqu’un est malade…) il faut y aller tout de suite : c’est prioritaire. On peut soit raccourcir l’oraison , soit la reporter à un autre moment, ou même la supprimer pour une fois.

Ceux qui ont des insomnies peuvent très bien prier la nuit. Au lieu de perdre leur temps en pensant à des choses inutiles, ils peuvent dire du chapelet ou faire oraison. « La nuit mon âme te désire et mon esprit au fond de moi me guette dès l’aurore » (Isaïe 26, 9).

Une maman qui se trouve seule avec de nombreux enfants à nourrir est débordée de travail. Pour elle, faire des invocations en allant et venant (Gloire à Dieu… Prends pitié… Merci Seigneur… Je t’aime…) c’est déjà beaucoup.

Cependant qu’elle essaie de trouver un quart d’heure de calme, utile pour le repos à la fois de son corps et de son âme. Cette simple prière du cœur est grande aux yeux du Seigneur.

Quant aux religieux, religieuses et prêtres, il doivent essayer de faire chaque jour au moins une heure d’oraison. Prier pour ceux dont ils s’occupent fait partie de leur vocation. Ce n’est pas du temps enlevé aux activités de leur ministère, mais le cœur même de ce ministère, ce qui donne valeur à tout le reste.

Un maître spirituel, le père Caffarel disait même – en s’appuyant sur une tradition que certains ordres ont conservée - que les prêtres devraient prendre deux heures, soit une heure le matin et une heure le soir… A chacun de juger quelles sont ses possibilités réelles.

Donner du temps à l’oraison est un choix

Plus on est surchargé, plus il est nécessaire de s’arrêter pour faire le point.

Il faut du temps pour quitter les préoccupations et les images qui encombrent l’esprit. C’est pourquoi l’expérience montre qu’une demi-heure, ce n’est pas suffisant pour atteindre vraiment Dieu. Il est nécessaire, si l’on peut, d’y consacrer une heure.

Mais il ne faut pas brûler les étapes. Être sage et prudent. Vouloir aller trop vite dès le départ, risque d’aboutir au découragement et à l’échec. A chacun de s’accepter tel qu’il est avec ses limites.

Il faut se dire aussi que la vie spirituelle comporte des étapes. Ce qui paraît impossible aujourd’hui, sera peut-être possible plus tard, et même facile.

Beaucoup se découragent et arrêtent. Mais ils doivent toujours garder leur projet. Espérons que plus tard ils recommenceront à faire oraison.

L’oraison demande du temps. Peut-être est-il nécessaire de revoir le programme de nos journées. Je me dois à mon travail professionnel, à ma famille. Certains sont engagés dans la vie paroissiale ou dans des services. Cela fait beaucoup de choses. Quelle est ma part de loisirs ? Est-ce que je passe trop de temps à la radio ou à télévision ?

Je dois réfléchir et me demander où est le plus important. Qu’est-ce que je dois sacrifier ? Il ne faut pas dire : Je n’ai pas le temps de prier. On a toujours le temps de faire ce qu’on aime.

« Ne pensons pas que si nos journées avaient vingt-cinq heures, il nous serait plus facile de faire oraison chaque jour pendant une heure. Le problème serait exactement le même : Il nous faudrait interrompre le cours de nos activités afin de brûler du temps pour Dieu » (Mgr Sankalé).

La vie d’oraison suppose un choix : peut-être faudra-t-il laisser tomber certaines activités, à cause du Seigneur : « Dieu premier servi » (Sainte Jeanne d’Arc).

Préparer son cœur en vue de l’oraison

Voici plusieurs attitudes qui favorisent la pratique de l’oraison :

- disponibilité et maîtrise de soi

- silence

- pureté du cœur

- mortification

- joie

- désir et amour

Disponibilité et maîtrise de soi

L’oraison nous oblige à couper avec ce qui nous plaît. C’est Dieu qui est le plus important. Lui seul est le bonheur. L’oraison nous révèle combien nous sommes habituellement loin de Lui : elle nous montre où sont nos points de résistance, nos péchés. Elle est le lieu du combat. Elle contribue à nous libérer, à nous guérir.

D’une manière générale, être attentif aux appels de Dieu, dire oui à ce qu’il demande, rester « en tenue de service » (Luc 12, 35), ne pas s’attacher aux affaires courantes (Cor 7, 31) dispose le cœur à l’oraison.

A l’intérieur de soi, essayer de maîtriser les émotions, afin de vivre dans la paix et de rayonner cette même paix à l’extérieur, à l’exemple des maîtres de sagesse orientaux.

Dans le déroulement des journées :

- Accepter les imprévus.

- Ne pas vouloir tout commander.

- Être capable d’arrêter une occupation intéressante.

- Ne pas se laisser envahir par des soucis exagérés.

- Rester calme devant les contrariétés.

- Ne pas se mettre en colère.

- Reconnaître facilement que l’on a eu tort.

- Ne pas toujours chercher à se justifier.

- pardonner les procédés blessants.

- Éviter les paroles inutiles, couper les conversations trop longues.

- Répondre avec douceur à ceux qui nous énervent.

- Sourire et rester habituellement serein.

Tout cela aide à mettre la paix et l’harmonie en soi et autour de soi et facilité l’entrée dans la prière.

Quand je suis tiraillé à cause de mes attachements, je peux appeler Jésus en prononçant son nom ; ou dire, comme Saint Pierre : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». (Jean 21,17)

Silence

Souvent notre vie est agitée à cause du travail professionnel ou familial, à cause des soucis, du stress de la vie moderne. Parfois c’est de notre faute. Au fond nous aimons cette agitation : nous sommes dispersés.

L’oraison marque un temps d’arrêt. Elle nous rappelle qu’être chrétien consiste d’abord à aimer Dieu, avant de faire des actions pour lui : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu … »

Le silence ne consiste pas seulement à arrêter les paroles et les pensées. Le vrai silence naît quand l’âme prend conscience que Dieu est là. Alors sa Parole peut se faire entendre. Dieu fait entrer l’âme en lui et lui donne part à tout ce qu’il est, son être et sa vie. « Je leur donne la vie éternelle » (Jean 10,28)

Le silence nous permet également de retrouver la racine de notre être et de refaire en nous l’unité brisée par l’attachement à ce qui se passe. De plus, grâce au silence, nous rencontrons les autres, non pas comme nous les voyons, mais tels que Dieu les aime.

Le silence est une condition nécessaire à la contemplation.

La pureté du cœur

Nous tolérons le péché en nous… Nous sommes malades, mais nous n’avons pas vraiment envie de guérir. La présence de ces attaches à ce qui n’est pas Dieu nous empêche de progresser.

Dieu refuse la moindre trace de mal chez ses amis : « Soyez saints parce que je suis saint » (1 Pierre 1, 16) – « Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait » (Mat. 5, 48). Dans la Jérusalem céleste « rien de souillé ne pourra pénétrer ». (Ap. 21, 27)

La pureté du cœur c’est d’abord le désir de parvenir à la sainteté de Dieu. En conséquence, c’est une guerre impitoyable contre toutes les formes du mal qui se cache en nous.

Donc le priant met tout en œuvre pour déraciner les tendances mauvaises qu’il découvre en lui. Également il cherche à mettre sa conduite réelle de chaque jour en rapport avec ses bonnes intentions.

L’examen de conscience, le sacrement de réconciliation et la communion fréquente sont les remèdes les plus efficaces pour lutter contre le péché.

Mortification

Mais, l’Église, tout en nous offrant ces moyens de purification, nous demande de compléter notre démarche par des gestes exprimant notre repentir.

« Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces. » (Pierre 2, 21) – « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mat 16, 24).

Saint Paul ajoute : « Je traite durement mon corps » (1Cor. 9, 27) « J’achève en mon corps ce qui manque aux souffrances du Christ » (Col. 1, 24). « Nous prêchons un Messie crucifié » (1 Cor. 1, 23) – (voir Gal 6, 14 ; 1 Cor. 1, 17 et 2, 2).

La pénitence ou mortification a pour but d’imiter Jésus qui, le premier, a porté sa croix, et par là, de réparer le désordre causé par nos péchés.

Cela peut se pratiquer de bien des manières ; se méfier du piège de l’argent, se priver volontairement d’une dépense inutile, jeûner de temps en temps, choisir un style de vie pauvre, partager avec ceux qui ont faim … Dans la vie quotidienne, accepter les peines, les souffrances, la maladie, le caractère du prochain… tout cela par amour de Jésus.

Cependant nos seuls efforts sont incapables de procurer la pureté du cœur. Seul l’Esprit Saint peut nous y faire parvenir petit à petit. Demandons-lui humblement d’enlever lui-même la rouille de notre âme.

Joie

Une certaine discipline de vie ne doit pas nous attrister, au contraire. Le climat normal du priant est la joie.

Déjà le psaumes sont remplis d’appels à la louange et à la joie : « Acclamez le Seigneur, terre entière » (Ps 100) - « Ton amour me fait danser de joie » (31, 8).

Le discours sur la montagne commence par huit déclarations de bonheur. Mais il y en a beaucoup d’autres dans le Nouveau Testament. Jésus promet la joie à ses disciples : « Je vous ai dit ces choses pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jean 15, 11). Et Saint Paul : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur » (Phil. 4, 4 ; 1 Thes. 5, 16). L’Esprit Saint est le trésor caché qui remplit de joie celui qui l’a découvert (Mat. 13, 44).

Désir et amour

Dieu nous désire bien plus que nous le désirons.

Donc, la meilleure disposition pour prier, c’est de désirer Dieu, d’avoir faim et soif de lui, et surtout de l’aimer. Je suis en conversation avec mon meilleur ami. Sans cette faim, nous nous égarons ici et là.

« Dieu, tu es mon Dieu. Je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi » (Ps 63)

« Je n’ai d’autre désir que de t’appartenir » (Sainte Thérèse)

Le jeûne

Le jeûne consiste à se priver momentanément d'une nourriture normale.

Dans la Bible, le jeûne dure d'un coucher du soleil à l'autre.

On jeûne pour réparer une faute (1 Rois 21, 27) ou encore après une défaite nationale (Joël 2, 12). On supplie avant une action difficile (Est 4, 16).

Le jeûne n'est pas triste : "Les jeûnes de la Maison d'Israël seront des jours de joie et de fête" (Za 8, 9). Pour éviter de montrer que l'on jeûne, Jésus recommande de se parfumer la tête (Mat 6 ,7).

Dans la liturgie orthodoxe, on chante : "Commençons joyeusement le temps du jeûne et livrons-nous au combat spirituel".

"C'est par un long jeûne de Jésus au désert que le salut d' l'humanité a commencé. Nous devons retourner volontairement à l'exercice du jeûne qui, uni à la prière et aux bonnes œuvres, fait partie de l’Écriture et de la tradition" (P. Werenfried)

L’Église catholique n'impose plus que deux jours de jeûne par an : le Mercredi des Cendres, pour l'ouverture du carême, et le Vendredi Saint, en union avec la mort de Jésus.

Le P. Werenfried est miséricordieux : "Jeûner, c'est ne prendre qu'un repas par jour et se passer des autres ou les réduire à ce qui est nécessaire pour accomplir son devoir d'état". Mais il ajoute : "Jeûner veut dire avoir faim". Quand on jeûne, il faut boire suffisamment.

Pourquoi jeûner ?

- Le premier sens du jeûne est de reconnaître que Dieu est notre nourriture. "L'homme ne vit pas seulement de pain" (Deut 8, 3 ; Mat 4, 4). Jésus affirme : "Ma chair est la vraie nourriture" (Jean 6, 55). Aucun bien de la terre ne peut satisfaire notre besoin de bonheur.

- Le jeûne signifie aussi l'humilité devant la grandeur de Dieu (Lév 16, 19 ; Dan 9, 3 ; Esd. 8, 21). Il est toujours accompagné de prière. Moïse (Ex 34, 28), Élie (I Rois 19, 8) et plus tard Jésus se préparent à leur mission par un grand jeûne de 40 jours.

- Il combat notre avidité des biens terrestres et des plaisirs. Il discipline le corps qui réclame toujours plus. On jeûne pour réparer les péchés de gourmandise (ou de boisson) et les fautes de toute sorte que nous commettons (I Rois 21, 27).

- Jésus considère le jeûne comme quelque chose d'habituel et normal : "Quand tu jeûnes…" (Mat 6, 16).

Les premières communautés chrétiennes jeûnaient (Act 13, 2-3 ; 14, 23). St Paul jeûne souvent (2 Cor 6, 5 ; 11, 27).

- Même si le Christ est toujours avec nous, sa présence est cachée. "Quand l’Époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront" (Mat 9, 15). Nous ne sommes pas encore dans le Royaume, Dieu nous manque ; le jeûne exprime cette attente.

Les fruits du jeûne sont nombreux

- Le jeûne permet de partager avec ceux qui ont faim et qui jeûnent pendant toute l'année, par nécessité.

- Il nous convertit. Il transforme notre être par la grâce. Il approfondit notre prière et nous rapproche de Dieu. Une préface de carême dit : "Tu veux, par notre jeûne et nos privations réprimer nos penchants mauvais, élever nos esprits, nous donner la force et enfin la récompense, par le Christ Notre Seigneur".

- Il donne fécondité à nos vies. Le Curé d'Ars, qui observait un jeûne rigoureux, a converti de nombreux pécheurs. Plus modestement, quand nous jeûnons pour Dieu, selon nos possibilités, nous remarquons souvent des résultats merveilleux et inattendus. "Quand je jeûne, disait un musulman, cela fait tomber une pluie de grâces sur moi et autour de moi".

Jésus dit à ses apôtres que seul le jeûne, accompagné de prière, peut chasser le démon (Mat 17, 21).

- Le jeûne crée une solidarité spirituelle avec tous ceux qui souffrent : "Je marche pour un missionnaire" (Sainte Thérèse).

Pour toutes ces raisons, le jeûne a normalement place dans une vie d'oraison.

Abbé Yves JAUSIONS
Diocèse de Rennes, FRANCE
Dans : Oraison sans frontières, 2006.