Chers frères et sœurs,

Fils et filles de l’Église Famille de Dieu à Ouagadougou,

La Solennité du Corps et du Sang du Christ, Fête du Très Saint Sacrement, appelée encore Fête-Dieu, a été instituée seulement au 13ème siècle par le Pape Urbain IV, mais elle prend ses sources dans une longue et vivante tradition de piété et de dévotion populaires, enracinées elles-mêmes dans la foi de l’Église au mystère de l’Eucharistie, Corps et Sang du Christ, offerts pour le salut du monde.

Alors que la célébration de cette Solennité, comme toute célébration eucharistique, est d’abord une action de grâce au Seigneur pour ce don merveilleux, œuvre de son amour et de sa miséricorde infinie,elle veut nous rappeler aussi, à travers la traditionnelle procession qui suivra, que Dieu se fait présence en nous, pour que nous devenions à notre tour, et de manière qualitative, présents aux hommes et au monde, pour l’avènement de son Règne d’amour, de paix, de justice et de réconciliation, ce monde digne des aspirations les plus profondes du cœur de l’homme.

Cette Solennité, comme le dit le Pape François, est un « acte solennel public de foi et d’amour envers Jésus Eucharistie » qui veut entrer dans nos cœurs pour déployer dans nos vies et à travers nous l’indescriptible fécondité du mystère pascal qui est mystère de salut.

Au nom de notre Église Famille de Dieu, je voudrais exprimer notre sincère gratitude :

Aux autorités militaires et communales qui ont accueilli avec bienveillance notre requête pour célébrer la Fête du Très Saint Sacrement à la Place de la Nation et organiser ensuite des processions à travers cinq artères bien déterminés de la ville. Merci à nos autorités pour cet exemple de coopération dans une laïcité positive qui permet à chaque entité de notre communauté nationale de vivre sereinement selon ses convictions dans le respect des normes établies par la loi.

Je voudrais aussi vous saluer tous, prêtres, religieux, religieuses, catéchistes, hommes et femmes, enfants, jeunes et personnes âgées…,vous qui êtes accourus si nombreux à cette place ce matin, manifestant ainsi votre ardent désir d’ouvrir encore vos cœurs à la présence de Dieu, et signifiant aussi votre disponibilité à devenir, partout où cela est nécessaire, des témoins et des relais de l’amour de Dieu manifesté et donné en son Fils Jésus-Christ, pour l’avènement d’un monde nouveau auquel nos cœurs aspirent. Que Dieu vous bénisse et vous donne de déborder en grâces de paix, de joie et de sainteté pour votre bien, pour celui de vos familles et pour le salut du monde.

I- La Parole de Dieu sur l’Eucharistie

La Parole de Dieu de ce dimanche de la solennité du Saint Sacrement voudrait nous aider à mieux comprendre l’Eucharistie, pour mieux la célébrer et mieux la vivre.

Dans la première lecture (Ex 24,3-8), Dieu se fait connaître et communiquer par Moïse son prophète, son porte-parole. Dieu aime son peuple et le protège ; par ses commandements, il s’engage envers ce peuple à la nuque raide et scelle avec lui une alliance d’amour.

Pour nous chrétiens, l’Église est le Nouveau Peuple de Dieu et Jésus est à la fois, le Nouveau Moïse et le nouvel Agneau pascal, venu donner sa vie et verser son sang pour obtenir, en faveur de la multitude des pécheurs, c’est-à-dire de tous les hommes, « une libération définitive ». En ce sens, le Christ est le seul Grand Prêtre, capable de sanctifier ses frères et sœurs et de les mener vers Dieu. Lui seul a donné sa vie pour libérer l’humanité du péché et de la mort et lui ouvrir ainsi le chemin vers le bonheur impérissable qu’est la vie éternelle (cf. He 9, 11-15).

Chaque Eucharistie que nous célébrons actualise l’offrande de Jésus à son Père : sa passion, sa mort et sa résurrection pour le salut du monde. Lorsque les chrétiens célèbrent l’Eucharistie, ils font mémoire de l’événement fondateur de l’Alliance Nouvelle et actualisent de génération en génération les dons du salut.

« Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous ; Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi. »

L’Eucharistie est donc le mémorial du sacrifice du Christ qui rend disponible et accessible la puissance de l’amour divin qui libère et sauve l’homme. Elle révèle bien l’amour de Dieu, Jésus qui se donne livre et se donne à nous pour communiquer la vie divine et être notre force dans notre pèlerinage terrestre.

II- L’Eucharistie : ferment du monde nouveau

Le sacrifice du Christ, actualisé dans l’Eucharistie, ne nous communique pas seulement l’amour de Dieu ; il nous introduit aussi dans le dynamisme et la fécondité de cet amour. Ainsi, à chaque fois que nous posons le moindre acte de charité ou le moindre geste de solidarité, à chaque fois que nous consentons à aimer et à pardonner, nous passons de la mort à la vie, parce que nous permettons au mystère pascal de se manifester et de se déployer pour notre salut et celui du monde. En cela, l’Eucharistie nous rend capables de relations nouvelles et fécondes qui communiquent et promeuvent la vie et qui contribuent à l’avènement du Règne de Dieu. De ce point de vue, chers frères et sœurs, il ne se fait aucun doute que l’Eucharistie est le ferment du monde nouveau auquel aspirent nos cœurs. Elle porte en elle, en effet, la force d’une radicale transformation de l’homme et d’une transformation du visage de notre monde. C’est pour cela qu’à l’occasion de cette Solennité du Saint Sacrement, je vous ai demandé de prier de manière particulière et de manière intense pour notre pays, le Burkina Faso, et pour nos familles.

Les besoins de réconciliation, de justice et de paix qui caractérisent cette période de notre histoire commune révèlent la nécessité et l’urgence d’un nouveau pacte sociopolitique et économique, conclu sur les postulats du sens de l’autre, de la sollicitude pour les autres et de l’attention aux autres.

Si la transition en cours au Burkina Faso échoue à cause d’intérêts individuels, égoïstes et partisans, tout le monde ne sera-t-il pas perdant, à commencer par la grande majorité de nos populations notamment les pauvres, les chômeurs, les jeunes… Nous demandons donc à tous les protagonistes de la scène sociopolitique d’avoir pitié de notre peuple, de poursuivre le dialogue et de mettre tout en œuvre pour l’heureux aboutissement du processus de transition par des élections libres, apaisées, transparentes, acceptées par tous. Seul un tel pacte social, bâti sur la dignité de la personne humaine, le Bien Commun, la solidarité et la fraternité, est à même de garantir la cohésion sociale, la convivialité et une paix durable. À ce propos, c’est à juste titre que le Saint-Père, le Pape François, dans son message pour la Journée Mondiale de la paix du 1er janvier 2014, affirme que la fraternité est « Fondement et route pour la paix ».

Chers frères et sœurs,

Fils et filles de l’Église Famille de Dieu,

Je vous invite à être aux avant-postes d’une telle exigence, pour l’avènement d’un Burkina Faso réconcilié dans la paix et la justice. L’Eucharistie est le Sacrement de l’amour. Participer à l’Eucharistie, recevoir le Corps et le Sang du Christ, c’est se reconnaître l’objet d’un amour qui nous saisit personnellement mais qui englobe en même temps tous les hommes et toute l’humanité. Autrement dit, recevoir l’Eucharistie, c’est accueillir l’amour du Dieu Père de tous qui nous donne de vivre comme des frères en Jésus. Le vécu de l’Eucharistie doit nécessairement nous transformer, nous attirer dans l’offrande de Jésus, nous engager résolument sur le chemin du double commandement de l’amour : amour Dieu et du prochain, et nous rappeler constamment la Magna Charta de la vie chrétienne, à vivre la charité dans le quotidien (cf. 1 Co 13). En effet, comme nous l’enseigne le Pape Benoît, « une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour, est en elle-même tronquée. » (Deus Caritas, n. 14)

L’Eucharistie est une école de fraternité et de solidarité. Reçue, contemplée et vécue dans la foi, elle communique la puissance de cet amour qui tue en nous les logiques de l’égoïsme, de l’individualisme, de l’intolérance, de la haine, de la violence, de la volonté de puissance et de domination. Elle offre le courage d’une éthique de la responsabilité vis-à-vis des autres, une éthique de la solidarité, du renoncement à soi et du partage, seule capable de promouvoir une paix sociale durable. Comme le disait le Pape Benoît, « L’artisan de paix, selon la béatitude de Jésus, est celui qui recherche le bien de l’autre » (n°3).

Prions pour notre pays le Burkina Faso et pour les communautés humaines déchirées par la guerre ou la haine. Que la célébration de l’Eucharistie de ce jour obtienne à tous la force de cet amour qui pousse à l’audace de ce nécessaire dépassement de soi, seul capable de préserver l’essentiel.

III- La famille : avenir du monde et de l’Église

Bien-aimés de Dieu, comme vous le savez tous, pour une société saine, il nous faut des familles saines. Pour une Église sainte, il nous faut des familles saintes. C’est pour cela que dans le cadre de la préparation des prochaines assises du Synode des Évêques à Rome (en octobre 2015) sur les défis de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation, je vous ai invité à prier aussi pour les familles, en particulier pendant le mois de mai, mois de Marie par excellence.

Familles chrétiennes,

Pour assumer votre mission d’école de la paix, de la justice et de la réconciliation à travers le vécu d’une constante sollicitude mutuelle qui ne cède pas à la routine et aux épreuves, je vous invite à vous attacher au Christ Eucharistie. C’est en Lui que, comme la samaritaine au bord du puits de Jacob, vous puiserez cette eau de l’amour qui ne tarit pas. C’est en Lui que vous puiserez les forces pour tenir face aux assauts des idéologies et des forces de démantèlement de la famille et c’est en cela que vous contribuerez à l’édification d’une société de paix, de justice et de réconciliation.

En vous exhortant à cela, je vous exprime aussi mon fervent désir de voir les familles être de véritables « églises domestiques » où la prière en famille se vit au quotidien. J’exprime le désir ardent de voir les familles et notamment les couples, venir à la messe ensemble, le dimanche, voire même en semaine. Je souhaite que chaque famille institue ses jours et ses heures de prière dans la semaine notamment la prière du soir. On pourrait aussi retenir un jour dans la semaine où toutes les familles, dans une gigantesque chaîne de prière, seront dans un élan unanime d’intercession, les unes pour les autres.

Félicitation aux mouvements et association de Pastorale familiale. Félicitation et merci à toutes les paroisses (6) qui ont déjà répondu généreusement à mon appel en édifiant des « chapelles d’adoration eucharistiques ». Notre gratitude aux groupes d'adoration les « Amis du Saint Sacrement » et à toutes les personnes de bonne volonté qui, quotidiennement, passe du temps devant le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie, dans une louange et supplication incessante.

Chers frères et sœurs,

Au nom de notre Église Famille de Dieu et en communion avec les Pères du synode d’octobre 2014, nous adressons à toutes les familles de notre Archidiocèse, un salut cordial et manifestons notre gratitude pour la généreuse fidélité avec laquelle tant d’époux chrétiens répondent à leur vocation et à leur mission en s’efforçant de vivre selon les finalités du mariage chrétien, à savoir : se rendre heureux l’un l’autre; procréer et éduquer les enfants. En outre, ils tiennent fermes par rapport à l’idéal du mariage monogamique qui exclut la polygamie et l’adultère ainsi que toute tentative de divorce. Tout cela est possible par la grâce de Dieu.

Malheureusement, un bon nombre de familles connaissent aussi des difficultés de tout genre : relations brisées, situations de conflits, de pauvreté ou de maladie. Nous les présentons toutes au Maître de l’impossible. Lui qui a changé l’eau en vin et qui transformera tout à l’heure les pauvres offrandes de nos mains en son Corps et en son Sang, qu’Il donne à toutes les familles éprouvées d’être transformées par l’effet de sa grâce, afin qu’elles se réconcilient et retrouvent paix, joie et amour. A tous courage, persévérance et espérance.

La Vierge Marie, femme eucharistique, fut la première a porté ce mystère dans son cœur et dans son corps. Elle l’a contemplé de ses yeux dans un engagement constant à ses côtés et, intimement uni à son Fils dans sa mission rédemptrice; elle est restée à la fois, ferme et indéfectible dans la foi et aussi l’humble servante du Seigneur. Daigne-t-elle nous inspirer tous la fermeté dans la foi et l’humilité dans le service. Qu’elle intercède pour nous et nous obtienne de voir se multiplier dans nos familles, dans notre pays et dans le monde entier, en fruits de paix, de joie, d’amour, de justice et de réconciliation, les grâces de ce grand mystère que nous célébrons en ce jour.

A tous et à toutes, bonne fête du Très Saint Sacrement!

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou