Textes : He 2, 14-18 ; Ps 23 ; Lc 2,22-40

Excellence,
Chers religieux (ses),
Chers frères et sœurs en Christ,

A vous tous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et de notre bien-aimé et Seigneur Jésus-Christ.

L’Église célèbre en ce jour, la fête de la Présentation du Seigneur et la journée mondiale de la vie consacrée, journée qui conclut dans l’Église universelle, l’Année de la vie consacrée inaugurée par le Pape François le 30 novembre 2014. J’adresse à tous les religieux (ses), ici présents mes vœux de bonne et joyeuse fête. Que le Seigneur vous bénisse et vous donne de recueillir à pleines mains, les fruits de cette année de la vie consacrée.

J’exprime ma reconnaissance à Son Excellence Mgr Jacques ANYILUNDA qui m’offre l’opportunité de célébrer cette Eucharistie avec vous et pour vous. Merci à vous tous prêtres, religieux (ses), et fidèles laïcs de l’Église Famille de Dapaong, pour votre présence et votre foi. En cette année jubilaire, jubilé d’or de création de votre diocèse, l’Église Famille de Dieu de Ouagadougou et du Burkina Faso, se joint à vous dans l’action de grâce et la supplication confiante afin que Dieu vous fasse grandir dans la sainteté et le rayonnement missionnaire pour poursuivre, sous la houlette de votre pasteur, la joyeuse annonce de l’Évangile.

I- La liturgie de la présentation du Seigneur

Chers frères et sœurs, dans la liturgie de la Présentation du Seigneur, Marie et Joseph se soumettent à la Loi de Moïse, permettant ainsi au Fils de Dieu, d’appartenir juridiquement au peuple d’Israël. Par cette obéissance à la Loi, les parents de Jésus contribuent à l’accomplissement des promesses divines.

« Quand vint la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de conférer l’adoption filiale » (Ga 4,4). Cette parole de l’apôtre Paul aux Galates, exprime toute la réalité de l’Incarnation du Fils de Dieu et son insertion dans l’histoire et la lignée des fils d’Abraham qu’il est venu sauver. Dans la présentation de Jésus, trois événements sont théoriquement célébrés conformément à la loi : la purification de Marie, le rachat du fils premier-né (Jésus) par le sacrifice prescrit par la loi et la présentation de Jésus au temple. Les parents de Jésus se sont soumis à la Loi. Mais en réalité, la Vierge Marie, après l’enfantement de Jésus n’avait pas besoin d’être purifiée comme le recommande la loi ; c’est plutôt la naissance de Jésus qui purifie le monde. En outre, la présentation de Jésus au temple est mise en exergue au détriment du rachat, car le Fils de Dieu n’est pas racheté. Jésus est Dieu, né de Dieu et, dans la présentation au temple, il s’offre de façon publique à son Père ; Ici transparait déjà l’élément du sacrifice et du sacerdoce Quant à la lettre aux Hébreux encore explicite sur ce sujet, elle souligne que le Christ Grand Prêtre a pris notre condition humaine en tout, à l’exception du péché, pour nous sauver. « Il lui fallait devenir en tout semblable à ses frères, pour être dans leurs relations avec Dieu, un prêtre miséricordieux et fidèle, capable d’enlever les péchés du peuple. » Enfin, la présentation de Jésus au temple se déroule dans une ambiance de pauvreté spirituelle en présence de Siméon et d’Anne, des âmes pauvres, ouvertes à la grâce de Dieu et qui attendaient avec foi et espérance la délivrance d’Israël...

Bien aimés de Dieu, à la suite de Jésus, le chrétien baptisé et de surcroît, toute âme consacrée est consacrée à Dieu, pour être sa propriété exclusive et pour s’offrir aussi au Père par Jésus à travers le don de soi au service des hommes et de l’Évangile. Il s’agit d’une vocation noble et exigeante à accueillir dans un cœur pauvre à l’instar de Marie, Joseph, Siméon et Anne. « Qui suis-je, Seigneur et qu’est-ce que ma maison pour que tu m’aies conduit jusqu’ici ? » (2 Sam 7, 18), devons-nous nous s’interroger à la manière du Roi David, devant le mystère insondable de notre vocation et élection.

II- Interpellations et invitations à l’adresse des consacrés

Chers frères et sœurs, au terme d’une année dédiée à la vie religieuse, l’Église en Afrique et dans le monde a redécouvert et approfondi toute la beauté et la splendeur de la vie consacrée. Que le nom du Seigneur soit béni à jamais !

Au début de l’année de la vie consacrée, la lettre circulaire de la congrégation pour les Instituts religieux et les Sociétés de vie apostolique, avait tracé pour toutes les personnes consacrées un chemin, un « itinéraire commun, lieu de réflexion personnelle, fraternelle, en institut (….) avec le désir et l’intention d’oser les décisions évangéliques qui porteront des fruits de renaissance et seront source de joie : "La primauté de Dieu apporte à l’existence humaine une plénitude de sens et de joie, car l’homme est fait pour Dieu et il est sans repos tant qu’il ne repose en Lui "». (Réjouissez-vous, n. 1). Chers religieux (ses), dans la réflexion, la prière, la méditation de la Parole de Dieu et la conversion du cœur, vous avez emprunté ce chemin sous la conduite de l’Esprit Saint, source de tout charisme dans l’Église. L’heure est à l’introspection et à l’évaluation, un exercice à effectuer individuellement et communautairement dans la prière et le recueillement, pour faire de cette année qui s’achève un tremplin de renouveau intérieur et de sanctification pour vous-mêmes et pour l’Église. En cela, les objectifs et attentes formulés par le Saint Père au début de cette année, pourraient vous servir d’orientation et de critères d’évaluation, à savoir « regarder le passé avec reconnaissance », « vivre le présent avec passion » et « embrasser l’avenir avec espérance » . L’année de la vie consacrée s’achève mais déjà doit germer en vous une vie nouvelle portant les empreintes des sillons tracés par cette année de grâce.

1- « Regarder le passé avec reconnaissance »

Durant toute cette année, le saint Père a invité tous les instituts religieux à « regarder le passé avec reconnaissance » ; il s’agit là de relire le passé avec foi pour rendre grâce à Dieu, l’auteur et la source de tout don. Selon la vision du Pape François, ce regard sur le passé a pour but le retour aux sources pour garder son identité propre et demeurer fidèle au charisme initial et à l’esprit du fondateur. La relecture du passé de chaque famille religieuse conduit à déceler les ombres et les lumières, toute chose qui mènera à deux attitudes fondamentales : l’action de grâce à Dieu pour ses multiples dons et la conversion pour plus de fidélité à l’évangile. Cette invitation pourrait s’appliquer à chacun individuellement et être pour tous une constante : relire sans cesse l’histoire de sa vocation personnelle pour rendre grâce à Dieu et mettre à nue les incohérences de sa vie afin de se conformer davantage aux exigences de sa vocation ; cette démarche peut constituer pour chacun et chacune un exercice fort édifiant dans la vie religieuse.

2- « Vivre le présent avec passion »

C’est un appel fort du Saint Père qui concerne plusieurs aspects de la vie consacrée. « Vivre le présent avec passion », revient à vivre l’Évangile dans toutes ses exigences et sa radicalité, à vivre les conseils évangéliques comme expression de votre amour passionné pour le Christ à qui vous avez consacré votre vie. Il s’agit véritablement d’une adhésion pleine à la personne du Christ et d’une imitation de son amour et de son cœur de pasteur. Au cours de l’année, cette orientation du Pape, invitait aussi les consacrés à relever le défi de l’amour, de la vie fraternelle et de la communion dans vos communautés et dans les diocèses. Cela implique une double dimension : la communion avec l’Église locale et le témoignage de la vie fraternelle au sein des communautés. Où en êtes-vous ? La communion avec l’Église particulière commande non seulement la participation aux multiples activités de la vie diocésaine mais aussi la coopération dans l’action pastorale et missionnaire au sein des paroisses et ce, dans une juste autonomie et selon vos charismes propres. La communion entre instituts religieux doit aussi être active et se traduire en soutiens multiples et multiformes, allant du soutien matériel jusqu’au soutien moral et spirituel. Quant à la vie fraternelle et communautaire, elle est à promouvoir car là réside le plus grand signe de notre appartenance au Christ.

3- « Embrasser l’avenir avec espérance »

La vie consacrée en Afrique comme partout ailleurs comporte de nombreux défis. Chaque famille religieuse a ses difficultés, ses crises qu’elle doit considérer avec réalisme et surtout avec beaucoup d’espérance. Les difficultés peuvent être de divers ordres : scandales et contre-témoignages, problèmes d’auto-prise en charge, difficultés de vie communautaire, incohérence entre notre parole et notre vie, crise de vocations, … Ce sont, dans notre contexte, autant de défis qui peuvent plonger les congrégations dans le pessimisme et le découragement. Ils révèlent bien notre fragilité malgré lequel, Dieu nous appelle à collaborer avec lui dans sa mission de salut pour l’humanité. Il nous appelle tels que nous sommes avec ce que nous sommes ; en somme, il nous fait confiance. D’où la nécessité de ne pas compter sur ses propres forces mais de compter plutôt sur Celui en qui nous avons mis notre confiance, Celui pour qui, « rien n’est impossible ». Chers religieux (ses), cela vous introduit dans une dynamique de confiance et d’espérance pour envisager toujours l’avenir avec sérénité et vous projeter dans cet avenir incertain avec beaucoup plus de foi et d’espérance.

En outre, l’attente forte que le Saint Père a exprimée à l’endroit des consacrés, en cette année de la vie consacrée, était digne d’intérêt et vous interpelle. Il s’agissait d’un appel à « réveiller le monde » par une vie de témoignage prophétique. « J’attends que vous réveilliez le monde », parce que la note qui caractérise la vie consacrée est la prophétie », exhorte-t-il. Le prophète est l’envoyé de Dieu qui parle en son nom; il vit une intimité profonde avec Dieu qui l’envoie auprès de ses frères et sœurs pour les ramener toujours à l’essentiel. « Par les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, la vie des personnes consacrées est devenue un témoignage prophétique. Elles peuvent être ainsi des modèles en matière de réconciliation, de justice et de paix, même dans des circonstances de fortes tensions…», écrivait le Pape Benoît dans « Africae Munus » (A.M, n°117).

Dans un monde sécularisé où se perdent foi, valeurs morales et évangéliques, respect et dignité de la personne humaine…, vous les consacrés devez interpeller les consciences par votre cohérence de vie et votre témoignage prophétique. Il vous revient par un témoignage de vie héroïque et la prédication, de réveiller notre monde en léthargie, éclairant ainsi les hommes et les femmes de notre temps à centrer leur vie sur Dieu. Ce témoignage n’est possible que dans la prière qui unit au Christ et féconde l’action apostolique et missionnaire. Ce sont là ces attentes fortes du Saint Père que vous, personnes consacrées devez, en conscience, maintenir vives à l’issue de cette année, pour qu’elles vous incitent à toujours aller en eau profonde, « duc in altum » dans le service de Dieu et de vos frères.

Pour terminer, rappelons-nous que la première assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, célébrée en 1994, a souligné avec justesse que la vie consacrée a un rôle particulier pour notre Église-Famille de Dieu. Le Saint Pape Jean-Paul II avait relevé, comme une des dimensions de la vie religieuse, l’appel à la sainteté et la primauté de la vie spirituelle qui constitue une interpellation pour tous. Le Décret conciliaire sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, invite les personnes consacrées, tous ceux qui confessent les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, à aimer Dieu plus que tout, à se livrer entièrement à Lui et à se dédier totalement au service de l’Évangile à la suite de Jésus venu servir et donner sa vie.

L’expérience montre que nous avons souvent du temps pour les œuvres de Dieu et pas assez pour Dieu lui-même. D’où la nécessité de cultiver avec un soin constant l’esprit d’oraison quotidiennement consolidée par l’Eucharistie, la Parole de Dieu et la Liturgie des Heures. Tout missionnaire n’est authentiquement missionnaire que s’il s’engage sur la voie de la prière et de la sainteté. « Le véritable missionnaire, c’est le saint » (RM, n°136), rappelle le Pape Jean-Paul II.

Bien chers frères et sœurs en Christ, la vie consacrée ne concerne pas seulement les religieux (ses) ; ce n’est pas une affaire privée. Elle concerne toute l’Église dans ses composantes : « La vie consacrée est un don à l’Église, elle naît dans l’Église, croît dans l’Église, et est toute orientée vers l’Église » (Lettre Apostolique à tous les consacrés), enseigne le Pape François. Nous avons tous un devoir de soutien et de prière à l’endroit des personnes consacrées si nous voulons qu’elles vivent pleinement leur vocation et remplissent leur mission dans l’Église. Alors, accompagnons-les toujours de nos prières pour que la vie consacrée brille de toute sa splendeur dans l’Église et que les personnes consacrés, par leur vie, donnent à contempler aux hommes de notre temps, les pages de l’Évangile.

Daigne la Vierge Marie, Modèle par excellence de toute vie consacrée, être pour tous et chacun, un guide et un soutien sur le chemin de la vie chrétienne et de la vie consacrée.

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

Suivez-nous sur Facebook