Chers frères et sœurs,

A vous tous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ (cf. Ep. 1,2).

I- Une Année Sainte, Année de la Miséricorde

A l’occasion du 50ème anniversaire de la clôture du Concile Vatican II, par une Bulle d’indiction, c’est-à-dire, par une ordonnance en date du 11 avril 2015 - Misericordiae Vultus - le Pape François propose à toute l’Église une Année Sainte, un jubilé extraordinaire de la Miséricorde « comme un temps favorable pour l’Église, afin que le témoignage rendu par les croyants soient plus fort et plus efficace. » (M.V, n.3).

Le Saint Père a officiellement ouvert l’Année sainte le 8 décembre 2015, solennité de l’Immaculée Conception et la conclura le 20 novembre 2016, en la solennité liturgique du Christ, Roi de l’Univers. L’ouverture du jubilé de la Miséricorde a été marquée par l’ouverture de la Porte de la Miséricorde de la Basilique Saint Pierre de Rome. Et aujourd’hui, dimanche 13 décembre 2015, des Portes Saintes seront ouvertes dans les Églises particulières. A l’instar de tous les diocèses, nous procédons à l’ouverture de la Porte de la Miséricorde dans notre Cathédrale de l’Immaculée Conception, Église Mère pour tous les fidèles, et dans la Basilique Notre Dame de Yagma où affluent tant de pèlerins en quête de conversion et de sanctification. Tout au long de l’Année Sainte, les chrétiens sont invités à entreprendre des démarches individuelles ou communautaires de pèlerinage à la Cathédrale ou au Sanctuaire de Yagma.

Vivre une Année jubilaire de la Miséricorde

Dans la tradition biblique, « jubilé » vient de l’expression hébraïque « yôbel », une corne de bélier qui servait de trompette avec laquelle on annonçait l’année jubilaire ou année sainte (cf. Lv 25,10-13). Dans la tradition catholique, la célébration des jubilés remonte au XVème siècle et se situe dans la perspective biblique qui se résumait en une Année de remise des dettes, de libération des esclaves, de repos des terres… Dans le Nouveau Testament, Jésus accomplit le jubilé antique en prêchant une année de grâce du Seigneur (cf. Is 61,1-2) : c’est une année de rémission des péchés et des peines pour les péchés, un temps de réconciliation, de conversion et de pénitence, d’engagement envers Dieu et ses frères les hommes. Ordinaire ou extraordinaire, l’Année jubilaire est aussi appelée Année Sainte parce qu’elle est essentiellement destinée à promouvoir la sainteté de vie par le moyen des rites sacrés, des œuvres de charité ou de miséricorde spirituelle ou corporelle (Cf. Catéchisme de l’Église Catholique 1992, 2447).

Un jubilé marque l’anniversaire d’un événement joyeux, religieux ou profane

Le Pape François, en instituant une Année Sainte de la miséricorde, voudrait donner une place centrale à la Miséricorde divine qui constitue du reste sa devise figurant sur son blason : « Miserando atque eligendo » (par miséricorde et par élection). Dans sa sollicitude pastorale, le Souverain Pontife voudrait aider « l’Église à rendre plus évidente sa mission de témoin de la miséricorde » en tant que signe vivant de l’Amour du Père.

« Dieu est amour » (1 Jn 4,8) et cet Amour est rendu visible et tangible en Jésus-Christ…La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Église…Sa crédibilité passe par le chemin de l’Amour miséricordieux et de la compassion dont en a fait preuve le Christ à travers sa vie. La justice n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Église doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif…Le temps est venu pour l’Église, pour ses fils et filles de retrouver la joyeuse annonce du pardon…Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne courage pour regarder l’avenir avec espérance (cf. M.V, 10). « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7).

II- Célébrer la miséricorde

Frères et sœurs,

Chaque Église particulière est invitée à célébrer et à vivre une année Sainte comme moment de grâce et de renouveau spirituel (MV, 3). Ainsi, en signe visible de communion avec l’Église Universelle, notre Église Famille de Dieu à Ouagadougou se retrouve ici à la cathédrale de l’Immaculée Conception et au sanctuaire Notre Dame de Yagma pour se laisser attirer et inonder par le visage miséricordieux du Père afin d’en faire notre style de vie.

« Que devons-nous faire ? », telle devrait être la question qui remonte spontanément à nos cœurs, à l’instar des foules de l’Évangile de ce 3ème dimanche de l’Avent (Lc 3,10-18), accourues pour recevoir le baptême de conversion et réaliser leur désir de changement. Aux foules, aux publicains, aux soldats…la réponse du prophète a un dénominateur commun : l’amour et la justice. C’est dire que Jésus, par sa passion, sa mort et sa résurrection entraîne tous les hommes dans l’esprit et le feu, c’est-à-dire, dans le monde de Dieu. Avec foi et humilité, nous sommes invités à vivre différentes célébrations et rites liturgiques, chemins favorables par lesquels le Dieu miséricordieux vient à notre rencontre, nous transforme et permet aux baptisés que nous sommes d’être des signes de l’Amour du Père. Dans le contexte du jubilé, plusieurs rites et signes ont une grande importance : j’en retiens trois : la Porte, le Pèlerinage, l’indulgence

La Porte sainte

La Porte sainte est une Porte ouverte par le Pape et les évêques pour marquer symboliquement le commencement de l’Année Sainte de la Miséricorde. L’ouverture de la Porte Sainte à Rome remonte au XVème siècle avec le Pape Martin V. La Porte représente le Christ : « Moi, je suis la Porte, si quelqu’un passe par moi, il sera sauvé », nous dit-il sans l’Évangile selon saint Jean (Jn 10,9). C’est Jésus, la Porte, le Chemin Unique et absolu, pour accéder au Salut, à la vie de communion avec Dieu. Pendant toute l’Année sainte, nous sommes invités à passer par « la porte de la Miséricorde où quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’Amour de Dieu qui console, pardonne et donne l’espérance » (MV, 3). En passant par la Porte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.

Le pèlerinage

Il est un des signes privilégiés de l’Année Sainte. La miséricorde divine est un but à atteindre et cela demande engagement et sacrifice. Le pèlerinage peut être entrepris individuellement, en famille ou en groupe ; il stimule notre conversion. Dans notre archidiocèse, la cathédrale et le sanctuaire de Yagma sont retenus comme lieux privilégiés de pèlerinage pendant l’Année Sainte de la miséricorde. Des schémas et suggestions vous seront proposés pour rendre fructueux les différentes démarches de foi, tels :

- Passage de la Porte Sainte

- Méditation de la Parole de Dieu en particulier l’Évangile selon saint Luc appelé l’Évangile de la miséricorde. Je propose à tous de lire et de méditer l’Évangile de Saint Luc pendant l’Année jubilaire.

- Célébration eucharistique

- La réception du sacrement de la réconciliation (confession)

- L’adoration eucharistique

- Le chemin de croix, l’office divin (bréviaire)

- La dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie.

- Le chapelet de la miséricorde divine ou le chapelet traditionnel.

Les prêtres se rendront disponibles pour accompagner les pèlerins et les aider à recevoir les sacrements notamment le sacrement de la réconciliation ; ils seront ainsi des instruments de la Miséricorde divine dont ils sont les dispensateurs. Le pape donne à tous les prêtres la faculté d’absoudre les péchés réservés notamment celui de l’avortement.

Les indulgences

L’indulgence, c’est l’expérience de la sainteté de l’Église qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la Rédemption du Christ.

Dans le sacrement de la réconciliation (confession), Dieu pardonne les péchés qui sont réellement effacés grâce au ministère du prêtre ou de l’évêque. Cependant l’empreinte négative des péchés dans notre comportement et nos pensées, peut demeurer. L’indulgence miséricordieuse de Dieu le Père rejoint le pécheur pardonné et le libère de tout ce qui reste comme conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché. (MV, 22). L’indulgence est la remise partielle ou plénière devant Dieu des peines temporelles dues pour les péchés dont la faute est déjà effacée (cf. canon 992).

Attachée à l’Année Sainte, l’indulgence ne s’obtient pas de façon automatique par l’accomplissement de rites ou démarches jubilaires tel le passage de la Porte Sainte. Pour obtenir l’indulgence, il faut être en état de grâce et se détacher complètement du péché. Il faut recevoir le sacrement de la réconciliation (confession), recevoir la sainte communion, prier aux intentions du saint Père. En outre, le fidèle qui veut bénéficier des indulgences, doit accomplir une œuvre de miséricorde corporelle telle donner à manger aux affamés, vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades ou les prisonniers, ensevelir les morts…. ou une œuvre de miséricorde spirituelle : consoler les affligés, pardonner les offenses, conseiller ceux qui doutent, supporter patiemment les personnes importunes (indésirées) prier pour les vivants et les morts (cf. catéchisme de l’Église Catholique, n 2447).

Les indulgences qui s’obtiennent par le ministère de l’Église, peuvent être appliqués aux vivants et aux défunts, c’est-à-dire qu’on peut les recevoir pour soi-même ou pour un défunt, mais pas pour une autre personne encore vivante. C’est à chacun de faire les démarches pour se libérer du péché et bénéficier de la miséricorde divine.

Frères et sœurs, ce sont là quelques aspects essentiels des grâces du jubilé Extraordinaire de la Miséricorde. Efforçons-nous de célébrer et de vivre avec fruit l’Année Sainte de la Miséricorde.

Au niveau paroissial, après ces célébrations diocésaines, chaque paroisse procèdera officiellement à l’inauguration du Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde le dimanche 20 décembre 2015. L’imprimerie « Presses Africaines » mettra à la disposition de tous des Posters et des prières. Il ne s’agira plus d’ouvrir d’autres portes dans les paroisses, mais d’introduire les fidèles à la célébration de cette Année Sainte. A cet effet, des enseignements, des catéchèses, des célébrations sur le thème de la miséricorde et sur le sens de la porte de la miséricorde ou sur « Misericordiae Vultus » pourraient être initiés pour permettre aux chrétiens de vivre avec fruits l’Année Sainte de la Miséricorde.

Par la suite, l’Aumônerie de l’hôpital Yalgado et de Paul VI ainsi que celle de la MACO, la MACA s’organiseront pour offrir aux malades et aux prisonniers, des occasions de contempler la Miséricorde de Dieu et d’en faire leur style de vie (M.V, 13).

Puisse Notre Église Famille de Dieu en communion avec l’Église Universelle, vivre ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme « moment extraordinaire de grâce et de renouveau spirituel », selon les vœux du saint Père. Daigne la Bienheureuse Vierge Marie prier pour nous et nous y accompagner maternellement.

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7).

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou