1) Harcèlement par Intrusion ou ÉROTOMANIE

L’érotomanie est la conviction délirante qu’a un individu d’être aimé d’un autre, généralement d’un niveau plus élevé. Les érotomanes sont considérés comme des personnes potentiellement dangereuses, car la phase d’espoir amoureux est suivie d’une phase de rancœur quand la personne comprend qu’elle n’est pas aimée en retour.

L’érotomanie est généralement violente, mais elle comporte aussi des formes subtiles comme le stalking américain qui se définit comme un « comportement impliquant explicitement ou implicitement une menace de mort, avec l’intention de provoquer la peur » ; la personne visée peut raisonnablement craindre pour sa vie ou du moins, craindre des blessures physiques. Dans le système français (appliqué chez nous), la police ne peut pas intervenir tant qu’il n’y a pas de preuves ni d’actes illicites, ce qui veut dire que personnes ciblées vivent dans la peur et n’ont aucun recours.

L’érotomane peut aussi menacer d’autres personnes que celle sur qui elle comptait avoir beaucoup d’estime : un autre supérieur hiérarchique ou un autre collègue, car elle se croit protégée, au-delà de la réalité ; pour cela, on parle d’un aléa relationnel.

2) Le syndrome du mouton

Dans les groupes, les individus fonctionnent parfois comme des sujets immatures qui ont besoin de dépendre d’un autre. Ils manquent de courage, ne réussissent pas à se démasquer des autres ni à penser par eux-mêmes.

On les voit suivre aveuglément la hiérarchie, obéissant à toutes les consignes même les plus absurdes, sans s’interroger sur le sens de ce qu’ils font, dans l’espoir que s’ils sont conformes et même hyperconformes, en anticipant sur la conformité attendue, ils seront protégés.

Plus la culture du groupe est forte, plus il est inconfortable de ne pas y adhérer. On risque d’être mis à l’écart ou même d’être harcelé, alors on préfère penser comme les autres ou plutôt comme ce que l’on croit que les autres pensent. Aristote disait, à ce propos : « Il n’y a aucune opinion, aussi absurde soit-elle, que les hommes n’aient pas rapidement adoptée dès qu’on a réussi à les persuader qu’elle était généralement acceptée » (Cf. Aristote : « Éthique à Nicomaque ». Les groupes ont tendance à choisir un leader qu’ils mettent en avant pour le suivre de façon passive, comme des moutons, sans aucun esprit critique.

« Ce que l’on appelle opinion commune est, à y bien regarder, l’opinion de deux ou trois personnes », nous dit Schopenhauer. Ce syndrome du mouton se retrouve à tous les niveaux de la hiérarchie. Les chefs d’entreprises ne sont pas épargnés, eux qui demandent l’avis d’experts, de consultants ou de gourous.

3) La transmission de la perversité

Lorsqu’un individu entre dans une structure hiérarchique, il ne se voit plus comme auteur de ses propres actes et responsable de ceux-ci, mais comme d’exécutant des volontés de cette hiérarchie et comme tel, déchargé de toute responsabilité. C’est comme s’ils avaient un organe en moins, leur sens moral n’existe pas, ils sont coupés d’eux-mêmes, sans mémoire et sans émotion. Ils souffrent en silence, de devoir commettre des actes qu’ils réprouvent. Ils érigent alors un « cynisme viril » en défense. (cf. DEJOURS C. : « Souffrance en France » - Seuil, Paris 1998). Pour ne pas être exclus du groupe ou tenus pour lâches par les collègues, ils collaborent à la souffrance et à l’injustice.

4) Les pervers narcissiques

Dans les groupes, il y a aussi des individus pervers qui se proposent comme leaders, quel que soit leur niveau hiérarchique. Ils renforcent leur pouvoir en désignant un ennemi commun contre lequel il faut se battre. Les salariés indécis suivent et deviennent des destructeurs par conformisme ou par peur de voir le groupe se retourner contre eux. Quant aux narcissiques eux-mêmes, ils éprouvent une grande jouissance à manipuler les autres pour les pousser à manipuler, à leur tour d’autres personnes. C’est ainsi qu’ils pratiquent souvent le harcèlement par délégation : par leurs remarques, par leurs suggestions, ils poussent les autres à agir et ils disparaissent de la circulation.

N.B. : Il faut se méfier du prosélytisme des pervers. Ils savent très bien séduire, mettre sous emprise et amener les autres à perdre leurs repères et à inverser leurs valeurs. Il suffit d’un individu pervers dans un groupe pour que tout le groupe perde ses repères moraux. Il suffit aussi d’une seule personne qui ne suit pas et qui dénonce les comportements inacceptables pour que tout le groupe ouvre les yeux et agisse.

La personnalité narcissique est très complexe : ce sont des individus démesurément préoccupés par leur ego, qui doivent à tout prix réussir, et être admirés, car ils guettent en permanence leur image dans le regard des autres. Ils s’efforcent de masquer leurs défaillances, car c’est l’image idéale qu’ils ont d’eux-mêmes qui les aide à tenir debout ; ils courent après le succès et la réussite, ils envient et haïssent les individus sereins qui n’ont rien à prouver et qui peuvent accepter tranquillement leurs propres faiblesses et éventuellement leurs échecs. Les psychanalystes parlent à leur sujet, de faux self, c’est-à-dire d’une personnalité fausse. En effet, ce sont des personnes très fragiles qui attendent tout du regard des autres. En réalité, ils ne s’aiment pas, convaincus qu’ils ne sont rien sans leurs succès.


Voilà quatre types de figurent qui nous permettent de penser à la prévention du harcèlement moral, car ne dit-on pas que si on reconnaît son ennemi, on sait comment l’attendre et éventuellement s’en défendre ?

 

Abbé Robert ILBOUDO,
Archidiocèse de Ouagadougou

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