Bien chers frères et sœurs en Christ !

Au début de ce temps de grâce, je vous adresse ma cordiale salutation et invoque sur chacun de vous et sur vos communautés la paix du Christ Jésus.

Nous voici encore parvenus cette année à ce temps fort de la vie de l’Eglise qu’est le carême. Comme dit l’Apôtre, « voici le temps favorable, voici le jour du salut » (Cf. 2 Co 6,2). Oui ce temps est une grâce accordée à chacun individuellement et à nos différentes communautés ecclésiales de pouvoir repartir du Christ, d’accueillir et de vivre ce temps comme une grâce qui sauve, dans la méditation de la Parole de Dieu, par la redécouverte de notre vie baptismale et comme un chemin de purification. Et comme le dit si bien le Pape Benoît XVI dans son message de Carême : « Pour emprunter sérieusement le chemin vers Pâques et nous préparer à célébrer la Résurrection du Seigneur (…) qu’est-ce qui pourrait être le plus adapté si ce n’est de nous laisser guider par la Parole de Dieu ? C’est pourquoi l’Eglise, à travers les textes évangéliques proclamés lors des dimanches de Carême, nous conduit à une rencontre particulièrement profonde avec le Seigneur, nous faisant parcourir à nouveau les étapes de l’initiation chrétienne. » (Cf. Message de carême 2011, n°2).

Cette lettre que je vous adresse au début de ce temps de carême me permet de revenir sur l’essentiel de ce temps fort de notre vie chrétienne, sur notre résolution à approfondir notre modèle ecclésiologique d’Eglise Famille de Dieu à travers la vie dans nos CCB et enfin de relever un effort commun pour notre témoignage au sein de la société.

I. Le sens du carême chrétien

Chers frères et sœurs en Christ, le carême n’est plus un mystère pour nous chrétiens. Mais nous avons toujours besoin d’avoir un regard neuf et nous poser la question de savoir comment bien le vivre. La spécificité du carême réside dans l’élan et l’aspiration de la créature qui cherche à rejoindre son créateur. Dans leurs enseignements, les pères de l’Eglise nous ont laissé en héritage des chemins par lesquels nous pouvons retrouver la jeunesse de l’âme par la prière, l’aumône (partage) et le jeûne. Cela fait de ce temps :

  • une supplication à Dieu avec un cœur sincère,
  • une reconnaissance de notre état de pécheurs devant Dieu suivie d’expiation et de pénitence,
  • une demande d’aide et de pardon.

Ces trois réalités sont unies et le Pape Jean Paul II le disait : « le jeûne peut être pratiqué sous des formes anciennes ou nouvelles comme signe de conversion, de repentir et de mortification personnelle et en même temps d’union avec le Christ crucifié et de solidarité avec ceux qui ont faim ».

I.1 La prière à l’école de Jésus

La prière est un élément important du carême. A la suite du Christ qui nous enseigne à prier en tout temps, le Pape Léon le Grand nous dit que ce qu'un chrétien doit faire en temps ordinaire, il devra mettre plus de soin et d’application à le faire pendant le carême ! Notre prière en ce temps est enrichie plus particulièrement par la méditation de la passion de notre Seigneur Jésus Christ. Mais d’autres initiatives pourraient nous aider à approfondir notre vie de chrétiens, comme la méditation de la Parole de Dieu, les retraites, les marches de carême etc.

I.2 Le jeûne pour le pardon de nos péchés.

Comme le dit une des Préfaces de Carême, « Tu accueilles nos pénitences comme une offrande à ta gloire ; car nos privations, tout en abaissant notre orgueil, nous invitent à imiter ta miséricorde et à partager avec ceux qui ont faim. » (P.E. N°3). Ainsi, le jeûne trouve son plein sens quand il est lié à la justice, à la charité et au partage. Nos privations ne doivent pas avoir d’autre but que de nous permettre de venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin.

Pour votre information, voici ce que dit la Loi de l’Eglise à propos de la pénitence : « Tous les fidèles sont tenus par la loi divine de faire pénitence chacun à sa façon ; mais pour que tous soient unis en quelque observance commune de la pénitence, sont prescrits des jours de pénitence durant lesquels les fidèles s’adonneront d’une manière spéciale à la prière et pratiqueront des œuvres de piété et de charité, se renonceront à eux-mêmes en remplissant plus fidèlement leurs obligations propres… » (Cf. canon 1249)

Pour ce qui est du jeûne et de l’abstinence, il faut retenir ceci :

  • Sont tenus par la loi de l’abstinence, selon les règles de l’Eglise universelle, les fidèles qui ont quatorze ans révolus.
    L’abstinence c’est le fait de ne pas consommer de viande et de ne pas boire d’alcool selon les dispositions des Evêques de la Conférence épiscopale Burkina-Niger.
  • Sont tenus par la loi du jeûne dans l’Eglise tous les fidèles majeurs jusqu’à la soixantième année commencée.

Le jeûne consiste, pour les fidèles de la Conférence épiscopale Burkina Niger, à ne prendre qu’un repas par jour.

  • L’abstinence sera observée tous les vendredis de l’année à moins qu’il ne tombe un jour de solennité.
  • L’abstinence et le jeûne seront observés le mercredi des cendres et le Vendredi Saint.

Le jeûne et l’abstinence n’ont pas de sens s’ils ne sont pas vécus dans un esprit de conversion.

I.3 L’aumône comme pratique de la charité

Ce temps de carême nous invite à plus de solidarité qui se traduit par l’exercice de la charité et du partage avec tous ceux qui sont dans le besoin. Pour cette année, je rappelle que notre effort de carême consistera à participer financièrement à tous les niveaux - individuel, familial, communautaire – à l’achèvement de la construction du Sanctuaire Marial de Yagma. Il appartient aux curés de prendre les dispositions qui conviennent pour susciter et faire parvenir les dons des fidèles à l’économat général. D’avance merci !

A côté de ces trois grands piliers du Carême, il y a les œuvres de miséricorde (cf. Mt 25) et la prière pour la conversion des pécheurs. Que chacun le fasse dans l’humilité et dans la sincérité au nom de sa foi. (Cf. Mt 6) Celui qui fait le carême dans un esprit d’humilité recueillera sûrement ses fruits. Une des préfaces le dit bien : « …tu veux, par notre jeûne et nos privations réprimer nos penchants mauvais, élever nos esprits, nous donner la force et enfin la récompense, par le Christ, notre Seigneur. » (Préface de carême n°4).

II. Avancer au large dans la vie en Communauté Chrétienne de Base (CCB)

Chers frères et sœurs en Christ, dès le début de cette année pastorale, nous avons choisi comme thème ce qui suit : « Avec le Christ, bâtissons des CCB dynamiques, saintes et missionnaires. » Oui la vie de communion ne saurait se construire sans référence au mystère même de notre foi : La Sainte Trinité. Baptisés, nous sommes plongés dans le mystère même des trois personnes divines. Le lien qui devrait prévaloir entre nous chrétiens est moins celui du sang que celui de la foi. Cette communion avec Dieu et avec nos frères dans la foi est une vocation reçue de par notre baptême. Redécouvrir donc le sens de notre baptême c’est aussi redécouvrir le sens de la vie en communauté. Cette vie communautaire s’appuie aussi, comme nous le savons, sur le modèle et l’exemple de la première communauté chrétienne (Ac 2, 42-47). Le choix de construire des communautés chrétiennes vivantes et missionnaires a toujours été la volonté des évêques en Afrique et plus particulièrement au Burkina. Il me plaît de rappeler le nouveau départ impulsé à notre Eglise à l’occasion des 75 ans de l’Evangélisation au Burkina Faso à travers le message des Evêques intitulé les options pastorales fondamentales. En voici les orientations principales :

  • « Nous demandons une pastorale renouvelée par l’imagination et la créativité, pour qu’elle réponde mieux aux besoins de la population (chrétienne et non chrétienne).
  • Nous recommandons de partir de ce que vivent vraiment les gens, leur culture, les mutations socioculturelles dans lesquelles ils sont pris…
  • En conclusion : afin de créer les lieux qui permettront ces expériences de foi, nous choisissons (les Communautés ecclésiales de base) comme cadre d’expression et d’action originale, dans une Eglise-Famille de Dieu à l’image de la Sainte Trinité, des premières Communautés Chrétiennes et des valeurs de la famille en Haute-Volta. »

Ces options sont toujours actuelles et commandent que chacun mette la main à la pâte pour sa réalisation. Les évêques ont vu dans la CCB « un cadre de vie d’Eglise vécue dans un esprit de famille ».

Le temps de carême me permet aussi de revenir sur l’importance de la CCB dans la vie de chaque baptisé. Notre effort à tous est de puiser au fond de nous les forces, les initiatives et les qualités nécessaires pour avancer au large dans le vécu de notre foi en communion avec les autres et surtout en rendant dynamiques et saintes nos CCB.

J’invite donc chaque fidèle à faire un effort pour connaître sa CCB et ses responsables et à s’y engager selon son temps et ses moyens en acceptant les responsabilités ou services qui lui sont confiés.

J’interpelle aussi les différents responsables (les prêtres, les catéchistes, les membres des conseils paroissiaux) à développer des initiatives pour aider tous les fidèles chrétiens à s’intéresser à la vie des CCB.

Que celles-ci s’organisent davantage pour répondre à leur vocation. Elles seront alors des lieux où les chrétiens grandiront les uns par les autres dans la prière et l’écoute de la Parole de Dieu ; des lieux de promotion de la vie et de la personne humaine, des lieux où chacun peut bien rencontrer Dieu et vivre dans la quête de la sainteté. Enfin on s’y efforcera de vivre l’amour universel du Christ, qui surpasse les barrières de langues, d’ethnies ou de conditions sociales (Ecclesia in Africa, n°89).


III. La CCB au service de la vie

Chers frères et sœurs bien - aimés de Dieu, le temps de carême est pour nous un temps de purification et de sanctification au prix de nombreux sacrifices. C’est l’occasion de lutter contre nous-mêmes, nos vices, nos péchés et contre certains fléaux qui minent notre société. Pour plus de témoignage de notre vie chrétienne, je voudrais attirer l’attention de tous les chrétiens qui veulent répondre à leur vocation dans le monde de notre temps sur la dignité de la personne humaine et sur le caractère sacré de la vie.

La dignité de la personne humaine se fonde sur le fait que l’homme est créé à l’image de Dieu. Cela commande que nous ayons du respect pour la vie humaine à tous les stades de son évolution. Je voudrais surtout insister sur la question de l’avortement qui prend de l’ampleur dans nos sociétés dites modernes. L’enseignement de l’Eglise, fondée sur la révélation et les Saintes Ecritures reste invariable à ce sujet. L’avortement reste un acte contre la vie et contre la dignité de la personne humaine : c’est un crime, un délit, un péché très grave, dont l’absolution est réservée aux évêques ou à des prêtres délégués (Canon 1398). Toute personne qui serait responsable, d’une manière ou d’une autre, d’un tel acte, doit s’adresser au curé de sa paroisse. J’en appelle donc à la conscience de chacun sur cette question. Aucune considération ne saurait justifier un tel acte.

La question de l’avortement mérite une grande attention. C’est pourquoi j’invite la Commission Diocésaine de la Pastorale Familiale (CDPF) à trouver et proposer des moyens pour que les jeunes aient une formation adéquate au mariage et les parents des cadres d’accompagnement dans leur vie de couple et de famille.

Il est opportun pour nous de rappeler aussi avec Saint Paul que notre corps est le temple de l’Esprit Saint. Le baptisé doit prendre conscience que son corps revêt un caractère sacré. Et cette inhabitation de l’Esprit en nous nous oriente à vivre selon la volonté de Dieu. Par ailleurs j’invite chacun à faire preuve de discernement dans ses choix en matière de morale, surtout dans ce monde où les moyens de communication poussent facilement à une banalisation du sexe. L’Eglise réaffirme son attachement aux valeurs que sont la fidélité et la chasteté dans le mariage.

J’invite les parents chrétiens à jouer leur rôle dans une éducation responsable des enfants en leur inculquant les valeurs de foi, d’humanisme et de solidarité.

Conclusion

Frères et sœurs en Christ, voici le temps favorable, voici le jour du salut. « Avec le Christ, bâtissons des CCB dynamiques, saintes et missionnaires ». Bon temps de carême et que Marie, la Mère de l’Eglise nous accompagne de sa prière… !

Bonne et sainte montée vers Pâques !


Ouagadougou, le 15 mars 2011

+Philippe OUEDRAOGO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

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